Il y a vingt-cinq ans, Immortal était déjà passé à Montpellier avec en première partie Anorexia Nervosa, et un petit groupe inconnu nommé Godzilla promis à un brillant avenir. Mais déjà peu amateur de Black à l'époque, je ne m'étais pas mobilisé – et je m'en veux encore tant Gojira a ensuite compté pour moi. Puis avec l'âge on s'ouvre, et la guéguerre entre Death et Black est de l'histoire ancienne à présent. Je ne me suis donc pas beaucoup posé de questions pour assister à ce passage d'Abbath à Montpellier. Parmi les grands classiques du Black Norvégien, après tout, je préfère les récits épiques et l'univers d'Immortal aux excès nihilistes commis par d'autres. Mieux encore, l'évolution Thrash Heavy accentuée depuis qu'Abbath poursuit sa carrière à part est pertinente et efficace. Retournons donc à Victoire 2, qui n'en finit pas de redevenir comme jadis l'un des lieux majeurs du Metal à Montpellier après des décennies de quasi ignorance. Par exemple un de mes amis qui ne rate aucun concert de Thrash ou Grind, arrivé en ville il y a une douzaine d'années, n'était encore jamais venu. Moi-même, je suis venu à Victoire 2 un nombre égal de fois entre la reprise des concerts postérieure à la pandémie, et toute la période entre la fin des années 90 jusqu'au premier confinement !
Et de fait, le succès a été au rendez-vous. Ce n'était apparemment pas complet à l'ouverture, mais il y avait tout le gratin de la scène Metal locale et quelques-uns que cela faisait plaisir de revoir après tant d'années (cela n'a pas été simple de consacrer un moment à tout le monde) au milieu d'une assemblée joliment fournie. Le fait d'être un mercredi n'a pas aidé à mobiliser massivement un public lointain, mais les autochtones au moins étaient bien présents.
À 20 heures tapantes, HELLRIPPER prit possession de la scène. À l'origine il s'agit d'un projet solo passé au format quartet pour les besoins de la scène et répondre à un certain succès. Les Écossais servent un Black Thrash Punky aux vocaux arrachés et peu trafiqués d'une certaine efficacité. Comme le montrait le t-shirt du bassiste, c'est proche de Midnight et également des Bathory et Sodom des débuts. On n'était donc vraiment pas loin de Zoldier Noiz il y a quelques jours, sauf que le son était quand même plus clair (toutes choses étant relatives) et impeccable dès cette première partie. Les riffs se distinguaient bien sur le martèlement infernal de la batterie, une formule simple mais exigeante qui parvint à décoincer le public et créer une fosse au bout de quelques titres. Les musiciens eux-mêmes se bougeaient pas mal sur scène, le batteur aimant bien tenir ses baguettes croisées à bout de bras au-dessus de sa tête. James McBain, guitariste-vocaliste et surtout fondateur, alterna harangues et démonstrations d'humour pince-sans-rire typiquement britannique assez savoureux, annonçant par exemple d'une voix très posée après trois minutes de fureur pied au plancher, un titre dédié à une page un peu oubliée de l'Histoire de France (l'affaire des poisons sous Louis XIV), ou un autre consacré à la perversion sexuelle de son batteur (vous irez voir !). Moi qui ne connaissais pas, j'ai passé quarante minutes excellentes à me décrasser les cervicales une bière à la main.
TOXIC HOLOCAUST avait apporté un peu moins de merch' que les deux autres mais n'en a pas moins un statut à maintenir. Joel Grind et ses deux comparses forment l'un des plus redoutables groupes de la nouvelle vague du Thrash-Crossover. Après une intro glauque et menaçante, c'était reparti sur un tempo encore plus féroce, car à trois ils parvenaient à sonner plus lourds que Hellripper. Le mosh pit repartit presque tout de suite dans une cavalcade nucléaire. L'infatigable Joel n'a plus les cheveux peroxydés mais il les porte plus longs, ce qui le rendrait presque méconnaissable. La guitare fluorescente de Rob Gray marquait cependant ce goût pour les couleurs agressives. On avait à peine le temps de prendre note que le boss s'était en effet réattribué la basse par rapport à l'autre fois où on l'avait vu, à un jet de pierre de là il y a dix ans. Cela n'a guère eu d'effet sur l'ensemble, ni sur ses vocaux – corrects sans être transcendants – ni sur l'abattage monstrueux qui éreintait à nouveau ma nuque, qui s'était mise à s'agiter de partout par réflexe irrépressible à l'unisson de ceux qui n'étaient pas dans la fosse. Précisément, le répertoire du groupe est vraiment taillé pour le live, avec un rythme généralement dans le rouge qui ralentissait régulièrement dans ces mid-tempos tendus et assassins qui sont l'âme du Thrash, et avec des breaks de batterie tombant au poil. C'est une musique purement physique, qui se soucie bien moins que l'ancienne génération de laisser des compos marquant la mémoire, pourvu que les corps s'en souviennent… La hauteur de la scène n'a pas dissuadé quelques slammers profitant de la large place laissée au centre de la scène. Dans les rares pauses, Joel annonça quelques titres aux noms simples mais connus comme "Wild Dogs", "Nuke the Cross" ou "War is Hell". Cela fait des refrains basiques et urgents qui sont aussi typiques de ce Thrash-Crossover, par sa facette Punk Hardcore. Les articulations déjà bien démontées, j'ai eu du mal à réaliser que ce set extrêmement intense n'avait duré que moins de quarante minutes alors que revenait brièvement le même sample qui avait déjà servi d'intro. Nous étions rincés.
Étant sorti pendant la longue pause pour prendre l'air aux côtés des fumeurs après cette tannée, j'ai cru ne pas pouvoir rentrer car on ne m'avait pas tamponné en arrivant, et les videurs se montraient chicaniers… Heureusement j'avais gardé ma place et après quelques vérifications on a daigné me laisser revenir. J'avais déjà eu cette mésaventure par le passé, sauf que cette fois je n'avais pas pu rentrer voir la fin du concert. Curieusement c'était ici même... Dedans, l'intermède se prolongea au son de Fever Ray.
Dans sa célèbre tenue de scène et le visage peint de son motif tout aussi légendaire, ABBATH ne manqua pas de faire une entrée triomphale quelques instants après ses employés pour attaquer avec un extrait de son dernier album solo, sur l'estrade où un montage métallique posé au sol sous la batterie rappelle son nom en grand. Mais sa guitare avait un problème qui le contraignit à s'en débarrasser et à finir le morceau les mains libres. Comme tous les guitaristes chanteurs qui se trouvent dans cette situation, il s'est cru obligé de faire quelques gestes tout en continuant bien sûr le chant. Les pas chassés la main en l'air et le visage renfrogné resteront un instant mythique. La scène et les premiers rangs étaient plongés dans un brouillard constant qui posait l'ambiance en dépit de la moiteur de la salle. Devant, quelques fans aux visages peints eux aussi brandissaient un panneau de carton portant un message d'amour envers le patron.
Les premiers titres étaient tirés de la discographie solo d'Abbath, dont l'orientation entre Black traditionnel d'Immortal et Thrash Heavy classique permet d'intéresser un plus large public sans rien sérieusement trahir. Et cela marchait bien, avec cette production plutôt compacte mais propre, dans la droite lignée des dernières réalisations de son ancien groupe. Il a toujours eu le souci du bon riff, ce qui est cohérent avec cette évolution et surtout donne d'excellents morceaux auxquels les solos de guitare apportent une saveur plus classique. Si la batterie donnait une bonne performance, la basse se perdait quelque peu dans le mix, comme sur album. Abbath communique en vociférant, ce qui ne rend pas toujours facile la compréhension, mais il semble qu'entre le début et la fin du set il s'est rappelé qu'il était déjà venu dans notre ville. Ses grimaces, les poses et les gros yeux donnent consistance à un personnage iconique, pour reprendre un terme en vogue qui fait partie de la culture Metal bien au-delà du Black. Naturellement, on finit par remonter jusqu'à "I" et enfin quelques extraits d'Immortal. La puissance de cette musique invitait à nouveau à un headbang auquel il devenait impossible de résister tôt ou tard, au détour de tel ou tel riff nimbé dans cette production si reconnaissable. Cela put entraîner quelques trous dans la foule pour ceux qui en avaient marre d'être flagellés par les cheveux longs de telle grande spectatrice, et autres petits incidents que je ne raconterai pas ici. Un peu plus loin, telle autre légende vivante du Black plus souterrain paraissait captivée par le show. Passant à côté de moi, un ancien membre de Verdun me glissait à l'oreille un "c'est mortel" parfaitement fondé et lourd d'un double sens. Quelques titres furent particulièrement acclamés, parmi les plus bourrins et à défaut de maîtriser vraiment l'œuvre d'Immortal je pense qu'ils venaient de cette ère ancienne. Abbath annonça bien certains titres, mais pas tous. Une brève coupure de courant ne gâcha pas la magie nordique de la fin du set qui dépassa une heure vingt au total. Éreinté par cette nouvelle séance enchaînée d'exercices cou-nuque, il n'y avait qu'à se joindre à un bref instant de communion prolongé par les musiciens et notamment le batteur qui le méritait bien. L'air de rien, tout caricatural qu'il puisse être, Abbath est aussi un peu plus chaleureux que les autres monstres vivant du Black Norvégien et je trouve que c'est appréciable.
Étant venu en touriste du Black, je sortais très satisfait de cette première grosse affiche de l'année. On retournera volontiers voir d'autres classiques du genre qui doivent venir nous honorer de leur visite, même si on va plutôt revenir sur mes terrains de prédilection avant cela. La douceur de la nuit suivant une journée pluvieuse invitait à prolonger un peu le moment avec des camarades anciens et nouveaux.
Une bien belle affiche qui rend jaloux ! TH c'est toujours un plaisir sur scène. Pas de surprise mais ce thrash crossover old-school est imparable.
Et puis concernant Abbath - depuis qu'il s'est calmé (un peu au moins) sur la bouteille - sur scène c'est un des meilleurs showman du BM. Un personnage !
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09