Et si Straight From The Horse's Mouth était une carte de visite plus que convaincante, Fall In Line n'est rien d'autre qu'une solide carte d'identité à la photo un peu floue, qui affirme sans imposer, qui laisse deviner sans être catégorique. ZAPRUDER, groupe aux visages multiples reste encore aujourd'hui difficile à cerner. Mais il est d'un autre côté facile de comprendre qu'il est d'ores et déjà un grand sur lequel il faudra compter. Un très grand même.
C’est ainsi qu’il y a quatre ans je concluais ma chronique du Fall In Line des poitevins de ZAPRUDER. Je pouvais me permettre une telle projection, suivant le groupe depuis ses quasi débuts, suite à une prestation live à Saintes je crois, sous les conseils d’une amie. Ce jour-là, sur cette petite scène mal éclairée, j’avais découvert un quintette sûr de son fait, ayant foi en sa musique, qui ne projetait pas encore l’image d’une référence, mais d’une annotation de bas de page donnant envie d’en savoir plus. Et de fil en aiguille, d’EPs en albums, mon intuition de départ s’est confirmée, puisque le groupe a fini par parcourir l’Europe à la recherche d’un autre public. Ce public, ils l’ont trouvé, et beaucoup plus encore. Et s’ils se retrouvent aujourd’hui au catalogue des esthètes d’Apathia Records, aucun hasard n’est à invoquer. Ils le doivent à leur talent naturel, à cette façon d’aborder les choses en dilettante sans occulter l’importance de leur propre affaire. Sans nouvelles d’eux depuis quatre ans, je commençais tout de même à me demander s’ils n’avaient pas disparu corps et âme, mais leur âme est toujours vivante, leur corps aussi, bien que mis à rude épreuve durant l’enregistrement de ce second longue-durée qui confirme s’il en était besoin que ces cinq-là n’en font qu’à leur tête. Depuis leur premier EP, ils n’ont eu de cesse de brouiller les pistes, de nous entraîner sur les traces d’un Post-Hardcore contemplatif, rejoignant les théories de THE OCEAN, tout en gardant un pied dans la violence crue des CANDIRIA, UNSANE, et l’autre embourbé dans la complexité mathématique des DILLINGER. Mais en choisissant une appellation éponyme en guise de témoignage de retour, ils se découvrent enfin, s’accommodant d’une situation globale peu propice au partage, mais terriblement intuitive et libre.
Les ZAPRUDER avec Zapruder nous prouvent qu’ils sont le proverbial lapin caché dans le chapeau. Mieux, ce chapelier fou perpétuellement en retard qui pourtant se fout du temps et des raisons d’être à l’heure, puisque son/leur horloge personnelle est bloquée sur celle du thé. Thé qu’ils ont substitué par de la bière bien sûr, oubliant les politesse d’usage pour se repaître de barbecues, de délires entre potes, et surtout, de musique, ce que les neuf pistes de ce nouvel effort confirment de leur urgence, mais aussi de leur défiance. Enregistré chez Amaury Sauvé, leur éternel ingé-son et désormais 6ème membre du groupe (dixit les arguments promo), Zapruder a bénéficié d’un soin particulier, de ceux que les musiciens les plus libres s’autorisent lorsque le temps de la concentration est venu. Alors, entre deux blagues et quelques bouteilles vidées pour le fun, les cinq olibrius (Isaac: chant, Etienne: guitare/choeurs, François: basse/choeurs, Fiak: batterie/choeurs et Clément: saxo/clarinette) ont fait comme si de rien n’était, et comme si Isaac n’était pas parti s’installer au Canada, les obligeant de fait à ne se retrouver qu’une poignée de journées par an. Sauf que visiblement, cet éloignement géographique s’est transformé en rapprochement d’unité, puisque la nouvelle œuvre fait preuve d’une cohésion incroyable, et d’une puissance bluffante. Oubliées les digressions d’antan, les mélodies qu’on laissait traîner pour leur donner le temps de trouver un sens à la philosophie, l’heure est à la frappe chirurgicale, la violence avouée, et l’attaque permanente. Si les précédents essais prônaient encore une sorte de contemplation zen sur quelques morceaux, inutile d’attendre le même cheminement aujourd’hui. Les ZAP ont décidé de cogner, et d’exhorter cette animosité intérieure à se manifester sous forme de riffs assassins et de rythmiques ne l’étant pas moins. Et avec un timing se resserrant de plus en plus, les poitevins jouent l’économie, mais recentrent les débats et imposent leur second chapitre comme étape essentielle sur un parcours qui les mènera, comme je le disais, très loin. Peut-être même plus loin que le Canada.
Car ils ont beau faire les malins et jouer les branleurs en boit-sans-soif, ces mecs-là ont la classe, une classe typiquement new-yorkaise qui les pousse à mettre la basse en avant et à se montrer de moins en moins allusifs pour laisser parler leur nature profonde. On s’en rend évidemment compte assez vite, mais c’est terriblement palpable sur des cauchemars bruitistes de la trempe de « Fly Me To The Ceiling », presque Sludgecore dans l’esprit, mais toujours aussi Hardcore dans les faits. Cette basse qui claque de sa distorsion, ces guitares lancinantes aux motifs en barbelé, ce chant exhorté comme une douleur de moins en moins contenue sont l’apanage des plus grands du Hardcore, qu’il soit Math, Néo, abrasif ou chaotique. Et ils sont tout ça à la fois, jouant même le second degré ternaire sur l’ouverture cocasse de « I Left My Appendix In NYC », qui singe la vague NOLA avec beaucoup de recul, et qui boogise loup-garou pour mieux se rappeler des MELVINS, de COC, et de tous ces sudistes qu’ils explosent soudain d’un énervement typiquement urbain. La campagne à la ville, comme une banlieue de Poitiers soudainement délocalisée en plein 20ème arrondissement parisien, pour envoyer chier la législation et jouer à fond jusqu’à deux heures du matin pour niquer les voisins. Mais loin d’être de simples agitateurs/provocateurs, les ZAPRUDER sont surtout d’habiles compositeurs. Ils malmènent leur inspiration pour la rendre plurielle, et citer les BREACH, les DEP en compagnie de Mike Patton, tout ça en quelques minutes chrono pour ne pas que la bière ait le temps de se réchauffer. On les imagine très bien ensuqués par le stupre, vautrés sur leur couche, se réveillant soudainement pour plaquer sur bande quelques fulgurances, en se souvenant des exactions des UNSANE et de Ben Weinman pour un « Tongue Twister » que les CANDIRIA eux-mêmes auraient sans doute simplifié.
Malin, très malin.
Avec un son énorme, mais aussi des impulsions en crise de colère, le groupe réadapte les standards d’HELMET dans un contexte de complexité instrumentale outrancière, ramenant Smut le chien dans sa cage rouillée construite selon les plans de Miss Machine. Rien qui ne soit trop long non, puisqu’ils jouent sur l’instant, même si cet instant se veloute d’un sax discret et presque nostalgique sur « Leaving Montreal », évoquant très bien l’exil d’un homme qui finalement, revient chez lui un soir de pluie. Un retour qui s’achève dans la liesse et le bruit d’un « Piss Soaked » encore une fois trempé dans l’acide corrosif d’un Mathcore ludique, presque Zornien dans les faits, mais qui résume très bien ce qu’ont pu ressentir ces marsouins une fois ensemble et coincés dans la même pièce. Et tiens, pour le coup, et parce qu’on ne va pas y passer la journée, je terminerai cette chronique de façon plus lapidaire que les deux précédentes.
ZAPRUDER est le plus grand de nos petits groupes. Et estimez-vous heureux d’avoir pu les connaître un jour.
Titres de l'album :
1.I Left My Appendix In NYC
2.Tongue Twister
3.Half Stache Man
4.Leaving Montreal
5.Dracula Love Hotel
6.Martin Bell
7.Piss Soaked
8.Back In Town
9.Fly Me To The Ceiling
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