(NDR : Chronique publiée sur Metal-Impact en 2008, reproduite ici pour les 35 ans de l'album)
Il en est de certains albums, comme des souvenirs de jeunesse. On s’en souvient la larme à l’œil, se rappelant le moindre détail, les lieux, les émotions, les personnes présentes ce jour là. Une expérience sensorielle qu’on est pas le seul à partager, et qu’on aime se remémorer encore et encore au travers des années…
Si vous êtes nés plus ou moins en même temps que moi, alors vous avez connu de près la grande révolution du Hard-Rock des 80’s, ses groupes émergents, ses nouveaux styles, ses vieux dinosaures cherchant une deuxième jeunesse…
La Californie, le Glam, le Hard-Progressif, le Thrash, le Death, Tampa, la Bay Area, Queensryche, Iron Maiden, Ratt, Poison, le Van Halen avec Sammy Hagar, Headbanger’s Ball, Zegut, etc…
Il n’y a rien de honteux à regarder vers le passé quelquefois surtout lorsqu’il abrite de si beaux souvenirs. Aller au bahut l’air insouciant, une nouvelle pépite à faire découvrir aux potes dans le sac US, et des heures à passer à essayer de décrypter la nouvelle offrande venue des USA, ultra-violente, méga-glitter ou je ne sais quoi…
L’histoire de DEF LEPPARD a des allures de tragédies, et en a même pris la forme plus d’une fois. 1983, un album d’apparence anodin, à la pochette énigmatique, mais qui contenait son lot de pépite à faire fondre le plus enragé des funkys. Avec pour seul bagage un génie de composition, et un producteur qui savait parfaitement vers quels sommets emmener ses poulains, les DEF LEP ont conquis le Billboard, les minettes, et les aficionados d’un Hard-Rock léché mais puissant, truffé de mélodies à tomber par terre.
6 millions d’album écoulés et quatre ans plus tard, un accident de voiture qui a coûté le bras à son batteur n’ont pas suffit à briser les rêves de gloire de ces gamins de Sheffield, et même si ce 4ème album à l’époque prenait des airs d’Arlésienne comme le Chinese Democracy de Sir Axl de nos jours, l’histoire était déjà en marche…
Un artwork bizarre, 12 titres, et une durée globale de près de 63 minutes. Autant d’indices pour nous mettre la puce à l’oreille. Les enfants de l’Amérique qui dominait toujours crânement le monde n’attendaient sans doute plus grand-chose du quintette, certains avaient même presque oublié leur nom, mais Hysteria allait bien vite leur rappeler.
Il fallait bien qu’à un moment donné, quelqu’un pose le diamant sur les sillons, et la curiosité presque morbide l’emportant sur la crainte, les notes commencent alors à s’égrener…
« Women » résonne et les craintes deviennent alors quasiment palpables. Un son quasi New-Wave, des guitares éparses, une batterie électronique…autant d’ingrédients susceptible d’attiser la colère des Heavy-Metal kids du monde entier. Et pourtant, en fouillant bien derrière ces apparats propres à séduire les charts du monde entier, on sent bien que le LEP à encore des choses à dire. « Rocket » déboule avec ses lyrics tout en come-back d’un ex-fan des sixties, son refrain synthétique, et ses lignes de guitare tout en subtilité. 6 minutes de délire total, des arrangements tellement léchés qu’ils en deviennent inhumains, et des percussions incessantes mettant en relief un break quasi inédit dans notre pauvre petit monde peuplé de certitudes distordues.
Et puis vient « Animal » et son apparente nonchalance. Je cherche toujours à percer le secret des noms des Dieux venus souffler aux oreilles du groupe une mélodie si parfaite. Plus qu’un hit, c’est la bande son d’une jeunesse révolue et pourtant toujours aussi vivante. L’ABéCédaire d’un combo au somment de son art qui a connu tellement d’épreuves qu’il sait qu’il n’y a plus rien sur terre qui puisse enrayer sa détermination. Un refrain imparable au son poli à l’extrême par un magicien des consoles, des chœurs qui font passer n’importe quel album de QUEEN pour une vulgaire démo d’un groupe de troisième zone. Certains brandissent le manuel d’un savoir-faire de vieux briscard, moi je vous parle de génie absolu. La plus belle chanson que le Hard-Rock nous ait offert, rien de moins.
« Love Bites », ou comment offrir aux hordes patchées et badgées LA ballade qui usera plus de mouchoirs que « Stairway To Heaven » en son temps. Des arpèges doucereux à la basse ronde comme le dos d’un hérisson perdu sur une nationale, des voix entremêlées au solo quasi parfait, rien n’est laissé au hasard et c’est tant mieux. Joe et sa bande jouent comme à la parade, et savourent d’avance les millions de pétales de roses que le destin va enfin faire voler sur le tapis de leur histoire.
Le second degré confondant d’ironie des lyrics de « Pour Some Sugar On Me » n’arrive pas à occulter le fait qu’il s’agisse la d’un des premiers Rap-Hard de l’histoire. D’aucuns ont parlé de mélodie impossible à chanter sous la douche, la version acoustique les renverra s’acheter leur premier gel au monoï. Les riffs sont puissants, le phrasé impeccable, et le drum-kit parait secoué de tous les bords par une frappe sèche et sure. Pour un batteur amputé, le pattern ne parait pas joué par un manchot…
« Armageddon It » sent l’excuse de fin de face mais il n’en est rien. C’est une fois de plus une tuerie qui achèvera bien des stadiums lors de la tournée marathon à suivre. « You know you can’t stop it, so don’t rock it », on va se gêner tiens….
A peine remis du trauma de la première face, il nous faut pourtant enchaîner et passer la seconde, le souffle toujours coupé. Et ça n’est pas « Gods Of War » qui allait nous assurer un temps mort pour pouvoir réfléchir…De l’intro mystérieuse à l’entrée du tempo, tout est (a)ménagé pour nous enfoncer encore un peu plus dans le rêve. Cette ligne de basse qui caresse dans le sens du poil, ce lick de guitare magique, jusqu’à l’entrée en piste d’un Eliott qui passe en quelques secondes en voix de tête…magique tout simplement…6 minutes et 37 secondes à savourer seul ou en groupe, pour mieux en appréhender l’alchimie. Un son qui envahit la pièce et qui corrompt les âmes…
« Don’t Shoot Shotgun » est un quickie heavy qui sonne comme le petit frère de « Stagefright », la rage mieux contrôlée. Rien à redire, c’est parfait. Et pour bien faire comprendre aux ados que la rage est toujours là, on enchaîne aussitôt sur « Run Riot », brûlot comme seuls les léopards savent encore en faire. Le fantôme d’AC/DC n’est pas loin, mais relooké à l’extrême, décortiqué, et assemblé à l’envers pour mieux perdre les détracteurs qui accusaient de plagiat il n’y a pas si longtemps. Au risque de perdre son âme ?
Certains l’ont affirmé haut et fort à l’écoute de la blue-song éponyme, « Hysteria ». Non, juste une adaptation à certains standards de l’époque, et surtout, la seule manière de pouvoir continuer son chemin dans sa configuration d’origine. Impossible de laisser son frère Rick sur le bord du chemin. Alors on trifouille, on nettoie, on fait briller le son jusqu’à pouvoir l’intégrer dans un contexte encore assez Rock. Vous en connaissez beaucoup des groupes capables de se battre jusqu’au bout pour garder en leur sein un batteur ayant perdu ¼ de ses possibilités ?
Non.
« Excitable » est bien sur un plaisir solitaire mineur, mais il est presque avoué scientifiquement qu’il a des vertus thérapeutiques. C’est presque trop Pop, mais on savoure dans son coin, parce qu’une fois de plus, l’efficacité est maximale. « Love And Affection » est peut être le titre de trop, celui qu’on a le moins de peine à zapper pour se remettre un des 11 autres…
Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…mais vivre à leur façon en écoutant ce qui restera sans doute le plus bel album de tous les temps, en ce qui concerne notre style de prédilection.
Pour certains, rien ne surpasse « Led Zeppelin 4 », pour d’autres c’est « Ace Of Spades », « Powerslave », « Operation Mindcrime »…
Pour moi, rien ne pourra mieux symboliser ma jeunesse que cette année 1987. Première « vraie » copine, entrée au lycée, bande de potes soudés. Et Hysteria comme bande son d’une insouciance que je ne retrouverai plus jamais. On se souvient de son premier baiser avec une émotion maladroite. On se souvient des chahuts dans la cour de récré avec tendresse. On se souvient de son adolescence avec nostalgie.
Hysteria est tout ça, et plus encore pour moi. Et 20 ans après, je l’écoute toujours avec une petite larme au coin de l’œil.
Parce qu’il est plus qu’un album pour moi. C’est le journal intime de moments gravés pour l’éternité que je ne retrouve que dans mes rêves parfois, et que je ne veux jamais oublier….
Titres de l’album :
01. Women
02. Rocket
03. Animal
04. Love Bites
05. Pour Some Sugar on Me
06. Armageddon It
07. Gods Of War
08. Don't Shoot Shotgun
09. Run Riot
10. Hysteria
11. Excitable
12. Love And Affection
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