Je m’en souviens comme si c’était hier. J’étais au collège, et nous avions dans notre groupe d’amis un jeune musicien talentueux, dont le grand frère était en quelque sorte une bible musicale. Il connaissait tous les groupes, dénichait les imports, et nous rêvions en écoutant cet ami nous parler de ces disques fabuleux qui tournaient sur la platine chez lui…Malheureusement, l’homme était comme la fourmi, très peu prêteuse, et refusait catégoriquement de fixer sur nos cassettes vierges désespérées des exemples des dits vinyles extraordinaires. En insistant un peu, certains parvenaient à leurs fins, et c’est par ce moyen indirect que je pus enfin me faire les oreilles sur ce groupe dont on parlait tant à l’époque, mais que peu avaient eu la chance d’écouter. Et sans exagérer la légende, sans en rajouter pour gonfler l’anecdote, il ne fallut à HELLOÏSE qu’une minute et trente seconde pour me convaincre du caractère indispensable de sa démarche. Peu à l’époque étaient conscients que le Hard-Rock prenait un virage différent qui allait l’emmener vers les cimes des classements et l’acceptation par le grand public. Les groupes, à de rares exceptions près, étaient encore marginaux, réservés à une bande de sauvages ne comprenant à la musique et capables de supporter un volume de décibels déraisonnable. Et mis à part DEF LEPPARD et son explosif Pyromania, peu avaient déjà tenté l’hybridation entre Metal en fusion hérité de la NWOBHM et Pop plus séduisante. Il faudra attendre 1986 et la sortie de quelques LPs plus fédérateurs, l’avènement mondial de BON JOVI, EUROPE et POISON pour que la plèbe découvre que le Hard-Rock n’était pas que clous, histoires horrifiques et spandex gonflés à l’entrejambes par l’ajout astucieux d’un concombre. Mais HELLOÏSE en 1985 était un nom qui ne voulait pas dire grand-chose aux hordes métalliques, et encore moins à ceux en étant étranger. Mais les initiés, ceux faisant partie du petit cénacle savaient que Cosmogony était un petit chef d’œuvre d’ingéniosité et de séduction à peine déguisée.
HELLOÏSE fut fondé en 1984 par le batteur Ernst van Ee, qui fut le présentateur vedette de plusieurs émissions sur Free Radio Rotterdam, et le guitariste Ben Blaauw, après leur départ de HIGHWAY CHILE pour divergences d’opinions. Ayant emprunté leur nom à Héloïse, une intellectuelle du Moyen Âge, épouse d'Abailard, dont les lettres restent un des fondements de la littérature française, le groupe se compléta vite de l’arrivée de Stan Verbraak (ex-ZEBRA) et d’Arjan Boogerds et Marchell Remeeus, respectivement guitariste et bassiste (tous deux ex-LEMMING). Un an plus tard, le groupe est le seul représentant Hard-Rock à atteindre la demi-finale du tremplin De Grote Prijs van Nederland, et signe dans la foulée un juteux contrat avec WEA. C’est ainsi que le groupe se retrouve en studio sous la houlette du producteur John Sonneveld (NORMAAL, VENGEANCE, SLEEZE BEEZ, VALENSIA et GOLDEN EARRING) pour enregistrer son premier LP, ce Cosmogony dont tous les amoureux de la mélodie n’ont jamais oublié la rencontre, un beau jour de 1985, ou un peu plus tard…Fondamentalement, et en restant objectif, cet album n’avait rien de révolutionnaire à l’époque. Il ne se voulait pas l’équivalent d’ouverture sur le grand public de la vague FM naissante, ni l’élévation intellectuelle et technique des QUEENSRYCHE ou CRIMSON GLORY. En évoluant dans un créneau assez incertain, il se mettait même à dos les férus de pur Heavy Metal qui ne le trouvaient trop abordable, tandis que les amoureux des harmonies regrettaient le parti-pris un peu trop Heavy. Mais ceux dont l’ouverture d’esprit était assez grande pour accepter que deux morceaux aussi différents que « Cosmogony » et « Run a Mile » cohabitent sur la même face à cinq minutes d’intervalle ont immédiatement adopté ce groupe hollandais étrange et magique qui en quelques minutes était capable de vous évader de votre routine scolaire trop pénible.
Comme je le disais plus en amont, HELLOÏSE n’a eu besoin que de quatre-vingt-dix secondes pour me convaincre qu’il allait devenir l’album d’une vie. Les quatre-vingt-dix premières secondes du morceau « Cosmogony », qui avec une intro, un couplet explosif, et un refrain homérique étaient capables de persuader n’importe quel hard-rockeur qu’il avait affaire à un disque d’exception. Et comme le reste du morceau était taillé dans le même Rock, il était impossible de résister à cette démonstration de savoir-faire euphorique. On pourrait d’ailleurs comparer cette prise de contact avec l’entame historique du « Future World » de PRETTY MAIDS, qui présentent tous les deux ce caractère frondeur et anthémique. Il n’est d’ailleurs pas incongru de voir en Cosmogony un mi-chemin parfait entre PRETTY MAIDS et HEIR APPARENT. L’efficacité Heavy et le sens de la mélodie Pop des premiers, et la sophistication presque progressive des seconds, pour un disque qui ne semblait admettre aucun temps faible. Immédiatement, je fus frappé par l’ampleur du son, qui semblait sortir de haut-parleurs fantômes cachés dans la pièce, inventant le 5.1 avant la lettre.
Les guitares rugissaient, la rythmique tonitruait de ses graves, la basse proéminente mais pas trop gonflait le tout, et le timbre de voix puissant et racé de Stan Verbraak envoyait les chansons vers les cimes d’un Hard-Rock mélodique descendu du paradis, ce que confirmait le hit « Broken Hearts », que les SCORPIONS auraient pu composer en compagnie de RAINBOW. Deux morceaux, la donne était sur la table, deux as, avant que bizarrement pour un album de cet acabit, une ballade ne s’invite en troisième chapitre. Et malgré sa tendresse de surface, « Run a Mile » était tout sauf une cassure romantique dispensable, ses harmonies se répandant délicatement dans nos petits cœurs déjà blessés par des amours fantasmés. Avec l’apport aux claviers de Robert-Jan Stips (SUPERSISTER, GOLDEN EARRING, THE NITS), ce sublime morceau achevait le triptyque magique et lâchait le troisième as sur la table. Des chœurs magnifiques, pour une ambiance cotonneuse propice aux rêveries les plus tendres.
Mais alors que les plus hargneux s’inquiétaient de la tournure des choses, craignant une mièvrerie persistante, le terrible « Die Hard » déboulait sans prévenir comme un mid-tempo diabolique, avec ses six minutes presque progressives. Décidément bien en place, Stan Verbraak dominait de son velouté un rythme échevelé, achevant de valider la comparaison avec le futur PRETTY MAIDS de « Yellow Rain ». Première face impeccable, ne restait plus qu’à retourner le disque pour savoir si le groupe allait maintenir la cadence, mais « Ready for the Night » avait tôt fait de nous rassurer de sa hargne raisonnable, avec encore en exergue une mélodie finaude aiguisée par un riff simple, mais persuasif. « For a Moment » temporisait légèrement AOR, avec ses synthés proéminents, réconciliant JOURNEY avec le Heavy Metal européen d’ACCEPT, avant que « Gates of Heaven » n’accélère le tempo à la manière d’un BALANCE dopé à l’énergie de Californie. Ne supportant pas les plans cliché, ne tolérant pas les baisses de régime, les néerlandais visaient le sans faute, et s’en approchaient dangereusement, lâchant en final le long et hypnotique « Hard Life », au motif plus convenu, mais au rendement vraiment effectif, encore une fois grâce à l’utilisation très intelligente des chœurs et d’arrangements sobres, mais pertinents (ces fameux claquements de doigts en gimmick facile, mais contagieux).
Musiciens brillants évitant la démonstration, chansons travaillées, utilisation incroyable de la mélodie dans un contexte clairement Heavy, tout était fait pour que cet album explose comme la référence qu’il était. Malheureusement, à l’époque, la Hollande n’était pas l’épicentre du Heavy comme l’était sa voisine l’Allemagne, et malgré le soutien d’une major comme WEA, Cosmogony ne connut qu’un succès d’estime. Un an plus tard, Polarity, toujours sur WEA confirma les qualités du groupe, avant qu’il ne disparaisse pendant des années. Il se reforma dans les années 90, lâchant coup sur coup les intéressants A Time & A Place For Everything et Fata Morgana, mais aucun des deux ne parvint à égaler la magie de ce premier album unique. Un album parfait, qui me rappelle à chaque fois ces années collège si heureuses et synonymes de découvertes précieuses que le temps n’a jamais pu effacer de sa cruauté.
Titres de l’album :
01. Cosmogony
02. Broken Hearts
03. Run a Mile
04. Die Hard
05. Ready for the Night
06. For a Moment
07. Gates of Heaven
08. Hard Life
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