Vous n'êtes pas censé ignorer que régulièrement, j'interviens sur des chroniques "vintage", un peu atypiques, destinés à vous faire (re)découvrir des albums honteusement passé à la trappe de l'histoire.
J'y reviens donc aujourd'hui, pour vous conter fleurette sur fond de Thrash tardif, mais qui mérite quand même votre attention.
Formé en 1987, à Concord, Caroline du Nord, le quatuor DENIAL aura connu le sombre destin des héros qui ont dépassé le timing, et qui sont arrivés trop tard pour pouvoir prétendre aux honneurs.
Le Thrash, cette musique née en Californie a fait les beaux jours des amateurs de musique extrême de 83 à 89 dirons nous, avant que le Death et le Grind n'emportent tout sur leur passage, sacrifiant au passage des albums qui auraient mérité plus d'exposition. Malheureusement, à l'orée des années 90, tout le monde s'en moquait depuis longtemps, et la vague Grunge n'allait pas tarder à tout balayer de sa tornade à la mode.
Qu'est ce qui différencie les DENIAL (John Lawther, basse; Kelly Rodgers, batterie, Keith Earnhardt, guitare, et Jeff Triece, guitare et chant) d'autres OS perdus pour le compte, qui ont pourtant sorti un jour des albums impeccables, qui, parus quelques années plus tôt, aurait sans aucun doute remporté l'adhésion? Rien, si ce n'est que leur unique LP, Antichrist President est une authentique réussite du genre, jetée disons...trois ou quatre ans trop tard.
1991 pour le Thrash, c'était déjà hors cadre. Le Heavy montrait un dernier regain de popularité (METALLICA, GUNS, et DEF LEPPARD vendait encore quelques millions), et le Death se taillait la part du lion, avant que NIRVANA, ALICE IN CHAINS et PEARL JAM n'enrôle la jeunesse X dans ses rangs. Pas facile alors d'intéresser le public avec des exactions datées, aussi essentielles soient elles.
Essentielles, le mot est fort. DENIAL n'a pas inventé la poudre, n'a pas fait preuve d'une grande témérité, et, comble de la malchance, fut signé sur un label à la réputation catastrophique, New Renaissance, jouet d'Ann Boleyn, régulièrement raillée pour le manque de qualité de sa distribution.
Mais, tout ça n'empêche aucunement Antichrist President d'être un des meilleurs albums de série B paru au début des nineties, et ce, haut la main.
Forts d'une démo et d'un premier EP (No Comment, enfin réédité), les quatre DENIAL ne se sont pas posé de questions pour composer ces huit morceaux, et ont fait appel aux recettes les plus éprouvées et fiables du style. Riffs d'acier très saccadés, soupçon de mélodie, chant hargneux, et rythmique véloce et polyvalente, tout est passé en revue le long de ces huit titres qui font étalage d'une belle créativité, même si celle ci reste en terrain balisé.
Les influences sont notables, de TESTAMENT pour les instants les plus mélodiques, à VIO-LENCE pour les passages les plus furieux, en passant par MORTAL SIN pour les riffs accrocheurs, et de ce côté là, DENIAL avait fait très, très fort.
En prenant pour exemple le monumental "Third World Nation" qui en 1987/88 aurait fait un carton plein, il est facile de comprendre pourquoi l'oubli auquel le groupe a été condamné est profondément injuste. Intro à la TESTAMENT de "The Ballad", couplets propulsés par un riff redondant et saccadé, chant convaincant au phrasé précis, basse qui colle et rebondit à la OVERKILL, et break ultra rapide à la VIO-LENCE, tout est là, et tellement bien fait qu'on y retourne au fil des écoutes. Soli propres, accumulations de plans sans surcharge, et ce petit plus amateur qui assure un surcroît de saveur. Ne le nions pas, DENIAL était atteint dans les passages les plus speedés du syndrome VIKING, avec une rythmique pas toujours très carrée, mais peu importe. C'est tellement efficace qu'on se laisse prendre au jeu. Et lorsqu'ils balançaient un brûlot de la trempe de "Antichrist President", tous nos scrupules de solfège s'envolaient, tant l'attaque était franche et solide.
Ce qui était fascinant sur cet album, c'est la facilité avec laquelle les quatre musiciens arrivaient à meubler des pistes longue durée. Même sur six minutes, ils parvenaient toujours à trouver LE lick de guitare qui tuait, LE break qui relançait tout, grâce notamment à une paire de guitariste affûtés et inspirés, et à une basse purement Core et claquante.
Les ambiances étaient soit lourdes et graves ("Insane Asylum", qui rappelait autant les mésestimés E-X-E que MEGADETH), soit basées sur des mid tempi teigneux et grondants ("Reality Of The Masses", en ouverture ça frappe et ça fait mal, avec ce break central à la MEKONG DELTA), ou parfois complètement hystériques et sans scrupules (le final exubérant "Serpent's Bite" et son cachet NUCLEAR ASSAULT très prononcé), mais toujours de bon ton, même quand le timing laissait un peu traîner les choses.
Outre "Third World Nation", "Sentenced" et ses six minutes et quelques faisait aussi office de locomotive pour l'album, avec sa longue entame grave et menaçante, tendue par une basse toujours aussi présente. Plus de deux minutes avant d'entamer les débats, avec une double grosse caisse qui surgit enfin pour soutenir un solo à la King/Hanneman. Puis le Thrash pur reprend ses droits, toujours avec ce phrasé de chant soutenu et précis, un peu EVIL DEAD dans l'esprit, le côté Death en moins, un peu HOLY TERROR sur les bords, évoquant même dans les secondes les plus Heavy nos NO RETURN nationaux. En gros, l'abécédaire qu'il fallait réciter, mais...plus tôt pour encore avoir une chance de survivre.
Certains s'étonneront de mon enthousiasme, jugeant la pièce plutôt convenue, et ne méritant certainement pas son prix d'échange de cinquante dollars sur Ebay (en version New Renaissance bien sur). Il est vrai que cet Antichrist President n'apportait pas grand chose à la cause, mais il n'a jamais prétendu le contraire. Il n'est rien d'autre qu'un très solide album de Thrash, sorti juste au moment ou les cadors du genre commençaient à sauter du train en marche (METALLICA, MEGADETH, ANTHRAX), sombraient dans le coma (EXODUS), ou se consacraient à d'autres jeux, en durcissant leur son, ou en retournant complètement leur veste.
Outre son titre faisant écho à MANSON des années en amont, ce seul et unique LP de DENIAL est je le répète un grand moment de Thrash bourré à craquer de riffs bien sentis et facilement mémorisables, de rythmiques explosives et percutantes, et mené par un frontman qui savait grogner sans geindre. De la même qualité qu'un Mayhemic Destruction de MORTAL SIN, ou qu'un Oppressing The Masses de VIO-LENCE.
Une réhabilitation? C'est en partie possible, puisque une page Facebook est disponible (certes, pas vraiment réactualisée), qui indiquait il y a deux ans une possible réédition de No Comment par le label Heaven And Hell (NDR : réédition effective depuis rédaction de cette chronique). Mais que cela ne vous empêche pas de jeter vos deux oreilles sur Antichrist President, pour peu que vous soyez toujours fan de toutes les références énoncées dans cette chronique.
Titres de l’album :
01. Reality Of The Masses
02. Insane Asylum
03. Third World Nation
04. Antichrist President
05. King Of Darkness
06. Sentenced
07. Mass Graves
08. Serpent's Bite
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