Et sinon, ça va la Finlande ? Visiblement, oui et non. Si la créativité locale n’est pas à remettre en question, la santé mentale des musiciens du cru semble beaucoup plus sujette à controverse. Vous allez me dire avec beaucoup de sens que ce jugement est légèrement subjectif sur les bords, mais je me porte immédiatement en faux de cette conclusion. Pour la simple et bonne raison que vous n’avez peut-être (certainement) pas encore écouté le huitième album du projet iconoclaste PHARAOH OVERLORD. Mais connaissez-vous au moins le concept PHARAOH OVERLORD? Avez-vous déjà entendu parler de l’entité PHARAOH OVERLORD? Parce que si le groupe PHARAOH OVERLORD ne fait pas encore partie de votre vocabulaire quotidien, il est temps d’y remédier céans, et histoire de vous aider dans cette tâche, j’ai répété le nom du projet un bon paquet de fois histoire qu’il s’incruste dans votre mémoire. Et une fois que vos délicates oreilles se seront posées sur leur musique, je vous garantis que vous ne les oublierez plus jamais, ou au contraire que vous ferez tout pour ne plus jamais vous en souvenir.
Pourquoi ces deux possibilités si tranchées ? Parce que leur musique n’est pas ce que l’on pourrait définir comme étant mainstream, et que les bougres, au cours des années, ont tellement muté qu’il devient difficile aujourd’hui de les reconnaître, tels qu’ils se présentaient aux origines…Après tout, les mecs ont tâté de tout depuis le début de l’ère 2K. En commençant leur périple par un genre de sous proto-Stoner, ils balisaient un terrain connu, avant de flirter avec le Post-Stoner, puis le Metal pur et dur, à tendance Speed parfois, pour mieux se barrer en vrille sur le terrain du…
…du quoi au juste ? Je n’en sais absolument rien, si ce n’est qu’ils tiennent absolument à se voir accoler l’étiquette psychédélique, comme c’est indiqué sur leur page Facebook.
Et psychédélique, ils le sont quelque part. Mais pas forcément, et en tout cas pas que. Ils sont aussi moyennement Rock qu’ils sont simili-Electro, ils sont aussi peu Stoner qu’ils ne sont pas Hardcore, et s’ils empruntent à l’Indus ses répétitions obsessionnelles, ils n’abusent pas de son ambiance âpre, et ont plutôt tendance à rechercher des couleurs sombres, mais peu contrastées. Cyclique, le mot est lâché, et autant y adjoindre un peu d’histoire. Né donc à l’orée du nouveau siècle, les finlandais venant du groupe originel CIRCLE (une autre tendance, mais la même propension à la déroute continue) ont donc publié en moins de vingt ans huit albums, dont deux sous le nom légèrement biaisé de PHARAOH OVERLÖRD (#4 et Out Of Darkness, mais ne vous en faites pas, ce sont exactement les mêmes musiciens), petit tour de passe-passe subtil qui leur a permis de s’éloigner de leurs propres sentiers même pas battus. Parce qu’il est très difficile de suivre la piste de ces lascars, et en se référant uniquement au petit monde clos du Metal, les comparaisons deviennent très difficiles, à moins de citer un dédoublement léthargique des SHINING au saxo sans saxo…Mais en osant juxtaposer les images musicales des SISTERS OF MERCY, des FIELDS OF THE NEPHILIM version apocalypse redux, d’un KRAFTWERK plus smooth que réellement növö, et en citant l’ouvre d’un FAUST soudainement passé du côté redondant de la barrière, il est possible d’imaginer en surface l’image sonore projetée par le trio (Jussi Lehtisalo, Janne Westerlund et Tomi Leppänen), auquel s’est adjoint un duo régulier (Antti Boman (DEMILICH) and Hans Joachim Irmler (FAUST, mais pas celui des Tapes, l’autre), sans pour autant réussir à entrevoir leur démarche. Mais si les efforts ne vous répugnent pas, que les répétitions progressives vous fascinent, et qu’une expérience hors du commun peut vous séduire, alors le voyage astral proposé par Zero risque de vous enchanter au-delà de vos attentes les plus folles.
Finalement, je vous en ai trop dit, et dévoilé pas grand-chose en même temps. Mais comment disséquer des morceaux qui s’étalent entre quatre et neuf minutes, qui ne dévient que très rarement de leur thématique de départ, qui ne proposent la plupart du temps ni couplet, ni refrain, ni break, mais qui digressent à l’envie sur quelques démarcations plus ou moins uniformes, et qui sont dominés par des arrangements outer space, et contenus par une voix caverneuse et monocorde ? C’est une tâche en effet pour le moins ardue, et à moins de croiser une bonne poignée d’espèces déjà existantes pour tenter l’hybridation ultime, je ne vois pas franchement de parallèle probant qui puisse vous mettre sur la bonne voie. Celle choisie par Zero est fort linéaire et tortueuse à la fois, ne défie pas franchement les dogmes de Lunar Jetman, le LP précédent (publié en 2012), tout en en incarnant une extension logique et probante qui ose quand même quelques nouvelles humeurs. Mais pour avoir une idée précise du contenu artistique et musical de ce huitième LP, n’importe quelle chanson suffit, puisqu’elles sont toutes similaires et différentes à la fois. Mais si vous optez pour la solution la plus longue, jetez votre dévolu sur l’hypnotique et tantrique « Lalibela Cannot Spell Zero », qui pendant neuf minutes pile s’évertue à rendre l’imperceptible palpable, au travers d’un crescendo orgasmique de sons en écho, d’arrangements spatiaux, de lignes vocales en rame de métro, et…j’en passe et des meilleures. Mais l’art consommé du contrepied total des finlandais s’y trouve magnifié et incarné, puisque les cinq-cent-quarante secondes proposées ne changent jamais de tonalité, et se prennent pour une improvisation totale, dans un genre de détournement du Blues à des fins psychédéliques et légèrement Rock. Légèrement, parce qu’on ne peut pas affirmer sans paraître hors-contexte que les PHARAOH OVERLORD le sont complètement. Ils le sont d’ailleurs à peu près autant que les DEVO, ou même que SUICIDE, et empruntent aux premiers leur sens du dadaïsme prononcé, et aux seconds leur goût antique pour la provocation naturelle et épidermique.
Pourtant, on sent des effluves de Nick Cave dans l’intro de « Satavuotiaiden Salaisuus », qui joue enfin la musicalité à la MORPHINE diluée dans la méthadone QUEENS OF THE STONE AGE. Certes, ça ne module pas plus qu’un long instrumental des FLOYD en pleine descente de génie, mais c’est efficace, grâce à cette guitare au son très fifties, à cette basse mutine qui butine, et à ce dégueulis vocal qui se prend pour Bigfoot au printemps. « I Drove All Night by My Solar Stomp » aurait pu ramener Cindy LAUPER dans le giron des HAWKWIND, mais préfère singer les voisins de THE NIGHT FLIGHT ORCHESTRA, en troquant leurs préoccupations Pop Vintage pour des obsessions French Touch assez massives. Et que dire de « Revolution », qui en intro ose la contre-révolution en plus de huit minutes, en calant une seule ambiance truffée de bruitages divers mais liée fermement à un seul riff gluant…Bref, ça va la Finlande ? Oui, ça va plutôt bien dans la douleur, puisque ces foutus musiciens locaux se cognent des tendances et continuent à jouer le prosélytisme déviant. Mais j’aime bien cette façon de prendre les gens pour des imbéciles en les rendant plus intelligents. Mais là encore, la subjectivité est de mise. A contrario des modes d’emploi, qui ont dû être égarés par la poste…
Titres de l'album:
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