Bonjour à tous, première question traditionnelle, pourriez-vous vous présenter individuellement à nos lecteurs, et nous raconter votre parcours au sein et en dehors de MALEMORT ?
Malemort - Le groupe s’est construit autour de Xavier, chanteur et compositeur, qui a défini les contours de l’identité du groupe. Seb Berné, autre tête pensante du groupe, a fait des allers-retours entre la guitare rythmique et la batterie, mais a repris le manche depuis peu. Son pote d’enfance, Seb Lafaye, ne rechigne pas à tronçonner du riff, mais son péché mignon reste le solo ébouriffant. JC, à la basse, est la caution « viking » de Malemort. Quant à Cédric, la batterie est son métier, alors autant te dire que du Black Metal à la fusion, il nous laisse un terrain de jeu large !
Votre deuxième album, l’excellent Ball-Trap vient de sortir, pouvez-vous nous raconter sa genèse, le processus de composition, d’écriture et d’enregistrement ?
Malemort - Les chansons, écrites au fil du temps, sont venue alimenter nos setlists live au fur et à mesure. Peu d’entre elles ont atterri sur disque sans avoir été jugées par le public. C’est très efficace, mais en même temps, il y a peut-être moins de fraîcheur et d’innocence quand tu les enregistres après les avoir beaucoup jouées.
La difficulté pour moi (Xavier), étant donné qu’il s’agissait d’un album-concept, était que dès le départ, lorsqu’une chanson me venait, en fonction de son caractère, il fallait que je lui attribue un épisode de l’histoire et donc un numéro de piste sur le futur disque. Ce qui veut dire qu’il faut penser plusieurs facteurs à la fois : le tempo, le groove du morceau doivent rebondir efficacement par rapport à la chanson précédente, de même que la tonalité. Sans compter le fait que du coup, sur le moment, avec cette méthode, tu ne sais pas comment seront répartis les « tubes ». Une seule solution, essayer de ne faire que des tubes pour ne pas regretter ce choix de méthode de travail (ah ! ah !). A un moment, ça m’a fait peur, mais finalement, l’ordre des chansons n’a pas été modifié, ce qui contribue certainement à l’impression de cohérence de l’album, dont on nous parle souvent.
Comment le situez-vous par rapport à French Romances ? Le voyez-vous comme une extension, un nouveau chapitre ? Quelles sont les différences et points communs entre ces deux albums ?
Malemort - Sur le plan de la revendication d’un style musical bien à nous, avec le recul, French Romances a vraiment bien fait le boulot. Beaucoup de gens ont compris ce qu’on cherchait à proposer. Les fondements de MALEMORT s’affichaient très clairement, et le spectre musical était suffisamment large pour que nous puissions proposer ce que nous voulions sur le second album sans être taxés de trahir nos origines !
Côté différences, la personnalité musicale des musiciens arrivés entre temps colore fortement Ball Trap. La technicité s’est accrue de façon considérable, même si pour nous, l’étalage gratuit n’est jamais une option retenue. Côté composition, Xavier apporte toujours les riffs principaux et l’aspect chanson (les couplets et les refrains), mais Seb Berné peaufine la forme définitive et travaille beaucoup les milieux, qui du coup peuvent avoir une petite coloration Prog qui n’est pas pour nous déplaire. Il a aussi écrit les instrumentaux complets de « La Fille de Manchester » et de « Carnaval Cannibale ».
Vous avez confié l’artwork de Ball-Trap à Nicolas Dubuisson, comment s’est passé cette collaboration ? A-t-il eu accès à votre musique achevée pour travailler ? Vous semblez être très satisfaits du résultat, le graphisme et l’iconographie collent ils exactement à la vision que vous aviez du projet ?
Malemort - Nicolas Dubuisson est un jeune créateur talentueux, qui officie habituellement dans des registres bien différents et très Metal. Mais MALEMORT s’accommoderait peu d’un bébé éventré où d’une apocalypse nucléaire sur fond de zombies nazis ! Nicolas est extrêmement curieux et avide d’expérimentations. Il avait tout de suite été séduit par l’histoire et, à sa demande, il a eu accès à toutes les chansons de l’album, alors que celui-ci était encore au mixage, afin de s’immerger dans le disque. Lui et Xavier ont ensuite beaucoup échangé au fil de la création et des liens forts se sont tissés.
Votre style musical est inclassable, vous utilisez des éléments de Rock, de Pop, de Swing, de Jazz, de Fusion, de Metal, est-ce révélateur de votre personnalité et ce melting-pot a il émergé naturellement dès que vous vous êtes mis à jouer ou était-ce une volonté délibérée dès le départ de vous démarquer ?
Malemort - La musique a quelque chose d’infini : une ligne de basse funk, une mélodie vocale folk, une orchestration classique, un riff Brutal Death peuvent tour à tour, et parfois de façon inattendue, nous toucher au plus profond. Alors en tant que musicien, pourquoi se priver de certains langages, au motif qu’ils ne seraient pas « Metal » ? Mais qu’appelle-t-on le Metal, au juste ? Dans ce cas, l’aspect sudiste et groovy de PANTERA, qui fait tout le sel de sa musique, ne serait pas Metal ? Le Metal, s’il veut continuer à compter, doit être une terre de découverte et d’hybridation, et non un mausolée dédié à la seule vénération des grandes figures du passé. Par contre, le processus de mélange est naturel, nous ne cherchons pas délibérément à surprendre. Une seule obsession nous guide : écrire une bonne chanson avec ce que cela suppose aussi de cohérence.
Question pour Xavier. C’est toi qui prend en charge les textes du groupe, comment te viennent les images que tu retranscrits en mots ? Ou bien le processus est-il inversé, et sont-ce les mots qui dictent les images ? Tu as déclaré dans une interview être fervent lecteur d’Hugo, Nerval, Baudelaire, Giono ou Romain Gary, envisages tu ta plume comme un mélange de poésie romantique et de prose réaliste ?
Malemort - Le travail sur ce disque, fut bien particulier, puisqu’une histoire s’est imposée, malgré moi : elle me poursuivait jusque dans mes rêves! J’avais une hantise des concepts-albums, mais il a bien fallu que je m’y résolve. Chaque chanson relate donc un moment marquant de l’histoire, à la façon d’une photographie. Cependant, la sonorité des mots va prendre une place centrale, car le français n’a pas la souplesse de l’anglais. Par ailleurs, le texte doit pouvoir permettre une double lecture : l’auditeur peut choisir d’y entendre un épisode de l’histoire ou de se livrer à une interprétation personnelle.
Par contre, l’histoire n’est pas une simple trame fumeuse. Lorsque l’emploi du temps de MALEMORT me le permettra, d’ici quelques mois, j’écrirai une nouvelle qui sera mise à disposition sur le site du groupe.
Concernant les influences, j’ajouterai Céline, dont l’écriture, plus hachée et déconstruite, est très « rock ». Tu as raison, le romantisme 19ème me touche beaucoup, mais du point de vue de l’écriture Metal, il faut s’en méfier, il peut sonner un peu lourd. C’est pourquoi mon écriture intègre une prose réaliste. Et puis soyons honnêtes, je privilégie l’efficacité musicale.
Quel regard portez-vous sur ces fameuses « années folles » qui ont pris place dans l’entre-deux guerres, une période très trouble qui mélangeait le faste et la décadence, mais aussi l’austérité et la crainte ? Ne croyez-vous pas que ce mélange d’hédonisme et d’ascétisme subi se reflète un peu dans notre époque ? Pourquoi avoir choisi cette portion de l’histoire plutôt qu’une autre ?
Malemort - Tu as toi-même bien décrit les années folles. Ces années 20 sont un mirage, le dernier instant où on a pu croire que la France, ravagée par la 1ère guerre mondiale, pouvait se relever et reprendre la première place mondiale dans le domaine du rayonnement artistique. Toutes les avant-gardes sont à Paris, même le jazz noir américain y trouve refuge. C’est le dadaïsme puis le surréalisme. La photo et le cinéma expérimentaux sont à l’honneur. Les riches américains, rebutés par la prohibition, viennent par cargos entiers s’encanailler et exercer un mécénat. Mais en réalité, les idéologies destructrices du 20ème siècle sont déjà à l’œuvre. Cette poursuite folle du bonheur, de la jouissance individuelle ressemble fort à une ivresse avant le suicide européen de la 2ème guerre.
Parlez-nous un peu du clip tourné pour illustrer le morceau « Cabaret Voltaire », qui l’a dirigé, comment s’est effectué le choix du morceau, enfin tout ce que vous jugerez pertinent…
Malemort - « Cabaret Voltaire » est un pur rock’n’roll très immédiat qui peut parler à tout le monde et que nous aimons beaucoup, donc un single tout indiqué. Bien sûr, il ne représente pas l’aspect le plus Metal de notre musique, mais cela fera l’objet d’un deuxième clip. Vincent Lecrocq a fait un très beau boulot de montage et de traitement de l’image. C’était très stimulant. Il fallait restituer le côté années 20, jusque dans les costumes (qui sont d’époque !) tout en y insufflant un côté rock et en évitant également les poncifs des clips de Metal ! Soyez attentifs jusqu’au bout de la vidéo, le procès-verbal final permettant de comprendre l’anecdote.
Pourrait-on envisager un court métrage pour illustrer l’album ?
Malemort - La nouvelle qui relatera l’histoire pourrait même fournir le scénario d’un long métrage ! Mais dans ce cas, on sortirait du cadre Malemort. Il y aurait de quoi faire un film d’action un peu historique qui nous changerait un peu des comédies françaises intimistes pseudo marrantes pour trentenaires !
Comment voyez-vous la tournée à venir pour supporter Ball-Trap ? Avez-vous quelques dates à nous donner ou des participations à des festivals/évènements ?
Malemort - Nous débuterons le live à partir de mars. Vraisemblablement, nous ferons comme toujours : nous annoncerons les dates au fur et à mesure qu’elles tomberont. Nous attendons février pour y voir plus clair et faire les premières annonces.
Dans une époque où le dématérialisé règne en maître, qu’est-ce qui pousse un groupe à sortir un album physique au packaging aussi pointu ? La passion ? L’amour du bel objet ?
Malemort - Nous essayons d’être exigeants dans tous les domaines de notre création, afin de créer une œuvre totale. Et puis quelques fréquences perdues dans l’infini de la toile numérique, c’est un peu comme un naufrage, une disparition. Le disque physique, avec son artwork, c’est notre navire.
Vous évoluez en créateurs libres, n’aimeriez-vous pas avoir le soutien d’un label ou préférez-vous vous débrouiller par vous-mêmes, avec toutes les contraintes que cela implique ?
Malemort - Au départ, ce n’était pas un choix, mais une nécessité. C’est devenu une ligne de conduite : avancer coûte que coûte, car attendre de l’aide, c’est souvent rester sur le bord de la route. Ce n’est un mystère pour personne que les labels sont mal en point. Les structures encore solides ne signent plus d’artistes « en développement », c’est-à-dire qu’elles ne préparent plus l’avenir. Dans ce contexte, il faut apprendre à oublier de dormir et foncer. Pour l’instant, ça nous a réussi. Nous avons fait deux albums unanimement salués, et effectué de belles premières parties (UFO, DEATH ANGEL, NO ONE IS INNOCENT…).
Vous avez opté pour le choix du chant en Français, n’est-ce pas un peu risqué à l’heure actuelle ou pensez-vous justement que cette particularité vous singularise et vous ouvre la curiosité des pays étrangers ? Comment faire fonctionner la langue française dans un contexte Rock sans paraître pompeux ou au contraire trop populaire ? Quels sont d’ailleurs vos artistes nationaux favoris en termes d’osmose musique/langue française dans le domaine du Rock et du Metal ?
Xavier ne se voyait plus s’exprimer autrement que dans sa langue natale, celle qu’il enseigne, aussi. C’est aussi une façon de refuser une mondialisation mac do uniformisante. Notre patrimoine est superbe, pourquoi l’ignorer délibérément ? Des groupes comme NOIR DESIR ou EIFFEL ont parfaitement su s’approprier le français. En Metal, c’est plus rare, même s’il y a MASS HYSTERIA, LOFOFORA , NO ONE ou même des groupes d’extrême. La seule règle à respecter, c’est d’éviter que ça sonne ringard.
Et d’ailleurs, quel regard portez-vous sur la scène Metal Française actuelle ? Pensez-vous que la situation a évolué au niveau des structures depuis les années 80 ? Il semblerait que nos groupes soient de plus en plus créatifs et deviennent même des références à l’étranger, comme GOJIRA par exemple. Quels sont les groupes que vous appréciez plus particulièrement ?
Malemort - La scène française ne dispose quasiment d’aucun support, elle évolue dans l’inconfort, et pourtant, elle est extrêmement productive, bosseuse et originale. GOJIRA est à cet égard formidable. La scène brutale est particulièrement dynamique (GOROD, HACRIDE, BENIGHTED et une flopée d’autres), il y a aussi les électrons libres (6 :33, FLAYED, ALCEST …), les références (LOUDBLAST, le parrain…) et un paquet de groupes qui se remuent.
Comment voyez-vous le futur de MALEMORT ? Allez-vous devenir des Rock Stars bouffies d’orgueil et nageant dans des piscines de Montrachet, ou garderez-vous la même ligne de conduite indépendante ?
Malemort - Nous sommes pour le Montrachet, mais au verre ! Pour le reste, indépendance et … pauvreté ! Il n’y a pas d’argent dans le Metal en France. Les gens doivent savoir qu’il nous arrive fréquemment sur des dates lointaines d’en être de notre poche, tant les cachets sont maigres. Et un album bien réalisé comme nous l’avons fait, coûte cher, à une époque où on fait croire que la musique est gratuite. Merci à ceux et celles qui achètent actuellement nos disques, nos t-shirts : c’est grâce à eux qu’on pourra continuer Malemort sans avoir à vendre jusqu’à nos corps !
Le dernier mot est pour vous, alors lâchez-vous, et merci pour cette interview !
Malemort - Merci aux passionnés qui comme toi, font rayonner la musique avec talent. Merci aussi aux lecteurs qui prennent le temps de découvrir. Plus que jamais, en ces temps de surproduction d’offre musicale, le bouche à oreille numérique est crucial, comme jadis le tape-trading !
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