Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. 53 ans, dont plus de 40 passés à défendre la cause Metal, ça se fête comme il se doit. Avec une chronique en bonne et due forme, et sans gâteau, parce qu’arrivé à un moment, il ne faut pas exagérer. Mais quelle chronique ? Un mastodonte ? Une idole ? Un inédit ventru ? Une nouveauté charnue ? Bonne pioche, et direction les Etats-Unis d’Amérique pour faire la connaissance d’un quatuor qui lui aussi, laisse passer le temps pour mieux s’exprimer.
Depuis 2014, nous étions sans nouvelles de nos amis de SCARSIN. Leur premier album, assez détonnant, les avait placés sur la carte de la violence nord-américaine, et puis…plus rien. Même pas un pauvre EP, juste un single plus tôt cette année pour annoncer la suite des évènements. Toujours aussi violents, évidemment. Skash (guitare/chant), Johnno (guitare), Jason Caruana (batterie) et Aaron Nobles (basse, petit nouveau) nous offrent donc pour cette fin 2024 un joli cadeau sous la forme de dix nouveaux morceaux, assemblés pour faire trembler la maisonnée lors des agapes ventripotentes.
Entre Thrash radical et Death mélodique fatal, le quatuor n’a pas choisi, et continue de valser entre les sous-genres pour trouver le sien. Quelque part entre la Bay-Area la plus classique et la Suède des nineties, pour un crossover qui a non seulement la pêche, mais aussi le filet. En autoproduction, Your Kingdom On Fire ne fait guère de miracle, mais fait le job avec une application sans failles. Parsemé de riffs de saison, de cassures maison et de déviations béton, ce deuxième long est solide, prolixe à défaut d’être inventif, et se permet même de recycler des thèmes déjà popularisés par METALLICA sans en avoir l’air.
L’air et la chanson. Tout ce que j’aime pour ne pas me faire de mouron, et pour affronter une nouvelle journée sans trop de bourdon. Agités, animés des meilleures intentions, les originaires de Gary, Indiana parviennent à multiplier les plans comme Scott Ian les « not », et nous confectionnent un costume de brutalité sur-mesure, qui passe sans transition du méchant californien au vorace scandinave.
Un rythme qui change au gré des humeurs, un instinct de hurleur qui se partage entre couinement à l’allemande et grognements à la floridienne, deux guitares qui ne s’en laissent pas conter, et une section rythmique bien assise pour tout supporter. Dès « After Pain », la main est donnée, et elle est ferme. Mais il faut attendre un peu pour avoir droit à quelques friandises pour les esgourdes, lorsque « Defrosting My Victim » s’amuse de ses propres syncopes et de sa gestion du contenu d’un congélateur industriel.
Constant et dense, Your Kingdom On Fire ressemble à un constat de proportions mondiales qui s’échine à recenser toutes les crises et catastrophes que nous traversons. Dans la grande tradition du mélange des genres, SCARSIN se repose sur la dextérité de ses membres pour afficher des prétentions techniques non négligeables, même si l’album ne sombre jamais dans la satisfaction de la démonstration. L’épitomé de la démarche est parfaitement retranscrit par le cruel et mouvant « Strangled », qui serre comme une ceinture de sécurité coincée sur votre gorge après un accident routier. La sensation est pour le moins étouffante, mais les fourmis qui vous agitent les membres témoignent du pouvoir énergétique de ces chansons tout sauf simples. La plupart du temps bâties sur deux ou trois idées différentes, elles distillent une bestialité clinique, comme un découpeur en plein rendement de tranches de jambon.
S’il est possible de trouver l’entreprise un tantinet redondante, on ne peut nier son caractère calorifère. Les titres s’enchaînent sans faiblir, ressassant les mêmes arguments en les modulant légèrement, pour ne pas (trop) laisser une sale impression de surplace. On pourra souligner la stabilité excessive du chant braillard qui finit par lasser, mais on ne contestera pas une envie décuplée par l’attente d’une dizaine d’années pour enfin se redresser.
De là, à vous de faire un choix.
Vous pouvez aborder la montagne par sa face nord et attendre son sommet, ou la survoler et choisir le passage le plus difficile pour vous exercer. Peut-être que la présence d’un titre plus bref et plus fou aurait équilibré l’ensemble, même si « Incinerate » peut être considéré comme tel. Mais avec un timing qui piétine souvent les cinq ou six minutes, difficile de trouver un exutoire valable, à moins de découper en tronçons certaines chansons. Beaucoup d’informations donc, pour un album qui aurait gagné à être épuré, devenant ainsi plus efficace et moins redondant.
Heureusement, certaines allusions sont plus fines, notamment sur le monstrueux « Back to the Grave » qui aère enfin la pièce sans se départir de ces envolées très SADUS, mais aussi « Your Kingdom on Fire », qui incarne le title-track final dans toute sa splendeur.
SCARSIN a encore des réglages à faire, mais son moteur tourne déjà rond. Quant à moi, je tourne en rond. Mais n’est-ce pas le châtiment pour tous ceux qui encaissent le temps comme une grosse calotte de printemps ? Happy thrashday to me.
Titres de l’album:
01. After Pain
02. Meeting of the Flesh
03. Victims of Our Appetite
04. Defrosting My Victim
05. Strangled
06. Failure of Being
07. Incinerate
08. Back to the Grave
09. Inperfections
10. Your Kingdom on Fire
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