Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

Corentin Charbonnier

Le Metal, ce sont bien sur les groupes, les salles, les festivals, les labels, les équipes techniques, les albums, les tournées, les webzines, les fanzines, les magazines. Mais c'est aussi une faune tout à fait hétéroclite qui gravite autour de notre galaxie. Des personnes qui envisagent la musique sous un autre angle, qu'il soit politique, sociologique, ou même, écologiste. Corentin Charbonnier fait partie de cet univers en lien avec notre culture, et se propose depuis des années d'en analyser les comportements, les coutumes, les habitudes, les actions et les investissements. Spécialiste du Hellfest auquel il a consacré une grande partie de son travail, Corentin est tout autant un anthropologue qu'un metalhead, un analyste qu'un headbanger. Dans le cadre d'une conférence qu'il donnera en février 2025 dans ma belle ville de Rochefort, présentée par le LABO des musiques actuelles dans le cadre de sa programmation de préfiguration a l'ouverture d'une future salle musiques actuelles, Corentin m'a accordé une longue et intéressante interview, que vous retrouvez ci-dessous.

Metalnews.fr - Bonjour Corentin, peux-tu présenter ton parcours à nos lecteurs?

Corentin Charbonnier : Je m'appelle Corentin Charbonnier, je suis docteur en anthropologie, spécialisé sur la communauté Metal (festival, musique et pratiquants). Mon parcours est assez simple, j'ai été passionné par le Metal dès mon adolescence et j'ai donc fait des études de sociologie à Angers, car l'un des concepts centraux dans ce qui me motivait, c'était le concept de culture que j'ai retrouvé dans mes études de sociologie et d'anthropologie. J'ai passé mes 5 années de fac et puis j'ai décidé de réaliser une thèse qui était en lien avec mes passions : la musique Metal. En 2008, je m'inscris donc afin de réaliser une thèse qui va s'intituler Approche Anthropologique du Festival du Hellfest en Tant que Lieu de Pèlerinage pour les Metalheads, que je soutiens en 2015. C'était la toute première thèse sur un festival et de Metal et je décide de continuer mes recherches. Pendant la thèse, j'ai utilisé des photos, des documents historiques, j'ai réalisé des entretiens et je me suis dit « On n’a pas encore fait de statistiques récemment (pas depuis l'ancien site et la recherche de C. et G. Guibert) ». Donc je me lance dans une étude sur le Motocultor en 2017, puis au Hellfest en 2019, et je continue. C'est une part de mes recherches, bien qu'il y en ait d'autres... mais la connaissance du public et des publics des festivals... ça me semble important tant pour les chercheurs que pour les organisateurs, mais aussi pour changer le regard du grand public. Et cela m'amène à éditer des livres sur le sujet, soutenir des éléments culturels, en faisant des conférences, des petites expos comme à la Firemaster Convention, l'Omega Sound Fest, le Tyrant, ou encore le feu Metal Cultures qui était certainement le festival 360° le plus unique. En 2021, la Philharmonie m'appelle et me dit : « bonjour nous souhaiterions faire une exposition sur le Metal ». Au-delà de la surprise et de l'impression d'une blague, on me met en lien avec Milan Garcin, docteur en histoire de l'Art, que je rencontre à Angers pendant les vacances de Noël 2021 et on se dit « Il faut qu'on bosse ensemble, c'est génial, on se complète et nous avons des opinions parfois différentes, donc cela va être stimulant ». Quelques mois plus tard, on nous apprend que le projet est validé et que nous avons deux ans pour faire cette exposition, la première du genre et de cette ampleur et dans un lieu fou qu'est la Philharmonie de Paris... Donc depuis 2 ans, je continue d'enseigner car c’est mon premier métier passion depuis 2008 et je suis toujours sur des recherches, des expositions, des documentaires (en cours de production avec Unscene et qui vont être assez intéressants lorsqu'ils seront diffusés - avec des familles comme Trujillo, Duplantier, Cavalera) et des nouvelles études sur le public avec le Motocultor, que nous venons à peine de lancer avec mon équipe. J'oublie certainement plein de choses, mais ça fait déjà beaucoup.

Metalnews.fr - Comment as-tu intégré le monde du Metal et qu'y-as-tu trouvé de si fascinant?

Corentin Charbonnier : J'ai commencé à écouter du Metal lorsque j'étais au collège, c'était le début des CD et moi qui venais du classique, j'ai eu la chance de tomber directement sur Ride the Lightning de METALLICA. Le virus a pris tout de suite. J'ai rapidement rejoint une émission à Radio Béton ainsi qu'une émission à la radio de mon lycée. En partant à Angers j'ai commencé à rejoindre différentes radios, avec à chaque fois une émission Metal qui est devenue l'association Throne Of Thanatos, émission que l'on anime toujours avec mes compères Simon, Narjess et Antoine à Radio Béton à Tours, ça va faire 16 ans. Et en parallèle, j'ai commencé à écrire dans des médias et à faire des live-reports avec des photos, des chroniques, bénévolement comme tout le monde. Cela permet de se constituer une bonne connaissance du milieu même si elle est parcellaire au vu de notre culture si vaste. Et puis après la thèse, on m'a demandé de participer à d'autres projets, des conférences, des tables-rondes, des expositions, cela amène à de nombreux et nouveaux questionnements du fait de ma formation en sciences sociales, sur l'évolution et la mutation de notre culture. Ce qui me fascine plus spécifiquement, c'est que cette culture est vaste et variée, il est impossible de la connaître dans son intégralité. Il n'y a pas d'histoire non plus qui fait consensus : on a eu ce grand débat pour faire l'exposition à la Philharmonie de Paris, personne ne semble en parfait accord. C'est une histoire créée et véhiculée par les fans, il faut donc avoir un regard tant historique qu'anthropologique en chaque instant. La diversité des genres et sous genres à l'image de la Galaxie que nous avons réalisé avec les Fortifem donne à voir des multiples interactions et un fourmillement des ramifications. Enfin, cette culture jeune, née à la fin des années 1960, est et reste vivante. On l'a appelé sous-culture, terme que je réfute en sciences sociales, car il est réducteur. Plus de 60 ans après son apparition, le Metal continue d'exister de muter d'évoluer. Les interactions avec les autres courants musicaux y est palpable et l'opposition entre reconnaissance et underground fait toujours partie de son identité, avec cette peur de réappropriation. Il y a encore un vrai travail de recherche à mener sur les évolutions et sur ses acteurs que cela soit les festivaliers, même si certains acteurs et passionnés sont réfractaires aux recherches, analyses et démocratisation de cette culture : comme toute culture en mutation en lien avec la société, les positions parfois passéistes s'observent.

Metalnews.fr - Tu parles très justement d'évolution dans le monde du Metal, mais ne trouves-tu pas justement que le genre a été phagocyté par le mainstream, qui l'intègre à des œuvres grand-public comme les séries, les biopics, les films, ou même plus prosaïquement dans la mode avec des acteurs portant des t-shirts de groupes comme METALLICA ou SLAYER? Quel regard portes-tu sur cette infiltration de l’extérieur et penses-tu qu'elle soit bénéfique pour intéresser une audience totalement réfractaire au Metal?

Corentin Charbonnier : Le Metal a toujours connu des liens avec le mainstream, en positif et en négatif. Pendant des années, le Metal était associé à des éléments problématiques (églises en feu, profanations, serial killers) à travers les médias et à travers la culture populaire (séries américaines). Parfois le Metal a eu ses moments de reconnaissance, que cela soit par la valorisation d'un élément, d'un groupe, d'un moment marquant : un concert avec un orchestre en Norvège, en Islande, au Mexique, une rue AC/DC à Madrid, ou même la reconnaissance du Hard FM des années 1980 (comme ces nombreuses ballades jusqu'au début des 90’s), qui a permis à bon nombre de groupes de l'époque de se faire connaître et de construire leur notoriété. Le lien au grand public est ancien en réalité, KISS Contre les Fantômes date de 78 par exemple et BLACK SABBATH a pris son nom d'un film de Boris Karloff, après au fil des décennies, il y a eu parfois l'utilisation de l'univers Metal pour des films sombre (Spawn est un bon exemple même si je retiens les essais de la bande son plus que le film lui-même), soit pour un aspect humoristique, allant de Spinal Tap, Wayne's World, Heavy Trip et même El Dia de La Bestia. On pourrait ajouter la présence dans les jeux vidéo, dans les BD, et dans l'art. Bref, du fait d'être présent il est normal qu'une forme de médiatisation apparaisse. Alors oui depuis quelques années il y a une recrudescence du lien au Metal : on pourrait parler de Lady Gaga avec METALLICA avant Stranger Things, ou de Kylie Jenner qui a porté le tee-shirt de SLAYER, le groupe ayant ensuite porté le tee-shirt Kill The Kardashians (nous oublions cependant que le tee-shirt vintage est une économie très importante en Californie). Cet événement résume assez bien le contexte. Il y a une part de la communauté Metal qui accepte de s'ouvrir, l'autre qui préfère rester dans l'entre soi. Cela questionne beaucoup d'aspects et je n'ai pas d'avis tranché dessus. Comme tous les vieux acteurs (sic) on se demande ce que ça va devenir et en tant qu'anthropologue on analyse le passé, le présent, mais on ne prédit pas l'avenir. Quoi qu'il arrive, il y aura des tentatives de récupération, des ouvertures vers l'extérieur et une part de la communauté qui se préservera en restant dans l'entre soi. A l'époque plus récente du Nu Metal, il y en a eu des nombreuses, certaines ont fonctionné, d'autres non. Les frontières ne sont peut-être plus aussi importantes qu'avant. La preuve, le Metal est encore stigmatisé, mais il l'est beaucoup moins qu'avant, nous n'aurions pas pu faire l'exposition à la Philharmonie, ni voir GOJIRA aux JO il y a 20 ans...Il faut également se poser la question : préférons-nous que les formes d'ouverture soient faites par des passionnés de cette scène ou par des inconnus qui n'en saisissent pas tous les codes ? Et il y aura toujours une forme de passéisme pour certains et surtout des formes d'opposition entre nouveaux et anciens Metalheads... Surtout à une époque où il est aisé de se constituer le look sans avoir cherché à se construire une identité musicale et culturelle au préalable.

 Bref, si on a le temps, on peut en faire une conférence en analysant certains médias, certains "influenceurs", certains "merdias" basés sur la haine et le mépris du reste de la communauté pour saisir les positions respectives des acteurs.


Metalnews.fr - Tu as beaucoup travaillé sur le Hellfest, qui est devenu l'un des plus gros festivals Metal mondiaux. Ne crois-tu pas que sa localisation géographique est l'une des raisons de son succès? Et comment envisages-tu les différents partenariats avec les acteurs locaux, cavistes, restaurateurs, designers...?

Corentin Charbonnier : II est impensable pour moi de dire que la localisation serait l'unique facteur voir le facteur. Le Hellfest est au départ créé pour des fans par des fans, c'est pour moi l'élément central, par des passionnés de Hardcore pour des fans de Hardcore (puis vers le Metal en général). Si Ben et Yoann n'avaient pas fédéré des bénévoles (et des salariés par la suite, ce qui est une vrai réussite par ailleurs) autour du projet, cela n'aurait pas pu fonctionner. Le FuryFest n'était pas une déception au Mans mais le retour à Clisson est un élément important sous un angle : les gars connaissent leur territoire (Ben en est originaire). Ce n'est pas tellement la localisation qui est importante, mais la connaissance que l'on a de son territoire lorsqu'on est organisateur de festival. L'économie des festivals est difficile et il faut savoir s'entourer et connaître les potentialités du territoire, pour les partenaires, pour l'accessibilité, pour "faire avec" et pas en marge "des" habitants. D'ailleurs cette solidarité est née dès 2007, où, voyant les festivaliers sous l'eau, les habitants ont aidé, soutenu, séché le public. Aujourd'hui ce sont des milliers de bénévoles et acteurs locaux autour du Hellfest. Le Kingdom Of Muscadet a bien lié la passion du vin, commune à de nombreux festivaliers aux vignerons produisant dans l'agglomération...on pourrait aborder les designers ayant participé à certaines structures... Ce qui est intéressant, c'est de se dire qu'en 2026, cela fera 20 ans que le festival a commencé, et que tout a progressé, l'accueil, les partenariats... d'ailleurs on le voit, certaines grosses structures s'intéressent de près à ce festival, pour ses nombreuses qualités. On est loin du camping à l'arrache à finir dans les vignes de 2006 à 2011. Les retombées sont importantes à différents niveaux bien sûr, une fréquentation culturelle hors Hellfest importante (églises/musées/villes/parcs...) lorsque l'on draine pendant pratiquement une semaine plus de 60.000 personnes sur une commune de 7.500 habitants, mais le lien social est également à prendre en compte, et bien sûr économiquement l'impact du Hellfest est important sur le territoire. Et le festival participe aussi à ta question précédente : il est un pèlerinage pour une part des Metalheads mais surtout il est devenu cette dernière décennie un lieu de découverte de la culture Metal, ce qui est unique. C'est ce que nous avons démontré avec notre dernière recherche avec Thomas Sigaud et Lise Bodin (Université de Tours).

Metalnews.fr - Tu vas donner une conférence l'année prochaine à Rochefort, peux-tu nous en dire plus sans en dire trop? Crois-tu qu'un tel événement, dans une ville de 25.000 habitants est susceptible d'intéresser des gens totalement néophytes à notre culture?

Corentin Charbonnier : Effectivement je viendrai le 7/02 à Rochefort pour présenter une part de mes recherches sur le Metal et l'Ecologie. Je ne vais pas trop teaser (car il me reste encore du travail pour être honnête). Disons que c'est parti d'un constat que l'attention médiatique était portée à l'écologie par le Metal uniquement à travers le prisme de quelques groupes. Le sujet est passionnant et cet intérêt n'est pas nouveau et questionne l'identité des Metalheads et de la culture Metal. Donc la conférence va reprendre des concepts de sociologie et d'anthropologie et les lier à des éléments spécifiques de la culture Metal. Et oui, forcément, à un moment nous aborderons Mario, Jo, Jean-Michel et Christian soit GOJIRA... et d'autres groupes/formations/associations et ONG.

Je ne connais pas très bien le territoire, je n'ai pas eu l'occasion d'y revenir depuis quinze ans, donc je ne présuppose jamais de l'intérêt ou non. Je pense qu'avec des partenaires médias (merci Metalnews) de la promo et l'envie de partager, c'est le principal. J'ai un peu le côté Wayne's World 2 "si tu les invites ils viendront" : il faut toujours aller à la rencontre du public, qu'il soit connaisseur ou néophyte, en adaptant aussi le discours car si tu n'es que sur des exemples de niche, tu risques de perdre ceux qui ne connaissent pas et sont intéressés et qui ont fait l'effort de venir... C'est une belle initiative, je ferai au mieux pour rendre cela intéressant et intelligible et j'espère pour Christophe Pineau, qui m'a fait la joie de m'inviter que cela sera une réussite, car leur projet culturel est passionnant (et j'ai toujours un profond respect pour les acteurs qui se bougent sur leurs territoires).


Metalnews.fr - Fais-tu partie de ceux, comme moi, qui pensent que la culture se doit d'aller vers le public et non l'inverse? En la sortant des circuits habituels un peu élitistes?

Corentin Charbonnier : Dans mon parcours, j'ai fait, avant d'être chercheur sur le sujet, quelques concerts à jouer, à organiser et je viens du rural, où, à ma connaissance, dans ma commune, il n'y a jamais eu de concerts de Metal... De ce fait, je suis persuadé qu'il faut aller partout, à la rencontre du public, et essayer d'intervenir uniquement sur les sujets que tu maîtrises... Il ne faut pas vouloir être omniprésent à tout prix, il faut seulement aller sur les sujets où on peut légitimement intervenir...C'est un peu le risque, je dirai, dans une époque très mise en lumière numériquement, à défaut d'être sur scène, certains se mettent en scène. Personnellement, je me pose toujours la question de savoir : est-ce que ce que je peux expliquer/raconter/analyser est intéressant et vaut la peine d'en faire une conférence/intervention. Si ce n'est pas le cas, j'ai quelques citations de textes écrits par Alexandre Astier qui résumeraient bien mon point de vue.

Pour les circuits : je ne sais pas ce qui est habituel ou élitiste. J'ai saisi la chance de faire l'expo à la Philharmonie et le colloque qui en a découlé (auquel j'ai associé mon université), j'ai fait quelques belles dates si je puis dire pour présenter des travaux à l'étranger, mais je me refuse à présenter uniquement dans le système universitaire. Ma thèse est sortie selon mes critères, en couleur, pas chère...le but était de rendre la culture accessible et de rendre au public ce qu'il m'avait fourni pendant mes études...Ce n'est pas la meilleure idée économiquement ou stratégiquement pour quelqu'un qui veut être titularisé à la fac, mais c'est à mon sens le plus respectueux de mes compères (car oui, on est avant tout Metalhead). Donc quand je présente mes travaux, cela va de musées à l'étranger en passant par des manifestations de toutes tailles, un peu partout, parfois dans des colloques universitaires. On innove dans les lieux et les méthodes (l'an passé on a mutualisé une conférence entre l'Omega Sound Fest à Angers et les Etats Généraux du Metal à Montpellier, en face à face d'un côté, en visio de l'autre), l'important était de soutenir les organisateurs qui t'invitent avant tout... Et honnêtement, en tant qu'anthropologue ça fait découvrir des lieux, des personnes, des cultures locales, c'est passionnant. Je ne m'en lasse pas...et si un jour ça devait arriver, je ferai comme certains groupes qui ne prennent plus plaisir à le faire, j'arrêterai. Et promis je ne ferai pas 10 ans de tournée d'adieux.

Metalnews.fr - Toi qui a côtoyé le public Metal de très près, que penses-tu de cet esprit de "famille" que le milieu vante tant? Est-ce un phénomène concret?

Corentin Charbonnier : C'est toujours une question multifacette. Il y a une communauté Metal,  un sentiment d'appartenance que l'on peut éprouver lors des festivals, observer, analyser. Nous avons des rites (danses, consommation d'alcool, looks, entre autre) et des mythes (Lemmy, BLACK SABBATH, DEEP PURPLE, LED ZEP, METALLICA et des histoires mythiques, des concerts mythiques, des moments à l'importance singulière). De ce fait, nous pouvons parler de communauté, je pense que c'est surtout dans ce sens que l'on parle de la grande famille du Metal, avec des préférences pour le Heavy Metal, le Thrash, le Death, le Black, le Hardcore, ou certains des innombrables sous-genres. Après cette notion de famille reste un peu abstraite : il y a une forme d'entraide dans le milieu Metal, de résistance commune, surtout face aux autres genres musicaux, par rapport aux normes sociales et aux représentations qui sont liées à cette culture et en parallèle, il y a la peur des nouveaux membres dans la famille (par exemple le Deathcore et ses codes, les "influenceurs" qui surfent sur le Metal en appliquant les règles d'un système plus vaste). Cela génère des positions différentes : pour certains c'est l'acceptation, pour d'autres c'est la prise de distance, pour d'autres c'est une forme de répulsion. Car dès qu'il y a une forme de massification, avec peu de positions dominantes (peu de gens en vivent ou ont des positions légitimes), il y a peur de perdre l'essence même de cette culture, De ce fait, tu te retrouves un peu avec un format de rassemblement de famille avec le membre éloigné un peu bloqué dans un autre temps (le c'était mieux avant, voir un discours un peu problématique entre beauferie et pire sur des sujets inclusifs), celui avec le discours de façade (j'en fais partie mais je n'ai pas les codes et je n'ai pas conscience de l'histoire de cette culture), les positions intermédiaires qui vont s'emplafonner pour des questions de formes (Deathcore vs Hardcore ou Thrash vs Death) et des questions de fond (la place de certains sous genres ou de positions "problématiques" par rapport à l'ensemble, par exemple les groupes "à procès" dans certains concerts, les effets sur l'ensemble, l'engagement de certains groupes...).

Pour essayer de rester rapide, il faut quand même souligner l'importance du réseau Metal, où les acteurs s'entraident, où les bénévoles se donnent pour qu'il y ait des festivals, des soirées, des concerts, une vie. C'est sûrement cela qui reprend le mieux l'expression de la famille : le don de soi pour un ensemble plus vaste. Dans l'ensemble les acteurs travaillent ensemble, plus qu'ils ne s'opposent et malgré les différences entre les personnes, les projets fédèrent plus que les individus individuellement et cela reste une chance.

Metalnews.fr - L'écologie est devenue l'enjeu majeur de notre époque, était-il inévitable que nos groupes en abordent le sujet, ou bien penses-tu que la communauté Metal avait dès le départ des prédispositions?

Corentin Charbonnier : Je ne peux pas dévoiler l'intégralité de la conférence, mais je vais donner quelques pistes. L'écologie est un enjeu majeur mais relativement moderne sous cette appellation, pourtant ce que l'on pourrait nommer la conscience écologique est apparu il y a fort longtemps. On oublie que GOJIRA fêtera ses 30 ans en 2026 et que leur engagement était intrinsèque au groupe, dès les premières démos. Aujourd'hui, GOJIRA, par le biais des membres du groupe, est une figure de proue de l'engagement écologique Metal : une excellente nouvelle pour l'écologie et le Metal, et qui s'explique. Il faudrait également questionner le mouvement Hardcore et ses liens avec le rapport aux animaux, le rapport au véganisme. Et il existe de nombreux exemples depuis les années 1980. Je ne dirais donc pas qu'il y a une arrivée soudaine de ce lien à l'écologie dans le Metal, mais que l'histoire de cette culture et de ses acteurs permet d'expliquer que nous en arrivons avec différents acteurs impliqués et impliquants. Alors que le grand public semble surpris de ce lien (comme si on était trop bourrins pour s'occuper de notre planète), nous avons pourtant des excellentes structures engagées faisant le lien avec notre culture : Hardcore Cares, Sea Shepherd (en croisant les doigts du verdict), Savage Lands...et ce ne sont que les plus connues et elles ne datent pas d'hier.

Metalnews.fr - Dans un registre plus simple, et pour terminer cette interview, parle-nous un peu de tes goûts musicaux. Trouves-tu matière à t'enthousiasmer avec les productions modernes? Et quels sont les grands anciens qui trouvent place dans ta discographie idéale?

Corentin Charbonnier : J'ai grandi dans les années 1990 avec l'âge d'or du Thrash du Death et du Black (ainsi que l'apparition du Nu Metal et l'explosion du Sympho). J'ai donc grandi avec METALLICA, SLAYER, MACHINE HEAD, DARK TRANQUILLITY, AT THE GATES (j'ai toujours préféré le Death Metal mélodique), DIMMU BORGIR, MAYHEM, EMPEROR. En tant que musicien classique au départ, je reste passionné par le Metal qui se lie à la musique classique : SEPTIC FLESH en est un parfait exemple, tout comme FLESHGOD APOCALYPSE. J'ai des goûts assez diversifiés j'en conviens, du fait d'être dans l'émission radio Throne Of Thanatos depuis 20 ans (avec Simon, Narjess et Antoine), et faire de la programmation avec certains festivals (Omega Sound Fest). Ce qui est passionnant avec notre culture, c'est qu’on n’en a jamais fait le tour : celui qui dit tout connaître ne peut être qu'un menteur.

En ce moment deux éléments m'intéressent : l'apport des instruments classiques et l'apport de culture préexistante dans le Metal... Donc je me mets souvent dans la playlist, au-delà des groupes précédemment cités des groupes tels que WOLFHEART ou SOLSTAFIR pour leur lien à la nature, HEILUNG, GAEREA pour leur mélodies. Je reviens de plusieurs dates de tournée avec le Rock Symphony Orchestra / Legendary Rock Voices, en tant que photographe comme en tant que musicien, c'est un bonheur extrême, il faut imaginer ces tournées faites par 60 à 80 musiciens classiques et modernes ukrainiens, qui reprennent en version orchestrale SOAD, METALLICA, GUNS, KISS et j'en passe devant plus de 800 personnes tous les soirs. Non seulement c'est unique, mais ça démontre de la reconnaissance du Metal auprès d'un plus large public qu'il n'y paraît.

Et parfois je retourne sur les classiques du Metal, en bonne petite madeleine de Proust : l'album Peuh de LOFOFORA, la discographie de MASS HYSTERIA, sans oublier la disco de Max CAVALERA (SOULFLY, NAILBOMB, les premiers SEPULTURA...), les albums de REGARDE LES HOMMES TOMBER, BEHEMOTH, LOUDBLAST. Et puis cette année je crois que j'ai particulièrement limé l'album d'ARKA'N ASRAFOKOR, exceptionnel groupe du Togo, l'album d'HEMLYN de Tunisie, et dans d'autres délires, WARGASM, qui pour moi est un groupe complètement fou en album, mais qui prend toute son ampleur sur scène tout comme HANABIE du Japon, BLOODYWOOD. Pour les français, petit crush avec LOCOMUERTE, dans l'attente du prochain album d'AKIAVEL, de BEYOND THE STYX. A l'heure où je te réponds, je suis dans l'écoute assidue du dernier album de VISIONS OF ATLANTIS, qui représente l'avenir ou l'évolution du Sympho pour moi, le single d'ALEA JACTA EST pour leurs textes et leur brutalité, SANG FROID pour cette mélancolie mise en musique, les premiers extraits du prochain KAMALA du Brésil (l'avantage de très bien les connaître, ça va être énorme).

 Mais j'ai déjà honte, car il m'est impossible de faire ma discographie idéale, on a tenté de faire les 100 albums du Metal pour l'expo, on a complètement abandonné car c'était trop réducteur. Je crois qu'on a des allusions à plus de 250 groupes dans l'expo, et réduire ici, je sais que j'en zappe plein, j'ai honte. Mais voilà j'essaie d'aller à ce qui me vient spontanément en tête.

Rencontre " Metal & Écologie " le 7 / 02 avec Corentin Charbonnier à Rochefort (17). 

Entrée gratuite, réservation conseillée sur : le site de Rochefort Océan

par mortne2001 le 09/12/2024 à 17:08
   158

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Gargan
@194.5.191.151
10/12/2024, 13:34:26

Metal et écologie... mouais.  L'écologie dont on parle systématiquement n'en est généralement pas, il s'agit pour l'essentiel d'un mélange hétéroclite de taxes supplémentaires déconnectées, de solutions alternatives "vertes" moches et peu vertueuses si tu grattes à peine, de conneries de woke et surtout d'outil de narratif anxiogène. Bah oui, cette peur est bien pratique pour détourner le regard des problèmes d'emploi, de précarité, de niveau de vie. Et puis c'était tellement performant, français et peu cher le nucléaire, quelle horreur putain ! C'est là où des groupes comme Gojira, quand bien même je suis certain à 100 % qu'ils sont bien intentionnés, sont généralement à la ramasse en ne captant pas ces évidences. Bon, ça m'a quand même donné envie de me réécouter un world demise...

 


Galette-saucisse is krieg
@90.59.132.11
11/12/2024, 19:10:03

C'est quoi le Hellfest (ha ha) ? Comme si c'était le seul festival de France. Certes, c'est le plus important mais bon, il n'y a pas que ça, merde. Et encore un livre de plus sur le sujet. Et dire que déjà à une certaine époque, je trouvais lourdingue les rares reportages sur le sujet (M6 and Co.)...

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Corentin Charbonnier : l'anthropologue du Metal

mortne2001 09/12/2024

Interview

CARCARIASS + Guests

Simony 06/12/2024

Live Report

FALLING IN REVERSE + HOLLYWOOD UNDEAD

Chief Rebel Angel 06/12/2024

Live Report

Lezard'Os Metal Fest 2024

Simony 02/12/2024

Live Report

Voyage au centre de la scène : STILLE VOLK

Jus de cadavre 01/12/2024

Vidéos

Sang Froid + Malefixio

RBD 29/11/2024

Live Report

Metalciné : le Mariage Impossible (Part I)

mortne2001 26/11/2024

La cave

Linea Aspera + Skemer + Carriegoss

RBD 26/11/2024

Live Report

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Father Merrin + A Very Sad Story 13/12 : Bar Au Temps Perdu, Bar-le-duc (55)
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Ivan Grozny

J'y vais perso, sans doute pour la dernière fois, mais ma liste de concerts d'ici le festival me donne clairement beaucoup plus envie de ce line-up décevant.

11/12/2024, 19:49

Ivan Grozny

Quand on voit la photo, va falloir qu'on lui achète un peu de matos pour remplacer l'ami Nicko.

11/12/2024, 19:47

Moshimosher

Bon, ben, maintenant, on sait (voir sa dernière vidéo sur YouTube), Kevin n'est pas dans ARCHSPIRE mais à France Tabasse (ou plutôt Tadrum) !

11/12/2024, 19:19

Galette-saucisse is krieg

C'est quoi le Hellfest (ha ha) ? Comme si c'était le seul festival de France. Certes, c'est le plus important mais bon, il n'y a pas que ça, merde. Et encore un livre de plus sur le sujet. Et dire que déjà à une certaine époque, je tro(...)

11/12/2024, 19:10

Saddam Mustaine

Honnêtement il y a de quoi faire pour un gros metalleux n'empêche Exodus, Dream Theater, Savatage, Judas Priest, Jerry Cantrell, Abbath, Epica Mais pas pour 300 euros le billet mdr

11/12/2024, 17:13

Gargan

Quelques mots éclairants de Bruce : https://www.facebook.com/reel/1073351141139243?mibextid=rS40aB7S9Ucbxw6v

11/12/2024, 15:43

Humungus

J'm'étais dit que pour une fois je posterai pas sur cette news du HELLFEST...Perdu.Comme quoi ce fest est tout de même LE sujet qui nous fait encore tous réagir bordel...Indécrottables.

11/12/2024, 11:33

Humungus

1) "S'ils ne vous aiment pas ne les aimer pas non plus"Belle réf... ... ...2) "Au moins Jerem pourra revoir FALLING IN REVERSE"Coup sous la ceinture.3) "Sinon question cible du Hellfest j'étais dans une des premiè(...)

11/12/2024, 11:29

Jus de cadavre

@ DPD : oh bah quand même : Samaïn Fest, Muscadeath, Pyrenean Warriors, Xtreme fest, Courts of  Chaos, Superbowl of Harcore, Lezard’os, Winter Rising Fest, Obscene Extreme, Anthems of Steel, Party San, Mosh Fest, Les Lunatiques, British Steel, etc...On parle et / ou r(...)

11/12/2024, 11:05

Gargan

Y'a un batteur anglais qui vient de se libérer, sait-on jamais   

11/12/2024, 07:43

Vulo

Il n'y a aucune info sur son recrutement dans Archspire ... Juste les auditions effectuées. Alors, breaking news ou susceptibilité ?

11/12/2024, 07:31

DPD

Sinon c'est bien gentil mais vous ne signalez même pas les annonces de petits festivals spécialisés. Vous parlez du Forest Fest, ce genre de trucs ? j'ai jamais vu d'annonce ici.

10/12/2024, 19:38

DPD

Sinon question cible du hellfest j'étais dans une des premières éditions et j'en suis embarrassé vu la chiasse que c'est devenu, j'y ai contribué, j'y ai cru, j'ai financé ce monstre en devenir.. Miserere.

10/12/2024, 19:32

DPD

Absolument pas lol, tu as des groupes de ricains qui font directement référence à la scène black norvégienne des 90's aujourd'hui, c'est pas mon truc mais ils sont là et fonctionnent bien. Et à titre personnel je n'ai jamais app(...)

10/12/2024, 19:27

Simony

Cypress Hill est le groupe le plus Metal du Hip Hop, l'album Skull & Bones en est un exemple criant et le plus immédiat, mais surtout, l'ambiance de leurs albums est ultra sombre, j'aime beaucoup leurs albums jusqu'à Skull & Bones justement. Disons que &c(...)

10/12/2024, 18:54

Tourista

Je crois que peu de gens ici (en tout cas ceux qui commentent habituellement) sont de toute façon clients de ce Fest et donc concernés par ce qu'il est devenu. Consternés, à la limite. :-D.  Car ça fait un moment que la frange extrême du public v(...)

10/12/2024, 18:46

DPD

Non mais même si tu veux faire dans le hip-hop dark (et noisy de préférence), tu as des tas de types qui ont plus leur place. Mais dans le cas présent oui ils sont à la maison, il faudrait arrêter de relayer les annonces de ce festival sur tout site sp&eacu(...)

10/12/2024, 17:13

Saddam Mustaine

Eminem l'année prochaine à ce rythme mdr

10/12/2024, 16:51

Saddam Mustaine

Cypress Hill ils ont fait des feat avec des groupes de Metal et aussi un projet avec Morello de RATM...Mais sinon c'est du Hip Hop

10/12/2024, 16:50

Capsf1team

Par contre Cypress Hill je veux bien une explication, car encore Muse on peut trouver une filiation lointaine, mais n'étant pas du tout fan de ce style, là je sèche... 

10/12/2024, 16:33