En 2017, nous attentions la confirmation d’un potentiel énorme dégagé par une petite démo américaine sans nom, flanquée d’une simple date : Démo 2016. Cette confirmation était venue assez rapidement, l’année suivante, par le biais d’un premier longue-durée, Urraca. Aujourd’hui, nous n’attendons plus aucune confirmation de la part de ces musiciens du Minnesota si ce n’est celle d’une qualité constante dans les sorties. Et en 2021, Ylem vient à point nommé prouver que les SUNLESS sont des gens bien à part, évoluant dans un monde de dissonances, de prouesses techniques, de stridences irritantes, et d’un génie de composition tangible à chaque mesure.
Lucas Scott (guitare/chant), Mitch Schooler (basse), Taylor Hamel (batterie). Trois noms qui sont vite devenus les chouchous des rédactions du monde entier, rédactions évidemment perméables à ce Death technique et évolutif qui ne ressemble à aucun autre. La technique ici n’est pas une fin en soi, mais un moyen inévitable d’agencer des plans complexes destinés à construire des ambiances. Depuis son émergence, le trio n’a eu de cesse d’être comparé à d’autres pointures, et il n’est pas rare de lire à son sujet des alignements aussi flatteurs que ceux les plaçant aux côtés de GORGUTS, AD NAUSEAM, HEADSHRINKER, REPLICANT, DISKORD, BLINDFOLDED, ULCERATE, FLOURISHING, et bien d’autres qui eux aussi appartiennent à cette difficile catégorie des « inclassables ». Et en admettant qu’Urraca, aussi parfait fut-il, n’était qu’un galop d’essai, alors Ylem est une course contre la montre que le groupe mène comme un jockey sur de son fait et de son métier.
Eminemment complexe et féroce, la musique de SUNLESS est un genre de labyrinthe urbain dont il est difficile de s’extraire. Comme une plongée dans la psyché torturée d’une humanité à la dérive, leurs morceaux enchevêtrent des plans qu’on peine parfois à distinguer malgré une solide formation musicale, ce grâce à un niveau individuel hallucinant mis au service d’un collectif encore plus époustouflant.
L’osmose entre les trois hommes est patente, et ne saurait être remise en question. Leur seul but est d’illustrer des émotions complexes, souvent refoulées, mais qui remontent à la surface en temps de crise. En posant sur le papier quelques formules, on pourrait résoudre leur équation en remplaçant les inconnues par ATHEIST, DEATH, PESTILENCE, DODECAHEDRON, VOÏVOD, et ainsi obtenir une solution qui sans satisfaire tout le monde, évitera qu’on s’arrache le peu de cheveux qu’il nous reste.
Dieu sait pourtant que les exigences du Death technique et progressif sont nombreuses. Des fioritures, des exploits personnels et d’équipe, une atmosphère étrange et pénétrante, et de l’originalité sans que l’efficacité n’en soit bridée. Et évidemment, avec des musiciens de ce niveau, toutes les exigences sont comblées, au-delà des attentes. En s’appuyant sur un batteur au rendement bluffant, Lucas Scott peut tranquillement égrener ses riffs les plus biscornus, refusant la facilité des graves qui constituent d’ordinaire le quotidien du Death le plus abrupt. Il est même difficile et un peu hypocrite de dénommer « riffs » les sons qui sortent de sa guitare, à quelques exceptions près. Ces discordances, qui s’appuient sur des mesures impaires ou instables sont plus des motifs, des textures, des strates qui permettent d’empiler les sons au-delà du raisonnable, histoire de compliquer encore plus la perception de cette musique qui emprunte au Free-Jazz sa liberté de ton sans nous assommer de longues digressions incompréhensibles. J’en prends pour exemple le monstrueux « Atramentous », prétexte à des délires organisés d’une âme désorganisée, et qui laisse un percussionniste évoluer en roue libre, multipliant les figures à faire vomir tous les équilibristes de la terre.
« Spiraling into the Unfathomable » pose pourtant les fondations, et prévient du chaos à venir. Comme un GORGUTS plus mature que le chien fou d’Obscura, SUNLESS ne conçoit pas la violence comme une succession d’idées logiques, mais plutôt une accumulation d’humeurs exécrables, et pour le moins tordues. Immédiatement, la finesse du propos saisit les sens, sans pour autant que la bestialité froide ne cède un pouce de terrain. Un rythme digne d’un Black Metal des origines, pour des cascades sans filet qui donnent des sueurs froides aux badauds. On peut même parfois se dire qu’un DEATHSPELL OMEGA après une bonne nuit de sommeil et animé d’une humeur badine pourrait produire un boucan pareil, sans avoir à avaler de cachet contre la migraine. Mais les comparaisons sont inutiles au moment de juger de la qualité intrinsèque de ce nouvel album made in USA : il est une pierre angulaire à lui seul.
Inutile dès lors de sombrer dans le piège du track-by-track, même si tous les chapitres sont d’importance. L’intro stellaire de « Forgotten (Remnants of Life) » pourrait donner lieu à des analyses poussées, mais je vous laisse découvrir par vous-même les déambulations, les impasses, les voies à sens unique que le groupe a mis sur votre route. Après tout, le voyage est personnel, et je ne m’arrogerai pas le droit d’en détailler ou expliquer tous les méandres.
Mais je me permettrai quand même d’insister quelque peu sur le caractère frondeur de la conclusion gargantuesque de « Molding Axioms of the Metaphysical ». Evidemment, ce chant sourd et ne manquant pas de rappeler le timbre de bon nombre de vocalistes de l’ombre joue pour beaucoup sur le mystère qui nimbe épais et velu, mais cette arythmie permanente, ces changements de voie prennent encore plus d’ampleur lorsque le chrono oublie sa course, et cet épilogue est exactement le point final dont nous avions besoin pour abandonner définitivement notre santé mentale dans la valise.
Il est possible de prendre les membres de SUNLESS pour des fous géniaux, ce qu’ils sont assurément. Mais je préfère les voir comme des esthètes de l’horreur, qui depuis quelques années, redonnent son intérêt à un genre qui finalement, n’a peut-être pas encore tout dit.
Titres de l’album:
01. Spiraling into the Unfathomable
02. Ascended Forms
03. The Unraveling of Arcane Past
04. Atramentous
05. Flesh-Particle Amalgamation
06. Forgotten (Remnants of Life)
07. Perpetual Contortion
08. Molding Axioms of the Metaphysical
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09