La COVID nous a bien pourri la vie pendant deux ans. Empêchant les groupes de promouvoir leurs albums, et condamnant les fans à ronger leur frein en constatant tristement l’annulation des tournées et l’obligation de rester confiné à domicile en écoutant des disques qu’ils n’auraient certainement jamais la chance d’entendre jouer sur scène. Mais en essayant de voir les choses du bon côté, ce fléau a aussi obligé les artistes à trouver des palliatifs, des passe-temps et autres hobbies pour meubler leur emploi du temps, et sans cette catastrophe annoncée, nous n’aurions certainement jamais pu écouter un nouvel album de RAMMSTEIN aussi tôt. Les allemands, bridés par les restrictions et annulations n’ont donc pas pu défendre leur dernier éponyme sur scène et ont donc décidé d’utiliser leur temps intelligemment en composant et enregistrant un nouvel album, trois ans à peine après leur dernière sortie.
Le temps justement, est la plaque tournante de Zeit. Une obsession, une thématique poussée à l’extrême et abordée sous tous ses angles, du vieillissement physique refusé à la solitude, à l’obligation de rester vivre chez des parents abusifs, en passant par la xénophobie galopante, signe des temps, les larmes, les mensonges, les adieux, la tristesse et autres concepts liés à cette horloge dont les aiguilles ne s’arrêtent jamais.
En bons provocateurs, les RAMMSTEIN ont évidemment teasé cet album avec des clips extraordinaires, grotesques et drôles, blockbusters de quelques minutes en ravissement de la fanbase éblouie par ces créations graphiques toujours aussi élaborées. Fidèles à leur tradition, les allemands ont choisi leurs titres les plus évidents pour donner l’appétit à leurs suiveurs les plus gloutons, cachant le reste de leur riche répertoire dans cet album, le huitième du nom, qui finalement, né de la frustration, pourrait être leur plus grande réussite, parce que le plus solide, le plus intime, le plus fragile, et le plus…humain.
Passons sur les évidences, les morceaux que l’on aurait pu dénicher sur n’importe quel chapitre de cette longue histoire entamée dans les mid nineties. Les allusions perverses, les facilités rythmiques, les refrains anthémiques, et les gimmicks gentiment culottés. Car Zeit ne se met pas en avant via ses tubes les plus évidents, « Zick Zack », plaisant, gentiment moqueur et clippé comme un délire de Lady Gaga, ou « Angst », à la rythmique très EBM eighties qu’on déhanchera sur les pistes de danse louches de Berlin. Non, le meilleur de cet album est plus complexe, et sublimé par les poèmes de Till qui y est allé puiser son inspiration pour se mettre à la hauteur de ce concept temporel si inquiétant pour chacun d’entre nous.
Car le temps qui passe est l’ennemi éternel des têtes d’affiche qui peinent à se renouveler, et qui se contentent souvent de relever les compteurs pour repartir en tournée, sans se soucier de leur réputation de tailleurs pour dames en mode sur-mesure. Evidemment, RAMMSTEIN n’est pas encore METALLICA, IRON MAIDEN, SCORPIONS ou autre dinosaure censé rameuter les foules de sa réputation tout en essayant de trousser quelques bons morceaux inédits à caser sur une set-list. Malgré une durée de vie de trente ans ou presque, RAMMSTEIN est une légende encore jeune, comme celle de ses homologues US de SLIPKNOT ou KORN. Une légende qui par le passé a eu tendance à méchamment se répéter, en se bloquant sur des riffs certes efficaces, mais diablement prévisibles. Comme celui utilisé pour gonfler les biceps de « Dicke Titten » (gros seins en VF, fin), preuve de bon goût made in Germany qui replace les grosses poitrines au centre des préoccupations. On connaît la tendance, on sait que le sexe est une partie importante de la personnalité du sex-tet, mais malgré cette accoutumance, on peine à trouver encore un intérêt pour ce Tanz Metal trop facile et interchangeable selon les générations.
Car le temps affaiblit et ramollit les muscles, fait apparaître les rides, oblige les gestes à être plus mesurés, et laisse parfois place à des blancs de lucidité qui préviennent de l’échéance finale à venir.
Sur Zeit, si tout n’est pas excellent, tout est au moins bon. Et lorsqu’il est excellent, cet album est unique en son genre, avec des éclairs de nostalgie qui prennent au cœur et qui donnent envie de se retourner sur le passé voir si on n’aurait pas oublié quelque chose ou quelqu’un sur le bord de la route. Till, chanteur unique au timbre fragile, donne tout ce qu’il a sur ce disque, se montre sous un jour sincère et fragile, et reste le moteur incontestable d’une formation aux liens ressoudés, qui par le passé a dû affronter bien des tempêtes internes pour rester encore en vie en 2022. Sur le magnifique « Zeit », le groupe montre son visage le plus sombre, le plus blafard, et ose le Tanz symphonique, au-delà de Mutter, et plus proche d’un opéra maudit berlinois composé pour des vieillards ayant besoin d’être rassurés sur la vie après la mort.
« Schwarz », noir et mélancolique comme une nuit à Vienne dans la solitude la plus totale, se traine comme une balade amère d’un amour qui se termine, comme un homme qui déambule dans la nuit ruminant sa rancœur, et nous offre un développé lourd de sens et lourd de rythmique, comme des regrets qui pèsent sur un cœur usé par les échecs et qui peine à pomper encore le sang.
Les claviers sont omniprésents sur ce disque. Beaucoup moins ludiques et gadget que par le passé, ils ajoutent à la mélancolie ambiante, et se laissent parfois aller à de vraies mélodies, de vraies lignes directrices, comme pour contrebalancer des guitares souvent bridées et travesties en couches sonores d’arrière-plan. Des guitares qui vieillissent ? Peut-être, ou tout simplement qui ont compris que l’émotion passait parfois par des allusions et non des thèmes imposés par la force, ce qui fait celle de cet album finalement.
Dans la même veine, « Lügen », abhorre le mensonge, le dénonce via le riff le plus touffu de l’album, encore une fois secondé par quelques notes de claviers bien choisies, et un chant qui accepte un vocoder étrange, une façon de célébrer le culte de Giorgio Moroder et de lui rendre hommage d’une façon moins condescendante. Sur ce morceau, Till lâche ses tripes, laisse ses émotions déborder, et nous offre une des plus belles prestations de sa carrière. Alors, on pardonne les erreurs d’appréciation, ces quelques morceaux trop faciles, ce « OK » sans préservatif qui pourtant tape du pied comme un raver sous acides, parce qu’entre le superbe « Armee Der Tristen » et le final gigantesque « Adieu », l’inspiration se montre sous un jour nocturne, et nous convie à un bilan mitigé sur l’importance de notre passage sur terre.
Quand notre heure est venue, il est temps d'y aller.
Amateur de symbolique et de sens à peine caché, le fan se demandera si RAMMSTEIN a fait passer un message avec cet album. S’il a voulu nous dire que pour lui aussi, le temps était venu de laisser le rideau tomber. Entre les algarades internes, les projets annexes, les albums solo et les tentations faciles, on s’interroge encore sur la magie qui a permis au groupe de toujours exister et d’accoucher d’une des œuvres les plus importantes de son répertoire, que l’on rangera non par respect mais par envie et bon sens aux côtés de l’insurpassable Mutter.
Après nous, il y aura un avant.
Mais les choses ne seront plus tout à fait les mêmes.
Titres de l’album :
01. Armee Der Tristen
02. Zeit
03. Schwarz
04. Giftig
05. Zick Zack
06. OK
07. Meine Tränen
08. Angst
09. Dicke Titten
10. Lügen
11. Adieu
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