Si vous connaissez cet album, il n’y a pas trente solutions. Soit vous êtes un véritable passionné du Hard français des années 80 et un complétiste indécrottable, soit vous étiez proche des musiciens impliqués dans le projet, soit vous êtes tombé sur cet album par hasard à l’époque (auquel cas, vous pouvez le remercier, il vous a fait un joli cadeau…) soit vous l’avez découvert à postériori grâce à la légende née sur Internet, qui depuis son émergence à grande échelle permet de réhabiliter des œuvres complètement passées inaperçues à l’époque. Je l’avoue, je fais partie de la dernière catégorie, et j’ai appris à connaître PONCE PILATE grâce aux obsédés de l’inédit et de la perle rare qui animent des blogs aussi passionnants que riches en découvertes. Et je remercie grandement celui ou celle qui m’a permis d’écouter Les Enfants du Cimetière, les disques de cette trempe étant plutôt rares de nos jours, et encore plus à l’époque. PONCE PILATE est en quelque sorte une énigme magnifique, et surtout, le résultat de la passion de deux hommes pour une musique à part, en convergence des genres, et qui ne tenait surtout pas compte des modes en cours de son temps. Plus qu’un groupe, nous parlons-là d’un duo, celui formé par Yann Parpeix (chant, guitare, batterie, claviers) et Christian Dussachal (basse), à Tours en 1979, et qui n’aura laissé pour seule trace discographique que cet unique album qu’il est aujourd’hui encore relativement difficile de définir. Hard Rock par un fond agressif, progressif pour sa volonté mélodique complexe, Rock plus généraliste lorsque l’ambiance s’allège, sombre, unique, et reflet d’une époque ou le cloisonnement ne touchait pas tout le monde dans le domaine du Rock lourd. Alors que leurs contemporains les plus fameux choisissaient de choisir et d’opter pour leur influence favorite (MAIDEN, SCORPIONS, DEEP PURPLE, METALLICA, JUDAS), les PONCE PILATE préféraient zoner dans les couloirs du temps pour s’imprégner des seventies autant que des eighties. C’est pour ça qu’on retrouvait dans leur musique des éléments d’IRON MAIDEN, mais aussi d’ANGE, ALICE, et pas mal d’autres chantres de la mélancolie progressive et Folk d’une décennie fleurie.
Cet album est donc rare à plusieurs niveaux. Il l’est sur un plan commercial, puisque le vinyle fut autoproduit et ne sortit qu’à cinq-cents exemplaires, en faisant l’un des collectors les plus difficiles à trouver et les plus chers (pas moins de cent-cinquante euros pour en obtenir une copie valable), mais aussi sur un plan artistique, la musique présentée en ces sillons n’ayant que peu d’équivalent en 1985. Alors que le monde du Metal s’apprête à connaître sa grosse mutation et à s’installer dans les foyers grand-public, Yann Parpeix choisit une option moins simple et opte pour un crossover de légende, en convergence des styles cités plus haut. Bénéficiant d’une excellente production malgré ses petits moyens, Les Enfants du Cimetière était à l’image de sa pochette, noir et blanc et brumeuse, et ne se livrait qu’aux oreilles les plus rompues à l’ouverture. En choisissant de flanquer son premier et unique LP de cette photo inquiétante et intrigante, le duo de tourangeaux prenait le contrepied de ses collègues de l’époque, et évitait les clichés Metal les plus lénifiants. Mais ce qui est remarquable ici, c’est le travail accompli par Yann Parpeix, musicien surdoué comme les générations en connaissent une poignée, et qui en sus de la guitare et du chant, se chargeait de la batterie et des claviers, joués comme un piano et non comme un simple gimmick destiné à conférer une patine commerciale à la musique. C’est sans doute pour cette raison que les comparaisons avec DEEP PURPLE et URIAH HEEP n’ont pas manqué, et l’intro de « Ponce Pilate » n’est pas sans faire penser au Shock Rock de la décennie précédente, mais aussi aux comédies musicales de Broadway. Et cette pluralité d’inspiration permettait à l’album de se démarquer de la normalité de production des mid eighties, sans doute un peu trop d’ailleurs, ce qui n’a pas permis au groupe de récolter les lauriers qu’il aurait mérité. Guitariste très capable, batteur efficace, chanteur convaincant, pianiste élégant, Yann dominait de son talent les chansons de ce disque, elles aussi difficiles à situer, puisque passant d’une ambiance à l’autre avec un flair assez bluffant. Il n’est pas rare en effet qu’un morceau se pare d’atours classiques et Néo-Folk avant de verser dans le Heavy Metal le plus saignant, celui que pratiquait MAIDEN sur ses deux premiers albums, alors que d’autres perles comme « Les Cloches de l’Enfer » et sa délicatesse se lovaient au creux des côtés les plus romantiques de SORTILEGE et WARNING.
Mais dès le départ, et après une intro mettant dans le bain, Les Enfants du Cimetière étonnait, déstabilisait, et obligeait l’auditeur à puiser dans ses connaissances pour se laisser aborder. En choisissant un Hard Rock teinté d’arrangements Space Rock, le duo se rapprochait d’HAWKWIND et des seventies, évoquant même le bruit d’un flipper descendu d’une galaxie Hard-Rock éloignée. S’il sonnait la plupart du temps unique et décalé, le groupe savait aussi s’accommoder d’accents plus volontiers Rock, avec même des inflexions Boogie qu’on retrouvait chez les STOCKS ou GANAFOUL (« Violence et Faits Divers »), sans jamais repiquer des plans trop évidents à ses copains. Mais ce sont évidemment les morceaux les plus excentrés et étranges qui fascinaient le plus, avec en premier lieu, le tendu et emphatique « La Vierge de Fer », qui n’aurait pas dépareillé sur Iron Maiden ou Killers. Rythmique à la « Running Free », tierces de guitare symptomatiques, le tout enrobé dans une couleur de kermesse Metal sentant bon la campagne, avant qu’une soudaine cassure presque élisabéthaine ne vienne interrompre l’avancée pour nous propulser dans un univers plus grandiloquent et mélodique. Mélangeant avec bonheur les couleurs et les teintes, le duo n’avait pas peur de se mettre à dos un public plus friand de plaisirs faciles, et c’est sans doute ce qui leur a couté une plus grande exposition (ça et le faible tirage de l’objet en question évidemment). Alors, tout y passait pour rester original, du chant parlé pour raconter l’histoire de Ponce Pilate, jusqu’à ces claviers omniprésents ne rongeant pas le frein de l’agressivité des guitares, les parallèles avec le Michel Polnareff le plus classique (« Morphine Queen », dont les premières secondes ressemblent à une reprise du « Bal des Lazes » par GOBLIN pour un giallo inédit de Dario Argento), lyrisme du chant, soudaines montées en puissance purement Heavy Metal, et final envoutant, plus volontiers Rock et Hard, mais toujours dominé par la théâtralité du chant de Yann Parpeix (« Les Anges de Balthazar »).
Vous l’aurez compris, il y avait donc peu de chances pour que PONCE PILATE incarne le fer de lance du Hard français de la seconde moitié des eighties, eu égard au parti-pris complexe et trop riche choisi. N’ayant que peu de choses en commun avec la vague des SATAN JOKERS, ADX, HIGH POWER (quoique ces derniers étaient sans doute ce qui se rapprochait le plus de cette musique), SORTILEGE et autres DEMON EYES et FISC, les deux originaires de Tours ont fait ce qu’ils ont pu avec leurs maigres moyens, et ont donné une leçon de créativité à toute la vague Hard française de l’époque. Réédité en 2017 par le label grec No Remorse Records, Les Enfants du Cimetière est à nouveau écoutable par le plus grand nombre, et je ne saurais que trop vous conseiller d’acheter ce CD avant qu’il ne soit trop tard (limité à cinq-cents exemplaires). Histoire qu’il ne connaisse pas le même sort que le LP sorti trente-deux ans plus tôt…
Titres de l’album:
01. Prologue
02. Imagine
03. Violence et Faits Divers
04. Les Cloches de l’Enfer
05. Laetitia
06. La Vierge de Fer
07. Ponce Pilate
08. Isthar Vandemm et Gosthal
09. Morphine Queen
10. Les Anges de Balthazar
J'ai en vinyl. Acheté sur la commune Cour-Cheverny en Loir et Cher, là ou les deux protagoniste se sont rencontrés.
Bonjour Trooper
Je viens de lire ton commentaire
Peut-être on se connait puisque je suis un des protagonistes de cet album et donc de Cour Cheverny
Dans l'attente
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Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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