Originaire de la Colombie Britannique au Canada, le concept ANTI-GOD HAND et son nom cryptique propose un « Black » d’obédience légèrement avant-gardiste, en tout cas loin des préoccupations les plus simplistes du genre. Après une première démo distribuée en tape par le label US American Decline Records (Endless Excavated Earth), le quintet s’est donc retroussé les manches et a invoqué le diable pour faire de 2021 SON année, et lance enfin son premier longue-durée autoproduit, en toute discrétion. Dans le domaine du BM, on le sait, tout n’a pas encore été dit, même si les avancées majeures de ces dernières années n’ont été que des extrapolations sur des thèmes déjà connus des amateurs. Ici, la problématique est la même, et si la musique se revendique d’une expérimentation poussée visant même le cœur de l’avant-garde, le résultat n’en est pas moins assez remarquable d’audace, se permettant même des fusions assez peu communes dans le genre.
C’est ainsi que CU (basse), LT (batterie), CE (guitare), AN (guitare) et TR (chant) nous offrent avec Wretch une vision très particulière de l’extrême, vision qui se matérialise dès les premiers instants de l’album. « Forest Outpost », entame comme on en entend assez peu dans la production actuelle, se réserve le droit d’exploiter les possibilités d’un instrumental à la limite du Metal progressif, avec un son de basse très claquant, des riffs fuyants, et quelques licks mélodiques assez caractéristiques de la vague évolutive des années 2000. Très portés sur l’instabilité rythmique consolidée de propos mélodiques prononcés, les canadiens nous époustouflent de leur sens de l’à-propos, et redonnent ses lettres de noblesse au culot du BM le plus aventureux et opaque. Parfois à la lisière d’un Metal plus généraliste et élaboré, Wretch n’aborde jamais le problème de front, et prend des chemins de traverse pour atteindre sa destination : nulle part ailleurs.
Excellents musiciens, très prosaïques et pourtant légèrement rêveurs sur les bords, les membres d’ANTI-GOD HAND fricotent avec le Post, les digressions évanescentes, qui cassent la dynamique d’une puissance totalement dévastatrice, provoquant alors un contraste fascinant sur le morceau « Zero-Harm Environment ». A la manière d’un TERRA TENEBROSA moins obscur et Ambient, les canadiens poussent les limites, jouent avec les codes, et parviennent à créer leur propre monde, fait de chaos instrumental, et de lignes de chant noyées dans le mix. Sans jamais aller trop loin et perdre le fil de leur pensée, sans verser dans la complaisance de titres interminables aux ambitions floues, le quintet sait exactement quand et comment frapper, suscitant parfois les feux de l’enfer sur le terrifiant « Threshold Magic », qui rappelle certaines exactions du label Cold Meat Industriy.
L’aventure est donc passionnante, et nos guides prennent plaisir à nous désorienter dès que l’occasion se présente, c'est-à-dire à peu près tout le temps. Mais ne pensez pas pour autant pouvoir les classer dans la catégorie des schizophrènes de la famille DODECAHEDRON, WOLVES IN THE TRHONE ROOM ou autres MORD'A'STIGMATA/ THANTIFAXATH. La musique développée ici est plus directe qu’il n’y parait, même si les moyens pour l’exprimer semblent inextricables et ineffables. Il s’agit tout simplement de jouer une forme de Black comme des musiciens de Metal Progressif, toujours sur la brèche, et de recouvrir le tout d’idées plus mélodiques et immédiates, à l’image du dédale « Sacred Cannon », qui ressemble à s’y méprendre parfois à un mélange DREAM THEATER/BOTCH repris par ALCEST.
Avec des morceaux n’excédant pas des durées raisonnables, l’album garde son impact, et frappe fort, vite, avant de s’évanouir dans les airs. Il est évident qu’un « Moss Golem » reste l’exception qui ne confirme aucune règle, mais ce long segment n’est en aucun cas une échappatoire egocentrique pour assumer les positions de façon détournée. Construit comme une longue montée mélodique soudainement brisée dans son élan par une explosion rythmique, ce long titre synthétise toutes les influences et références d’ANTI-GOD HAND, entre Post-Hardcore, Post-Black, Black rythmique et osé, et plus généralement, Metal extrême maîtrisé de bout en bout sortant des sentiers battus et rebattus.
Certains rangeront même le tout dans la petite catégorie du Cosmic Metal, ce qui n’est pas forcément incongru, mais au moment de juger de l’optique des canadiens, les classements perdent tout leur sens. Wretch est à découvrir comme pièce unique d’une collection restreinte, une œuvre qui stimule les sens, suscite des émotions, et ne peut laisser indifférent, que vous soyez ou non hermétique au Black Metal. Car la question de savoir si oui ou non ANTI-GOD HAND gravite dans la sphère BM n’est absolument pas d’actualité.
Titres de l’album:
01. Forest Outpost
02. Zero-Harm Environment
03. Threshold Magic
04. Sacred Cannon
05. Snowblade
06. Moss Golem
07. The Axe That Splits the Cedar
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