Il y a des noms comme ça que l'on voit circuler depuis un moment, des groupes pour qui le premier album est un chemin qui semble interminable. Pourtant, il est là, depuis le 22 janvier dernier, CONVICTION a publié son premier album chez Argonauta Records. Le groupe est mené par Olivier Verron (TEMPLE OF BAAL) et il nous en dit plus sur ce premier album qui en appelle d'autres. il faut dire qu'il a su constituer un line-up solide avec Rachid "Teepee" Trabelsi (CORROSIVE ELEMENTS, MOONSKIN) à la batterie, Vincent Buisson (BRAN BARR, ex-FUNERALIUM, MOURNING DAWN) à la basse et Frédéric Patte-Brasseur (ATARAXIE, FUNERALIUM, STABWOUND) à la guitare.
Salut Olivier, merci de prendre le temps de répondre à quelques questions pour Metalnews.fr. On commence logiquement par l’histoire de CONVICTION qui est né en 2013 sur la base d’un one-man band c’est bien ça ?
Olivier : Absolument, en fait j’avais depuis très longtemps l’envie de monter un groupe de Doom, dès les années 90, mais à l’époque assez peu de monde était intéressé par ce type de musique, tout le monde ne jurait que par le Black et le Death, ou le Doom Death au mieux. J’ai donc... Attendu qu’on grandisse tous, hahaha ! Et fondé Temple of Baal car j’étais à parts égales mordu de Black Metal. En 2013, en une journée, j’ai composé et enregistré la première démo de Conviction, après avoir traversé quelques émotions fortes, c’est sorti d’un coup, paroles, musique, la guitare branchée dans l’ordinateur, je composais et enregistrais en même temps, tout est sorti d’un bloc. Une expérience d’une intensité rare.
Tout se débloque, si on peut dire, en 2018, avec l’arrivée de Fréderic Patte-Brasseur et Vincent Buisson à la basse même si, un an plus tôt, Rachid arrive à la batterie, ce qui n’est pas anodin non plus. Comment es-tu passé de one-man band à groupe plus traditionnel dans ta tête ?
Olivier : En fait tout est parti de l’initiative du Tribute à Cathedral sorti chez Sleeping Church Records. Je ne me voyais pas enregistrer un morceau en hommage à mes dieux ultimes sans vraie batterie. J’ai donc posté un message sur le groupe facebook où nous centralisions les dialogues entre musiciens & label, et Rachid m’a répondu que ça l’intéressait à fond. Chemin faisant, je me suis dit que tout de même, les morceaux de la démo méritaient bien un passage au live... Et là je savais qui appeler, cela faisait un moment qu’on en avait parlé avec Vincent et Fred. C’était logique d’avoir recours à eux, d’autant plus que ce sont de très vieux amis !
Votre premier album sort donc ce 22 janvier chez Argonauta Records. Comment s’est déroulé le processus de signature avec ce label tout d’abord et ensuite la majorité des morceaux figurent sur les démos déjà publiées, était-ce important pour toi d’en proposer une version définitive ?
Olivier : C’était très important. J’adore ces morceaux, et les proposer en version groupe leur donne une dimension supplémentaire. Sur la démo, la batterie est programmée et les guitares jouées avec un simulateur d’ampli, là c’est du vrai à 100%, ça change beaucoup de choses... Quant à la signature avec Argonauta, j’avais ce label en vue depuis un moment, je voulais signer avec un label qui sache bosser du Doom. J’étais en contact avec des groupes de chez eux, Lowburn, Church of Void, dont les musiciens me disaient que ça se passait très bien avec le boss du label, Gero, donc... Pas eu besoin de me poser trop de questions. J’ai écrit un mail à Gero en lui donnant l’adresse du bandcamp et il m’a répondu le lendemain, enthousiaste. Ca s’est fait très simplement. Gero est lui-même musicien, il connait très bien les deux côtés du décor, il est réaliste et ne fait pas de promesses en l’air. C’est un mec sérieux et jusqu’à maintenant je suis vraiment très satisfait de cette collaboration.
Concernant l’artwork, on retrouve la même statue que sur la démo, est-ce qu’il y a une signification particulière ? Y a-t-il un fil rouge qui relie les morceaux, un concept général, un thème commun ou abordes-tu des choses totalement différentes ? Peut-être ne veux-tu pas trop lever le mystère sur le sens des paroles d’ailleurs ?
Olivier : Cette statue est un transi de 1526 qui se trouve dans la collégiale de Gisors, une magnifique église gothique. Ayant emménagé là bas, j’ai été frappé par cette vision et par la phrase « Fay maintenant ce que vouldras avoir fait quant tu te mourras » (sic) qui la surplombait. Ca a été un vrai déclic et ça a clairement contribué à déclencher l’irruption d’inspiration qui a conduit à l’enregistrement de la démo. J’ai envie de faire revenir ce gisant dans les prochains artworks, on verra de quelle manière. C’est l’illustratrice Kax, connue entre autre pour ses travaux avec La Horde Séquane ou Asgard Hass, qui s’est chargée de redessiner ce gisant et de faire l’artwork de l’album, c’est une personne en or, et une fan de Doom Old School qui plus est ! Elle a un talent fou et nous allons continuer à travailler avec elle pour la suite.
En ce qui concerne les paroles, je ne veux effectivement pas trop m’étendre dessus, j’aime l’idée de laisser les gens y trouver leur propre émotion, leur propre histoire, le Doom est un style introspectif et méditatif, qui se vit intérieurement. Disons que la fuite inexorable du temps et tout ce qui l’accompagne, le regard critique sur soi et sa propre existence, sont au centre des paroles de Conviction. Ainsi que quelques divagations fantastiques sur les inévitables sorcières et leurs chers amis inquisiteurs... « Voices Of The Dead » m’a quant à lui été inspiré par les paysages de la campagne dans laquelle j’habite, quand elle est plongée dans la brume, on se croirait à mi chemin entre un roman des soeurs Brontë et le Chien des Baskerville, c’est magnifique et ça stimule énormément l’imagination !
C’est Fréderic Patte-Brasseur qui a fait le mixage et le mastering. Etant dans le line-up était-ce naturel qu’il le fasse ? Avez-vous eu peur du manque de regard extérieur sur votre musique ?
Olivier : Frédéric s’est chargé de l’enregistrement des guitares, des voix, et du mixage. Laurent Cauneau du studio Barde Atomique, de la batterie. Quant au mastering, il a été réalisé par Geoffroy Lagrange, au Paradise Studio. C’est donc tout de même un travail d’équipe.
Quant au manque de regard extérieur... Je ne veux plus de regard extérieur sur ma musique, ou vraiment le minimum possible. Plus d’intervenants il y a, plus l’oeuvre est diluée, je trouve, et je ne veux absolument pas ça pour Conviction. J’ai des idées dans la tête, en terme de musique, en terme de son, en terme d’atmosphères, et je ne veux pas perdre de temps en discussion avec des interlocuteurs qui dénatureront mes visions. Je veux fonctionner en vase clos et peut-être inviter tel ou tel collaborateur juste parce que je veux vraiment cette personne et pas une autre.
Fred a un studio et un matos fabuleux, pourquoi aller ailleurs ? Le seul piège dans lequel nous sommes un peu tombés, c’est de faire, refaire, et refaire à nouveau puisque le temps ne nous était pas compté, ce qui a fait prendre beaucoup de retard à l’enregistrement, mais c’était notre premier dans cette configuration. Nous avons beaucoup appris, je pense que nous continuerons à fonctionner de cette façon, Fred et moi aux manettes, Kax à l’illustration, et un ou deux autres collaborateurs bien choisis pour le reste. On verra.
Après un ‘Voices Of The Dead’ très traditionnellement Doom, le morceau ‘Through The Window’ ne tarde pas à dévoiler les intentions du groupe, proposer une patte originale sur fond de Doom traditionnel. Etait-ce cela la volonté de départ de CONVICTION ?
Olivier : Ce n’est pas du tout réfléchi, il n’y a pas de stratégie. Juste un peu de recul quant aux arrangements par rapport à la démo et c’est vrai que le travail en groupe a permis d’ajouter de nouvelles idées, nous avons pas mal expérimenté du côté des effets, un peu de flanger sur la batterie et sur les sons de guitare claire, Fred et moi sommes un peu des geeks de matos alors on s’est fait plaisir du côté palette sonore, et puis nous avons également pas mal bossé les chœurs. Avoir de beaux chœurs polyphoniques est une réelle volonté de ma part, en partie parce que j’ai longtemps bossé en chorale pendant toutes mes études de musique, en partie parce que je suis fan de Queen et de Blind Guardian (oui, ça peut faire bizarre lorsqu’on parle de Doom !) J’aime la matière sonore de la voix et nous continuerons à travailler cet aspect des choses dans le futur.
On parlait de ‘Through The Window’ et ses multiples ambiances, mais on peut aussi évoquer ‘Curse Of The Witch’ et sa voix plus caverneuse qui tranche avec ta voix claire et un chant toujours clair mais plus hargneux également sur les couplets de ce titre. Qu’est-ce qui dicte ces différentes voix ?
Olivier : C’est juste un passage bien particulier du morceau, qui correspond à la malédiction de la sorcière sur le bûcher. Je n’avais pas particulièrement l’intention d’inclure des voix Death dans Conviction, je veux vraiment garder un aspect chanté, mais à ce moment précis, cela s’y prêtait. C’est vrai que la voix chantée est également plus hargneuse, pour coller à l’atmosphère du texte. C’est vraiment ça en fait, le texte, qui guide les inflexions vocales. Nous avons également eu recours à des voix de femmes pour les hurlements Fanny, Léana, Floriane et Sophie que nous avons surnommées « The Witche’s Coven » !
De nombreuses influences se ressentent à l’écoute de cet album, l’esprit direct d’un CATHEDRAL, de même que sa facette plus écrasante mais il y a également une dimension épique que je rapproche de NORTHWINDS, peut-être à cause du chant clair ? Dirais-tu que l’école Italienne qui a beaucoup marqué NORTHWINDS, a également eu un impact sur ta façon de composer ?
Olivier : Eh bien pas du tout à vrai dire. J’écoute un peu Paul Chain, Alkahest un est chef d’oeuvre par exemple, mais je suis surtout porté sur le Doom anglais et américain. Il y a de chouettes groupes de Doom italiens c’est vrai, Epitaph par exemple, et chez les groupes actuels j’adore Black Oath et Night Gaunt, mais l’école italienne n’est pas centrale dans l’écriture chez Conviction.
Je parle de CATHEDRAL car c’est une évidence, surtout avec votre participation au tribute récent de la scène française à ce groupe, mais comme je le disais, ce n’est pas la seule. On sent également une fibre plus Heavy, notamment dans l’utilisation des leads et des solos. De ce côté-là, votre approche m’évoque SOLITUDE AETURNUS ou COUNT RAVEN, comment composez-vous les solos, comment vous les répartissez-vous avec Fréderic ?
Olivier : La plupart des solos étaient déjà pré-écrits, j’avais enregistré les démos de tous les morceaux, à part pour le tout dernier « My Sanctuary », pour lequel j’avais juste enregistré les rythmiques, Fred s’est chargé de tous ces orchestres de guitares à la Brian May que l’on peut y entendre. Quant au Heavy, oui, bien sûr, il fait partie de notre culture musicale. Il faut savoir que pour ma part, c’est la guitare, et le fait d’en jouer, qui m’a amené au Metal. Je me suis intéressé au Metal en lisant des canards de guitare, des interviews d’Angus Young, de Dave Murray, et de tous ces mecs qui jouaient plus vite que leur ombre dans les années 80-90. Du coup, oui, on aime la guitare, et les guitares ont un beau rôle chez nous. Chez moi, Metal implique solos de guitare et je sais que Fred partage tout à fait cette vue de l’esprit, on a donc décidé de se faire plaisir guitaristiquement parlant et on va continuer ! Quant à Cathedral, sans eux, pas de Conviction, tout simplement. C’est la découverte de Cathedral dans les années 90 qui m’a amené au Doom, et particulièrement au Doom Traditionnel. Je vénère pour toujours ce monument, je rêve d’un retour mais est-ce possible...
Sortir un album en janvier 2021 est extrêmement frustrant de part la situation sanitaire actuelle qui contraint à ne pas pouvoir le défendre sur scène. Avez-vous hésité à le repousser de quelques mois, quel est votre état d’esprit face à ce manque actuel ?
Olivier : Non. On a déjà trop attendu, il aurait dû sortir il y a trop longtemps, et on ne sait pas quand cette crise touchera à sa fin. Il faut donc s’adapter. J’ai confiance, l’album est bon, nous ne sommes pas le seul groupe privé de concerts, nous ne sommes pas les seuls à sortir un disque. Quant à notre état d’esprit... Nous sommes atterrés par la bêtise de ce que l’on peut voir circuler sur les réseaux sociaux... Pour l’instant la seule chose à faire à notre niveau c’est attendre et espérer. Mais nous croyons à la science, et à en croire ce qu’on lit ici et là, nous semblons être des hérétiques : Tant mieux !
Tu es également engagé dans d’autres projets musicaux, peux-tu nous en parler un peu ? Quels sont les projets de ces autres groupes ?
Olivier : Nous avons tous des projets parallèles, Ataraxie, Mourning Dawn, Moonskin, Rising Dust... Mourning Dawn sort d’ailleurs son nouvel album, qui devrait régaler les fans de Doom Death ! Quant à moi, Temple Of Baal est toujours là mais pour l’instant l’inspiration n’est pas au rendez-vous pour un album, nous verrons, et nous avons monté un projet nommé Unnamed Season avec ma compagne, dont Vincent et Rachid sont d’ailleurs le bassiste et le batteur. Nous bossons sur le premier album après avoir fait surtout du live, en particulier un concert magique au Cernunnos Fest.
Étant donné que la majorité des titres de l’album apparaissaient sur les précédentes sorties du groupe, avez-vous d’autres compositions de prêtes pour enchainer rapidement ou vous êtes vous uniquement concentré sur ces titres là ?
Olivier : Nous avons actuellement deux heures et demi de prédémos soit de quoi faire les trois prochains albums sans compter les nouvelles compositions qui arrivent. Le futur de Conviction est donc assuré.
Merci pour le temps accordé à Metalnews.fr, je te laisse conclure cet entretien de la façon qui te convient, ça ta tribune libre.
Olivier : Merci pour cet entretien, nous avons bien sûr hâte de vous retrouver sur scène mais prenons notre mal en patience. En attendant retrouvez-nous sur les réseaux Facebook, Insta et Twitter via l’identifiant @convictiondoom, ou sur notre site convictiondoom.com
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