Lorsque cet album est lâché sur le marché, en 1992, personne ne sait d’où il sort, de quelle galaxie il provient, ni quel est son but. Personne ne sait qui se cache derrière les pseudos dignes d’un Black Metal encore balbutiant, mais tout le monde est clairement intrigué par la démarche. Depuis longtemps, le secret a été éventé, celui de l’identité de ses protagonistes, et même les non-intitulés cryptiques des morceaux qui finalement en étaient vraiment. Mais le mystère de PAN.THY.MONIUM ne s’arrêtait pas à ces détails anecdotiques, ne faisant qu’accentuer la mystique d’un album qui proposait autre chose que l’underground de l’époque. Depuis presque trente ans, la valeur ajoutée de Dawn of Dreams n’a cessé de grandir, et pas seulement parce sa tête pensante est considérée comme l’une des figures majeures de l’extrême depuis l’orée des années 90. Evacuons le mystère assez rapidement pour nous consacrer à la musique, la facette la plus importante de cet album opaque. Oui, PAN.THY.MONIUM était en 1992 l’œuvre d’une figure assez connue de la scène, Dan Swäno, qui depuis les mid eighties s’échinait à faire évoluer sa vision du Metal le plus extrême possible. Son aventure avait commencé en 1985 avec la première démo de GHOST, et avait continué doucement et progressivement avec d’autres maquettes, dont celles d’UNICORN, ou MASTICATE. Mais en 1989, l’homme créa ce qui reste aujourd’hui son invention la plus fertile et populaire, EDGE OF SANITY. La Suède à l’époque était le nouveau terreau du Death Metal froid et clinique, avec l’avènement de ses têtes de file ENTOMBED, DISMEMBER et tous les autres acteurs du studio Sunlight. Mais EDGE OF SANITY avait quelque chose de différent, alors même que son premier album ne sortit que plus tard. En 1991 d’ailleurs, Nothing But Death Remains prit à rebours les fans avec son optique ambitieuse et presque progressive déjà. Evidemment, Dan allait développer ces aspects sur des albums à venir, mais on en sentait déjà les prémices sur ce premier LP de PAN.THY.MONIUM, alors promu par la référence incontournable de l’époque, Osmose Productions.
Formé avec des frères d’armes d’EDGE OF SANITY, des membres d’OPHTALMIA et autres collègues avant-gardistes, PAN.THY.MONIUM était alors le secret le mieux gardé de l’underground suédois, révélé partiellement par un label français. Mais personne, en achetant ce mystérieux CD ne savait vraiment ce qui l’attendait à l’intérieur. La pochette cheap ne donnait aucune indication, si ce n’est que le voyage risquait de nous élever au-dessus des nuages, et les crédits n’offraient que des pseudos et des intitulés anonymes. Découpé en sept mouvements, Dawn of Dreams n’était pas vraiment l’aube des rêves promise, mais plutôt un crépuscule de cauchemars du Death logique et implacable avec sa vision progressive et son déroulé plein de surprises. La première fut de découvrir que le premier chapitre s’étendait sur plus de vingt minutes, chose évidemment rarissime dans la production de l’époque. “I” comme on l’appelait encore dévoilait tout ce que le Death progressif et expérimental allait devenir dans les années 90, après avoir été présenté comme le style le plus direct et morbide qui soit. Vingt-et-une minute d’expérimentation sonore, que l’on ne pouvait qualifier de technique, mais qui présentait un caractère expérimental très culotté, et pas seulement à cause des claviers et du saxophone manipulés par Äag et Day DiSyraah. Il est certain que le synthé était rare dans le Death depuis ses débuts, du moins jusqu’à la sortie du premier LP de NOCTURNUS. Le saxo en revanche, semblait totalement incongru en tant qu’instrument de torture, avant que les groupes norvégiens ne s’en emparent pour en faire une composante à part entière, notamment dans SHINING. Mais en 1992, l’étonnement céda vite la place à l’admiration pour les uns, et le dégoût pour les autres, trop déstabilisés pour vraiment apprécier ce travail titanesque qui emmenait l’extrême vers d’autres horizons, moins directs et moins facilement atteignables. Il fallait en effet faire un effort de tolérance pour assimiler cette suite de riffs tous plus inextricables les uns que les autres, ces breaks totalement incongrus empruntés au Free-Jazz, alors que la trame de base de Dawn of Dreams relevait du Death le plus grave, le plus bestial, le plus sourd, et le moins compromis possible.
Là est la prouesse réussie par PAN.THY.MONIUM. Ne faire aucune concession dans le fond, mais agrémenter la forme d’une touche de folie complètement hors contexte en 1992. Certes avec le recul, l’opération ne semble pas si culottée que ça, et depuis, nombre d’artistes sont allés encore plus loin dans l’hybridation, créant même parfois de nouveaux courants aussi minimalistes que stupides. Mais à l’orée des années 90, alors que la scène Metal comptait ses victimes tombées au chant d’horreur de Seattle et acceptait le virage extrémiste pris par le Death, le Grind, et bientôt les assouplissements de la Fusion et l’ouverture du Néo-Metal, ce premier LP faisait figure d’ovni, et pas seulement à cause de toutes les caractéristiques déjà énoncées. Mais aussi parce qu’il gardait le cap pendant quarante-quatre minutes, se payant le luxe de rester cohérent sur la durée, et toujours aussi extrême dans la mise en forme. Au-delà de la mise en bouche roborative de « I », le reste du répertoire était tout sauf du remplissage pour boucher les trous laissés par le pavé, et des morceaux comme « VI » ou « VII », accentuaient encore plus la singularité de ce Death abyssal souillé de saxophone et de synthé, comme si l’éthique Death n’avait aucune importance. Bien sûr, encore une fois avec le recul, et connaissant les talents de musicien et de producteurs de Swäno, rien d’étonnant à ce que très tôt, il ait senti l’appel du large, et ait versé dans l’avant-gardisme le plus hermétique. Mais même ce côté expérimental ne parvient pas à altérer la qualité intrinsèque de l’album en le dissimulant derrière une caution arty, l’album ayant gagné depuis longtemps ses galons d’œuvre pionnière et fondamentale. Certains s’en gargarisent même par pur snobisme aujourd’hui, sans vraiment en comprendre l’importance, et l’alternative qu’il proposait à la linéarité des chefs de file, ou à la démesure narcissique des plus techniques (ATHEIST, DEATH, CYNIC). En mélangeant la froideur des premiers NIHILIST, l’audace de NOCTURNUS et la folie d’un musicien suédois complètement en roue libre, Dawn of Dreams réconciliait le public avec les crimes de lèse-majesté orchestraux de CELTIC FROST sur Into the Pandemonium, tout en gardant l’apnée d’IMMOLATION sous le coude.
Avec un peu d’imagination, on peut considérer PAN.THY.MONIUM comme un mélange entre le PROTON BURST de La Nuit et une forme larvée d’ABRUPTUM produite par Bill Laswell. L’image est volontairement provocante, à l’image d’un disque qui n’a toujours pas fini de livrer ses secrets, comme en témoigne le long final hypnotique et Industriel de « VII ». Il n’est d’ailleurs pas anodin de constater que l’album se termine par un ultime solo hystérique de saxo et non par un hurlement ou une dernière prouesse aux percussions. Puis le silence. Le silence interloqué de tous ceux qui ont découvert un jour que leurs cauchemars pouvaient être encore plus effrayants que leur routine.
Titres de l’album :
01. Untitled (« Raagoonshinnaah »)
02. Untitled (« Eepitaffph »)
03. Untitled (« Sieegeh »)
04. Untitled (« IV »)
05. Untitled (« Zenotaffph »)
06. Untitled (« Amaraah »)
07. Untitled (« Ekkhoecce II »)
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49