Il en aura fallu du temps pour que PILORI arrive dans la cours des grands avec leur premier album À Nos Morts mais qui très vite, a su s'imposer.
Dans cette interview avec Greg (chant) et Gu (batterie) on se laisse un temps pour mieux découvrir ce groupe venu de Rouen.
1 / Bonjour et merci de prendre du temps pour vous prêter à ce jeu des questions/réponses. On commence par la première, qui se cache derrière PILORI et pourquoi ce nom ?
Gr. (chant) : Bonjour, et merci surtout à toi de ton intérêt pour le groupe. Puisque l'on s'en fiche de savoir qui on est, comment on s'appelle, etc..., je peux juste te dire que l'on est quatre : un chanteur, un guitariste, un bassiste et un batteur. Voilà. Le line-up a bougé depuis la création du groupe de toute façon, et puis l'important c'est ce que nous faisons, et non qui nous sommes.
Pour le nom, on voulait quelque chose de court, de simple et efficace. L'idée de PILORI est venu après quelques temps. Je la trouvais intéressante car le pilori est un instrument de torture, mais il ne sert ni à tuer, ni à faire mal, seulement à humilier. Tu prends un type que tu dois punir pour une raison X ou Y, tu le mets sur une place publique au vu et au su de tous. Les badauds devaient passer le voir, le montrer à leur gosse, cracher dessus, l'insulter, etc... Il n'y a pas plus assassin et puissant que l'opinion public, que le tribunal de la rue, que l’opprobre de tes congénères. On le voit encore aujourd'hui avec internet, qui a multiplié cela par 1000. Tu peux te faire lyncher à vitesse grand V par un nombre de personnes démesuré, le tout sans procès et par une majorité de gens ne te connaissant pas et encore moins les détails de ton cas et de ton histoire. Les réseaux sociaux sont très vite devenus les nouveaux piloris : il n'y a pas meilleur endroit pour afficher quelqu'un, le clouer pour l'exhiber et le salir. Ce n'est pas nouveau, les gens ont toujours eu besoin de ça depuis la nuit des temps : flageller, punir, montrer du doigt... On se veut « évolué » et « progressiste » aujourd'hui mais ça a toujours existé et existera toujours. Bref, voilà pourquoi Pilori. Comme il est écrit sur la bio de notre page, et c'est la définition de je-ne-sais-plus quel dictionnaire qui résume très bien les choses : "Signe de justice seigneuriale qui ne sert pas à mettre à mort, mais à exhiber quelqu'un ou quelque chose au mépris de tous."
Gu (batterie) : Bonjour et merci de nous accorder de ton temps. Pour ma part derrière PILORI, il y a plusieurs gars qui essaient d’avoir un projet musical stable, tout en y mettant (vraiment) beaucoup de cœur à l’ouvrage. Nous sommes réunis par cette volonté de partager, de s’écouter, de se respecter pour peut-être éviter certaines choses qui nous ont déplu par le passé dans nos anciens groupes respectifs et surtout, libérer nos cerveaux pour faire des choses que l’on a tous rêvé de faire depuis l’adolescence comme des tournées dans différentes villes / pays, enregistrer et sortir quelque chose de propre. Je pense que nous sommes réunis pour cela. Nous voulons avant tout, à notre modeste échelle, vivre des expériences qui nous réunissent et qui nous changent de l’ordinaire, tenter de faire ce qu’on a toujours secrètement admiré. Quant au nom « PILORI », je pense qu’il résume bien ce qu’on veut faire passer à travers notre musique. Depuis que je suis arrivé dans le groupe, on a toujours voulu baser la composition sur la spontanéité, le « brut de décoffrage » pour libérer ce qu’on a réellement dans les tripes (musicalement), comme si nous n’avions rien à cacher, être totalement nous-mêmes, ne plus se brider sur quoi que ce soit, juste empaqueter notre surplus de tension quelque part, sans rentrer dans un discours revanchard à trois francs six sous.
2 / Musicalement, votre musique dégage une certaine violence qui n'hésite pas à piocher dans le Hardcore, le Crust, le Grindcore, voire le Black Metal si on peut dire. Il est difficile de maîtriser ce genre de tout-en-un mais pourtant avec Pilori on arrive à faire les comparaisons, comment en êtes vous arrivés à un tel résultat ?
Gr. : Et bien j'en sais rien ! C'est une très bonne question ! Je pense que c'est assez naturel en fait. On compose comme ça car on est plusieurs gars avec énormément de références, on écoute énormément de choses, de genres divers et variés... Forcément ça s'est répercuté, mais ça n'était pas calculé. La composition dans Pilori est assez instinctive, j'ai déjà utilisé le terme de « primitif » pour qualifier notre façon de procéder et c'est vrai. Personne chez nous n'écoute que du black ou que du death ou que du grind ou que du crust, mais beaucoup de tous ces genres-là. On écoute plein de choses, on aime plein de choses, donc on est influencés par plein de choses. On puise par-ci et par-là, selon l'humeur, selon l'envie, sans se mettre de barrières ni de frein. L'idée n'a jamais été de faire un truc fourre-tout, mais ça n'a jamais été non plus de faire un truc basé sur un seul genre. On ne s'est jamais dit « il faut absolument aboutir à cela, arriver à tel ou tel résultat ». A l'inverse, on ne s'est jamais dit non plus qu'il ne fallait pas faire ci ou pas aller sur ce terrain-là. On laisse libre court au truc. C'est vrai que dit de la sorte, ça peut faire un peu « partouze de genres » et partir dans tous les sens. Ça peut être le piège, et si on l'a évité, tant mieux. Le but était juste d'arriver à un résultant structuré et structurant, mais qui nous plaise surtout à nous en premier lieu, dont on soit vraiment fiers. Je pense aussi que l'on commence à bien se connaître, à savoir où l'on veut aller, à avoir un peu d'expérience et surtout de recul sur ce que nous voulons faire et sur ce que nous pouvons faire. Ça doit aider. Peut-être que si on avait monté Pilori dix ans avant, avec exactement les même gars, ce serait parti dans tous les sens et ça n'aurait ressemblé à rien.
Gu : Les choses viennent d’elles-mêmes. On ne se dit pas il faut faire comme tel ou tel groupe. Rien n’est calculé et finalement, c’est ça qui est libérateur dans ce projet. On a déjà assez de barrière dans la vie, alors pourquoi s’en rajouter musicalement ? Ça n’a aucun sens. Pour moi, c’est comme faire du sport. Je fais ce groupe pour alléger ma tête, et peu importe si ça plaît ou déplaît, si on trouve ça bien ou pas bien. Je sens que ça m’apporte quelque chose de précieux. Lorsque tout le monde a cette vision dans un groupe avec un objectif commun, des goûts et des envies communes, cela peut donner ce qu’on a fait. C’est un petit mix de ce qu’on a écouté depuis plusieurs années en gardant cette intention globale qui est la spontanéité lors de la phase de composition. On dit souvent que la première idée est la bonne. Du coup, on se fait confiance. Mais vraiment, vraiment, vraiment, on ne se pose pas plus de questions. Exemple, pour « Que La Bête Meure », on l’a composé en 30 min lors d’une répète avec mon guitariste. Pour se libérer, il faut être détendu et se faire confiance. Et encore une fois, cela passe par une bonne entente globale sans empiéter sur la liberté de l’autre. On fait avec ce qu’on sait faire, ni plus ni moins.
3 / Devant une telle fureur on peut se poser les questions suivantes : est-ce une recherche personnelle, une vision artistique, un catharsis ou bien autre chose ?
Gr. : Je dirais une vision artistique plus qu'une recherche personnelle. Perso, je pense pouvoir affirmer au nom de tous qu'il n'y a pas de colère en nous, dans le sens « vouloir tout cramer » ou quelque chose de cet acabit. Nous ne sommes pas des révoltés, écorchés vifs emplis de fureur contre le système. On est pas MASS HYSTERIA ou TAGADA JONES en gros. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes dans la soumission ou l'acceptation non plus. Bref, non, vraiment rien de personnel, donc oui plutôt artistique. Les genres que nous jouons sont des genres qui nous inspirent et nous influencent parce qu'on les écoute depuis longtemps, très longtemps, parce que ça nous berce depuis des années et surtout parce que ça nous plaît, parce que l'on aime ça. C'est une façon de créer quelque chose et de rendre hommage à un truc qui nous tient à cœur. Et puis cette musique dite extrême est loin d'être si extrémiste et fermée que ça. Personnellement, ça m'a ouvert à beaucoup de choses, humainement, artistiquement, culturellement, intellectuellement. Parce que ce sont des milieux peu conventionnels vers lesquels tu dois aller, donc faire une démarche, et non quelque chose de facile qui vient vers toi et t'englobe dans la masse. Je l'ai dit, ça induit une vraie démarche, donc une réelle réflexion, une réelle envie.
Il y aussi, forcément, un côté un peu cathartique oui. Je pense que c'est une sorte d'exutoire quelque part. Mais cette catharsis, on peut la trouver sous différentes formes. Certains pourront la chercher dans la peinture, d'autres dans la méditation, d'autres dans le sport. Je pense que c'est assez vital pour la santé mentale d'avoir ce genre d'exutoire oui, quel qu'il soit. Nous c'est la musique, ça permet d'ouvrir les vannes. Après une répète ou un concert, t'es bien vidé, comme après une bonne séance de sport. Mais plus que de lâcher du leste, je pense que c'est surtout l'envie de créer quelque chose qui nous anime. En fait, ce serait hyper con de faire un truc juste pour se défouler, ça ne rimerait à rien. Par conséquent, de façon un peu inconsciente, il y a forcément plus que ça derrière notre démarche, donc oui, certainement une envie créatrice. En plus, j'ai la chance d'écrire aussi vu que suis l'auteur des textes. Je ne ressens pas le besoin de vider mon sac ou que tout le monde sache qui je suis et ce que je pense. Je ne recherche ni l'approbation, ni à séduire, ni à entraîner les gens dans mon sillage. Les gens pensent que quelqu'un qui écrit doit forcément prendre position, être engagé, dire qu'il n'est pas d'accord avec ci ou ça, avec l'injustice et la société. Ce qui disent et pensent ça n'ont jamais écrit, ou alors si ils le font, ils doivent le faire mal. L'écriture ça peut être plus profond et recherché que ça. Et aller chercher loin au fond de soi, c'est déjà un engagement, beaucoup moins simple que d'être « engagé ». Je pense que celles et ceux qui écrivent des textes « engagés » choisissent généralement la solution de facilité : ce sont souvent les combats sans coups de rebelles sans causes, c'est très générique, très évident, ça enfonce des portes ouvertes, la prise de position est nulle... Ayant toujours aimé lire et écrire, c'est aussi une bonne façon de s'exprimer pour moi, sur le plan artistique comme sur le plan cathartique. Il y a peut-être, voire sûrement, une introspection dans mes textes, donc je parle en mon nom, mais je ne pense pas qu'il y ait cette recherche personnelle dans notre musique. Ce n'est pas le but et ça ne l'a jamais été.
Gu : Je parlerais d’abord de vision artistique. J’essaye d’insuffler ce que me plaît musicalement, tout simplement. Dans mon propre cas, il y a peut-être aussi beaucoup de recherches personnelles dans le sens où j’utilise ce projet pour, petit à petit, apprendre à me libérer personnellement. Cela fait 4 ans que je suis à mon compte. J’ai choisi ce statut pour rester libre par rapport à ma passion pour la musique. De plus, je n’ai pas choisi la facilité car je vis en Pologne. Mes clients sont en France et mon groupe aussi. Cette posture assez particulière me pousse vers la vie que j’ai toujours voulu avoir. C’est peut-être aussi pour ça que je mets autant d’énergie dans ce projet. Avant de partir à l’étranger, beaucoup de personnes m’ont dit que c’était impossible d’avoir un groupe à distance, de gérer les concerts, le travail, etc. Force est de constater qu’il faut être avec des personnes organisées pour que cela soit possible. Ce projet me pousse à aller toujours plus loin pour contredire les préjugés. Cette posture inconfortable au quotidien engendre peut-être une certaine créativité de mon côté. Je me sens toujours en mouvement, je ne suis jamais figé donc peut-être plus libre de créer des choses. Pour le côté cathartique absolument. Ce projet est un vrai défouloir. Après une répète ou un concert, je me sens mentalement vidé. C’est l’effet que je recherche dans tout ce que je fais. Attention, « mentalement vidée » ne signifie pas « fatigue psychologique », c’est tout l’inverse pour moi
4 / Chose souvent classique, la langue Anglaise prend position, or PILORI a préféré garder son Français, pourquoi ce choix ?
Gr. : On a rien inventé ou révolutionné là-dessus, de plus en plus de groupes assument de chanter en Français depuis quelques années et c'est tant mieux. Je pense, là comme ça, à nos potes de Fange par exemple, qui le font aussi et ce bien avant nous. Céleste aussi chante en français, et pareil, bien avant la naissance de Pilori. Récemment, il y a également Mourir qui a sorti son premier skeud dans la langue de Molière. C'est bien, il y a une recrudescence à ce niveau. Sans faire du chauvinisme, nous avons une belle langue, riche et dense ; et sans faire de l'anti-américanisme primaire, j'en avais un peu marre de ce diktat anglo-saxon dans les textes. Merde, regarde les paroles de certains groupes qui chantent en anglais, c'est bourré de fautes d'orthographe, d'erreurs de syntaxes, de grammaire, de conjugaison, ça sent le Google Traduction à plein nez, sans parler des lascars qui chantent avec un accent français à couper au couteau, on dirait qu'ils lisent une liste de courses ! Je l'ai fait aussi dans mes anciens groupes, parce que c'était comme ça, parce que c'était bien plus qu'une mode mais une obligation. Aussi peut-être parce que l'essence des musiques punk/hardcore/metal est historiquement anglo-saxonne. Et puis, même si j'ai un très bon niveau en anglais, je fais des fautes et des erreurs quand j'écris, je n'ai pas l'accent adéquat, et ça c'est tout sauf mignon. Les mecs doivent se foutre de ta gueule puis te dire « non non c'est le charme à française, vas-y continue ! ». Après tu peux davantage te cacher derrière l'anglais je pense. Ça te permet d'être sûrement plus pudique, moins exposé. L'anglais, et je ne dis pas du tout ça de façon péjorative, est une langue moins complexe et plus facile que la nôtre. Un truc qui claque en anglais ne marche souvent pas si tu le traduis. Je pense donc que c'est une solution de facilité quelque part. Si tu sais pas écrire, t'es vraiment mieux de continuer tes paroles en anglais oui, et je dis ça sans méchanceté ou arrogance. Et puis, le français est ma langue maternelle, je m'exprime mieux et plus aisément ainsi. C'est forcément plus naturel, instinctif. Comme je l'ai déjà dit c'est une belle langue, très riche, donc pourquoi tergiverser plus longtemps ? C'est con à dire mais depuis que j'ai sauté le pas, je ne pense pas que je pourrais chanter à nouveau en anglais. Beaucoup ont peur que ça sonne genre PLEYMO, ENHANCER ou LOFOFORA, mais tu vas pas me dire que des groupes comme FANGE, CELESTE ou GLACIATION sonnent mal alors que ça chante en français ? Les textes sont 10 fois plus chiadés que beaucoup de trucs de chez nous qui tentent d'écrire en anglais. Après, le problème avec certains groupes dont les textes sont en français (car il y a forcément un revers de la médaille), c'est que beaucoup, en conséquences, se la jouent poètes. Genre « teste ma prose si tu l'oses », comme si ils écrivaient en trempant une plume dans un encrier à la lumière d'une bougie en buvant de l'absinthe. Mais on sait tous que, si ce n'est Google Traduction qui est utilisé dans ce cas, c'est un dictionnaire des synonymes.
Gu : Je suis très heureux que les paroles soient en Français. Après tout, pourquoi se compliquer la vie sur le choix de la langue ? Nous sommes un groupe Français et cette langue peut bien sonner. Il y a qu’à écouter un Véhémence, AORLHAC, SUHNOPFER, ou le dernier GLACIATION. À l’inverse, on pourrait aussi parler d’un groupe plus connu que j’aime comme KVERLERTAK, qui chante en norvégien et pourtant, cela ne m’empêche pas de fredonner les paroles, même si je ne comprends absolument rien. Je pense que nos sentiments peuvent être bien mieux retranscris dans notre langue maternelle. C’est aussi une manière d’affirmer ce que nous sommes. Après c’est subjectif tout ça. Il y a toujours des exceptions. De toute façon, j’ai envie de dire que 99% des gens ne comprendront très certainement jamais les paroles lorsqu’ils écouteront l’album. Il en va de même pour 99% des groupes de notre genre. Du coup, j’aime encore plus cette volonté de soigner les textes, de choisir les bonnes tournures de phrase, les bons mots. C’est un tout. Pour faire quelque chose de potable, il faut ressentir. Nos décisions de tous les jours sont guidées par nos émotions. Le faire d’écrire dans notre langue est la meilleure option pour cet exercice. J’imagine que mon chanteur ressent 10 fois plus ce qu’il dit en Français lorsqu’il est sur scène que si il le faisait en anglais. C’est normal car ça ne serait pas totalement lui. Autre point, le fait de ne pas comprendre les paroles à l’écoute pourrait nous faire tomber dans la facilité lors de la phase d’écriture. Et pourtant, je trouve que cette étape est terriblement importante pour la crédibilité d’un groupe, peut-être même encore plus dans notre genre. Que ce soit en anglais ou en français, on voit très souvent des textes écrit par-dessus la jambe. Ce n’est pas le cas chez nous. On apporte une réelle importance au travail d’écriture. Personnellement, j’aime cette dichotomie entre le son proposé et les textes scandés. C’est une manière supplémentaire de surprendre, de ne pas tomber dans la facilité et de ne pas aussi passer pour des neuneus.
5 / L'écriture des paroles se veut sobre, construite tout en étant percutante, d’où viennent ces influences?
Gr. : Tout simplement de ce que j'ai lu et de ce que j'aime lire. En tant que lecteur, j'aime l'épure. L'emphase, très peu pour moi. Mais c'est pareil pour tout hein : cinéma, production musicale, etc... Si c'est ampoulé, si c'est surfait, ça me fait chier. J'aime beaucoup Houellebecq par exemple, parce qu'il a cette plume acerbe, d'un cynisme absolu, mais justement très sobre, très dépouillé. J'aime ce genre de non-style qui en fait est un style à part entière. Et qui est en réalité extrêmement travaillé. Ça fait genre « je m'en fous » mais en fait c'est redoutablement bien pensé et construit. Camus aussi, pour ce ton très détaché, froid, extrêmement neutre, mais terriblement absurde sans avoir l'air de l'être, ou encore Marguerite Duras.
Je me souviens que « L'amant » et « Un barrage contre le Pacifique » m'ont beaucoup marqué pour cette faculté qu'elle a d'écrire comme si elle récitait quelque chose de tête, pêle-mêle, sans faire attention à comment l'écrire. C'est très impulsif, ça ne semble pas du tout réfléchi, alors qu'en fait ça l'est énormément. En auteurs plus classiques j'aime beaucoup Balzac, ou encore Maupassant et Flaubert, déjà parce que ce sont des rouennais comme moi, chauvinisme oblige, mais surtout pour leur style très réaliste, très épuré, et finalement très cru. Je trouve que tous les auteurs que je viens de citer ont un point commun crucial : ils écrivent d'une manière réellement profonde qui sonde la psychologie de leurs contemporains avec cynisme, avec absurdité, avec un humour noir, ravageur ou froid, mais aussi avec beaucoup de justesse. Ce sont là des regards d'une grande lucidité sur la société mais surtout sur les individus qui la peuple. Je pense également à Louis-Ferdinand Céline pour les mêmes raisons, ou bien à André Gide. Et en auteur étranger, il y a l'incroyable Bret Easton Ellis, toujours dans ce non-style, dans ce ton détaché, tellement froid qu'il en est glacial, cynique mais terriblement percutant.
Gu : Je pense que notre chanteur Gr. est le mieux placé pour parler de sa propre écriture, de ses influences. Comme Gr. le dit, c’est le résultat de ce qu’il aime lire, de ses goûts en matière d’écriture, aussi bien dans la littérature que dans le cinéma ou la musique. C’est très personnel tout ça. Il n’y a que lui qui s’occupe de cette partie pour la simple et bonne raison qu’il doit ressentir pleinement ce qu’il écrit. Et c’est, encore une fois, normal. On arrive à mieux faire passer une émotion, surtout dans le cadre de l’écriture, lorsque son auteur en comprend pleinement l’essence. C’est aussi valable pour la batterie, la guitare ou la basse. Le but, c’est de se libérer et de mettre sur la table tout ce qu’on sait faire de manière cohérente et mesurée.
6 / Parlons désormais de votre premier album " À Nos Morts" à quoi fait-il allusion ?
Gr. : Alors il ne fait pas allusion aux gens morts du Covid comme on a déjà pu me le dire ! Il aborde principalement le thème de la mort, mais sous plusieurs angles et aspects. La mort étant absolument inéluctable pour chacun d'entre nous : homme ou femme, beau ou moche, musclé ou gros, pauvre ou riche... C'est bien la seule et unique chose qui nous rassemblera tous. La mort c'est universel, ça touche et touchera tout le monde, depuis toujours et pour toujours. Donc oui, le temps passe, inexorablement, comme une maladie contre laquelle on ne peut lutter. Par définition, nous sommes tous des mourants, puisque nous sommes tous promis à la mort. Et je vieillis, je vois mes proches vieillir, certains tomber malade, d'autres partir... Je me rends, à titre personnel, de plus en plus compte de cette fatalité. Et je ne peux lutter contre cela donc j'essaie de penser de façon non-fataliste, notamment en étant conscient du caractère éphémère de la vie, du caractère futile de beaucoup de choses, afin de profiter au mieux du temps qui m'est imparti ici et d'en faire quelque chose. Ça peut sembler pessimiste ou autre mais ça ne l'est pas. C'est justement tout le contraire. Un ami récemment parti (paix à son âme) a écrit que ses années de maladie avaient été les plus belles de sa vie. Je pense que, comme il se savait condamné, il a d'autant plus profité, été davantage lucide sur le caractère précaire et fugitif de la vie. Si je suis nostalgique, je ne suis que très rarement mélancolique et jamais passéiste. Beaucoup de gens font du déni là-dessus, car il y a un côté terrifiant à ce temps qui s'écoule, à la fin qui se rapproche chaque jour. Ils mettent ça loin, ils n'y pensent pas. Mais quand tu en es pleinement conscient, c'est là que tu peux vraiment vivre, te lâcher. Donc on va dire que la mort est le thème global de l'album mais pas dans un sens forcément mortifère.
On y aborde aussi un thème cher à notre nom, puisque j'y ai un peu répondu lors de ta première question et le « pourquoi Pilori ? ». Comme je l'ai déjà dit, si tu organises demain une pendaison en place publique, tu auras plus de monde qu'à un concert de hardcore, c'est certain ! C'était déjà le cas au temps de l'inquisition, les gens ont besoin de coupables plus qu'ils n'ont besoin de vérités. Ils aiment voir le mal, les monstres, parce que ça exhorte quelque chose en eux, ça leur permet d'expier. Ça a toujours fait partie de la société du spectacle. Et je me répète, mais aujourd'hui, tu regardes les réseaux sociaux et tu te rends compte que rien n'a changé, tout le monde est à la fois juge et bourreau, tu peux lire partout et pour tout des « qu'il crève ! » ou « qu'on le pende ! », ou voir des rumeurs être répandues encore plus vite qu'une traînée de poudre sur tel ou tel type, de la part de gens qui vont se juger ouverts, tolérants et progressistes tout en te disant que le Moyen-Age est une époque archaïque. C'est si absurde que ça en est fascinant.
Pour finir, il y a aussi le thème de la vanité qui y est abordé. Et la vanité, surtout dans la peinture, est une représentation allégorique de la mort. On vit dans une époque où les futilités sont devenues une religion, on glorifie le néant, la médiocrité. Je suis sur les réseaux sociaux, donc quelque part je suis dichotomique car je fais partie de ça, mais progressivement je m'en désintéresse énormément. Je m'en sers quasi uniquement pour la promo de Pilori ou encore celle de mon label, Terrain Vague . Mais je ne me vois pas y déballer ma vie, poster des stories où je danse tout seul déguisé dans mon salon, ou une photo de moi en train de fumer une clope ou de sortir mes poubelles, ou faire une vidéo du film que je suis en train de regarder à la télé, ou de la dernière manif à laquelle je suis allée parce que, tu comprends, mon pseudo-engagement doit générer des likes et des vues vu que les gens ont des causes pour la pose. C'est bien mais on en a rien à foutre, vous êtes au courant ?! Cette course effrénée aux likes, à la mise en scène de soi et de sa vie, c'est assez effrayant. D'autant que c'est toujours très très auto-centré. C'est toujours moi par moi afin que les autres me regardent. Mais bon, sache petit instagrameur que tu finiras comme le clodo de ta rue qui ne poste pas de selfie de lui en train de dégueuler sa Villageoise sur sa veste : bouffer par les vers. Le morceau « Divine Comédie » vient de là, du texte de Danthe qui parle des cercles de l'Enfer. Le fait que, sur Instagram et Facebook, les stories soient représentées par des cercles, ça m'y a fait penser. J'y vois une belle représentation des péchés capitaux, notamment ceux de la luxure et de l'orgueil. Pour « Poursuite du Vent » par exemple, le titre est inspiré de la Bible où il est écrit « vanité des vanités, tout n'est que vanité et poursuite du vent » en référence au caractère illusoire et vain de ce qu'après quoi court sans cesse les Hommes durant leur vie.
Gu : Je vais peut-être plus parler de ce que représente pour moi « À Nos Morts », musicalement. Il résume ce que je cherchais à faire avec un groupe depuis l’adolescence. Un LP spontané, brut, rempli de bonnes intentions et résumant ce qu’on aime écouter et jouer. Ce n’est pas tous les jours que l’on enregistre un album. Pour ma part, c’était mon premier. L’objectif était de laisser le plus grand espace de liberté pour chacun d’entre nous sur la composition et la réalisation globale. Le titre de l'album et les textes ont été élaborés par Gr., et les compositions par notre guitariste et moi-même. Nous devions essayer de construire des fondements solides pour que chacun de nous trouve parfaitement sa place. Il y a pas de meilleure méthode pour ressentir pleinement ce que l’on fait lors d’un enregistrement ou d’un live. Concernant la thématique de la mort, en effet ce n’est pas hyper original mais quelque part, c’est aussi ce qui nous rassemble tous. Qu’on le veuille ou non, nous mangerons tous les pissenlits par la racine comme dirait mon père ! Parler ouvertement de la mort, c’est aussi considérer pleinement la valeur de sa propre existence. Je vois plus ça comme une ode à la vie. En tout cas, c’est ce que je ressens. Bref, c’est encore très subjectif tout ça. Tout cela n’a en effet aucun lien avec le Covid ! L'album était déjà écrit et enregistré avant le début de la pandémie. Lorsque tout ça a explosé, nous commencions le mixage.
7 / Sorti depuis peu et connaissant le groupe, il en aura fallu du temps pour arriver enfin à ce développement. Du coup pouvez-vous nous raconter son aventure (phase de création, arrivée en studio, choix de production, puis votre sentiment final depuis sa sortie....)
Gr. : C'est vrai que l'on a mis quatre ans à sortir notre premier album, ça peut paraître long en effet. On aurait pu le sortir avant, c'est certain, mais je ne suis pas sûr qu'il aurait eu le même impact et que l'on serait arrivé au même résultat. Donc pourquoi se presser ? On a très rapidement sorti une démo 4 titres, tout juste deux mois après notre premier concert, puis on a assez vite enchaîné, puisque environ un an et demi après ça est sorti notre split vinyle avec DAKHMA . Après, on a viré notre premier batteur, et on a eu deux gars qui l'ont successivement remplacé mais uniquement pour de la session live. On a mis plus d'un an à trouver le nouveau titulaire du poste, toujours en place aujourd'hui, j'ai nommé l'acolyte qui répond à cette interview avec moi. Son arrivée a été une sorte de renouveau. Du coup, quand on a repris la phase de création de l'album avec lui, on a décidé de repartir de zéro. On avait déjà composé certains morceaux qui sont sur le disque avant son arrivée, mais on a entrepris de les revoir intégralement avec lui, puis on a commencé la compo de nouveaux titres. On a pris notre temps car déjà personne ne nous attendait, et on voulait faire quelque chose dont on soit vraiment fiers, quelque chose de vraiment abouti. En conséquences, on s'est beaucoup préparé en amont, on a beaucoup bossé. Ensuite, on a enregistré dans le home-studio de notre bassiste de l'époque (qui a quitté le groupe juste après l'enregistrement de l'album, mais pas à cause de ça hein, puisque tout s'est très bien passé et que l'on est toujours très potes aujourd'hui !). Enfin, on avait fait les prises batterie avant, avec Bertrand Lebourgeois de la Gare aux Musiques. Mais bon, on a fait tout cet enregistrement en « famille » si je puis dire, puisque l'on connaît Bertrand depuis des années et que ce n'est pas la première fois qu'il fait nos prises batteries. Et, évidemment, notre ancien bassiste nous connaît bien. Ça s'est fait dans une ambiance relativement cool, sur un terrain connu. Ça aide, je pense, à bien bosser, de façon détendue, à être en confiance. Puis, le mixage on l'a confié à Cyrille Gachet. On l'a choisi naturellement, après avoir sondé 2-3 autres types. Déjà, car nos potes de Fange ont souvent bossé avec lui et nous en ont dit beaucoup de bien, ensuite parce que l'on aimait ses prods sur les skeuds qu'il a fait, et parce que les discussions en amont avec lui étaient fluides et intéressantes. On se comprenait mutuellement. Pendant le mixage, on a eu de très nombreuses échanges qui étaient toujours très riches, très constructifs. Non seulement il nous écoutait beaucoup, respectait nos choix et notre direction, mais en plus il était de très bons conseils, il proposait des trucs cools qui marchaient vraiment. Il a apporté, et pas qu'un peu. Il s'est réellement investi, ça a été une super expérience que de bosser avec lui, et on le remercie encore pour tout ce qu'il a fait. Ensuite, pour terminer, le mastering a été confié à Brad Boatright, tout simplement parce que si l'on regarde bien, il a masterisé bien plus de la moitié des groupes que l'on écoute et qui nous influence. Au lieu d'aller chez un type et lui demander de faire du Brad Boatright, autant aller directement chez Brad Boatright. Et pareil, super expérience, un type hyper à l'écoute et de bons conseils, très professionnel.
Mon sentiment final sur cette sortie, est un sentiment de fierté. Je suis très content de cet album. Non seulement il sonne bien, car il sonne comme on le voulait, comme ce que l'on avait en tête, et peut-être même encore mieux en fait. Et puis il ne s'est fait ni dans l'urgence, ni dans la douleur, ni à l'arrache, mais de façon très positive : tout le monde a beaucoup bossé, s'est bien préparé, s'est beaucoup investi, tout le monde a fait preuve de sérieux, de rigueur et d'envie, personne n'y est allé en traînant les pieds. Ça me renverra toujours vers une super expérience, ma meilleure en studio personnellement, et c'est aussi un excellent moment de ma vie. L'album est très bien accueilli, au-delà de nos espérances, il se vend bien, il a de bonnes critiques, et nous on a passé un super moment à le faire. Qu'est-ce que tu veux de plus ?
Gu : Ça a mis un peu de temps en effet. Mais chaque groupe a ses péripéties et ses choix à faire pour évoluer. Prendre des décisions, ce n’est jamais simple. Comme dans toute activité d’ailleurs. Mais c'est inévitable pour être efficace. Pilori est un projet de groupe. Et comme tout projet de groupe, il faut d’abord arriver à travailler correctement en groupe, en se respectant, en se mettant à la place de l’autre, sans traîner la pâte à la moindre difficulté, et trouver des solutions, prendre du plaisir… Tout ça pour essayer de sortir quelque chose de bien, avec la meilleure intention possible.
Ce premier album ne s’est pas fait dans la pression. Nous avons pris notre temps. Non pas par fainéantise, mais pour bien assimiler chaque étape du processus d’enregistrement. Nous ne sommes pas des musiciens professionnels. Nous en sommes loin ! Faire un album n’arrive pas tous les jours. C’était une bonne opportunité pour nous d’apprendre de nos faiblesses.
Nous sommes tous très heureux du résultat. Certainement l’une de mes plus belles expériences à ce jour dans un groupe de musique. On ne pensait pas que l’on pouvait sonner comme ça. C’est aussi bien entendu grâce à toutes les personnes remarquables et très douées qui nous ont épaulé tout au long de ce long processus.
8 / Pour un premier album il a su trouver renfort avec des featuring comme Matthias Jungbluth (CALVAIIRE, FANGE) mais également d'un certain Dylan Walker (FULL OF HELL, SLIGHTLESS PIT). D’où est venu l'idée de ces feat et comment cela s'est déroulé ?
Gr. : Les feat on en a eu l'idée assez tôt. On voulait faire participer un pote déjà, un mec avec qui on s'entend bien, avec qui l'on a joué, dont on aime bien la voix. Le choix s’est porté très naturellement et très rapidement sur Matthias car c'est un ami, on a du jouer une dizaine de fois avec Fange, et puis il chante en français lui aussi, par conséquent il a écrit lui-même sa partie de texte. Il s'est réellement investi dans le truc, ce qui fait plaisir. Pour Dylan Walker, c'est venu parce que l'on a joué avec FULL OF HELL à Paris en juillet dernier. C'est un super souvenir car on est tous très fans de ce groupe, la salle était blindée... Et puis à la fin je parle un peu avec Dylan, je lui dit que l'on va bientôt rentrer en studio, et je tente « au culot » de lui demander si il serait chaud pour un feat. Il me dit « pourquoi pas » mais on en reparlera. Je me suis dit que ça sentait le mec qui vous éconduit poliment, tu sais comme après un entretien d'embauche, le « on vous rappellera ! ». Et en fait non, quand je le contacte quelque temps plus tard avec les maquettes, il répond vite, il les écoute et trouve ça cool, pour finalement me dire qu'il est chaud. Il aurait pu en avoir rien à foutre, mais il a fait ses parties de façon hyper pro et consciencieuse, pas du tout par-dessus la jambe. Il ne lira pas cette interview mais je m'en fous, j'en profite quand même pour le remercier.
Gu : Pour Matthias, il y avait déjà un passé avec quelques atomes crochus. Gr. et Matthias se connaissent bien. Pour Dylan Walker de FULL OF HELL, Gr. y est allé au culot à la suite de notre concert au Gibus avec eux. Gr. lui a envoyé un email plusieurs mois après ce concert et contre toute attente, ça a marché. Lorsque l’on a écouté sa ligne de voix sur « Que La Bête meure », cela reste un sacré moment ! Au-delà du plaisir procuré et de la volonté de rendre encore plus vivant l’album, je pourrais aussi dire que ça a été un bon moyen d’apprendre. Par exemple, sur son feat, Dylan Walker a fait une allégorie du titre du morceau à l’aide sa voix en imitant une bête mourante à la fin. C’est vraiment tout con, mais cela nous montre à quel point il s'investit et vit son truc, même avec une simple phrase en anglais à crier 2 fois. Un grand merci à eux.
9 / Vous donnez également une importance à vos clips comme "La Grande Terreur" ou encore "Que La Bête Meure", n'hésitant pas à prendre des extraits de film. Y a-t-il une certaine influence cinématographique dans PILORI ?
Gr. : Oui, je suis assez cinéphile. Le cinéma est ma grande passion, bien avant la musique. Donc en faisant ces vidéos, je joins l'utile à l'agréable. Faire ce genre de clips, en empruntant des images à des films que j'aime, je n'ai absolument rien inventé mais je trouve que ça « change » un peu si je puis dire. Au lieu des clips mal joués, mal scénarisés, mal réalisés, avec des plans sur le groupe en train de jouer la nuit dans une forêt ou dans un hangar désaffecté. Et puis, je suis un imposteur, donc j'utilise le talent des autres ! Mais bref, on est là pour parler de Pilori, et non de mes éventuelles passions.
Gu : L’expert du 7e art, c’est Gr. Tout comme les textes, on lui laisse ce travail car il est le mieux placé pour retranscrire en image ce qu’il a dans la tête. Si on veut garder une cohérence avec l’écriture, ces deux domaines vont de paire.
10 / Avant tout, PILORI s'est fait connaître comme un groupe live. Quelles leçons et expériences avez vous apprises depuis votre création ?
Gr. : Le live, c'est ce que je préfère, et même c'est ce que l'on préfère tous. On a déjà pas mal joué, et on va continuer autant que possible. Après tu ne peux pas être un groupe de live en faisant ta « carrière » sur une démo et un split, tu finis par tourner en rond et être ridicule. On a eu beaucoup de chance quelque part d'autant jouer avec si peu. Là c'est cool, avec l'album on a un nouveau truc à défendre, des nouveaux morceaux à jouer. Enfin, si on peut rejouer un jour... Quant aux leçons, je ne sais pas trop. Ça nous a forcément appris plein de trucs, rodé sur plein de points, appris à être plus carré, plus « pro », ça nous a apporté de l'expérience oui. Mais je ne sais pas ce que l'on en a réellement tiré. Comme on est un vrai groupe underground, que l'on booke tout en DIY, que l'on est pas un ersatz de soupe énervée qui se la joue rebelle du « music business » mais qui concoure pour tous les tremplins et joue uniquement dans des salles subventionnés pour n'avoir que des conditions confortables, je te dirais que ça nous a très certainement appris à ne pas être trop à cheval sur la literie ni sur la bouffe !
Gu : Le live, c’est clairement ce qu’il y a de plus formateur. C’est pas comme en répète ou en enregistrement. Rien à voir. Il y a une forme de dépassement de soi que j’aime bien dans tout ça. En aparté, partir sur la route avec ses acolytes, c’est à chaque fois comme un rêve de gosse. Lorsque j’ai intégré Pilori, je n’avais jamais eu un groupe qui pouvait juste enchaîner 3 dates de suite dans 3 villes différentes. Les tournées, je ne connaissais absolument pas. Pourtant, lorsqu’on monte un groupe, on en rêve un peu tous. Nous avons tous la chance d'avoir des métiers qui nous permettent de partir plus ou moins facilement. Arriver à cette configuration est extrêmement précieux.
Tu n’imagines pas à quel point on hâte de remonter tous ensemble dans un van… Dans ces moments d’euphorie, nous sommes dans une découverte perpétuelle. Tout n’est que mouvement. On a un itinéraire, on sait où on doit aller. On rencontre de nouvelles personnes, on découvre de nouvelles villes, tout en restant dans une forme d’incertitude. Les tournées construisent des souvenirs et liens impérissables.
11 / Avec autant de concerts ou de tournées quel est votre plus beau souvenir mais aussi le plus mauvais ?
Gr : On nous l'a déjà posé dans une récente interview celle-là, et je ressors toujours la même réponse : c'était lors d'une tournée en Europe de l'Est avec Fange. On joue à Brno, dans le sud de la République Tchèque. L'endroit est cool, même si il y a très peu de monde. Mais bon ça on a l'habitude. Juste qu'à la fin, le lascar qui tenait le rade n'a pas voulu nous filer nos thunes. Alors déjà, c'était pas beaucoup, mais si en plus tu te fais enfler... Le truc c'est que les types du bar, qui parlaient anglais avec nous juste avant, se mettent à parler uniquement en tchèque à partir de là. En plus, il y a de bonnes marmules dans le lot. On est sur le parking en train de charger nos merdes dans le van, le ton monte vénère, on sent que ça va partir en couilles, d'autant que le patron du bar commence à passer des coups de fil à des potes... On perd pas de temps, je monte au volant pour qu'on se casse en vitesse, le dit patron monte dans son Hummer et commence à nous suivre dans les rues d'une ville qu'on ne connaît pas, la nuit. On arrive à le semer, et on prend la décision, évidente, de ne pas rester à dormir sur Brno comme prévu mais de tailler la route le plus loin possible. L'ennui c'est qu'il est tard donc pas évident de booker un truc pour squatter. Mais on a finalement réussi à trouver un petit hôtel, dans un patelin paumé dont je me rappellerai toujours du nom : Hevlin. Sur place, il n'y avait que des routiers qui jouaient aux machines à sous, et une meuf à l'accueil qui ne parlait que tchèque, mais on y a passé une très bonne nuit !
Le meilleur souvenir ? Il y en a plein, et bien plus que des mauvais heureusement. Mais je n'ai pas envie d'essayer de les hiérarchiser et de les raconter, parce que tout le monde s'en fout des trucs cools et sympas. Le souvenir que j'ai raconté là est bien plus drôle que te dire, niaisement, « on a joué dans une belle salle où il y avait un super bon son, une équipe qui t'accueille au top, le tout avec un groupe que l'on aime trop, c'était tellement fun ! ». Quand tu racontes une anecdote de vacances, tu racontes toujours le moment où la porte de ton mobilhome à claquer avec les clés à l'intérieur et toi en slip dehors plutôt que ta sortie à la plage une journée ensoleillée.
Gu : Il y a deux souvenirs qui me reviennent souvent. Le premier, c’était à Groningen lors de ma première tournée avec Nuisible. On a joué dans un squat de punks où il faisait 4 degrés. Je m’étais chauffé les pieds et les poignets pendant 30min sans m’arrêter pour avoir un tout petit peu chaud avant de jouer. Juste après, j’avais faim et un gros gâteau arrive sur la table du bar. J’ai coupé une part en pensant que c’était juste un dessert, bref tout ce qu’il y avait de plus normal. Je commence à engloutir une grosse part de gâteau. Damish, le bassiste de Nuisible, me dit : « T’es sûr que c’est que du gâteau ? Regarde la tête des gens au bar. » En effet, tout le monde me regardait au bar. Constatant qu’il y avait très probablement quelques plantes illicites à l’intérieur gâteau, j’ai recraché ce magnifique dessert pour tout mettre dans la poche arrière de mon jean. Merci à lui. Le deuxième souvenir qui me vient, c’était à Toulouse lors du Guillotine Festival avec Barque, WORST DOUBT, THE THIRD EYE etc… On avait joué dans une salle où il faisait très très chaud. Je pense qu’il faisait au moins 50 degrés si ce n’est plus. Certainement le concert où j’ai le plus souffert derrière une batterie. En plus, bien évidemment, pas d’eau à côté de moi. Très souvent, les souvenirs saupoudrés d’inconfort sont de très bons souvenirs avec le recul. Mes meilleurs restent mes deux premières tournées. La toute première avec Nuisible. En plus, c’était aussi mes premiers concerts avec Pilori. Puis, la deuxième tournée, avec Antoine Perron (<3), bassiste de Fange, venant remplacer le nôtre pour quelques dates. C’était tout nouveau pour moi d’enchaîner les concerts comme ça. C’était un rêve, un vrai rêve de gosse, tout comme sortir ce premier album, « À Nos Morts ». Hâte de construire les prochains souvenirs. Mais le but est d’y aller crescendo.
12 / Malgré l'inquiétude de la COVID-19 sur notre territoire (voir les rumeurs d'une seconde vague) quel projet avez-vous en ce moment ou pour la suite des choses avec PILORI ?
Gr. : C'est simple : jouer, jouer et encore jouer. On a sorti un album là, et on ne peut pas le défendre en live. On a du annuler une tournée et quelques autres concerts, soit genre 10 ou 11 dates au total, un truc comme ça, et tout ce que l'on essaye de programmer s'écrit en pointillés. On est contents de notre album, on a très envie de le jouer, d'autant que comme déjà dit, on adore ça. Et puis il est vraiment bien reçu, on a de super chroniques dessus, et surtout il est beaucoup écouté, streamé, téléchargé, et acheté ! Donc ça frustre pas mal, parce que nous tout ça, ça nous excite et nous chauffe à mort ! Mais bon, on relativise, on prend notre mal en patience. On a beaucoup de projets pour la suite, mais je ne préfère pas en parler vu l'incertitude omniprésente qui plane. En revanche, je peux te dire que l'on a profité de ce marasme pour commencer la compo du prochain album.
Gu : On relativise. On reste positif. On fera avec ce qui se passera. Je pense que limite, lorsque l’on montera à nouveau dans le van, on fera une minute de silence pour bien profiter de cet instant. Hâte de jouer en live en tout cas ! Et à défaut de ne pas pouvoir faire de concert, nous avons commencé à composer le deuxième album.
13 / Votre dernier mot pour la fin de cette interview ?
Gr. : Tout simplement merci. C'est cucul, c'est bateau, mais c'est vrai, j'ai sincèrement envie de remercier les gens qui s'intéressent à nous, à notre musique, qui nous apportent du soutien et nous aident d'une quelconque manière. Donc merci à toi pour cette interview, et merci à celles et ceux qui ont lu mes tartines, même en diagonales, et merci aussi et surtout à celles et ceux qui nous supportent d'une façon ou d'une autre.
Gu : Merci beaucoup de prendre de votre temps pour nous. Et merci à celles et ceux qui liront cette interview
Non. il en a profité à la fin, certes. mais ce n'était certainement pas les plus belles années de sa vie. je ne peux pas te laisser dire ça et te servir de sa mort pour faire du texte.
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09