Nous connaissons tous l’expression « une fée s’est penchée sur son berceau ». L’expression est assez enfantine mais imagée, et s’applique parfaitement à quelques cas relatifs à la musique. Ainsi, Gene Simmons de KISS a permis d’attirer l’attention dans les seventies sur un futur grand, VAN HALEN. Très tôt, David Gilmour de PINK FLOYD a repéré la grâce et le génie d’une petite anglaise, Kate Bush, devenue la star que l’on connaît tous. D’une façon plus mineure, BON JOVI a souvent joué les découvreurs de talent, parrainant CINDERELLA pour leur permettre d’atteindre les sommets du Billboard. De fait, la morale de cette histoire est qu’un coup de pouce du destin, même intervenu un peu trop tôt ne peut pas nuire à une carrière, que l’on parle de Trent Reznor prenant le destin de MANSON sous sa coupe, ou Bowie réhabilitant Iggy POP. Mais parfois, malgré tous les efforts, malgré la caution d’un nom célèbre, la sauce ne prend pas, et le filleul ne parvient jamais à percer l’indifférence des médias et du public. Le cas d’aujourd’hui en est un d’école et nous ramène au monstre METALLICA. A la fin des années 80, le fait de voir James Hetfield porter des t-shirts d’un groupe totalement inconnu du nom de FAITH NO MORE intrigua les fans et les journalistes. Et quelques années plus tard, les METS sous l’impulsion d’un autre de ses membres firent de la publicité via Jason Newsted pour un groupe totalement inconnu venant de Kalamazoo, Michigan. Le bassiste, complètement conquis par la première démo éponyme de cet ensemble iconoclaste, pressa le géant indépendant Metal Blade de signer ces frappés d’un Metal agité, ce qui donna lieu à un contrat sur le long terme aboutissant à quatre albums enregistrés dans la foulée. Pourtant, aujourd’hui, qui se souvient de ces frappés ? Qui se souvient de leur audace ultime renvoyant tous les expérimentateurs de l’époque au rang de simples timorés Fusion aux ambitions modestes et au rayonnement commercial ? Pas grand-monde, si ce ne sont quelques esthètes qui n’ont pas la mémoire dans leur poche, et dont les poils se dressent sur les bras à la simple évocation de leur nom. THOUGHT INDUSTRY. Un baptême qui ressemble à celui d’un label spécialisé en Industriel, et qui fut pourtant le nom le plus original de l’orée des années 90.
THOUGHT INDUSTRY ne connut pourtant pas un parcours des plus linéaires. Fondé en 1986 en tant que FAIR WARNING, avant de dévier deux ans sous pavillon DESACRATOR, pour finalement opter pour un patronyme plus évocateur de leur folie musicale qu’un premier album allait mettre en avant de façon spectaculaire. Résumons l’affaire, en 1992, le Metal subit sa plus grande mutation et se voit repoussé à la cave par les assauts fermes de l’alternatif et du Grunge. Le Hair Metal n’est plus du tout en odeur de sainteté, le Thrash est devenu depuis des années un tonton has been aux patchs délavés, et seuls le Death et la Fusion trouvent encore grâce aux yeux des rockeurs qui ont honte de leur passif eighties. 1992, c’est la révélation DREAM THEATER avec Images and Words, c’est la claque PANTERA et son coup de poing Vulgar Display of Power, en gros, le lifting d’une scène qui ne supporte plus les artifices, les coiffures tape-à-l’œil, les effets de manche. Au milieu de ce défilé de nouvelles gloires qui verra les RED HOT, ALICE IN CHAINS, NIRVANA, PEARL JAM intronisés nouveaux messies du Rock, débarque un combo complètement barré, à la musique clairement indéfinissable, à la complexité donnant lieu à de sévères céphalées, à l’approche si multiple qu’une multiprise n’aurait suffi à brancher toutes leurs idées. Quatuor (Brent Oberlin - chant/basse/stick/piano/claviers, Paul Enzio - guitare, Christopher Simmonds - guitare/claviers et Dustin Donaldson - batterie/percussions/samples), THOUGHT INDUSTRY prend le contrepied du retour à la simplicité ambiante, et propose l’énigme suivante : un album disparate mais homogène, en convergence de dix styles différents, aussi libre qu’une saillie de Frank Zappa, affranchi de toute contrainte de réussite peut-il réussir à fédérer la génération 90 sans avoir à faire de concessions ? La réponse, évidente dès le départ, était évidemment négative, mais personne ne le savait alors, et les musiciens en pleine confiance ont donc lâché la première œuvre la plus culottée de l’histoire du Metal, alors même que les apôtres de la Fusion s’en donnaient déjà à cœur joie dans l’underground ou dans les charts. Pourtant soutenus par l’un des plus gros indépendants qui ne trahit pas leur confiance pendant des années, les quatre américains firent chou blanc et devinrent l’un des secrets les mieux gardés du génie américain des nineties. Et pour cause, puisque leur premier LP, ce Songs for Insect fut publié soit trop tôt, soit trop tard, soit tellement hors du temps que personne ne réussit à le comprendre au bon moment.
Question cher lecteur : t’es-tu déjà demandé ce qui pourrait éventuellement se passer si des tarés notoires mélangeaient dans leur musique CORONER, WATCHTOWER, UZEB, MR BUNGLE, les RESIDENTS, MORDRED, PSYCHOTIC WALTZ, VOÏVOD et MINDFUNK ? Si tel est le cas, Songs for Insect t’apportera la réponse sous la forme d’un énorme sésame de dix morceaux pour plus d’une heure de musique tellement libre que même l’oiseau de LYNYRD SKYNYRD semblait encore en cage depuis les années 70. Dans le fond, ce premier album séminal ne s’adressait pas à un public conquis d’avance à la joie de refrains faciles et de riffs discernables entre mille. Il n’était qu’un enchevêtrement d’idées toutes plus complexes et lumineuses les unes que les autres, un gigantesque puzzle dont les pièces changeaient toutes les secondes, histoire de rendre l’ensemble indiscernable une fois achevé. Plus qu’un album, il était le canevas recommencé jour après jour par Pénélope en attendant que cette feignasse d’Ulysse ne revienne faire la vaisselle à la maison. Une tentative d’unir dans une même schizophrénie la liberté de la Fusion, la puissance du Thrash, l’irrégularité du Jazz, et l’entêtement de l’Industriel le plus fondu dans les usines Metal. On comprenait dès « Third Eye » qu’il fallait en effet ouvrir son esprit et ses chakras pour tenter d’appréhender ce magma bizarre et unique, composé de plans se succédant en toute logique sans céder à la facilité d’un solfège trop convenu. En utilisant les guitares les plus franches du Thrash pour les confronter à la rythmique la plus mobile d’une Fusion étrange, THOUGHT INDUSTRY provoquait Mike Patton sur son propre terrain, défiait les canadiens de VOÏVOD sans prétention, et faisait la nique aux SIEGES EVEN et autres WATCHTOWER sans titiller leur prétention. Ici, pas de chanteur lyrique, mais une voix un peu roublarde sur les bords, des soli dissonants empruntés à Di Meola et Piggy, une basse slappée payant son tribut à Jaco et TM Stevens, et surtout, des constructions en gigogne à rendre fous Alex Lifeson, Geddy Lee et Neil Peart.
D’ailleurs, quel groupe affilié Thrash se permettait une seconde composition de près de dix minutes, sinon le HEATHEN de 1991, avec moins de facilité ? « Songs For Insects » était une chanson si opaque que même les insectes en perdaient leur latin, les fourmis se mettant au chômage technique et les lombrics restant sous terre sans plus creuser le moindre labyrinthe. Anticipant avec des années d’avance le culot de toute la scène expérimentale des nineties, les THOUGHT INDUSTRY jouaient le suicide commercial en s’aliénant tous les publics potentiels. Notez ceci : aucun groupe à l’époque n’avait ces capacités incroyables, et surtout un batteur aussi fantastique et facétieux. Aucun groupe n’était capable d’enrayer sa propre avancée à vitesse grand V avec un interlude acoustique de six minutes fleurant bon le psychédélisme des années 70, même pas BLIND ILLUSION, sauf FAITH NO MORE peut-être. Mais aucun groupe ne reprenait sa marche avec une furie Thrash de la puissance de « Ballerina ». Et surtout, aucun groupe d’iconoclastes ne se permettait des textes engagés. De là en sus de lâcher un bloc de béton avant-gardiste de la trempe de « The Chalice Vermillion », mariant TOURNIQUET, BELIEVER, RUSH…De toutes façons, toute comparaison était proscrite, puisque les américains étaient uniques en leur genre, capables de transformer un foutoir gigantesque en chasse au trésor avec des monceaux d’or à la clef. Ce premier LP était de ceux qui nécessitaient des années d’écoute pour être appréhendé à leur juste valeur. Certains ne s’en sont d’ailleurs jamais vraiment remis, tentant toujours de percer le secret de ces rythmiques terribles et de ces successions de riffs sorties de nulle part. Trop avant-gardiste pour fédérer, trop violent pour convaincre, trop alambiqué pour se poser en porte-parole, THOUGHT INDUSTRY était le premier gros cadeau des nineties envers un public Thrash qui se sentait mis sur la touche depuis la fin des années 80. Le groupe continuera de sortir des albums impeccables tout au long de la décennie, restant à jamais dans l’ombre malgré des qualités crevant les tympans, et finit par jeter l’éponge malgré le soutien inconditionnel de sa maison de disques qui le portera sur ses épaules jusqu’au bout.
Une pochette en hommage au grand Dali, quatre albums successifs à la qualité presque constante, de quoi rattraper le temps perdu en se replongeant dans l’œuvre d’un des groupes les plus créatifs de sa génération. Une sorte de poil à gratter dans un coussin péteur pendant une réunion de famille, avec le labrador qui bave en regardant le gros gâteau.
Titres de l’album :
01. Third Eye
02. Songs For Insects
03. Cornerstone
04. Daughter Mobius
05. Alexander Vs. The Puzzle
06. Ballerina
07. The Chalice Vermillion
08. The Flesh Is Weak
09. Blistered Text And Bleeding Pens
10. Bearing An Hourglass
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21/11/2024, 08:46
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
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