Si vous avez mon âge, vous devez avoir des souvenirs musicaux très précis de votre adolescence, des souvenirs reliés à des parutions de magazines que vous dévoriez comme des bibles. Personnellement, ma rubrique préférée, celle sur laquelle je me jetais dès que le précieux sésame était entre mes mains était celle des chroniques, que je dévorais dans Hard Force, Hard Rock Magazine et autres Metal Hammer. Par passion bien sûr, pour le frisson de la découverte de nouveautés, qui allaient à n’en point manquer me remplir de frustration, mon disquaire de l’époque n’étant pas en lien avec les bons distributeurs…C’est ainsi que je lisais la prose de chanceux journalistes pouvant eux poser leurs oreilles sur à peu près tout ce qui sortait, et qui n’utilisaient que quelques précieux signes pour nous donner leurs impressions. C’est ainsi qu’en 1987, en parcourant la rubrique « sorties » de Hard Rock Magazine, je fus frappé de plein fouet par deux sorties de groupes totalement inconnus chez nous jusqu’à lors, TESLA et MALICE. Les premiers nous offraient leur séminal Mechanical Resonance, début tonitruant qui annonçait une carrière riche et prolixe, et les seconds se fendaient de leur deuxième album pour une major, Licence to Kill. Si le premier album de TESLA ne tarda pas à fondre dans mes oreilles, il me fallut plus de temps pour découvrir MALICE, qu’aucun de mes amis n’eut la gentillesse de me copier sur cassette. Mais patience et longueur de temps faisant plus que force et rage, je finis par dénicher l’objet en question, et si à l’époque la comparaison avec TESLA tournait à l’avantage des premiers, les années ont fini par me rapprocher de ce disque unique, qui sans que je ne le sache à l’époque, représentait déjà le testament d’un groupe qui n’allait pas tarder à se séparer dans des conditions brumeuses…
Formé à Portland, Oregon en 1981, MALICE était l’archétype du groupe américain représentant la nouvelle vague du Hard national. Assemblé par le guitariste Jay Reynolds, et comprenant au départ dans ses rangs deux futurs WILD DOGS (dont je reparlerai bientôt à l’occasion d’une chronique), le groupe changea assez rapidement de visage lorsque Jay décida de déménager à Los Angeles, la Mecque du Hard de l’époque. Après avoir trouvé le bon partenaire en la personne du guitariste Mick Zane, Jay connut quelque problème pour compléter son projet localement, et du demander à son chanteur James Neal de déménager de Portland à Los Angeles, accompagné du bassiste Mark Behn et du batteur Pete Laufman. Très rapidement, le groupe se fit remarquer par Brian Slagel de Metal Blade, ce qui lui permit de placer deux morceaux sur la légendaire compilation Metal Massacre I, « Captive of Light » et « Kick You Down », pour figurer en bonne place aux côtés de METALLICA et RATT. Le premier concert du groupe eut lieu au mythique Troubadour de L.A, en co-tête d’affiche avec METALLICA. Après un changement de batteur, le groupe pu enregistrer sa première vraie démo, produite par la référence Michael Wagener. Cette démo déclencha alors une véritable guerre entre tous les labels désirant signer ces nouveaux-venus, et c’est Atlantic qui remporta le deal, apposant son sceau sur In The Beginning, le premier LP du quintet en 1985 qui n’était rien de plus que la première démo légèrement réarrangée pour l’occasion. Fort indicateur des qualités du groupe, ce premier album n’était en fait qu’un avertissement lancé au public et aux autres groupes, une sorte de genèse encore imparfaite de la mécanique impeccablement huilée que MALICE n’allait pas tarder à devenir dans les années à suivre. Mais il faudra attendre 1987 pour avoir la preuve que les californiens d’adoption faisaient partie des leaders de leur époque, avec la sortie de Licence to Kill.
Toujours sur Atlantic, et produit par le vétéran des consoles Max Norman, Licence to Kill était plus qu’un album, il était le témoignage in situ et en temps réel de la suprématie californienne en termes de Hard Rock de l’époque. Un script baignant dans son jus, le scénario parfait pour une conquête du monde en bonne et due forme. Avec le soutien d’un gros label, et une collection de chansons à faire pâlir tous leurs concurrents directs, MALICE bombait le torse, et s’éloignait des canons alors en vogue à Los Angeles, refusant de jouer le jeu du Hair Metal, du Hard FM pour charts, en proposant l’un des Heavy Metal les plus précieux et précis du pays. Dans les faits, cet album n’avait rien d’extraordinairement original à proposer, et les critiques de l’époque s’amusaient beaucoup à y voir un démarquage habile et typiquement US des anglais de MAIDEN et JUDAS PRIEST, à raison d’ailleurs. Le groupe en était alors une copie très intelligente, qui puisait également dans le répertoire de son propre pays (LEATHERWOLF, QUEENSRYCHE, LIEGE LORD, LIZZY BORDEN) pour produire une sorte de crossover ne choquant pas son public, mais apte à séduire celui plus exigeant d’une Europe décidément peu complaisante envers les groupes de Heavy américains. Après tout, c’était bien l’Angleterre qui était dépositaire du style, et le fait de voir des étrangers s’en approprier les codes n’était pas du goût de tout le monde. Le PRIEST était donc la référence incontournable au moment de juger de la qualité de ces incroyables chansons, et les points de comparaison étaient alors assez nombreux. D’abord, les riffs tranchants et effilés comme un rasoir de la paire Reynolds/Zane, ensuite la puissance effective de la rythmique Mark Behn/Cliff Carothers, et principalement, la voix très puissante et suraiguë de James Neal, qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à une fusion des timbres de Dickinson et Halford. Mais si JUDAS PRIEST aurait facilement pu intégrer un up tempo classique comme « Murder » dans son répertoire 82/86, il n’aurait jamais pu composer des bombes comme « Sinister Double » ou « Against The Empire ».
Je le répète encore une fois, malgré son caractère classique, Licence to Kill était à l’image de son titre et de sa superbe pochette. Ce coup de hache porté avec beaucoup de précision par cet individu masqué était en effet la meilleure illustration possible pour définir avec acuité la musique de MALICE, dont le tranchant faisait tomber le moindre doute comme une tête méfiante du billot. En introduction, « Sinister Double » avait la classe de QUEENSRYCHE et la puissance de MAIDEN, le tout salé d’une énergie fluide typiquement californienne. Produit par Norman, le LP avait le son parfait, encore plus mis en valeur dans la récente réédition de Rock Candy. Les guitares étaient fines, la basse ronde et omniprésente de ses croches, et le chant diabolique de sorcière de James Neal mettait en relief une mélodie presque néo-classique, avec un brio comparable à Dio ou Kiske. En moins de cinq minutes, le groupe prouvait qu’on pouvait redonner un coup de neuf à la NWOBHM en la customisant ricain, et « License To Kill » de faire briller les chromes façon RATT, leurs compères de compilation. En se servant de la malice harmonique (sic) de DOKKEN pour adoucir un Heavy sans l’édulcorer, MALICE adaptait les recettes européennes aux exigences américaines, et signait un manifeste de Hard joué Heavy comme peu de musiciens savaient le pratiquer à l’époque sans le brader aux hit-parades. Le défilé était impressionnant, et le résultat avait des allures de massacre de la médiocrité ambiante, et la révélation d’un talent d’hybridation unique. Sentant que leur heure était venue, les musiciens voulaient profiter du climat de popularité du Hard-Rock de l’époque en signant hymne sur hymne, lâchant « Against The Empire » comme s’il n’était qu’un morceau parmi tant d’autres. En accélérant subtilement le tempo après une intro dramatique et emphatique, le groupe se rapprochait encore plus du PRIEST, mais aussi de METALLICA, jouant avec les limites et imposant le Power-Metal au sein d’un cadre purement Hard-Rock. Le chant modulé et puissant de Neal permettait aux harmonies de guitare de ressortir de façon flagrante, et les arrangements épars (sifflantes, harmoniques, boucles de basse) ne faisaient qu’accentuer la pression. Et si « Vigilante » calmait le jeu en ralentissant la rythmique, son riff à la METAL CHURCH confirmait la tension palpable, malgré un refrain plus abordable. En résultait une première face à la perfection impressionnante, qui laissait planer quelque doutes quant à la capacité du groupe à tenir le rythme en face B.
Mais avec une reprise de la trempe de « Chain Gang Women », le quintet écrasait la concurrence, et concrétisait cette hybridation entre le PRIEST de Turbo et le RYCHE de Rage for Order. Démonstration insolente de talent de James, guitares en osmose parfaite pour un riff digne de British Steel (il rappelle même le pont de « Breaking the Law » parfois, c’est dire le niveau), mais pas le temps de s’éterniser sur une cinquième réussite puisque le groupe enchaînait directement avec le tube « Christine » du même tonneau. Sur une trame traditionnelle, MALICE imposait un refrain opératique à la QUEENSYCHE, pour mieux sublimer son Hard formel d’une touche théâtrale du plus bel effet. « Murder », déjà abordé plus en amont était sans doute la seule concession de facilité du vinyle, mais « Breathin' Down Your Neck » relevait le niveau de ses guitares en fusion. En final, « Circle Of Fire », faisait le lien direct avec In The Beginning, et nous permettait de reprendre nos esprits avant de retourner le disque une fois encore pour reprendre du début.
Un album impeccable, soutenu par une major, le vent du Hard Rock en poupe, il semblait alors que MALICE avait tous les atouts en mains pour mener une carrière impeccable. Avec en sus des participations aux chœurs de pointures de l’époque comme Dave Mustaine et Dave Ellefson, le chanteur de BLACK 'N BLUE Jaime St. James, et Tommy Thayer, plus des tournées en support d’Alice COOPER, W.A.S.P. et MOTÖRHEAD, rien de paraissait pouvoir arrêter la fulgurante progression du quintet. Mais une monumentale erreur de casting les imposant en première partie de SLAYER, dont le public peu amène en concessions mélodiques les rejeta en bloc au point de leur faire quitter le trip en Allemagne, et le départ du fondateur Jay Reynolds en remplacement de Chris Poland dans MEGADETH (dont il fut rapidement exclu pour être remplacé par son pote Jeff Young, ce qui fit beaucoup rire Dave qui argumenta que le groupe aurait dû se rebaptiser en MEGALICE) signèrent l’arrêt de mort du groupe, qui se sépara dans les faits à peine un an après la sortie de Licence to Kill. Le combo s’est certes offert une seconde jeunesse en se reformant il y a quelques années, mais cette histoire n’en a pas moins des airs de gigantesque gâchis lorsqu’on pense à ce qu’aurait pu donner un éventuel troisième album en 1988 ou 1989…Mais désormais, MALICE appartient à la légende, et ce second album est souvent cité comme l’un des plus grands achèvements de la seconde moitié des eighties en terme de Heavy Metal américain, malgré son flop au Billboard (à peine dans le Top 200, pas de quoi flamber pour Atlantic). Depuis, le brillantissime James Neal est décédé du cancer (en 2012), mais les adolescents des années 80 gardent toujours une place importante dans leur cœur pour cette musique pure, puissante, et racée. Un juste retour des choses.
Titres de l’album :
01. Sinister Double
02. License To Kill
03. Against The Empire
04. Vigilante
05. Chain Gang Women
06. Christine
07. Murder
08. Breathin' Down Your Neck
09. Circle Of Fire
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