Lorsqu’on pense à Seattle en termes de Rock et de Metal, on associe immédiatement la ville au mouvement Grunge, ce qui en dit long sur l’importance de la vague. Mais sans remonter jusqu’à Jimi Hendrix, Seattle a aussi été le berceau de groupes fameux des années 80 à l’importance cruciale. METAL CHURCH, QUEENSRŸCHE, THE MENTORS, TKO, PROWLER, Q5, FORCED ENTRY, SANCTUARY, CULPRIT, BLOODGOOD, MYTH, ou FIFTH ANGEL furent en quelque sorte les pionniers du Heavy Metal émergeant de cette ville avec une caractéristique commune : leur singularité. Chacun d’eux avait une façon bien particulière d’aborder le Hard Rock, le Heavy Metal ou le Thrash, et tous ont plus ou moins laissé une empreinte durable dans l’histoire de notre musique favorite. Evidemment, certains s’en sont mieux tirés que d’autres, et les noms de QUEENSRYCHE et METAL CHURCH se retrouvent souvent dans le palmarès des formations les plus capées. Et s’il est un nom que l’histoire oublie régulièrement lorsque la mémoire musicale traîne du côté de Seattle, c’est bien celui d’HEIR APPARENT. Pourtant, en 1986, le groupe fut l’auteur d’un des albums les plus atypiques d’une scène déjà entièrement dévouée au Thrash, au Glam et au Hard-FM, abordant le virage commercial de la seconde moitié d’une décennie qui allait tout révolutionner. Sans revenir sur la genèse du quatuor, alors composé de Paul Davidson (chant), Derek Peace (basse), Raymond Black (batterie) et évidemment Terry Gorle (guitare/chant), autant dire que Graceful Inheritance fit l’effet d’une bombe qui explosa en pleine face des rédactions du monde entier. Je ne recenserai pas ici les magazines/fanzines ayant gratifié l’œuvre du statut « d’album du mois », mais la musique proposée par HEIR APPARENT était à ce point à contre-courant qu’elle laissa des séquelles irréversibles sur les tympans des journalistes en mal de nouveauté étrange. Pratiquant alors un savant mélange de Heavy précieux et de Power classieux, les originaires de Seattle avaient tout de la next big thing, les seuls à pouvoir concurrencer QUEENSRYCHE sur son propre terrain. Las, les choses ne se passant pas toujours comme on le souhaite ou comme les musiciens le méritent, en lieu et place d’une confirmation, ce fut un lourd silence qui s’abattit sur le destin du quatuor, qui ne devait émerger de nouveau que trois ans plus tard et…trop tard.
Il est amusant de constater qu’après avoir obtenu un deal énorme avec l’indépendant Metal Blade, les signant pour pas moins de sept albums, HEIR APPARENT finit par se séparer, avant même que le premier de ces sept LPs ne sorte. Au moment où One Small Voice heurta le marché, le groupe, déjà réarrangé était en effet mort, et ne restaient plus aux fans que le regret d’une carrière avortée bien trop tôt. En 1989, le groupe était déjà devenu un quintet, accueillant Steve Benito au poste de chanteur, et élargissant ses horizons avec un clavier dominé par un certain… Michael Jackson. L’anecdote est évidemment très amusante, mais l’histoire globale beaucoup moins, puisque One Small Voice, en dépit de ses nombreux défauts est resté comme un chant du cygne totalement injuste, sanctionnant cruellement l’un des concepts les plus énigmatiques des années 80. Mais reprenons les choses dans l’ordre, en juin 1989, le Hard-Rock et le Heavy-Metal sont au sommet de leur popularité, les charts sont trustés par MÖTLEY, WHITESNAKE, WINGER, BON JOVI, DEF LEPPARD, et personne ne pense à ce moment-là que l’âge d’or est sur le point de se terminer, laissant derrière lui un nombre incalculable de victimes de la mode. Et il est encore plus ironique de penser que c’est une des villes les plus fertiles et excentrées qui allait porter le coup de grâce, la ville même qui vit naître les pauvres HEIR APPARENT.
Cela dit, la mode n’est pas la seule à pouvoir être blâmée du sort du groupe. Même s’il avait survécu à ses propres malheurs, même s’il avait pu partir en tournée convenablement, les fans de Graceful Inheritance ne leur auraient peut-être pas pardonné ce crime de lèse-majesté que fut One Small Voice. Car l’écart entre les deux albums était si gigantesque qu’on avait parfois le sentiment d ‘avoir affaire à deux formations différentes. Alors que le premier proposait un Heavy Metal épique, glorieux, à la fougue mordante et aux guitares hurlantes, le second n’était que délicatesse, harmonie et subtilité un peu trop prononcée. En restant objectif, il est obligatoire d’admettre que l’écoute de One Small Voice me fut assez pénible la première fois, et pour cause. En remarquant que HEIR APPARENT tapait dans les classiques de SIMON & GARFUNKEL, et en bon petit abruti adolescent que j’étais, mon sang ne fit qu’un tour ; mais cette appréhension, stupide de préjugés au prime abord s’est avérée justifiée. Alors que l’époque était en effet propice à la sophistication à outrance, HEIR APPARENT avait fini par rentrer dans le rang, et commettre la même faute de goût que nombre d’autres groupes de l’époque, et ressembler à un clone de QUEENSTYCHE encore plus mimétique que les CRIMSON GLORY. On peut d’ailleurs comparer la transformation du groupe de Seattle avec celle subie par LIZZY BORDEN, qui avait commencé sa carrière en fac-similé de MAIDEN, pour se laisser aller aux joies faciles de la copie carbone d’Operation Mindcrime sur Master of Disguise, sortie la même année 1989. Impossible en effet de ne pas tisser de comparaison entre « Cacophony Of Anger » et certains morceaux de Rage For Order ou Operation Mindcrime, spécialement en écoutant le timbre de voix de Steve Benito, calqué à la note près sur celui de Geoff Tate. Envolées suraiguës, lyrisme pesant, rythme soutenu et guitare effilée, le parallèle était plus que troublant, mais pas forcément à l’avantage d’HEIR APPARENT. Mais cette ressemblance indéniable n’était pas le seul talon d’Achille de cet album, son autre tort était de privilégier une optique décidément trop soft, et d’entamer les débats avec un hésitant « Just Imagine » en lieu et place de l’explosion à laquelle nous avions droit.
Dès le départ, le groupe mettait les choses au clair et tenait ses positions : son orientation serait classieuse ou ne serait pas. Certes, le niveau technique hallucinant des musiciens excusait certaines des fautes de goût, spécialement les prouesses de Derek Peace maniant sa basse comme Geddy Lee. Mais la guitare de Terry Gorle, autrefois si prolixe semblait tout à coup trop timorée, et enterrée dans le mix. Pointons d’ailleurs les déficiences de la production sur la version vinyle d’origine, conférant au quintet un son étouffé, aux dynamiques bridées, et au chant terriblement trop en avant. Mais les morceaux en eux-mêmes ne faisaient pas grand-chose pour redresser la barre, et semblaient se complaire dans une tempérance totalement hors propos. Lorsque la puissance prenait enfin de l’envergure, nous avions le sentiment d’entendre des prouesses de QUEENSRYCHE datant de 86, le tout mâtiné d'un MAIDEN encore englué dans ses cavalcades les plus symptomatiques (« Crossing The Border »). L’ambiance générale de l’album, très décousue, passait d’un Heavy Metal normatif à un Hard-Rock légèrement daté, sans transition, et d’une façon si générique qu’on en oubliait la maestria de Graceful Inheritance (« Screaming »). De plus, le groupe a eu la méchante idée de parsemer son effort de ballades, certes splendides, mais qui n’aidaient pas vraiment à convaincre le fan de Metal plus friand de sensations fortes. Ainsi, aussi belle fut-elle, « Alone Again » tombait mal après trois morceaux trop nuancés, et creusait encore plus le fossé séparant la lucidité de l’insistance. En survolant la reprise de « The Sound Of Silence » qui clôturait la face A du vinyle, la douche froide devenait si glacée qu’on était tenté de tirer le rideau pour sortir de la baignoire…Heureusement pour nous, « We The People » retrouvait un peu de la grâce des années passées, malgré un clavier envahissant et embarrassant, parvenant à bouffer la guitare de Terry, décidément peu privilégié par la production. « Young Forever » en emballant le tempo nous laissait un peu d’espoir pour la suite, malgré le caractère anonyme de son agressivité, mais la longue suite lacrymale de « One Small Voice » achevait d’endormir les admirateurs, fatigués par ces berceuses à répétition qui rendaient leur oreiller si séduisant. Pourtant, ce morceau en lui-même est certainement l’un des plus beaux composés dans les années 80, avec cette mélodie sublime en arrière-plan, et le chant de Steve qui enfin se calait sur des médiums moins crispants.
Et si « The Fifth Season » emballait légèrement les débats en fin de parcours avec son allusion à peine caché au Power Metal de première classe d’antan, il était déjà trop tard pour sauver du naufrage les fans noyés dans la déception d’un album trop mou, trop influencé, trop connoté et trop maniéré. La déception que fut One Small Voice était à la hauteur des attentes suscitées par le génie de Graceful Inheritance, mais le groupe n’en avait cure, et pour cause, il était déjà mort. La réédition de 2010 a permis de réévaluer certains titres et même la globalité de l’album, tout en défigurant sa superbe pochette d’un lettrage moderne d’un mauvais goût absolu. Depuis, le groupe s’est reformé, et a finalement sorti ce que beaucoup considèrent comme l’héritier officiel de Graceful Inheritance avec The View From Below paru il y a deux ans. Mais même la dureté de mes mots dans cette chronique ne doit pas faire oublier qu’avec le temps, les opinions changent et les inclinaisons penchent parfois du côté opposé. Avec trente ans de recul, je me replonge souvent dans la préciosité excessive de One Small Voice, qui reste en 2020 l’une des plus belles déceptions du Heavy Metal des années 80. Un disque sorti trop tard, qui aurait mérité une lucidité plus accrue en termes de souplesse, et qui aurait gagné à trouver un meilleur équilibre entre tradition puissante et modernisme plus nuancé. Mais on ne réécrit pas l’histoire, on peut tout au plus la réinterpréter. Ce que vous pourrez faire en écoutant ces chansons, belles, mais qui étaient déjà d’une autre époque lorsque la mode est enfin passée.
Titres de l’album :
01. Just Imagine
02. Crossing The Border
03. Screaming
04. Alone Again
05. Cacophony Of Anger
06. The Sound Of Silence
07. We The People
08. Young Forever
09. One Small Voice
10. Decorated
11. The Fifth Season
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