En 1991, les RHCP - comme leurs fans aiment à les appeler - ne sont pas encore le méga groupe de stade que l’on connaît aujourd’hui. Ils sont encore un quartette d’outsiders dont la musique séduit un nombre croissant d’amateurs de sensations épicées, conquis par ce savant mélange de Métal dru, de Funk cru, et de réminiscences Hardcore des débuts.
Après quatre albums au professionnalisme de plus en plus prononcé, leur following commence à être sérieusement conséquent. Du séminal et éponyme premier effort, ayant posé discrètement les bases du travail à venir, au festif Mother’s Milk payant son tribut aux idoles/influences (La décapante version de « Higher Ground » de Stevie WONDER, l’atomique et supersonique « Fire » de papa HENDRIX), la musique des RED HOT n’a eu de cesse de s’affiner pour devenir une redoutable machine à hits déviants (« Me And My Friends », « Subway to Venus », « Sexy Mexican Maid », etc…). A l’instar d’autres combos tels PRIMUS, les RED HOT CHILI PEPPERS ont vite compris que le Métal à lui seul n’était source suffisante de plaisir lorsque ses propres goûts comprennent des artistes aussi versatiles que Frank ZAPPA, Robert JOHNSON, FUNKADELIC, PARLIAMENT, et autres Tom WAITS.
On peut appeler ça la revanche de l’underground authentique. Ne faire aucun compromis, n’enregistrer que ce que bon vous semble, et attendre que le public fasse le premier pas. Et vous consacre groupe majeur. Alors bien sur, dans le cas des RHCP, le problème de la compromission reste épineux. Pour en arriver à jouer dans des stades, il faut forcément mettre un peu d’eau dans son vin. Et devenir, quelque part, un poil mainstream. Ce qu’ils sont actuellement, n’en déplaise à leurs hordes.
Mais en 1990, ils n’étaient encore que des espoirs, un petit groupe sur lequel une major ose miser, en pariant sur le long terme. Alors certes, les quatre albums initiaux étaient sortis sur EMI America, mais pour Blood Sugar Sex Magik, c’est Warner Bros qui rafle la mise. On change de créneau, et du coup, on n’a plus le droit à l’erreur. Il faut une œuvre phare, iconique, et fédératrice, tout en restant un minimum roots.
Mais après la perte d’Hillel Slovak, mis à terre par un shoot de trop, l’affaire devenait compliquée. Certes, John Frusciante, son successeur n’avait rien à lui envier niveau technique, mais quid de la folie ? De cette énergie incroyable, et de cette capacité à décocher des riffs qui semblaient tout droit sortis d’un asile d’aliénés funky ? La sobriété n’étant pas encore de mise à l’époque, ce petit nouveau allait apporter la rigueur, la Hendrix soft touch dont le groupe avait besoin pour franchir un palier supérieur, qui avait failli d’ailleurs être passé à l’occasion de Mother’s Milk, premier à franchir la barre de l’or.
Et dans la foulée, on change de producteur. Exit le trop métallique Michael Beinhorn, qui avait considérablement agacé Frusciante de par son insistance à un peu trop appuyer sur l’overdrive et multiplier ad infinitum les overdubs. Car cette fois ci, on veut du cool, du californien. Du at home. Alors bienvenue au gourou du platinum album, celui qui avait fait briller le morceau de charbon intense qu’était Reign In Blood.
Adepte de la bride laissée large, de la créativité individuelle, et du « Bon, allez-y les gars, je reviens ». C’est vrai que Rick Rubin ne convenait pas à tout le monde. Un peu trop…vaporeux. Mais dans ce cas précis, les mecs voulaient faire un peu ce qu’ils voulaient, à leur rythme. Il fallait du bucolique magique. Ca tombe bien, Rubin leur propose un lieu unique, propice à tous les délires. The Mansion, l’ancienne demeure du roi de l’illusion, Harry Houdini. Oui oui, celui capable de s’extirper d’une malle en feu enchaîné de toute part. Et ça tombe bien, car les RED HOT s’apprêtaient à commettre un des plus gros hold-up des 90’s.
Ils avaient quand même bien préparé leur affaire. Kiedis et Frusciante avaient déjà construit la structure de pas mal de morceaux en amont, histoire d’avoir quelque chose de concis à proposer une fois l’enregistrement commencé. Moins de friche, plus de culture. Ne restait plus à Smith et Flea qu’à tricoter un tissu rythmique élastique pour relier le tout. Et au vu des circonstances de la conception du LP, ils allaient pouvoir s’y mettre à la cool…
Chacun disposait d’une chambre perso bien sûr (bien que Kiedis préférait faire les trente minutes de bagnole le séparant de chez lui tous les matins), mais ils pouvaient jouer leurs parties où bon leur semblaient, dans le salon, à l’étage, seul, à deux, en trio…Et du coup, cette liberté soudaine débridait leur moteur, et rien ne semblait pouvoir les arrêter. Rubin laissait tourner les magnétos, et vogue la galère…Pour une œuvre riche et luxuriante, plus proche d’une version single LP de Songs In The Key Of Life, que de la concision urbaine de The Clash.
Et comme lors d’un banquet pour lequel les invités ne sont pas forcément triés sur le volet, il y avait à boire et à manger sur Blood Sugar (on ne tarda d’ailleurs pas à ne plus prononcer les deux derniers mots du titre, trop long les gars…). Des traces tenaces du passé, des ouvertures vers l’avenir, de la fusion inhabituelle, un peu de Folk, du Hard, de la Pop, des blagues, du tragique, et de la figure imposée. Rubin use de son pouvoir pour obliger Kiedis à écrire certains lyrics, hot rod and women first, chose pour laquelle le fantasque leader n’est pas vraiment fait, et pour laquelle il se pliera de bien mauvaise grâce.
Mais pour assimiler le RED HOT d’avant, et comprendre celui à venir, il faut d’abord écouter Blood Sugar de part en part et y déceler tout ce qui a fait et fera l’identité de ce combo à part, toujours prompt à dégainer dare-dare et à se casser sans refaire son plumard. Du sang, du sucre, du sexe bien sur, et une bonne part de magie.
Cet album ressemble en tout point à un bazar de luxe. Les saillies caliente d’autrefois, sont toujours là, bien sur, en version american light, plus dosées en tomate et expurgées de l’excédent d’épice. « Power Of Equality » reste une introduction soft, sorte de trait d’union discret entre le passé urgent de Mother’s Milk et les futures années Stadium Arcadium. Flea, pivot de la bande, acrobate de l’impossible sur ses quatre cordes tendues comme des fils de fer au travers de la route, décide tout à coup que la théorie du less is more lui convient à merveille. Ses parties de basse sont plus sobres, exit le slap de malade, et bonjour les déliés en arabesque qui mélodisent l’ensemble. Mais même dans ce registre, il excelle et reste en selle. Et devient de fait LE bassiste imparable des 90’s, capable de donner du relief à une country song usée jusqu’à la corde du lasso.
Au rayon du rodéo le caleçon plein de tacos, « Funky Monks », « Suck My Kiss » (et son texte qui aurait fait blêmir un Plant des grands jours) et « Give It Away » sont en première ligne. Ce dernier finira d’ailleurs clippé en noir et argent, pour un résultat très esthétique et pour le moins groovy. C’est du RED HOT de tradition, un peu allégé ne le nions pas, mais toujours efficace. Flea s’en donne à cœur joie dans les glissés, avec un Chad Smith en appui qui pulse autant qu’il ne flotte, avec une frappe toujours précise et percutante.
Niveau inédits/digressions, il est impossible de passer à côté de « Breaking The Girl », sinueux à souhait, et qui aurait pu inspirer un Perry Farrell un peu campagnard et primesautier. Pas étonnant que quelques années plus tard, un certain Dave Navarro soit venu taquiner la six cordes aux côtés d’Anthony et les siens…Reste un morceau aux fortes connotations psychédéliques, c’est l’héritage 70’s qui revient de plein fouet, même si l’on sent un petit arrière goût amer derrière les paysages fleuris.
« If You Have To Ask » et « I Could Have Lied » sonnent paisibles et enjouées. Sans doute de par le fait que les RHCP enregistraient à leur rythme, à la cool, sans pression. Encore la Rick Rubin’s touch… « Naked In The Rain » est assurément un gros morceau de l’album, qui décidémment, ne cesse de se faufiler entre les styles, pour finalement aboutir à la gestation d’un nouveau. La Fusion peace. Rien ne semble forcé dans ces sillons, tout coule de source…
Sans détailler les dix sept titres de ce monument, il convient bien sur de finir par une brève analyse de deux chansons clé, pour deux raisons bien différentes d’ailleurs…
La première, « Under The Bridge », est bien sur LA demi-ballade qui fit grimper l’album dans les charts. Cette année 1991 sera d’ailleurs fertile en blue songs métalliques affolant les compteurs et permettant à des albums entiers de vendre plus que de raison.
Mais si parfois le succès fut galvaudé, celui des RED HOT est complètement mérité. Cette bluette aussi nostalgique par sa musique que plombée par son texte (un poème déniché par Rubin lui-même, qui l’imposera à Kiedis, à son grand dam au départ…), sera sauvée de la tristesse totale par une intro enjouée et inspirée de Frusciante, qui souhaitait contrebalancer par quelques notes optimistes un ensemble assez lourd. Cette chanson deviendra bien sur un hymne aussitôt adopté par les fans, et marquera les mémoires de ses harmonies amères, hantées par le chant si délicat d’un Kiedis au sommet de son art.
La seconde, « They’re Red Hot », est bien sur un pied de nez fantastique, un piment servi après le dessert et la coupe glacée. Emprunté au diabolique Robert Johnson, cette interprétation permet de fermer la page avec une dernière petite blague, et rappeler à leur public que même quelque peu radoucis, les RHCP n’en restent pas moins d’indécrottables farceurs. C’est un petit épilogue épileptique, aussi sec et nerveux qu’un coup de trique, mais qui donne envie de remettre l’album au début, et de repartir à l’aventure. Bien vu.
Le même reproche reviendra souvent à l’égard de Blood Sugar Sex Magik. Trop. Trop long, trop de chansons, trop varié, trot tôt. Pourtant, comparé aux deux doubles pavés balancés par les GUNS la même année, il semble bien sobre et digeste à posteriori. Mais il est vrai que les braquages précédents étaient rapides, et frappaient fort et juste. Blood Sugar, au contraire, emprunte des chemins de traverse pour mieux nous perdre, histoire de nous retrouver sur quelques titres forts et mémorables. Mais vingt ans après, il apparaît toujours aussi jeune, et novateur. Hors norme, hors mode. Et il rejoint donc sans aucune difficulté les plus grands LP du Rock, au sens le plus large du terme.
Titres de l’album:
01. The Power of Equality
02. If You Have to Ask
03. Breaking the Girl
04. Funky Monks
05. Suck My Kiss
06. I Could Have Lied
07. Mellowship Slinky in B Major
08. The Righteous & the Wicked
09. Give it Away
10. Blood Sugar Sex Magik
11. Under the Bridge
12. Naked in the Rain
13. Apache Rose Peacock
14. The Greeting Song
15. My Lovely Man
16. Sir Psycho Sexy
17. They’re Red Hot
Ho là, on paraît décidé à exhumer pour leurs trente ans tous ces albums incontournables de nos années au lycée ! J'avais exploré RHCP à cause de celui-ci principalement, qui avait eu un impact à la hauteur de ses dimensions colossales auprès des musiciens débutants, des fans de musique fraîche et fusionnant (…) les influences, et porté par deux énormes tubes au moins que les plus réfractaires ne pouvaient pas ignorer. C'était l'un des albums dont tout le monde parlait autour de moi, pendant des années (combien la New Wave paraissait ringarde et le Metal primaire pour ces gens, en passant). Comme BSSM est resté sans successeur pendant quatre ans, il était encore un passage obligatoire quand j'ai voulu sortir de ma petite zone de confort monotone et explorer d'autres univers musicaux alors en vogue. Sa densité, sa variété m'ont accroché quelque temps, les œuvres précédentes du groupe puis "One Hot Minute" paru sur ces entrefaites, un peu moins. Puis je me suis installé dans le Metal plus pur et j'ai rompu assez facilement avec Red Hot au bout d'un an environ de cohabitation.
Avec le recul du temps passé et d'un goût plus défini, cela reste quand même un album assez gigantesque, sans les facilités désespérantes de stars des radios de Californie et d'ailleurs. Créatif et cohérent, hyper maîtrisé à en faire baver les novices, Funk en diable… La seconde face souffre de longueurs incontestables mais une fois qu'on l'a lancé il est difficile de rompre le charme.
Un album qui de la première a la dernière note est simplement parfait. Tout est bon. Les compos sont toutes géniales on ne se lasse jamais. Et le son de Rubin est parfait pour ce disque. Même aujourd'hui on dirait que ce disque est sorti hier. Les disques parfaits sont rares et celui en fai partie haut la main.
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