51 - LORDS OF THE CRIMSON ALLIANCE - Lords Of The Crimson Alliance
A une époque, le Metal a connu une belle série de « faux-vrais groupes », groupes montés de toutes pièces, mais qui n’avaient évidemment aucune légitimité live. Et pour cause, puisqu’ils furent conçus en studio. On connaît évidemment le cas de MEKONG DELTA, mystérieux à l’époque avec ses photos promo à contrejour, mais concrètement créé par Ralph Hubert, producteur et CEO du label Aaargh! Records en compagnie de musiciens de RAGE, RUNNING WILD et LIVING DEATH. On connaît moins par contre la clique Cobra Records, dont le propriétaire et gestionnaire Zoran Busic a multiplié les projets, dont PILEDRIVER, EXORCIST, ORIGINAL SIN et CONVICT sont les plus connus.
Autre cas, celui de LORDS OF THE CRIMSON ALLIANCE, qui n’est pas un groupe monté par des musiciens connus, mais qui est plus un alias, dans la veine d’un PARIAH pour SATAN. La rumeur voudrait en effet que derrière ce nom et ces pseudos, se cachent les membres de GRUDGE (d’où le Grudge Records), qui eux-mêmes, n’étaient autres que les musiciens d’AFTERMATH, venant de Tucson, Arizona. Trois baptêmes pour une même formation, et à chaque fois ou presque, un seul album, comme si les musiciens avaient des goûts trop hétéroclites pour se contenter d’un unique ensemble.
AFTERMATH était Thrash, GRUDGE était Power Metal, LORDS OF THE CRIMSON ALLIANCE incarnait donc le versant le plus Heavy Metal de ces quatre musiciens, prolixes, et constants dans la qualité. Et tout comme GRUDGE, LORDS OF THE CRIMSON ALLIANCE ne mit sur le marché qu’un seul album, jamais réédité, et donc devenu une sacrée pièce de collection.
Au menu de ce Lords Of The Crimson Alliance, du Heavy Metal donc, joué à l’Américaine, mais surtout un concept, mis en avant par une voix grave et sentencieuse reliant les morceaux. Des morceaux jouant la carte d’un Metal épique, propulsé par une section rythmique nerveuse et un guitariste volubile. Au chant, un certain Far Cry, au timbre lyrique et suraigu, menant les débats avec une belle fermeté, conférant à cet album un bon parfum d’Heroïc Fantasy. Mais en dépit de cette rumeur de side-project, LORDS OF THE CRIMSON ALLIANCE sonnait comme un véritable groupe et non une simple escapade studio, comme le prouvaient des morceaux aussi solides et crédibles que « The Sorcerer » ou « Firedancer ».
Entre VIRGIN STEELE, DIO, MANOWAR, SAVATAGE, OMEN et WARLORD, LORDS OF THE CRIMSON ALLIANCE taillait donc sa route et développait ses aventures fantastiques, au son d’un Heavy Metal classique, mais méchamment efficace. Entre tempo lourd et presque Doom, et accélérations typiques de GRUDGE (« The Dungeon »), Lords Of The Crimson Alliance présentait une image tout à fait crédible d’une certaine frange américaine d’un Heavy corsé et dynamique, et si sa production a évidemment très mal vieilli, ses compositions s’écoutent avec toujours autant de plaisir. Plus facile à écouter qu’à acheter, Lords Of The Crimson Alliance reste une jolie incongruité du catalogue Heavy US, et un disque qu’on retrouve de temps à autres dans les listes spécialisées des œuvres méconnues. Comme celle-ci par exemple.
Line Up : Grom - basse, Far Cry - chant, Cutterjon - guitare et Zan Zan - batterie
Date de sortie : 1986/Grudge Records
Recommandations auxiliaires : Heavy Load - Stronger Than Evil, Grudge - Barbarians of the New Earth, Hawaii - One Nation Underground
52 - LOVEWAR - Soak Your Brain
Metal Chrétien. L’expression qui fait crisser les tympans des fans de Heavy comme des ongles sur un tableau d’école primaire depuis l’émergence commerciale de STRYPER dans les années 80. Pourtant, les pauvres frères Sweet n’y étaient pour rien, même si quelques ballades sirupeuses dédiées au divin n’ont pas forcément aidé à redorer leur blason auprès des masses hardantes, se sentant certainement plus proches de SLAYER et WASP que de ces angelots au brushing impeccable. Mais la scène chrétienne a pourtant permis de découvrir des groupes essentiels, et bien plus inventifs, à l’image de la scène Thrash menée par les BELIEVER, DELIVRANCE, VENGEANCE RISING et autres TOURNIQUET.
D’ailleurs, le mouvement du Metal chrétien ne se résume pas à un grand écart entre la mélasse sentimentale et les harangues en mode Opus Dei des dévots les plus agressifs. Entre les deux, se situaient des musiciens aux ambitions plus originales, et spécialement dans les années 90, la décennie la plus cruelle envers le Metal.
Exemple type : LOVEWAR. Une formation éphémère, un seul album, mais qui a laissé des traces dans l’histoire au point de se voir désigné 41ème meilleur album de Rock Chrétien par Heaven’s Metal. Pas mal pour un disque sorti dans l’indifférence totale de 1993, et qui reste aujourd’hui un trésor bien caché, connu des initiés, et apprécié comme le Saint Graal qu’il est encore aujourd’hui.
Dans cette formation, on retrouvait quelques noms connus des prêcheurs, dont celui du bassiste Rick Armstrong qui avait officié au sein de WHITECROSS, autre référence auréolée. Mais la musique de LOVEWAR était clairement atypique, même pour les fidèles de l’église amplifiée, et pour cause : elle se voulait raffinée, ouverte, technique, mélodique, et subtilement psychédélique. A l’image d’un crossover entre KING’S X, EXTREME, ENUFF Z’NUFF, Soak Your Brain mettait en avant des harmonies à plusieurs voix héritées du Gospel et de la Pop, sur fond de rythmique purement Metal, parfois Funky, parfois Jazzy. Le niveau instrumental des trois acteurs était impressionnant mais ce qui l’était encore plus, c’était leur sens de la composition catchy inné, puisque chaque morceau de cet unique album était un vrai hit en puissance.
En découvrant « Soak Your Brain », le title-track, j’avoue ne pas comprendre pourquoi et comment les masses ne se sont pas rendues compte que LOVEWAR était un trio essentiel qui méritait toute l’attention possible. Mid tempo groovy dans la plus pure tradition métissée des early nineties, héritage BEATLES évident, « Soak Your Brain » était un énorme tube qui aurait pu figurer sur un fondu entre Pornograffitti et King's X. Entre Heavy Pop à la ENUFF Z’NUFF (« Welling Up »), tricotage nerveux (« Just the Same »), et velléités progressives seventies romantiques (« In the Sea »), LOVEWAR louvoyait avec beaucoup d’intelligence et de lucidité, et nous embarquait dans un voyage lumineux, loin de la morosité de Seattle.
Produit par John et Dino Elefante, Soak Your Brain était une ode à la musique la plus ouverte qui soit, fermement Rock et Hard, mais perméable à d’autres courants plus souples et inclusifs. En 2022, il est tout à fait possible de le trouver actuel dans sa démarche, et de l’apprécier pour ce qu’il est : l’un des meilleurs albums de Hard-Rock des années 90, perdu dans les limbes du temps, demandant à être découvert encore et encore.
Line Up : Rick Armstrong - basse, Tim Bushong - guitare/chant et Greg Purlee - batterie
Date de sortie : 1993/Pakaderm Records
Recommandations auxiliaires : Guardian - Buzz, Enuff Z’Nuff - Animals With Human Intelligence, King’s X - Ear Candy
53 - MANIAC - Maniac
Je crois que d’un commun accord, nous pouvons décerner aux autrichiens de MANIAC le prix de la pochette la plus moche de ce dossier. Avec son rose passé, et son graphisme pompant sans vergogne le Jack Torrance de Shining, ce quintet sans haut fait de gloire avait déjà mis toutes les chances hors de sa portée, sans compter la distribution confidentielle d’un micro-label qui n’a pas dû les aider non plus. Mais partant du principe qu’on ne juge pas un livre sur sa couverture, encore fallait-il écouter l’œuvre en question pour s’en faire une idée précise. Et là, les moqueries baissaient pavillon, puisque MANIAC manipulait avec beaucoup de flair un Heavy Metal d’obédience classique, mais terriblement efficace.
Né en 1983 dans le Tyrol, MANIAC a directement enchaîné sur un longue-durée, cet éponyme que les fans de Heavy, de Power et de Speed chérissent toujours autant. Il faut dire qu’avec un titre d’ouverture de la puissance décoiffante de « You Don't Know It », les autrichiens avaient de quoi séduire un public allemand avide de formalisme et de refrains en forme de poings tendus. Et c’est exactement la sauce que le quintet leur servait, en moins de quarante minutes, revisitant tout le répertoire dur germain, et passant sans anicroche d’ACCEPT à RUNNING WILD, et de GRAVE DIGGER à GRAVESTONE.
Originalité zéro, et l’efficacité comme crédo. Etrangement doté d’une production d’excellente facture qui a très bien supporté le poids des années, Maniac était en quelque sorte un bréviaire parfait de la question Metal en Europe centrale. Rythmique sobre mais solide, chanteur au timbre légèrement rauque mais puissant dans les envolées, guitaristes fiables en riffs et expressifs en solo, de quoi raviver la flamme de la passion d’un Heavy pur et dur. Et en enchaînant directement avec les brûlants « Get Ready » et « Dressed To Kill », MANIAC enfonçait le clou dans le cercueil de l’évolution, et prêtait allégeance à la tradition.
Evidemment, niveau textes, Ronsard et Lautréamont ne s’étaient pas invités à la fête. Les thématiques d’usage, la foi métallique sans limites, et tous les poncifs répondaient à l’appel, à tel point que des patchs vous poussaient sur les épaules. Mais ce Heavy, lourd à l’occasion (« God Of Thunder »), ou volontiers up-tempo (« Ride On »), n’était pas sans rappeler les inspirés RUTHLESS, et se montrait d’une qualité constante, allant même jusqu’à taquiner partiellement le KISS des années 80 (« Shout it Loud », évidemment, du moins dans ses couplets…).
Entre Speed modéré (« Stay Free »), et volonté épique d’épilogue (« We Swear At You ») sur fond de raclage d’enclume à la masse de forgeron, MANIAC se montrait sous un jour musclé et assez flatteur, en dépit d’un artwork risible qui a rejoint depuis longtemps les tops des pochettes les plus laides des années 80. Pas forcément indispensable, mais jouissif et un exutoire fabuleux pour les fans de bracelets cloutés les plus inoxydables.
Line Up : Werner Ranftl - basse, Christoph Just & Markus Überbacher - guitares, Mark Wederell - chant et Peter Garattoni - batterie
Date de sortie : 1985/Hot Blood Records
Recommandations auxiliaires : Tyrant - Fight for Your Life, Breaker - Dead Rider, Abattoir - Vicious Attack
54 - MARI HAMADA - Lunatic Doll
Il s’en passait des choses au Japon dans les années 80. Et après vous avoir parlé de 44 MAGNUM, ANTHEM, ACTION !, DEAD END et KUNI, voici venir HAMADA MARI, chanteuse solo à la longue carrière qui aura connu bien des déviations de style. A l’image d’une Joan Jett sage, ou d’une Doro Pesch plus Rock n’Roll, HAMADA MARI proposait un Hard-Rock vitaminé, musclé, parfaitement secondée par un backing band des plus efficaces. Loin d’une STEFFANIE (née aux Etats-Unis cela dit) qui proposait une sorte de Rock FM vaguement relié à notre univers, HAMADA MARI elle, choisissait de s’exprimer avec force décibels, sans toutefois cacher sa sensibilité.
Mais faites attention, puisque ce premier album est certainement l’un des seuls que l’on puisse recommander à une communauté Metal. Le reste de la discographie de HAMADA MARI évolue entre Pop-Rock, J-Pop, Rock FM plus ou moins soft, alors que Lunatic Doll reste Metal de bout en bout. Un Metal certes de son époque, et louchant sur le modèle américain de Californie, mais terriblement attachant, et parfois même décoiffant, à l’image de cette entame tonitruante « Noah », qu’un LOUDNESS en pleine crise de rage aurait pu proposer sur ses albums à l’exportation.
Mais l’autre visage de HAMADA, celui de « Runaway From Yesterday » est aussi sincère et fascinant, et cette power-ballad déchirante, placée assez tôt sur l’album, confirmait que l’interprète était à l’aise dans tous les registres, à l’image d’une Pat Benatar.
Capable d’adapter le Hard-Rock à l’européenne dans un langage plus national (« Black Hole », tube en puissance à la basse gironde), ou de fricoter avec le beat Disco à la mode KISS/BLONDIE (« All Night Party »), HAMADA MARI proposait donc une versatilité fort à propos, et des chansons qui avaient largement de quoi séduire le public nippon, mais aussi les fans occidentaux, pour peu que l’album s’y trouvait en import.
Mais la chanteuse avait un acolyte de poids en la personne de Munetaka Higuchi, batteur de LOUDNESS qui a produit ses deux premiers album, et manié les baguettes sur ce Lunatic Doll. Sa frappe massive mais fluide était évidemment un argument à prendre en compte, tout comme le talent des guitaristes présents sur cet album. Les soli, dignes d’un Akira Takasaki avait de l’espace pour s’exprimer, et la basse upfront de Hiro Nagasawa enrobait les titres dans une couche de graves épaisse. De quoi durcir les instincts les plus radiophoniques, mais aussi offrir aux amateurs de sensations fortes des poussées de vitesse remarquables (« Spacer » qu’un WARLOCK motivé aurait joué un peu plus pacifiquement).
Dommage que la suite de carrière de HAMADA MARI se soit tournée vers un Rock plus radiophonique, et des accents plus consensuels. Même si Romantic Night gardait encore prise avec la réalité du Hard-Rock des années 80, la suite des évènements allait se montrer beaucoup trop souple pour encore intéresser les accros aux décibels. Reste ce premier album, imperfectible, et symptomatique d’une époque durant laquelle le Hard japonais avait largement de quoi défier les Etats-Unis.
Line Up : Hiro Nagasawa - basse, Hiroaki Matsuzawa, Kenji Kitajima & Shin Yuasa - guitares, Mari Hamada - chant, Yuki Nakajima - claviers et Munetaka Higuchi - batterie
Date de sortie : 21 avril 1983/Invitation
Recommandations auxiliaires : Loudness - The Birthday Eve, Action! - Hot Rox, Blacklace - Unlaced
55 - BLACK CAT BONE - Truth
En 1991, le Hard Rock et le Heavy Metal tiraient leurs derniers feux d’artifices, et poussaient la grandiloquence et la morgue dans leurs derniers retranchements. METALLICA nous assommait d’un énorme Black Album, les GUNS se fourvoyaient dans un délire baroque de deux doubles albums remplis de farces mégalomanes et de piano larmoyant, et les RED HOT utilisaient Rick Rubin et une vieille baraque pour saupoudrer leur sexe de sucre sanglant. Mais sous les portes, la fumée commençait à passer, et le feu couvant aller bientôt exploser dans un redoutable backfire qui allait tout faire cramer.
Alors, comme alternative pour ne pas trahir, restait la simplicité, et le Rock. Un Rock dur, mais perméable à la Pop, au psychédélisme, au Funk, et sans tremper tous ses orteils dans la Fusion, certains groupes aimaient à jouer avec les limites, à convoquer une rythmique chaloupée, un orgue Hammond, des volutes de Blues en rond de cigarettes, pour proposer un autre choix, une autre voie moins diplomatique, comme celle empruntée par le trio d’iconoclastes BLACK CAT BONE.
BLACK CAT BONE, au singulier, à ne pas confondre avec l’ensemble Blues de 1966 qui lui, ajoutait un « s » aux os. BLACK CAT BONE, trois musiciens doués, inspirés, refusant l’esbroufe et les promesses non tenues, pour jouer un véritable Hard-Rock nineties, largement inspiré des jams des seventies. Un truc qui ne payait pas de mine, qui n’abusait pas des effets de manche de la mode crossover Funk/Metal, et qui finalement, signait un album bien plus attachant et groovy que ceux des têtes d’affiche. Et si Adrenalize de DEF LEPPARD vous hérissait les poils de son pilotage automatique, Truth lui (l’album est sorti en 1991 ou 1992 selon les pays), vous les dressait de plaisir Funk et d’âme Soul.
Pour faire simple et éviter les formules à l’emporte-pièce, Truth était le fruit de l’union entre un Jimi Hendrix des meilleurs jours, FISHBONE après avoir fini sa gamelle, et les RED HOT, apaisés après une bonne blague. Un disque fédérateur qui osait diluer un riff de Jimmy Page dans un bouillon de culture EXTREME (« The Epic Continues »), tout en sauçant de mélodies à la KING’S X. Une sorte de recette magique du bonheur musical, tenant uniquement au talent de trois instrumentistes en complète osmose. En leader/dealer, David Angstrom abattait un boulot de dingue. Riffant en son clair et en distorsion, feulant comme une star de la Motown, il décorait les morceaux de guirlandes Rock sans oublier que le Rock venait justement du Blues. En découlait une intensité rare, qui se répercutait de morceau en morceau pour former une symphonie dédiée à l’honnêteté la moins contestable.
En version courte, le groupe tuait. En version plus développée, il travaillait ses ambiances, et nous donnait le sentiment d’avoir passé les portes de l’auberge espagnole Blood Sugar Sex Magik (« Sometimes I Wonder Why », le très Katmandou « Dreams »). Et entre puissance brute vraiment assourdissante en mode amplis Orange bloqués à 10 (« Who Do You Think You Are », burner burné qui donnait envie de danser à un assureur neurasthénique) et Rock plus sec et nerveux comme la Pop torse poil (« Angel »), Truth vendait une vérité qui était difficile à contester : entre les bonnes mains, joué par les bonnes personnes, le Rock ne craignait personne, et surtout pas Seattle.
Line Up : Mark Hendricks - basse, David Angstrom - guitare/chant, Mari Hamada - chant, Jon McGee - batterie
Date de sortie : 1991/Chameleon Records
Recommandations auxiliaires : Cry Of Love - Brother, Raging Slab - Dynamite Monster Boogie Concert, Electric Love Hogs - Electric Love Hogs
56 - MESSIAH FORCE - The Last Day
Il était tout à fait possible en 1987 de jouer un Heavy/Speed à la mode 83/84. Car après tout, malgré l’évolution de la scène, certains musiciens se sentaient encore à l’aise dans les fauteuils de la tradition, sans ressentir le besoin de regarder de l’avant. C’est plus ou moins le message que MESSIAH FORCE essayait de faire passer avec son mordant The Last Day, qui s’il n’était pas le dernier jour stricto sensu, avait les armes nucléaires pour détruire toute résistance.
Fondé en 1985 à Jonquière, Québec, MESSIAH FORCE a fait partie, comme bon nombre d’artistes dans ce dossier, de la pluie d’étoiles filantes striant le ciel du Metal d’un seul album. Un seul album, mais le bon. En formule quintet avec une voix féminine, MESSIAH FORCE faisait partie de la frange dure de la scène canadienne, et son intensité pouvait sans problème défier celle de la centrale atomique EXCITER, et même titiller l’univers en expansion du VOÏVOD de début de carrière. En mode vitesse pleine, le quintet osait même fouler les plates-bandes de RAZOR (« Watch Out »), et ce Speed âpre mais fluide avait de quoi déclencher quelques suées chez les fidèles d’Amérique du Nord et d’Europe. Il était même possible, avec un peu d’imagination, d’y voir une percussion entre l’ACID le plus chafouin et le LIVING DEATH des premiers matins.
Pour nous autres, francophones et férus d’histoire musicale, le fait de trouver au micro une certaine Lynn Renaud était assez cocasse. Mais cette Lynn Renaud-là ne chantait ni les chiens dans la vitrine, ni les cabanes au Canada (bien qu’elle aurait pu), et se sentait plus à l’aise dans un Metal percussif et véloce. Ainsi, en neuf morceaux solides et impeccablement produits (la production a plutôt bien vieilli), The Last Day se proposait d’envisager un avenir pas si clément que ça, avec force guitares et rythmique béton.
Enregistré et mixé au Studio Vert, à St-Ubalde, The Last Day évoluait donc entre Heavy bouillant et Speed prenant, mais n’évitait pas toujours la mièvrerie d’un Metal trop daté. Ainsi, « White Night » recyclait à fond les méthodes américaines des années 81/83, et se satisfaisait un peu trop de son classicisme.
Heureusement, entre hargne vraiment sincère (« Spirit Killer », hymne NWOBHM revu et corrigé Canada), boogie nerveux et velu (« Silent Tyrant ») et Power Metal annonçant la déferlante allemande à venir (« Hero’s Saga »), MESSIAH FORCE louvoyait intelligemment, et troussait des hymnes au Metal qu’on pouvait prendre pour argent comptant. Ajoutez à l’ambiance générale quelques soli toujours mélodiques et bien placés, une envie de défier HELLOWEEN, SCANNER et MAIDEN sur leur propre terrain, une facilité déconcertante à mélanger Power, Heavy et Speed sans perdre en cohésion, et vous obteniez un album tout à fait intéressant, même pour les canons de l’époque.
Avec un brin de technique, une foi indéfectible, MESSIAH FORCE faisait facilement passer la pilule old-school, et nous offrait une unique apparition crédible et persuasive. Réédité en version deluxe par le label grec No Remorse, The Last Day a connu une seconde jeunesse avec de nombreux bonus, qui permettaient ainsi de boucler la boucle, et de pouvoir découvrir le groupe durant ses années démo.
Line Up : Eric Parisé - basse, Bastien Deschênes & Jean Tremblay - guitares, Lynn Renaud - chant, Jean-François Boucher - batterie
Date de sortie : 1987/Haissem Records
Recommandations auxiliaires : Warlock - Burning the Witches, Chastain - The 7th of Never, Hellion - Screams in the Night
57 - MOTHER'S LITTLE NIGHTMARE - Mother's Little Nightmare
Petit avertissement en préambule : MOTHER'S LITTLE NIGHTMARE est parfois référencé sur la toile sous le nom de THRILLS 'N' CHILLS. La méprise est facile, puisque le label sur le vinyle d’époque mettait en avant le nom de la structure montée pour l’occasion, alors que le nom même du groupe apparaissait en petits caractères. Mais pas d’équivoque, nous parlons bien des allemands de MOTHER'S LITTLE NIGHTMARE, qui d’ailleurs, sonnaient comme tout sauf un groupe allemand. On aurait volontiers imaginé la bande écumant les clubs de Los Angeles, ou les rades de Londres, tant ce Rock à tendance Glam sonnait US ou UK.
Peu d’informations filtrent à propos du quatuor en dehors d’une passion indéfectible de l’underground, et de quatre pseudos fleurant bon les LAST OF THE TENAGE IDOLS. Dès les premières notes de cet unique album dispersées dans les airs, on réalisait que le gang n’avait rien d‘autre à offrir qu’un Hard Rock n’Roll d’excellente facture, qui justement s’inscrivait totalement dans son époque, et ce revival mené par quelques têtes d’affiches, dont les ineffables THE CULT.
Des riffs stoniens, une attitude bravache et gentiment décalée, mais une musique savoureuse, sincère, brute, et sans artifices. Largement de quoi étancher sa soif de classicisme, même si les MOTHER'S LITTLE NIGHTMARE savaient bavarder en dehors des conversations battues. Imposant une tension sexuelle assez collante sur le bluesy et très AC/DC « I'm In Love », avant de repartir en trombe façon dragster sur « Mother's Little Nightmare », hymne définitif, MOTHER'S LITTLE NIGHTMARE refusait tous les artifices de production de l’époque, préférant la simplicité et la spontanéité des années Rock les plus marquées de l’orée des années 80.
Binaire jusqu’au bout des ongles, loin d’une perfection qui commençait déjà à lasser les plus punky, MOTHER'S LITTLE NIGHTMARE abordait son Hard-Rock comme les NEW YORK DOLLS leur Glam, avec dédain, une moue boudeuse, mais une énergie incroyable. On salue en effet la performance du regretté Floyd à la guitare, sorte de proto-Slash en version Johnny Thunders, mais aussi la solidité de cette rythmique, frappant comme Chris Slade, et arrondissant les graves comme des RAMONES en goguette.
Au sommet du gâteau, sa cerise confite, et la voix incroyable de Chappi, qui sans chapeau ou avec savait nous séduire de sa gouaille et de son timbre légèrement sarcastique. Des hymnes à la pelle, de tradition, entre swing solide (« Sister Susi »), et humour gras assumé (« Who Stole My Beer »), avec cette petite touche de sensibilité discrète (« Since You've Gone »), histoire de prouver qu’un cœur pouvait battre sous cette épaisse couche de cuir Rock.
Un album touchant, typique de son époque, mais qui permet de creuser le sillon sans s’atteler aux charrues les plus connues.
Line Up : Bobo - basse, Floyd - guitare/claviers, Chappi - chant, Danny - batterie
Date de sortie : 1989/Thrills 'N' Chills
Recommandations auxiliaires : WRATHCHILD - Trash Queens, THE CULT - Love, ZODIAC MINDWARP - Tattooed Beat Messiah
58 - NASTY IDOLS - Cruel Intention
Un premier album devenu rarissime, un label, Pure Swedish Sleaze Rock, une attitude et la morgue de musiciens conscients de leur potentiel et de leurs certitudes de devenir la next big thing. C’est comme ça qu’on aime le Glam/Sleaze, gouailleur, frimeur, méchamment Rock et cuiré, tant qu’il a les arguments de ses prétentions. Et dans ce domaine, les suédois de NASTY IDOLS assuraient dans les grandes largeurs, avec pour seul handicap, celui d’avoir émergé un peu tard sur la scène pour la mettre à genoux.
Les perfectos, les bandanas, les conchas, l’air sombre et défiant, les chapeaux vissés sur les épaisses chevelures, tout donnait aux NASTY IDOLS l’air et la chanson d’un Hard-Rock musclé, mais attendri de refrains fédérateurs que les fans aiment à reprendre en chœur. Sur ce deuxième album, adieu les approximations et erreurs de jeunesse, et bonjour la perfection d’un style qui ne supporte pas la demi-mesure. Le glam de la fin des années 80, un peu trop complaisant envers lui-même creusait sa propre tombe sur le Sunset, mais gardait dans son carquois quelques flèches empoisonnées, tirées de l’Europe. Et à l’image d’un SHOTGUN MESSIAH, Cruel Intention mettait le paquet et imposait une vision Heavy-Sleaze solide et persuasive, en pondant l’un des albums les plus essentiels de cette nouvelle décennie.
Même en version old-school de ces quinze dernières années, la Suède n’a jamais réussi à rivaliser avec l’authenticité de ces cinq mecs au regard insistant. Et on comprend pourquoi en écoutant une tuerie comme « Cool Way Of Living », Heavy-Rock turbocompressé, constellé d’interventions de guitare et de chœurs, et mené tambour battant par des mecs sachant très bien ce qu’ils voulaient : prolonger encore un peu la fête avant que la sinistrose ne s’empare des nineties.
Confié aux bons soins de Berno Paulsson, producteur, mixeur au studio Berno de Malmö, le son est vraiment énorme, avec des guitares upfront, un chant soutenu, et une rythmique épaisse, retrouvant les méthodes d’un Bob Rock confronté au cirque de MÖTLEY CRÜE. Cruel Intention, de son entame à son terme écrémait les défauts, filtrait les imperfections, pour proposer le répertoire le plus au point de cette année 1991, en termes de Heavy Metal joué sans rouge à lèvres, mais avec un soin particulier apporté au look. Entre JACKYL et NITRO, quelque part sur un siège aux côtés des PRETTY BOY FLOYD et FASTER PUSSYCAT, les NASTY IDOLS attendaient la gloire à sa porte, à deux doigts de l’enfoncer.
Cette gloire, ils l’auraient largement méritée. Cet album est un petit miracle en soi, accumulant les tubes, singeant les tics groovy d’AEROSMITH (« Don’t Tear it Down »), les entrées en matières fumeuses du CRÜE (« Alive n’Kickin »), les provocations en acronymes (« B.I.T.C.H. »), et les moments de tendresse à la WARRANT/BLACK CROWES/CINDERELLA (« Can't Get Ya Off My Mind »). On pourrait dire que toute la philosophie du groupe était résumée par le final « Trashed And Dirty », et son optique GUNS encore plus féroce, mais à vrai dire, Cruel Intention était si versatile dans sa cohérence qu’il était impossible de trouver un raccourci pour le décrire. IL fallait l’écouter, le ressentir, et se dire que le Sleaze n’aurait plus jamais rien de tel à proposer à l’avenir.
Un disque qui respire la rage pour un groupe qui ne faisait pas semblant et qui n’avait pas recours à de vulgaires astuces pour se démarquer de la masse. Aujourd’hui encore, l’album donne le sentiment d’avoir été enregistré hier, comme si son époque avait été figée par le temps. Un signe qui ne trompe pas pour une grande injustice réparée régulièrement par une horde de fans conscients du potentiel d’un groupe unique en son genre.
Line Up : Dick Qwarfort - basse, Peter Espinoza - guitare, Roger White - claviers, Andy Pierce - chant, George Swanson - batterie
Date de sortie : 1991/HSM Records
Recommandations auxiliaires : SWEDISH EROTICA - Swedish Erotica, SKIN & BONES - Not A Pretty Sight, L.A. GUNS - Cocked & Loaded
59 - NIAGARA - Now or Never
La scène espagnole était très productive dans les années 80. Beaucoup de groupes se sont engouffrés dans la brèche creusée par leurs homologues américains, en pratiquant un Hard-Rock racé, hautement mélodique, et parfois à la lisière d’un AOR très musclé et relevé. Ainsi, après un an passé sous la bannière TORA TORA, les madrilènes de NIAGARA ont tenté de tirer leur épingle du jeu avec une série de trois albums superbes, peaufinés et pourtant assez sauvages pour convaincre les fans d’un Metal fort en bouche.
En adoptant le nom de ces chutes célèbres entre les Etats-Unis et le Canada, les madrilènes de NIAGARA nous envoyaient un avertissement implicite : leur musique adoptait en effet la force de ces immenses chutes d’eau d’une puissance phénoménale, mais aussi les contours touristiques d’une attraction hors du commun. Et sous une pochette au classicisme désarmant se cachait donc l’un des albums de Hard-FM les plus recommandables des années 80.
Dans les faits, le quintet n’avait rien de plus que la plupart de ses collègues ibères. Une technique suffisante pour jouer des compositions harmonieuses mais mordantes, une énergie palpable dès ses premiers instants, et il est certain que Now or Never n’avait pas de trait de caractère spécial à mettre en avant…si ce n’est la qualité incroyable de ses compositions, que des groupes comme BONFIRE, BRIGHTON ROCK ou PRETTY MAIDS pouvaient envier sans avoir honte de leur propre catalogue.
La cohésion d’ensemble, la production massive mais précise, les nappes de claviers toujours bien placées, l’intimisme d’une acoustique ciselée (« Take My Hand »), l’envie d’en découdre sur le terrain d’un Heavy nerveux (« Now or Never »), NIAGARA parvenait à l’instar des danois de PRETTY MAIDS à jouer la carte de la concession commerciale sans sombrer dans les travers d’un Hard trop radiophonique pour encore en être. Aucun morceau ne sonnait comme un filler bouchant à la hâte un trou dans l’inspiration. Les deux faces étaient truffées de chansons explosives (« I Should be Stronger »), de tubes mainstream endurcis par une distorsion omniprésente (« No Conversation »), de mélodies en réminiscence de l’AOR ricain le plus tubesque (« You Belong to Me »), et d’approches médianes qui équilibraient à merveille le synthétisme et l’agressivité (« Secret Lover »).
NIAGARA résumait en un seul album toute la superbe d’un Heavy mélodique de qualité. Now or Never est un album qui, sorti du bon côté de l’Atlantique aurait mis le public américain à genoux, et se serait assuré une bonne place dans les charts. Il est resté dans les faits le témoignage de l’envie de la scène espagnole de se démarquer et de sortir de l’ombre, et un classique underground apprécié par de plus en plus de fans.
Line Up : Ángel Arias - basse, V. Manuel Arias - guitare, Ricky Castañeda - claviers, Tony Cuevas - chant, Joey Martos- batterie
Date de sortie : 1988/Avispa Records
Recommandations auxiliaires : ANGELES DEL INFIERNO - 666, MANZANO - Manzano, SANTA - Templario
60 - PAUL CHAIN VIOLET THEATRE - Opera 4th
PAUL CHAIN est le nom de scène du chanteur et multi-instrumentiste italien Paolo Catena, né en 1962 à Pesaro. Membre de DEATH SS de 1977 à 1984, il a sorti de nombreux albums dans des styles variés allant du Doom Metal à la musique électronique, sous son seul nom ou par le biais de divers projets musicaux. Il est aussi le fondateur du label italien New LM Records. L'édition française du magazine Rock Hard le qualifie de légende vivante de l'underground
Merci Wikipedia pour ces renseignements totalement gratuits. Mais résumer le parcours d’une personnalité comme PAUL CHAIN en quelques lignes est quelque peu réducteur, tant le musicien/créateur Italien a fait preuve d’une audace particulière durant toutes ces années. Après son départ du cultissime groupe DEATH SS (qui n’a rien à voir avec l’armée sinistre du même nom, mais qui se réfère à Steve Sylvester, je le rappelle), Paul forme donc une nouvelle entité, le PAUL CHAIN VIOLET THEATRE, qui comme le Big Bazar de Michel Fugain verra défiler un nombre impressionnant d’intervenants (plus de cinquante pour une durée de vie limitée), mais qui finalement, ne sortira qu’un nombre d’œuvres assez modeste. Le premier album de la troupe, In The Darkness, hautement recommandable, posait les jalons d’un Metal très particulier qui ne l’était pas vraiment. Des titres assez concis, une attitude libre, des accents funèbres pour un passage en revue de toutes les tendances du Rock occulte, et un premier chapitre intrigant, appelant une suite conséquente.
Cette suite, se concrétisera sous la forme d’un deuxième album aussi ambitieux que confus pour les fans. Avec ses quatre morceaux, Opera 4th dévoilait les deux facettes de ce musicien hors-norme, celle de l’ancien membre de DEATH SS, passionné par le Doom Rock, mais aussi celle plus hermétique du passionné de musique électronique et d’ambiances en textures. De fait, encaisser et accepter le choc de « Our Solitude (Birth, Life, Death) », pavé de trente minutes aux allures d’improvisation demandait une certaine abnégation.
Loin du Rock, PAUL CHAIN citait les GOBLIN, le Krautrock allemand, CAN, AMON DUUL II, la mouvance Space-Rock seventies, tout comme les BO d’horreur et de sci-fi italiennes qui envahissaient les bacs à l’orée des années 80. Une sorte d’errance spatiale, de délire personnel, imposant une atmosphère lugubre de giallo gothique, qui finalement, fascinait de son caractère hautement hypnotique et sentencieux, pour peu que ce style vous touche d’une manière ou d’une autre.
Les trois autres morceaux, plus classiques, étaient symptomatiques de la conception du Rock de PAUL. Entre un Paul Williams de Phantom of the Paradise et un BLACK SABBATH champêtre, « Bath-Chair's Mary » sonnait incroyablement daté et semblait exhumé d’une décennie fertile en expérimentations sombres, alors que « Resurrection in Christ » empruntait l’héritage du Rock Progressif italien de la période 72/76.
Un album étrange donc, pour un personnage ne l’étant pas moins. Une sorte de créature de Frankenstein, indomptable, cousue un peu à la hâte, mais bricolée avec amour. Evidemment, la suite de la carrière de PAUL CHAIN fut constamment marquée par ces changements de direction et d’inspiration et reste encore aujourd’hui, un trésor bordélique à découvrir avec des étoiles noires dans les yeux. Ou une croix (inversée) entre les mains.
Line Up : Paul Dark - basse, V. Paul Chain - guitare/chant/claviers, et Alex Di Andrea - batterie
Date de sortie : 1987/Minotauro Records
Recommandations auxiliaires : REQUIEM - Via Crucis, DEATH SS - ...In Death Of Steve Silvester, PAUL CHAIN - In The Darkness
61 - PICTURE - Diamond Dreamer
PICTURE fait partie de ces groupes nés dans les années 70, toujours en activité aujourd’hui qui ont laissé derrière eux une discographie inégale, mais quelques œuvres notables. Fondé en 1979 à Hilversum, le groupe a tôt fait de sortir son premier album éponyme, qui révélait les contours d’une approche classique, très influencée par la NWOBHM, SAXON et JUDAS PRIEST en tête de gondole. Si leur premier album, Picture, se montrait intéressant mais encore un peu maladroit, si Heavy Metal Ears ne montrait aucun signe de décollage immédiat, le troisième chapitre de leur histoire, Diamond Dreamer leur a tout de même permis d’accéder à un solide succès d’estime…totalement mérité.
Cette superbe pochette arborant une jeune fille tout de jean vêtue, et prête à lancer cette brique sur on-ne-sait-qui, laissait présager d’un virage plus mélodique peut-être, bien qu’en 1982 la tendance étant encore au durcissement de ton, par respect aux dogmes du Heavy de la première moitié des années 80. Et dans le cas de PICTURE, le changement n’était pas à l’ordre du jour, et ce troisième album ne faisait que peaufiner la vision claire des deux premiers.
Seul changement notable, celui de chanteur, puisque le trio de base accueillait pour l’occasion Shmoulik Avigal, à la voix puissante, modulée et hautement mélodique. Le vocaliste apportait donc une touche DIOesque à cet album, qui se contentait de recycler ce Hard n’Heavy si prisé à l’époque. D’ailleurs, « Lady Lightning » ne faisait pas grand mystère de ses inclinaisons SAXON, avec ce rythme si typique du groupe anglais, mais agrémentait le tout d’un lyrisme à la DIAMOND HEAD.
Si cet album a tant marqué la fanbase, c’est tout simplement parce qu’il incarne la quintessence du PICTURE de première partie de carrière. Avec son tracklisting homogène et sa qualité constante de composition, Diamond Dreamer flottait comme l’étendard de son époque, vouée aux gémonies des riffs francs et des refrains massifs. Ainsi, « Hot Lovin’ » et son ambiance AC-DC/ACCEPT était propice à un sérieux headbanging, de même que le burner d’acier « Diamond Dreamer ».
Pas de réelle évolution donc, mais une recherche de perfection dans le son, et une incarnation ancrée dans une mode de non-concession. Des hymnes à profusion, parfois sur tempo rapide à la « Fast as a Shark » (« Message From Hell », qui rappelait méchamment l’écurie Noise de l’époque) parfois plus basiquement Hard-Rock à la SAXON des débuts (« Louisy Lady »), mais toujours accrocheurs, malgré un classicisme dur à cacher (« Get Me Rock N’Roll »).
Un album parfait pour son style, qui n’accuse pas trop le poids des années, et qui a bénéficié d’une réédition soignée de la part du label Divebomb Records (couplé avec le premier album éponyme), spécialiste en recyclage d’anciennes gloires. PICTURE est toujours actif de nos jours, et s’est même autorisé un excellent album en 2019 (Wings). Le Hard N’Heavy conserve, et rétrospectivement, Diamond Dreamer peut s’envisager come le sommet d’une longue carrière plusieurs fois interrompue mais jamais abandonnée.
Line Up : Rinus Vreugdenhill - basse, Jan Bechtum - guitare, Shmoulik Avigal - chant, et Laurens "Bakkie" Bakker - batterie
Date de sortie : 1982/Backdoor
Recommandations auxiliaires : GOTHAM CITY - The Unknown, BODINE - Bold as Brass, AXEWITCH - The Lord of Flies
62 - PRECIOUS METAL - That Kind of Girl
Une histoire banale, une annonce dans un magazine, une rencontre, et la formation d’un groupe, suivie immédiatement d’un changement de line-up pour une carrière tout sauf linéaire et routinière. C’est ainsi que Susette Andres rencontra la guitariste Mara Fox, les deux musiciennes se chargeant ensuite de compléter le line-up pour trouver un équilibre musical stable. Rien de mystérieux dans la naissance de PRECIOUS METAL, l’un des groupes féminins de Hard-Rock les plus méconnus des années 80.
Et pourtant, alors que le public Metal se mettait à genoux pour un ROCK GODDESS trop basique, ou un GIRLSCHOOL largement influencé par AC/DC et MOTORHEAD, il ignorait avec une indifférence incompréhensible ce quintet de musiciennes énergiques, qui ont produit trois albums des plus intéressants de la vague américaine des eighties.
Si d’aventure vous ne connaissiez pas l’œuvre de ces demoiselles, fermez les yeux, et tentez d’imaginer le répertoire des GO-GO’S repris par des RUNAWAYS plus Hard-Rock que Punk. Vous aurez ainsi une idée très précise de ce qui vous attend sur ce magique That Kind of Girl, qui de son titre donnait une indication assez précise de la nature des débats. Ce genre de fille…Quel genre de fille justement ? Celles chantées par Cyndy Lauper, who just wanted to have fun, et qui composaient des chansons vouées à l’hédonisme US de cette décade dorée, des chansons gorgées de Pop, mais gonflées par une puissance totalement Hard-Rock.
Et pour cause, puisque le groupe possédait un duo de guitaristes qui n’avaient pas les riffs dans leurs poches. Mara Fox & Janet Robin, reines de la distorsion élaboraient des licks facilement mémorisables, que la voix délicieusement juvénile de Leslie Knauer mettait admirablement bien en valeur. Et après un premier album aux connotations encore un peu trop soft (Right Here, Right Now, 1985), un partenariat fameux avec la légende Paul Sabu à la production, That Kind of Girl tentait la méthode de métissage global pour séduire un public avide de soleil, d’amplis et de cuir qui tanne la peau en plein été.
Ne cherchez pas, à peu de choses près, et en faisant preuve d’imagination, on aurait pu croire les PRECIOUS METAL japonaises, tant leur musique se rapprochait de cette science exacte nippone d’entre-deux, moitié J-Pop, moitié J-Rock. Et en tombant sur de petites pépites comme « Stand Up and Shout » ou « Anybody’s Lover », il était impossible de penser résister à cette fougue explosive.
Un Hard-Pop de première bourre donc, pour un quintet totalement en phase avec son époque. Aucune faute de goût, une production aux reflets AOR impeccables, des chœurs débordant d’énergie, pour un répertoire euphorique. Encore aujourd’hui, les PRECIOUS METAL restent les musiciennes les moins connues des plus méritantes, et seul leur troisième album éponyme a trouvé à l’époque un certain écho dans la presse européenne. Il est solide lui aussi, mais plus professionnel et sérieux, et manque de cette folie teenage que That Kind of Girl exploitait avec beaucoup de naïveté et de sincérité. Un disque essentiel pour se rappeler de l’insouciance de ces années soleil et frime, lorsque le monde laissait encore espérer un avenir radieux.
Line Up : Alex - basse, Mara Fox & Janet Robin - guitares, Leslie Knauer - chant, et Carol M. Control - batterie
Date de sortie : 1988/Chameleon Records
Recommandations auxiliaires : LEATHER ANGEL - We Came To Kill, ROCK GODDESS - Young Wild and Free, BLACKLACE - Get It While It's Hot
63 - PSYCHOTIC WALTZ - A Social Grace
Lorsqu’un groupe sort de nulle part, avec pour étendard une pochette absconse, et assumant l’utilisation d’une instrumentation peu catholique (piano, flute, tambourin), la méfiance est de mise, et l’anguille sous la roche. Mais dans le cas des PSYCHOTIC WALTZ, la proverbiale anguille était plus volontiers un requin, prêt à planter ses dents dans la plaie béante des années 80 refusant de mourir de leur belle mort en 1990. Pourtant, la décennie avait déjà été marquée par des iconoclastes repoussant les limites du Rock aussi loin que possible, les RED HOT, MELVINS, PRIMUS et autres jongleurs de l’impossible. Mais la découverte de PSYCHOTIC WALTZ en a quand même laissé plus d’un sur le flanc.
D’abord fondé en tant qu’ASLAN qui restera leur baptême entre 1985 et 1987, les PSYCHOTIC WALTZ eurent tôt fait de changer de nom pour se vouloir à l’image de leur musique qu’ils considéraient justement comme une valse psychotique. Et en guise de valse, nous avons eu droit à un Metal progressif de très haute volée, de celui que les FATES WARNING, SIEGES EVEN et autres ANACRUSIS pratiquaient avec un réel panache.
A Social Grace est donc de ces premiers albums magiques, uniques, qui marquent à vie les fans s’engouffrant dans un univers de guingois, aux lumières tamisées, et aux couleurs lysergiques. Mais loin d’un psychédélisme de pacotille, les originaires de San Diego en Californie pratiquaient une sorte de funambule-Metal, entre riffs purement Thrashy, mélodies vocales lyriques à la CRIMSON GLORY/QUEENSRYCHE, progressions étranges à la basse proéminente, comme si RUSH après un trip acide avait couché sur papier ses cauchemars les plus enfouis et …sombres.
La beauté de cet album est toujours aussi touchante aujourd’hui. Mais attention, s’immerger dans cette musique aussi précieuse que dangereuse exige d’être rodé à l’exercice de l’expérimentation la plus libre. Entre délicatesse harmonique absolue et chaos contrôlé, PSYCHOTIC WALTZ remettait au goût du jour l’esprit aventureux et libre du progressif anglais des seventies, trempé dans une inspiration Heavy Metal de la décade suivante.
Capables d’imposer une dizaine d’idées en un seul morceau (« Another Prophet Song »), les américains s’affranchissaient de la facilité en vogue à l’époque en Californie, et nous aurions eu beau jeu de croire que le groupe venait de Seattle, comme METAL CHURCH ou HEIR APPARENT. Les points communs entre cet album et la scène de Seattle étaient donc nombreux, et si aucun morceau ne s’aventurait au-delà des six minutes règlementaires, A Social Grace pouvait se targuer d’une richesse incroyable, et d’un nombre de plans à rendre fous les amoureux des puzzles musicaux. Entre « Strange », « Nothing » et « I of the Storm », PSYCHOTIC WALTZ nous caressait à rebrousse-poil, confrontait KING CRIMSON à SANCTUARY, et produisait l’un des albums les plus essentiels d’une décennie devenue trop prévisible. Le reste du répertoire des californiens est évidemment hautement recommandable, mais jamais le quintet ne parvint à reproduire la recette magique d’A Social Grace. Remercions-les d’avoir cherché plus loin que le bout de leur nez, et d’avoir offert une pirouette de luxe à cette année 1990 marqué par le formalisme Metal des charts.
Line Up : Ward Evans - basse/tambourin, Dan Rock - guitare/piano/claviers, Brian McAlpin - guitare, Buddy Lackey - chant/flute/piano/claviers, et Norm Leggio - batterie
Date de sortie : 26 novembre 1990/Rising Sun Productions
Recommandations auxiliaires : FATES WARNING - Parallels, THOUGHT INDUSTRY - Songs for Insects, THE LAST THINGS - Circles and Butterflies
64 - Q5 - Steel The Light
Q5 aurait pu n’être qu’un groupe de Seattle parmi tant d’autres, mais il avait deux atouts conséquents dans sa manche. Il était en effet la fusion de deux groupes locaux très en vue, TKO et C.O.R.E., et comprenait en son sein l’un des guitaristes les plus célèbres de son époque. Floyd Rose, l’inventeur du vibrato du même nom, qui évita à bien des musiciens le désagrément des guitares désaccordées après une petite pression sur le bitoniau. Ainsi armé, Q5 avait largement de quoi séduire le public et les maisons de disques, encore fallait-il que son répertoire soit à la hauteur des attentes.
Et c’est justement en écoutant les compositions du sieur Floyd que les membres de TKO décidèrent de le rejoindre pour tenter l’aventure, qui se solda par deux albums de qualité plus ou moins égale, dont ce premier chapitre essentiel , Steel the Light.
On peut préférer sans avoir honte Steel the Light à son successeur, When the Mirror Cracks. Plus dur, moins marqué par la mode Hair Metal des mid eighties, il contient les meilleures chansons du groupe, et reste ancré dans une tradition Heavy Metal assez connotée. Ainsi, « Missing in Action », le premier morceau, évoquait tout aussi bien LOUDNESS que PRETTY MAIDS ou RIOT, avec sa rythmique débridée et son riff totalement exubérant.
Composé de pointures, Q5 n’avait donc pas le droit à l’erreur, et n’en a commis aucune. Cet album, concentré d’énergie Hard n’Heavy recensait toutes les qualités de la scène de Seattle, l’une des plus riches et plus admirées des années 80. A l’image de leurs confrères de QUEENSRYCHE, METAL CHURCH, ou HEIR APPARENT, Q5 prônait des valeurs d’ouverture et de technique affutée, et produisait des morceaux en apparence simples, mais qui cachaient des performances individuelles incroyables. Il suffit pour s’en rendre compte de tendre l’oreille sur le solo incroyable de ce premier titre, à donner des suées à Eddie Van Halen lui-même.
Entre Hard accessible et mélodique et Heavy revêche, Steel the Light volait la lumière pour la braquer sur lui, et offrait aux fans de l’époque une véritable démonstration de classe et de savoir-faire. Hard sur « Lonely Lady », presque Progressif sur « Steel the Light », Heavy priestien sur « Pull the Trigger », ou binaire AC/DC sur le dansant « Ain't No Way to Treat a Lady », Q5 se moquait bien des querelles de styles et des appartenances à des mouvances particulières.
Produit par Floyd Rose lui-même, l’album développait un gros son totalement en adéquation avec les standards de l’époque, adoptait des thématiques d’usage, mais passait en revue tout le spectre des émotions, se frottant même à la ballade lacrymale sur le superbe « Come and Gone ». Aujourd’hui encore, Steel the Light supporte le poids des années, et vieillit même comme une excellente cuvée de 1984. On notera pour la bonne bouche la réédition des deux albums du line-up originel par Music For Nations, objet collector qui vaut largement les deniers qu’il coute.
En substance, Q5 outre sa propre personnalité, mettait en avant les qualités incroyables de cette scène de Seattle, bien moins connotée que celle de Los Angeles. Et Floyd Rose, outre inventeur de génie, s’affirmait comme un musicien incroyable et un compositeur fameux, à l’image de Vinnie Vincent.
Line Up : Evan Sheeley - basse, Floyd Rose & Rick Pierce - guitares, Jonathan Scott K. - chant et Gary Thompson - batterie
Date de sortie : 1984/Albatross Records
Recommandations auxiliaires : TKO - In Your Face, MISTRUST - Spin the World, SHOK PARIS - Steel and Starlight
65 - RANKELSON - Hungry For Blood
Avec leurs dégaines entre le MÖTLEY CRÜE de Shout at the Devil, TWISTER SISTER version égouts fluviaux et WRATHCHILD en rupture de make-up multicolore, les RANKELSON nous offraient l’une des pochettes les plus ridicules de ces années 80, adoptant s’il en était besoin la posture d’un RUNNING WILD en pleine séance de prière à l’église du Metal. Pourtant, le groupe de Cardiff méritait bien mieux que cette série de poncifs à faire rougir l’écurie allemande des quincaillers associés. Entre Hard et Heavy, entre Metal mélodique et Glam, le quintet proposait l’une des musiques les plus intéressantes de cette seconde moitié des années 80, alors même que leur pays n’était plus ce qu’il était en termes de Metal.
Se reposant sur les lauriers acquis par la NWOBHM, l’Angleterre s’était vue ridiculisée par l’Allemagne et les Etats-Unis, les nouveaux maîtres du Hard Rock. Et s’il ne restait les deux leaders incontestables qu’étaient IRON MAIDEN et DEF LEPPARD (et accordons à SAXON le bénéfice d’un doute de plus en plus grand), la perfide Albion aurait pu s’enterrer dans le cimetière des pays autrefois leaders, aujourd’hui, perdants magnifiques.
Mais toutefois, quelques groupes d’outre-Manche retroussaient les leurs pour remonter le niveau. Ainsi, RANKELSON, fraichement formé en 1984 débarqua avec sous son cuir un album tout à fait satisfaisant de classicisme et de fougue. Jouant clairement la carte de la provocation ouverte (le verso de la pochette osait même un incroyable « tous ces chefs d’œuvre ont été composés par RANKELSON…), le quintet s’exposait donc à des moqueries directes, ce qui le condamna d’ailleurs à se voir rangé sous la pile des nouveautés par certaines rédactions, rebutées par cette iconographie grotesque. Mais ceux passant outre et découvrant « Break The Chain » ont vite compris que le groupe de Cardiff valait bien mieux que cette image d’Epinal éculée.
Rock nerveux, riffs d’acier, puissance effective, Hungry For Blood était en effet assoiffé de sang, et traversait la nuit Metal à la recherche de victimes potentielles. Sans vraiment se montrer original, le groupe osait les allusions les plus diverses, et synthétisait en quelque sorte la décennie avec la fougue de ceux qui sont assez sûrs d’eux pour mettre en avant des chansons efficaces et entraînantes. Et les tubes ne manquaient pas sur ce premier album, d’une maîtrise incroyable (« Sex Slave »), et si les textes se nourrissaient des pires clichés en vogue dans le Heavy de l’époque (« Bronx Warrior », « Can’t Stop Rockin’ », « Abuser »), la musique faisait passer la pilule plus facilement, laissant traîner une basse lourde d’un côté, et des claviers en arrangements légers de l’autre.
Atypique de l’inspiration de son pays, RANKELSON louchait donc sévèrement du côté de la Californie, et produisait l’un des albums les plus attachants de l’Angleterre des années 80. The Bastards Of Rock 'n' Roll, le second tome, confirma les bonnes impressions, et en cherchant bien sur le Net du côté de la Russie, vous parviendrez même à mettre la main sur un bootleg couplant les deux albums en un seul CD. Et pour info, sachez que le bassiste Kim Hooker aka Andrew Jones se tapera plus tard l’incruste chez les TIGERTAILZ. Anecdote toujours importante.
Line Up : Kim Hooker - basse, Steve Wilson - guitare, Colin Sergeant - chant, Tim Ranson - claviers et Dave Vincent - batterie
Date de sortie : 1986/Ebony Records
Recommandations auxiliaires : WRATHCHILD - The Big Suxx, BLADE RUNNER - Warriors of Rock, TOUCHED - Back Alley Vices
66 - ROUGHHOUSE - Roughhouse
Une pochette floue avec dominatrice anonyme et sa badine, un nom qui n’évoque pas grand-chose, pour l’un des albums les plus essentiels de cette fin de décennie. ROUGHHOUSE, en substance, aurait pu lui aussi n’être qu’un groupe américain de plus sur la longue liste des aspirant-stars, mais en fouillant un peu plus dans le passé, on découvrait des survivants du système, qui avaient longtemps évolué sous pavillon TEEZE, produisant même un album éponyme en 1985. Et pour ceux connaissant ces fortes-têtes de Pennsylvanie, la découverte n’en était que plus intéressante, TEEZE ne faisant ni dans la dentelle, ni dans les crêpes au sarrasin.
ROUGHHOUSE était donc né sur les cendres encore fumantes de la crémation de TEEZE, et proposait un Hard-Rock high on energy, subtilement influencé par la scène Glam Californienne, mais aussi par le Heavy à la mode outre-Atlantique, ce que confirmait ce son si dur et âpre.
Tous les atouts étaient donc dans la manche des américains. Une signature sur une major, une production et un mixage signés par la légende Max Norman, et surtout, une palanquée de chansons joyeuses, aux refrains immédiatement mémorisables. Et dès l’explosion de « Don´t Go Away », la magie opérait comme celle de MÖTLEY CRÜE ou de SLAUGHTER. La recette, totalement américaine, avait de quoi séduire un public de blondinettes en goguette du samedi soir. Des guitares Rock, une attitude gentiment provocante, mais surtout, des chœurs à profusion, et une connaissance du Glam des seventies conséquente. Et dans leur rôle de fils illégitimes de CHEAP TRICK, SLADE et les NEW YORK DOLLS, les ROUGHHOUSE étaient très crédibles. Ainsi, entre deux décharges d’adrénaline, les musiciens se permettaient des accès de tendresse, via la ballade « Love is Pain », sublimée par la voix très Vince Neil des débuts de Luis Rivera.
Inutile de tourner autour du pot, ROUGHHOUSE était des plus crédibles, et des plus vendeurs. Et l’indifférence polie qui succéda à la sortie de cet album n’en est que plus incompréhensible. Alors qu’ils auraient mérité le même succès que POISON ou FASTER PUSSYCAT, les ROUGHHOUSE se retrouvent aujourd’hui outsiders magnifique que le destin a oublié, mais pas les passionnés. Régulièrement cité comme l’un des disques les plus euphoriques de cette année 1988, Roughhouse est une perle qui se redécouvre comme un trésor des eighties enfoui dans les huitres du temps. Mais avec des riffs de l’épaisseur de « Love or Lust », des accroches commerciales comme celle de « Teeze Me Pleeze Me », des saccades sournoises comme celles découpant « Midnight Madness », et des coups d’accélérateur propulsant « Justify », Roughhouse se demande encore comment les plus hautes marches du Billboard ont pu rester hors de sa portée.
Bien plus conséquent que des hits de l’époque, cet unique album est aujourd’hui une petite rareté très recherchée, puisqu’elle n’a jamais été rééditée depuis les années 80. Comptez cinquante euros en moyenne pour l’ajouter à votre collection, à moins que vous n’ayez eu le nez et les tympans creux à l’époque.
Line Up : Dave Weakley - basse, Gregg Malack & Rex Eisen - guitares, Luis Rivera - chant, Tim Ranson - claviers et Mike Natalini - batterie
Date de sortie : 1988/Columbia
Recommandations auxiliaires : TEEZE - Teeze, VINNIE VINCENT INVASION - Invasion, Y & T - Contagious
67 - ROXY BLUE - Want Some ?
C’est un beau roman, c’est une belle histoire…
Malheureusement non. Le parcours de ROXY BLUE n’est ni un beau roman, ni une belle histoire, mais bien la plus banale jamais racontée, et qui finit évidemment mal. Fondé en 1990 à Memphis, Tennessee, ROXY BLUE est l’archétype du groupe qui avait bien des atouts dans sa manche, mais qui se battait contre un adversaire impitoyable à la table du succès : le temps. D’abord, une formation en quatuor solide. Un soliste doué et inspiré, une rythmique plombée, une inspiration californienne typique, un chanteur au timbre classique, et une musique énergique, totalement dans l’air…d’un autre temps.
Signés par la major Geffen, le groupe sort son premier et impeccable album en 1992, Want Some ? à la pochette gentiment sexy et au contenu de (très) haute volée. Entre DANGER DANGER et WARRANT, ROXY BLUE semble avoir hérité de toutes les qualités musicales de la Californie, cette exubérance Rock, cette dépendance à VAN HALEN (« Rob The Cradle », le « Hot for Teacher » de la nouvelle génération), cette morgue des playboys abonnés aux clubs de strip-tease (« Too Hot To Handle »), et évidemment, ces sourires étudiés pour faire tomber les groupies comme des mouches.
Dénué de toute originalité, ce premier album est une mine de hits qui ne fait que reprendre les recettes des années 88/90 à son compte. Mais l’application que mettent les musiciens à recréer l’ambiance de ces années-là est tout simplement bluffante. Avec quelques invités notables (Jim Jamison, Jani Lane, Tommy Funderbunk), une production signée Mike « Appetite for Destruction » Clink, et un tracklisting du feu de Dieu alignant les cartons comme un chasseur aviné les grives, ROXY BLUE jouait sur le velours d’une connaissance parfaite du terrain et de la culture Hair Metal des eighties.
Alors, il n’était guère étonnant de tomber sur des perles comme l’irrésistible « Sister Sister », le nerveux et aguicheur « Squeeze Box », l’imparable « Rock A Bye Baby » ou le plus sensible « Love's Got A Hold On Me ». Tous les morceaux semblaient calibrés par un ordinateur pour condenser tous les traits de séduction de la scène californienne des années 88/90, et restituaient l’ambiance d’une époque que beaucoup chérissaient encore. Seulement, publié en 1992, l’album s’est heurté à un mur d’indifférence d’une génération entièrement dévolue au sarcasme et au réalisme Punk, et les chiffres de vente assez faibles ont évidemment encouragé Geffen à se débarrasser de ces gentils garçons, pourtant plus doués que les références POISON, DANGER DANGER, SLAUGHTER et WARRANT.
Né quelques années plus tôt, ROXY BLUE aurait évidemment mis le Billboard à genoux, et les fans en transe. Aujourd’hui encore, cet album se déguste comme une lampée de caviar servie entre deux hamburgers tièdes, et en l’écoutant, on se prend à regretter son infortune, d’autant plus que nombre d’albums de qualité inférieure ont connu des sorts beaucoup plus enviables. Des démos furent enregistrées dans l’éventualité d’un second album, mais il faudra attendre deux décennies pour que le groupe ne remette le couvert via un second LP éponyme publié chez Frontiers.
A noter pour l’anecdote, que le chanteur Todd Poole se retrouvera bombardé frontman chez les alternatifs de SALIVA. Une petite anecdote pour une histoire qui aurait dû être beaucoup plus belle.
Line Up : Josh Weil - basse, Sid "Boogie" Fletcher - guitare, Todd Poole - chant et Scotty T. - batterie
Date de sortie : 4 mars 1992/Geffen
Recommandations auxiliaires : DANGER DANGER - Screw It!, FIREHOUSE - Hold Your Fire, BANGALORE CHOIR - On Target
68 - RUTHLESS - Discipline of Steel
Sans vraiment savoir pourquoi, j’ai toujours considéré les RUTHLESS comme un groupe allemand à l’époque, les informations étant plus dures à obtenir dans les magazines. Sans savoir pourquoi…ou plutôt si. Car la musique de ces américains, très dure et connotée Heavy/Speed avait de nombreux points communs avec les troupes de la Ruhr, et il était donc assez facile de les croire nés à Berlin, Brême ou Munich.
Sauf que ces chevaliers du Metal avaient bien suivi les enseignements de l’école US du Power Metal le plus dru des années 80, et qu’ils venaient de Los Angeles. Alors bien sûr, le Los Angeles de 1986 était voué à d’autres idoles que les défenseurs de la cause Heavy, néanmoins, RUTHLESS, à l’image de LIEGE LORD, OMEN, HELSTAR ou GRIFFIN se faisait un malin plaisir de perpétrer un certain esprit de violence en vogue aux Etats-Unis dans la première moitié des années 80, philosophie qu’ils mettaient en pratique avec ce premier album Discipline of Steel, publié par le label français Axe Killer.
Un album simple, franc du collier, puissant, suffisamment bien produit pour satisfaire les tympans des fans d’un Heavy viril mais intelligent, suffisamment en tout cas pour accepter les mélodies. Et après une courte intro classique, le title-track mettait les choses au point et éloignait immédiatement les effarouchés et autres timorés. De sa rythmique échevelée, « Discipline Of Steel » se souvenait du meilleur LAAZ ROCKIT, des excellents RIOT, et cavalait bon train, pour mériter cette appellation Power Metal qui définissait alors les groupes à cheval entre Heavy classique et Speed hystérique.
Très remontés, les cinq musiciens capitalisaient sur leur bonne réputation, acquise suite à la sortie du EP Metal Without Mercy, publié l’année précédente. Et si tout l’album n’était pas d’un niveau olympique, les chansons étaient quand même d’assez bonne qualité pour permettre à Discipline of Steel de devenir culte avec les années. Au menu, du Metal, de l’acier, du fer, de la lave en fusion, des saillies Heavy musclées (« Know No Evil » et son parfum ACCEPT), du traditionalisme boogie à outrance (« Look Out »), mais aussi des mouvements plus patauds (« Another Day in Hell »), heureusement compensés par des ambitions progressives du meilleur effet (« Hardcore »).
Somme toute, RUTHLESS incarnait avec panache cette seconde division US avide de victoires, et dont on se souvient avec une affection particulière. Classique dans la forme et le fond, ce premier longue-durée est encore très digeste, pour qui se sent nostalgique de cet esprit guerrier des mid eighties, avant que les scènes Hair Metal et Thrash n’envoient tout valser. Et avec une conclusion de la trempe de « The Message », révélateur de capacités au-dessus de la moyenne, un cran sous les WILD DOGS toutefois, RUTHLESS s’en sortait avec plus que les honneurs, malgré une séparation inévitable trois ans plus tard, avant même d’enregistrer un second LP.
Le groupe remettra le couvert en 2008, pour de nouvelles aventures, et deux albums, They Rise (2015) et Evil Within (2019). On peut leur préférer cette tranche de passé pur jus, qui en refusant toute compromission, s’est imposée comme une œuvre mineure de l’histoire majeure de l’underground américain.
Line Up : Jack Black - basse, Ken McGee & Steven T.Z.Z. - guitares, Sami D. - chant et Bryant Scott - batterie
Date de sortie : 1986/Axe Killer Records
Recommandations auxiliaires : STORMTROOPER - Armies of The Night, CITIES - Annihilation Absolute, JAG PANZER - Ample Destruction
69 - SACRED BLADE - Of the Sun + Moon
Encore un cas d’école, encore un groupe magnifique qui s’est brulé les ailes, encore une carrière tuée dans l’œuf, et encore un album unique et incroyable, le lot commun de nombre de groupes de cette modeste liste. Les canadiens de SACRED BLADE, groupe fondé en 1976, étaient sans doute trop à part sur la scène de l’époque, trop créatifs, trop culottés pour se faire vraiment remarquer par le grand public, malgré un talent incroyable de composition et une indéniable originalité de ton.
Officiellement, la carrière du groupe ne s’est jamais arrêtée, malgré une longue absence discographique, et le groupe existe toujours aujourd’hui sous le nom d’OTHYRWORLD (un album, Beyond Into the Night of Day, constitué de titres de ce Of the Sun + Moon plus quelques démos ultérieures). Mais c’est évidemment SACRED BLADE qui nous intéresse, puisque le quatuor proposait en 1986 un album assez étrange, épique, ambitieux, à la pochette digne d’Hipgnosis, et justement assez proche d’un Metal progressif sans vraiment se l’avouer.
D’influence clairement américaine et européenne, Of the Sun + Moon jouait le contraste entre le jour et la nuit, avec une succession de morceaux durs, d’interludes acoustiques, et d’envolées plus lyriques. Assez proche d’un crossover FATES WARNING/MANILLA ROAD/QUEENSRYCHE, Of the Sun + Moon osait des ambiances décalées, tournait le dos aux modes en vigueur, pour tenter un Rock progressif des années 70 transcrit dans un langage plus puissant des années 80.
Incroyablement riches, les compositions s’éloignaient donc du schéma en vogue dans le petit monde du Heavy Metal, et ce grâce au jeu habile des deux guitares de Will "Nascar" Rascan et Jeff "The Pilot" Ulmer, jeu trouvant son apogée sur le climax instrumental « To Lunar Winds », apogée spatiale de sons entremêlés, d’atmosphères évanescentes, et d’une mélodie sublime et épurée à l’extrême.
Mais loin d’une simple réunion de nostalgiques de l’ère baba cool, SACRED BLADE proposait une œuvre concise, élaborée, agencée assez bizarrement (l’album démarre sur deux intermèdes/intros très courts), mais remplie de moments héroïques, à l’image du puissant « Of the Sun and Moon », pamphlet Metal persuasif à la rythmique vorace. Avec des lignes de chant et des chœurs étrangement sous-mixés, Of the Sun + Moon pouvait surprendre, mais se montrait hypnotique, entre lourdeur et violence presque Thrash (« Fieldz The Sunshrine »), Power Metal de haute volée (« Salem ») et évolutif chevaleresque emphatique (« The Enlightenment »).
Très à part, signé sur un label assez confidentiel, Of the Sun + Moon n’avait donc pas tous les atouts dans sa manche pour séduire un public de masse. Tant mieux, puisque tel n’était pas le but des canadiens, qui se permettaient même de donner une leçon à IRON MAIDEN via l’impérial final « Moon », célébration lunaire en grandes pompes. Mélodies stellaires, accalmies soudaines, montées en puissance écrasantes, pour un mash-up géant de plusieurs courants.
Difficile à dénicher, cet album n’a bénéficié que d’une seule réédition officielle en CD sur le label Othyr World Recordingz (autrement dit en autoproduction…), et reste à ce jour le seul témoignage musical du génie de SACRED BLADE. Cet album mériterait pourtant une édition de grande classe, en couplant les deux démos du quatuor et son unique album, histoire d’offrir une vue d’ensemble d’un parcours achevé beaucoup trop tôt.
Line Up : James "Zed" Channing - basse, Will "Nascar" Rascan - guitare, Jeff "The Pilot" Ulmer - chant/guitare/percussions/effets/piano/orgue et Paul "Pol" Davis - batterie
Date de sortie : octobre 1986/Black Dragon Records
Recommandations auxiliaires : SECRECY - Art in Motion, FATES WARNING - Awaken the Guardian, MANILLA ROAD - Mystification
70 - SACRED OATH - A Crystal Vision
Fondé en 1984 à Danbury, Connecticut, SACRED OATH fait partie de cette école de pensée Power Metal typiquement US qui a secoué le continent dans la première moitié des années 80. Et bien que leur premier album affiche une date de naissance de 1987, autant dire que l’inspiration du quatuor elle, est profondément ancrée dans les débuts du mouvement extrême américain de l’époque 83/84. Assez comparable à leurs camarades de jeu de METAL CHURCH, LIEGE LORD, OMEN ou SANCTUARY, les membres de SACRED OATH proposaient donc un entre-deux assez intéressant, que leur unique album de première période d’activité développait avec un panache indéniable.
Le trait de caractère principal d’A Crystal Vision, résidait dans sa dualité, parfaitement exprimée par cette pochette au trait grossier. Deux hommes-bêtes s’affrontant sous la supervision de la mort elle-même, entre Tolkien et Ingmar Bergman, pour exprimer une sorte de double visage, partagé entre la grimace du mal et le sourire du bien. Et la musique se mettait donc au diapason de cette dualité, entre Power Metal mélodique, Heavy travaillé, et Thrash larvé.
Dans les faits, SACRED OATH pouvait se concevoir comme un mariage impossible entre la célèbre NWOBHM, et les danois de MERCYFUL FATE. Entre franchise Heavy et passion occulte, A Crystal Vision ne choisissait pas, et laissait se percuter les silhouettes de CRIMSON GLORY et METAL CHURCH, dans un déluge de sons, de hurlements stridents et opératiques, le tout sous couvert d’un Power Metal US de tradition. Un Power Metal bien moins routinier que celui de la concurrence, où tout pouvait arriver, d’un break léger dominé par un solo stellaire, à une accélération dantesque propulsant la thématique dans les barbelés de la violence californienne de la Bay-Area.
Sans vraiment être le groupe le plus original de sa génération, SACRED OATH faisait clairement partie d’une seconde division assez peu visible, mais fertile. En passant outre ces riffs trop classiques pour encore surprendre, A Crystal Vision aimait se placer au centre des préoccupations, et occuper le terrain d’un Metal immédiat tout comme celui d’un Progressif plus ambitieux. En témoigne le long et évolutif « Message to the Children », et sa rythmique pulsée très efficace, sur montagne de riffs.
Les ambiances étaient donc soigneusement choisies pour ne pas se contenter d’un festival de décibels propre à séduire les moins exigeants. Entre les percussions tribales inquiétantes de « Rising From the Grave », passant d’un Doom mort-né à un Heavy soutenu et endurci, et l’efficacité presque Techno-Thrash de « Magick Son », SACRED OATH déroulait un éventail impressionnant de capacités, passant du coq à l’âne sans perdre de sa cohérence, suggérant parfois l’ombre d’un petit WATCHTOWER pas encore passé par la puberté.
Ce premier album était donc une mise en jambes déjà très professionnelle, malheureusement ralentie par une production un peu sèche et sourde, à la limite de l’économie de moyen. Mais cette apprêté servait plutôt bien le quatuor dans les moments les plus sauvages, l’empêchant de vraiment prendre son envol lors des manouvres plus précises. Mais un titre aussi puissant que « The Omen » avait de quoi rassasier les amateurs de violence (et préfigurait bien des albums Thrash anglais à venir), alors que le title-track jouait une fois encore la construction en gigogne, avec en exergue, la voix incroyable de Rob Thorne, frère bâtard de Rob Halford, Geoff Tate et King Diamond.
Suite à ce premier jet, le groupe se plongea dans un long hiatus, avant de revenir à l’orée des années 2010 pour une seconde partie de carrière bien plus productive, sanctionnée par huit albums studio. Comme quoi, la foi conserve.
Line Up : Pete Altieri - basse, Glen Cruciani - guitare, Rob Thorne - chant/guitare et Kenny Evans - batterie
Date de sortie : 1987/Mercenary Records
Recommandations auxiliaires : TYRANT - Legions of the Dead, ATTACKER - The Second Coming, TYRUS - Masters Of Revenge
71 - SACRED RITE - Is Nothing Sacred
Honolulu, Hawaii, voilà un endroit assez inhabituel pour fonder un groupe de pur Heavy Metal, ce qui n’a pas empêché les SACRED RITE de se consacrer aux sonorités les plus abrasives du moment. Connu au préalable sous le nom de SABRE, le quatuor s’est rebaptisé en 1983 pour adopter un patronyme moins classique, et sortir son premier album, un an plus tard. Cet éponyme publié à compte d’auteur aux Etats-Unis et par Axe Killer en LP en France a suffisamment attiré l’attention de l’underground pour que le groupe signe un deal européen avec Megaton pour The Ritual, album/EP hybride constitué d nouveaux morceaux et de live.
La principale caractéristique de SACRED RITE reste sa versatilité, et sa capacité à s’adapter aux courants en vogue. Après un premier album de Heavy formel, le groupe commence à glisser du côté le plus mélodique, pour diluer sa puissance dans ses harmonies radiophoniques, et ainsi, attirer un public plus large. L’épitomé de cette philosophie est incarné par ce second long, Is Nothing Sacred, qui ressemble à s’y méprendre à une entente tacite entre la NWOBHM et la vague Hard mélodique US de la seconde moitié des années 80.
Is Nothing Sacred dans les faits, n’a rien de vraiment notable à mettre en avant si ce n’est la qualité de ses compositions, et la valeur technique de ses membres. Profitant sans doute de l’exposition offerte par la première partie de TRIUMPH lors d’une halte à Hawaï, le quatuor a visiblement appris de ses homologues canadiens, rois d’un Hard-Rock épique, mélodique et raffiné, ce qu’on constate dès les premières pistes de ce troisième chapitre. Ainsi « Cold Hearted Girl », le morceau d’ouverture s’inscrit totalement dans la mouvance Hair Metal joyeuse, tout en gardant cette dureté plus typiquement Heavy Metal.
Il est certain qu’Is Nothing Sacred préparait le terrain pour le grand coup que le groupe s’apprêtait à jouer. Entre syncopes très futées (« Take Me to the Kingdom »), concessions commerciales avec cette étonnante reprise du délicat « Eleanor Rigby » des BEATLES transformée en rouleau compresseur Heavy, et final évolutif aux nombreuses mélodies claires et roulés de basse précis (« As it Was Told », clôture sensible et révélatrice d’un potentiel énorme), l’album déroulait son talent sur les différentes pistes de cette boite de nuit Metal, entre envie de séduire et acceptation d’une virilité indéniable.
On appréciera cette variété de ton, qui sans nuire à la cohérence permettait d’apprécier des chansons vraiment différentes, et même quelques prouesses techniques assez probantes, développées sur le roublard « Ni 4 Ni », entre Techno-Metal et Fusion Jazz-Rock humble.
Un disque foncièrement intéressant, intrigant, révélateur d’une ouverture d’esprit remarquable, qui toutefois, ne permit pas au groupe d’accéder au statut qu’il méritait peut-être. Après avoir été approché par la major Polygram, SACRED RITE se mit en tête d’adoucir son approche et d’arrondir les angles pour sonner plus abordable et vendre plus de disques, ce qui finalement fut vain puisque le groupe se sépara en 1989 après le départ de son batteur Kevin Lum, atteint du diabète. Il finira par décéder de cette maladie en 2002, mais son héritage trouvera un écho sur l’album de la reformation de 2007, les trois musiciens restant utilisant des samples de ses parties pour compléter leur rythmique.
Trois albums, ou plutôt deux et demi, une carrière en demi-teinte pour un final explosif.
Line Up : Peter Crane - basse, Jimmy "Dee" Caterine - guitare, Mark Kaleiwahea - chant/guitare et Kevin Lum - batterie
Date de sortie : 1986/Medusa Records
Recommandations auxiliaires : MALICE - In The Beginning, CHASTAIN - Ruler Of The Wasteland, NIGHTSHADE - Dead Of Night
72 - SADWINGS - Lonely Hero
Un groupe, un album. Voici donc le fil rouge de ce dossier, qui essaie de se concentrer autant que possible sur l’underground. Et c’est en Suède que nous emmène cet unique album des SADWINGS, groupe d’Hässleholmn, né la même année que son unique LP.
Quatre ans d’existence donc pour ce quintet aux cheveux gonflés et à l’attitude classique. De son caractère formel, cet album incarne peu ou prou l’arrière garde suédoise des années 80, bien avant que ce petit pays ne devienne le plus gros éleveur de musiciens Metal de la planète. Ainsi, derrière la tête de gondole EUROPE se cachaient dans les rayons des groupes plus intimistes, mais aussi plus durs, et plus perméables à la NWOBHM.
Avec un Heavy Metal fier et non édulcoré, Lonely Hero ne se sentait pourtant pas seul dans les pays scandinaves, très friands de ce genre de sonorités, tout comme terre fertile de demi-gloires éphémères. Car il faut bien avouer que le nombre de groupes n’ayant pas eu le temps d’approfondir leur démarche est conséquent.
Enregistré au studio Starec, à Vaxjo, Lonely Hero sonnait déjà plus ou moins daté en 1985, avec ses inclinaisons passéistes mais similaires à l’attitude virile américaine, toujours à la frontière entre le Heavy pur et dur et le Power Metal naissant. Produit par Anders Strengdberg, cet unique album est une véritable déclaration d’amour au Metal le plus traditionnel et fidèle à une éthique statique, gonflé de riffs à l’Allemande et de lyrisme à l’anglaise. L’ombre de SAXON, et autres héros de cette nouvelle vague anglaise planait donc bas sur cette réalisation, qui toutefois se permettait quelques instants de tendresse (« Evil Island », power-ballade très classique, mais agréable en tympans). Mais ne soyez pas dupes, le propos était clairement Metal, et des plus durs, comme le précisait l’ouverture tonitruante de « Love In The Third Degree ».
Son sec, attaques franches, lames de rasoir, SADWINGS ne faisait ni dans le détail ni la livraison à domicile. Disposant d’une technique très honnête, les cinq musiciens se contentaient de recycler les recettes de JUDAS PRIEST et de l’IRON MIADEN des débuts, à la sauce suédoise, légèrement plus fluide. Il était même possible à l’époque d’établir un parallèle entre le quintet suédois et nos FISC nationaux, tant leurs méthodes étaient similaires.
Pas de quoi se relever la nuit et encore moins de crier au génie, mais de quoi headbanguer en toute quiétude, au son des trépidants « Too Young » et autre « Sadwings ». Une légère connotation NOISEHUNTER, quelques rapprochements avec le Heavy allemand le plus ancré dans la culture locale, pour un festival de tierces, de soli flamboyants, malgré un chant pénible à la longue, et manquant cruellement de relief et de hargne.
Album honnête, qui ne manquait pas de payer sa dime au Hard des seventies (« Winternights »), Lonely Hero fut une étoile qui brilla de façon pâle et brièvement, mais qui reste un témoignage intéressant de la scène suédoise trop méconnue des années 80.
Line Up : Tommy Persson - basse, Patrick Berg & Peter Espinoza - guitares, Tony Ekfeldt - chant et Magnus Hörberg - batterie
Date de sortie : 1985/Criminal Response Records
Recommandations auxiliaires : EUROPE - Europe, SAIGON - One Must Die, HAMMER - Contract With Hell
73 - SCREAMER - Target : Earth
SCREAMER, quintet originaire de Kenosha, Wisconsin, fait partie de ces one-hit wonders qui ont constellé l’histoire du Heavy Metal américain. Et pour une fois, New Renaissance Records avait eu le nez creux en les signant, puisque leur unique album des années 80 reste encore aujourd’hui un des must-have de ce qu’ l’on a appelé la NWOUSPW (New-Wave of US Power Metal). A l’image de bon nombre de leurs confrères de genre, les SCREAMER proposaient une musique aussi puissante que progressive, et rappelaient immanquablement les débuts de QUEENSRYCHE, CRIMSON GLORY, DRIVE et autres ardents défenseurs d’une précision chirurgicale dans la puissance.
En moins de quarante minutes, le groupe mettait tous les atouts de son côté, et de, dès l’ouverture gargantuesque de « Visionary ». Ambiance précieuse, production légèrement confinée, individualités notables, paire de guitaristes très volubiles, et surtout, organe de tête ultra compétitif, entre Geoff Tate, Alan Tecchio et Mike Sanders.
Le meilleur des deux mondes donc pour ce Target : Earth à la pochette en accord avec les textes orientés Sci-fi. Sans vraiment proposer quelque chose de novateur, et se contentant d’actualiser le Metal de la première vague de Heavy US, SCREAMER avait ce je-ne-sais-quoi qui laissait une impression durable, et qui impressionnait des heures après écoute. Pourtant le formalisme de compositions comme « Outcast » ou « Flame Dream », terriblement ancrées dans la tradition américaine pouvait dérouter et renvoyer à des œuvres antérieures comme The Warning. Mais les compositions les plus épiques possédaient ce charme suranné des œuvres ambitieuses qui ont fait la réputation des Etats-Unis dans les années 80
Ainsi, « Time Masters » proposait tous les arguments jouables de l’époque, avec cette intro délicate en son clair éclairée d’un solo magnifique, avant de partir dans une course contre la montre opposant RUSH à IRON MAIDEN. Le title-track et ses tierces galopantes estampillées NWOBHM était aussi l’un des points forts de cet album, et sous la couche de traditionalisme assez épaisse se cachaient des velléités progressives fort remarquables.
Et même si les influences du groupe crevaient les tympans, on notait une certaine capacité à s’en dégager, sur le final « Heir to the Throne », galopant bon train et évoquant le spectre d’un TOXIK moins Thrash et moins guindé.
Entre l’envie d’aller de l’avant et celui de dresser un bilan du HM américain de la seconde moitié des années 80, Target : Earth était une étape intéressante malgré une production sèche et déficiente. Avec des solistes inspirés et toujours prêts à défier les cadors sur le terrain de la vitesse et de la fluidité, et un chanteur unique en son genre, SCREAMER incarnait la seconde division d’un Metal US fier et brillant. Il fallut attendre vingt ans pile pour que le groupe remette le couvert avec l’intéressant What Excites You, avant qu’un silence définitif n’étouffe l’affaire dans l’œuf.
Line Up : Paul Bigalke - basse, Michael Schantek & Ronny Valeo - guitares, Bill Carter - chant et Kevin Litz - batterie
Date de sortie : Août 1988/New Renaissance Records
Recommandations auxiliaires : LETHAL - Programmed, BATTALION - Runaway, DRIVE - Characters In Time
74 - SHOK PARIS - Go for the Throat
SHOK PARIS est sans aucun doute l’un des groupes les « moins méconnus » de cette liste et à juste titre. En trois albums étalés entre 1984 et 1989, le quintet de Cleveland, Ohio a largement eu le temps de se constituer un following digne de ce nom et de son talent. Il était donc logique et illogique à la fois d’intégrer le combo dans ce dossier, puisqu’il fait presque partie des ensembles les plus fameux de son époque. Avec toutefois quelques nuances. Si les amateurs sont évidemment avisés de son talent et de ses capacités, le grand public Metal ignore encore dans sa majorité l’existence d’albums aussi recommandables que Steel and Starlight et Concrete Killers.
C’est pourtant Go for the Throat, premier album de la troupe qui s’est glissé dans ce classement, en grande partie pour expliquer la genèse d’un groupe extraordinaire, toujours à cheval entre les genres, mais fidèle à une approche américaine d’un Heavy Metal franc et fin à la fois.
Et dès « Battle Cry », SHOK PARIS met les riffs sur les « i ». Réminiscences de l’école californienne du Metal le plus torride, rythmique sobre mais stable et solide, duo de guitaristes saccadant leur propos avant de lâcher des déliés en force, et chanteur au timbre lyrique mais pas trop, parfait dans son rôle de monsieur-loyal Heavy. Evidemment, pour un disque sorti en 1984, rien de vraiment novateur ne venait bousculer l’ordre des choses, mais la qualité des compositions, merveilleusement mises en valeur par cette production aux graves ronds tenait la route efficacement, assez en tout cas pour drainer dans son sillage des hordes de fans le poing levé.
Pour être franc, tous les morceaux de ce premier album sont autant de hits dédiés à la gloire d’un Hard-Rock classique, mais sincère. Entre la brutalité ouverte de « Burn it Down », et la mélodie de « On a Wing and a Prayer », SHOK PARIS se sentait à l’aise dans son époque, et tenait même la dragée haute à des valeurs sures plus établies. On pensait parfois à un mélange entre les RAVEN et la jeunesse de QUEENSRYCHE, avec en filigrane, une personnalité déjà bien affirmée qui allait s’imposer sur les deux albums suivants, plus matures et éloignés de la NWOBHM et de la NWOAHM.
Trépidant sur « Chosen Ones », passablement excité sur « Never Say Why », diablement boogie/Heavy sur le title-track, Go for the Throat vous prenait effectivement à la gorge pour ne jamais desserrer son étreinte. Intelligent et conscient de ses capacités, le groupe proposait alors un répertoire homogène mais largement assez varié pour ne pas lasser les plus curieux. Entre les nuances inquiétantes et en clair/obscur de « Can’t Fight the Evil », et la démonstration fast n’go de « Run But Don’t Hide », SHOK PARIS revisitait le patrimoine américain, et proposait sa propre version d’une légende en devenir. Il est évidemment un peu difficile, avec quelques décades de recul de comprendre pourquoi ce groupe aurait dû exploser sur la scène, sa musique se montrant sous un jour assez convenu, mais pour l’époque, SHOK PARIS était largement assez novateur dans le formalisme pour s’extraire de la masse grouillante des suiveurs.
Et si avec le temps, mes gouts personnels m’ont clairement rapproché de Steel and Starlight, plus sophistiqué, je n’en garde pas moins une tendresse particulière pour Go for the Throat, symbole d’une époque de transition (« Go Down Fighting ») entre le caractère brut de la première moitié des années 80, et les concessions mélodiques et radiophoniques de la seconde moitié. Aujourd’hui introuvable à un prix décent en CD, Go for the Throat exige une réédition augmentée pour en apprécier les valeurs fiables et l’énergie de tous les diables.
Line Up : Kel Berkshire - basse, Ken Erb & Eric Marderwald - guitares, Vic Hix - chant et Bill Sabo - batterie
Date de sortie : 1984/Auburn Records
Recommandations auxiliaires : BANSHEE - Race Against Time, TITAN FORCE - Titan Force, HELSTAR - Burning Star
75 - SHOW-YA - Outerlimits
Le monde du Heavy Metal et du Hard-Rock est réputé pour être très machiste et plus ou moins organisé comme une microsociété patriarcale reléguant les femmes au rôle ingrat d’admiratrices, pour ne pas dire simples groupies, terme en vogue durant la décennie 70’s. Et si les FANNY avaient tenté d’inverser les rôles dans les seventies, les mignonnes et aguicheuses RUNAWAYS, sous la coupe lubrique de Kim Fowley, bradaient l’indépendance au profit d’un sexisme de bas étage à peine bon à flatter les fantasmes de vieux libidineux en manque de chair fraîche. Et si les eighties furent le théâtre d’un hédonisme forcené, quelques musiciennes plus décidés et fortes que les autres tentèrent de s’imposer sur le marché, avec plus ou moins de bonheur.
De nombreux all-female-bands explosèrent dans les années 80. Pour n’en citer que quelques-uns, parlons des GIRLSCHOOL, de ROCK GODDESS, MEANSTREAK, JEZABELLE, ICE AGE, PHANTOM BLUE, WITCHES, ou encore STILETTO. Mais si un groupe entièrement féminin était denrée rare durant cette décennie, un groupe entièrement féminin ET japonais était un graal que peu pensaient dénicher. Et pourtant, les SHOW-YA existaient bel et bien, et se sont construit une très belle et enviable carrière.
Né en 1981 à Tokyo, SHOW-YA a longuement patienté pour montrer le fruit de son travail, via son premier album Masquerade Show, publié en 1985. Mais dès ce point de départ, la côte du groupe ne cessa de monter en flèche, pour atteindre une apogée totalement justifiée à la fin des années 80. Et s’il est difficile d’isoler un album en particulier de cette riche discographie, je fois reconnaître que l’efficace et mordant Outerlimits s’est imposé de lui-même.
Outerlimits était déjà en 1989 le huitième album du quintet. Respectant la tradition nationale de production de masse avec plusieurs albums par an (deux coup sur coup entre 1986 et 1988, respect), SHOW-YA occupait un marché qu’on pensait réservé aux LOUDNESS, ANTHEM et autres EZO, et livrait des disques largement capables d’en remontrer à ses homologues masculins. Sans l’aura d’un LOUDNESS et d’un virtuose de la trempe d’Akira Takasaki, les SHOW-YA s’appuyaient sur leur osmose incroyable, et la complétude entre cette guitare mordante et ces claviers en concession discrète, mais commerciale.
De fait, Outerlimits proposait un Hard-Rock tirant sur le Heavy Metal, ne crachant pas sur un brin de vitesse (« Lovers »), assez proche de ce que les américaines de PHANTOM BLUE pouvaient proposer. A la limite du Power Metal, ce huitième album faisait feu de tout bois, et dépassait allègrement les limites de vitesse, tout en se sentant parfaitement à l’aise dans l’univers Metal européen de cette même époque (« Trouble »). Dans son rôle de frontwoman, Keiko Terada faisait des merveilles, et se montrait rivale parfaite des européennes, canadiennes et américaines, avec son timbre pur et sa puissance lyrique.
Véritable concentré d’énergie, Outerlimits osait aussi des choses plus nuancées et harmonieuses, comme ce posé « 野生の薔薇 », ou le très radiophonique « For Freedom », proche des VIXEN permanentées. Tendu de bout en bout, Heavy en diable, cet album n’a pas pris beaucoup de rides depuis sa sortie, et incarne un versant fascinant de l’histoire du Heavy Metal nippon. Et de nombreux groupes actuels comme ALDIOUS ou BAND MAID peuvent remercier les SHOW-YA d’avoir déblayé la route et de l’avoir débarrassée de ses embuches typiquement masculines.
Line Up : Satomi Senba - basse, Miki Nakamura - claviers, Miki Igarashi - guitare, Keiko Terada - chant et Miki Tsunoda - batterie
Date de sortie : 6 septembre 1989/Eastworld
Recommandations auxiliaires : Mari Hamada - Romantic Night, JET MAYBE - Jet Maybe, ALDIOUS - Deep Exceed
Paul Chain = Dieu vivant.
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