(NDR : Chronique rédigée en 2010, reproduite ici pour fêter les 30 ans de l'album)
Ce qui a toujours caractérisé NAPALM DEATH, c’est son intelligence. Je ne parle pas au niveau des textes, mais du comportement et des choix à faire. Et c’est une constante dans leur carrière.
Après deux albums quasiment insurpassables en intensité, en puissance et en haine sonore, le groupe sent qu’il faut trancher dans le gras, et se séparer des parties les plus embarrassantes. Ayant encore effectué un nettoyage en règle (néanmoins non volontaire) au niveau de son line up, avec le départ de Lee DORIAN parti former CATHEDRAL, et bientôt son label, Rise Above Records, et Bill STEER, qui rejoint de fait les apprentis fromagers de CARCASS, ND va en faire de même avec son style.
Il faut bien comprendre que le groupe a un message à faire passer. Et qu’il est très difficile de le répandre lorsque presque personne ne vous comprend. Je défie tout anglophone d’apprentissage (à contrario des anglophones de naissance, quoique…) de comprendre un vers entier de Scum ou F.E.T.O. sans avoir recours à une lecture des paroles imprimées.
Et il faut aussi admettre qu’après plus de 50 titres entièrement dédiés au Grind, il devient évident que le syndrome du chien qui se mord la queue n’est pas loin.
Alors, NAPALM DEATH choisit la voie du crossover. En insufflant une forte dose de Death à sa musique, il en garde l’essence, conserve le fond, tout en apportant de profondes nuances à la forme.
Mick et Shane, les deux seuls survivants, embauchent pour cette entreprise Mitch Harris (aucun lien de parenté entre le batteur et le guitariste), membre de RIGHTEOUS PIGS, Jesse Pintado des cultes TERRORIZER, et louent le gosier caverneux de Mark « Barney » Greenway, transfuge de BENEDICTION.
Avec cette solide formation, qui restera plus ou moins la même jusqu’au bout (à une ou deux variantes près…), ND se sent pousser des ailes et maximise son impact en solidifiant la sauce. Au risque de s’aliéner la frange la plus extrême et la plus Punk de son auditoire, le groupe prend un maximum de risques, se fait produire par l’incontournable Scott Burns, et prend un virage à 90 degrés.
Dès le premier titre « Vision Conquest », pourtant un des plus faible, le son surprend agréablement les oreilles, et la composante de la mort entre en jeu. Définitivement intégré au monde du métal grâce à l’apport de ses deux nouveaux guitaristes, le combo se la joue Suicidal Tendencies, et quitte presque définitivement les rivages punkoïdes anglais.
Le chant poussé mais intelligible de Barney offre une tribune jusque là inédite, et à condition de bien nettoyer son marteau et son enclume, on arrive presque à saisir l’intégralité du propos. D’aucuns ont déclaré à l’époque que Harmony Corruption avait fait rentrer ND dans l’âge du professionnalisme. C’est un fait.
Plus de course contre la montre, malgré une foultitude de passages défonçant toutes les limites de vitesse, un sens affiné du break bien placé, de longues tirades lourdes et pesantes, NAPALM signe son allégeance au Death Metal extrême, avec en guise de caution morale, deux figures du style venus apposer leurs chœurs doucereux sur l’énorme « Unfit Earth », j’ai nommé le grotesque Glenn BENTON et le pape de l’onomatopée d’outre-tombe, John TARDY.
Harmony Corruption est sans doute l’album dans lequel ND viendra piocher le plus souvent lors de ses incartades live (« Suffer The Children », « If The Truth Be Known », « Unfit Earth » et « Malicious Intent » restent encore des classiques sur scène). Avec une fois de plus des textes dans la plus droite lignée du social/individualisme anglais, tels l’écologie (« Unfit Earth »), l’asservissement du peuple par les arcanes du pouvoir (« If The Truth Be Known »), la Religion (« Suffer The Children »), et les addictions diverses (« Mind Snare »).
Pour les die hard, cet album sonnera le glas de ND. Pour les nouveaux fans, un commencement. Pour les vrais fans, une étape de plus sur un long chemin dont on n’a heureusement pas encore vu le bout.
Les deux morceaux les plus solides, « Unfit Earth » et « Suffer The Children », dament alors le pion à bon nombre de formations Death de l’époque, et comme le disait Metal Hammer dans sa chronique « propulsent NAPALM DEATH pas si loin de MORBID ANGEL ». Vous pouviez rêver plus beau compliment ?
En toute subjectivité, si l’on excepte un son pas toujours à la hauteur, notamment pour la batterie (quoique la basse…Le mini solo de « Inner Incineration » prouve que les British n’ont pas perdu leur sens de l’humour !), Harmony Corruption reste selon moi le Magnus opus des flingués de Birmingham, celui où ils ont su mieux que quiconque établir la frontière entre bruit et vacarme contrôlé, ou la puissance et la vitesse sont les mieux dosées. Rien que d’entendre Barney et Tardy hurler « Silent screams, from an unfit earth, a future of provocation with nowhere to go” me file encore la chair de poule…
Alors maintenant, vous savez quoi faire si ce Cd n’est pas déjà sur vos étagères. Car il constitue un des chapitres les plus importants de la carrière de NAPALM DEATH, et surtout le dernier avec Mick HARRIS derrière les fûts.
Comme d’hab, il est sorti sous différentes versions, la première avec le Cd live Live at the ICA in London, puis avec juste le titre « Hiding Behind » en sus, et une dernière avec le Maxi « Mentally Murdered » à la suite.
De quoi faire de jolis cadeaux.
Tracklisting :
01. "Vision Conquest" 2:42
02. "If the Truth Be Known" 4:12
03. "Inner Incineration" 2:57
04. "Malicious Intent" 3:26
05. "Unfit Earth" 5:03
06. "Circle of Hypocrisy" 3:15
07. "The Chains that Bind Us" 4:08
08. "Mind Snare" 3:42
09. "Extremity Retained" 2:01
10. "Suffer the Children" 4:21
11. "Hiding Behind" (bonus track) 5:15
12. "Rise Above" (bonus track) 2:42
13. "The Missing Link" (bonus track) 2:17
14. "Mentally Murdered" (bonus track) 2:11
15. "Walls of Confinement" (bonus track) 2:56
16. "Cause and Effect" (bonus track) 1:26
17. "No Mental Effort" (bonus track) 4:08
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