Alors que j’apprenais ce matin que cette petite salope de 2020 nous avait pris Chadwick Boseman en sus des millions d’anonymes morts dans diverses circonstances, je me disais que le body count commençait à prendre des allures de mauvais slasher produit par la Cannon dans les années 80. Pas une semaine ne passe sans un avis de décès, et les pages des webzines et autres sites spécialisés commencent à ressembler à des notices nécrologiques non-stop. Souvenons-nous, il y a quelques temps, c’était la perte de Riley Gale que nous déplorions, emporté lui aussi à un trop jeune âge, alors qu’il avait encore toute la vie créative devant lui. POWER TRIP, le groupe le plus doué de sa génération, perdait donc son légendaire vocaliste au timbre si rauque, et si la carrière du groupe pourra se remettre de ce deuil inconsolable, la suite des aventures n’aura plus le même goût. Il sera plus amer, et pour d’autres raisons que le son si particulier du combo qui depuis la fin des années 2000 nous sevrait de son approche punky héritée des eighties Crossover. En tant que fan absolu de Thrash, le sous-genre le plus symptomatique de l’extrême métallique, j’avais accueilli l’émergence du groupe avec une euphorie non feinte. A l’époque, la déferlante old-school n’en était encore qu’à ses balbutiements, et les LPs du cru n’en étaient que trop précieux, et si les MUNICIPAL WASTE et autre TOXIC HOLOCAUST étaient déjà bien implantés sur la scène, aucun des deux n’avaient l’intensité des texans de POWER TRIP. Alors, lorsqu’en 2013, après nous avoir assommés de deux EP (Armageddon Blues en 2009 et Power Trip en 2011) le quintet lâcha enfin son premier LP, les attentes étaient grandes, et aucun espoir ne fut déçu. Car en effet, Manifest Decimation était un manifeste de haine, un massacre organisé, une boucherie clinique, et la preuve que le Thrash/Crossover d’antan avait encore de très sombres jours devant lui.
Les cinq musiciens (Chris Whetzel - basse, Chris Ulsh - batterie, Blake "Rossover" Ibanez & Nick Stewart - guitares et évidemment Riley Gale - chant) avaient élaboré un répertoire à filer une crise d’urticaire à tous les fans des CRO-MAGS en assaisonnant leur Thrash poisseux d’une grosse dose de Hardcore, à tel point qu’on pouvait presque les assimiler dans les passages les plus furieux à des héritiers de la scène Crust anglaise, et des enfants illégitimes de DISCHARGE, SIEGE ou AMEBIX. Produit, enregistré, mixé et masterisé par Arthur Rizk, Manifest Decimation ne faisait pas de quartier, prônait la modulation modérée, redonnait ses lettres de noblesse au mid tempo étouffant, et nous faisait suer de sa moiteur insupportable et de ses guitares à peu près aussi enthousiastes qu’un anglais sous Thatcher. Il émanait de cet album un parfum nauséeux, et pourtant, impossible de rester de marbre en l’écoutant. Il faut dire qu’en choisissant de n’y faire figurer que huit morceaux pour trente-cinq minutes, les texans avaient fait le bon choix, celui de la concision Hardcore et de la précision à la SLAYER. On pouvait alors comparer les POWER TRIP à X combos de la génération 80, LEEWAY, EXCEL, LUDICHRIST, les MAGS évidemment, POSSESSED même pour cette intensité noire, mais il n’en restait pas moins que les originaires de Dallas étaient uniques en leur genre, et que depuis, peu d’ensembles ont réussi à atteindre cette intensité, si ce ne sont les ENFORCED il y a quelques années. Beaucoup ont déploré la linéarité de l’ensemble, arguant du fait que le groupe rechignait à imposer des plans plus variés, et je peux comprendre leurs regrets. Mais le parti-pris de Manifest Decimation était d’incarner un gigantesque bloc de granit vous tombant sur la tronche en pleine rue, et de fait, seule la puissance importait, et celle dégagée par la fournaise Heavy de « Crossbreaker » n’en était que plus impressionnante.
D’autres pointaient du doigt le choix du mixage en retrait de la voix de Gale, blindée de réverb’ comme à la grande époque, mais je trouve justement que cet effet ajoutait à la mystique de l’ensemble, comme un LP inédit exhumé des coffres d’un indépendant des années 80 un peu tête en l’air. Toujours est-il que le vocaliste au timbre si particulier conférait aux morceaux une patine encore plus agressive, à la limite d’un Hardcore teinté de Death, vomissant ses lyrics comme un Anarcho-Punk anglais. Et c’est justement ce qui permettait aux américains de se démarquer de leurs homologues les plus fameux, qui avaient opté pour une approche moins radicale et embrumée pour privilégier le côté fun et un peu Mosh du Thrash de papa. Mais à vrai dire, et sans vraiment connaître le groupe au préalable, on sentait dès l’entame dantesque de « Manifest Decimation » que les choses allaient être radicalement différentes. Intro spatiale à la Alien cheap, mise en place progressive de la démarche, avec des percussions en battement de cœur affolé, guitares affamées, riff typiquement anglais, pour une reprise US des standards en vogue chez les parrains de DISCHARGE. Ce premier morceau rappelait étrangement les assauts soniques du classique Hear Nothing, et propageait un message de haine envers la compromission et le solde du Thrash pour tout compte de légèreté. Non, les POWER TRIP n’étaient pas frais, ils n’étaient pas drôles, et tel n’était pas leur but. Ils voulaient incarner la relève du Thrash le plus violent, le plus sourd, celui qui faisait encore peur à l’époque, et que les magnifiques LEEWAY ont traîné du côté le plus Core.
Il était impossible de ne pas penser à un album de la trempe d’Age of Quarrel ou à une version démoniaque du SUICIDAL de How Will I Laugh Tomorrow en écoutant Manifest Decimation, tant cet album empestait la rue et ses dangers, les guerres de gang et la musique comme seule échappatoire. Et lorsque la bombe « Heretic's Fork » nous explosait en plein visage, les dégâts étaient tels que des oreilles déjà ruinées par l’écoute répétée de musiques amplifiées depuis trente ans y laissaient encore quelques pourcentages d’écoute perdus. De fait, cet album se posait parmi les meilleurs premiers du cru, et pavait une voie royale çà tous les suiveurs qui chaque semaine allaient emboiter le pas des texans. Des suiveurs qui allaient s’échiner à disséquer le monstrueux « Murderer's Row » et essayer de comprendre comment Riley Gale pouvait hurler à ce point sans perdre sa gorge. Qui allaient essayer de composer un hymne à moitié aussi véhément et efficace que « Power Trip » qui renvoyait EXODUS dans les cordes de sa légende. A essayer de construire une longue suite venimeuse comme « The Hammer of Doubt » sans utiliser cinquante riffs inutiles différents. Et finalement, seuls les POWER TRIP parviendront à prendre leur propre suite, quatre ans plus tard, avec le logique et perfectionné Nightmare Logic. Mais le mal était fait, la graine profondément plantée, et il était certain que seul le destin pouvait faire tomber le quintet de son piédestal…en le réduisant à un quatuor. Et sans savoir ce qu’il adviendra du groupe, je ne peux que le remercier pour ce postulat définitif, et déplorer la perte de ce hurleur de calibre incroyable qu’était Riley Gale. Alors oui, et je m’excuse encore une fois pour ma grossièreté, mais 2020, tu es quand même une belle salope.
Fuck you!!!!!
Titres de l’album:
01. Manifest Decimation
02. Heretic's Fork
03. Conditioned to Death
04. Murderer's Row
05. Crossbreaker
06. Drown
07. Power Trip
08. The Hammer of Doubt
Ouais l'écho sur la voix n'est pas formidable, c'est le seul reproche qu'on puisse faire à cet album.
Sinon j'ai jeté une oreille à LICH KING récemment et ça m'a semblé sacrément bien foutu !
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