En principe je n'aurai pas dû être là ce soir mais à un autre concert loin de Montpellier, qui a été hélas repoussé comme presque toutes les tournées internationales dernièrement. Ayant été averti à temps, j'ai pu me jeter sur l'un des derniers billets à la vente pour cette soirée un peu particulière qui finit complète. Cette tournée ne comptait que quatre dates en France, c'était la seule dans le Midi et l'on était encore loin de se douter de la suite.
Il est courant que pendant l'Avent les paroisses organisent des soirées spirituelles, voire des concerts, mais il est moins fréquent que ce soit pour des affiches pareilles. Ici, les Saints-François est une petite église contemporaine construite dans les années 90, à la place d'une autre datant du XIXe siècle qui s'effondrait allègrement. Ce n'est qu'en 2012 qu'on y a installé un orgue de type ibérique, rare en France. Une association d'amateurs organise quelques concerts chaque année en collaboration avec d'autres… dont celle qui a fait le lien avec cette tournée d'Anna von Hausswolff. J'avais déjà vu l'artiste Suédoise en première partie des Swans (l'un de mes premiers reports pour Metalnews) dans un exercice très différent, où elle mêlait Drone, Industriel, Néofolk martiale, guitare torturée et Heavenly Voices à fond les potards. Mais cette tournée-ci était consacrée à son instrument de prédilection.
L'intérieur de l'église, avec sa voûte métallique asymétrique assez haute en proportion, baignait dans une lumière rouge tandis que plusieurs rangs de lumignons étaient posés sur les marches du chœur. Le public assis qui papotait par chuchotements (on est dans un lieu de culte…) était hétéroclite : gothiques sur le retour, retraités amateurs d'orgue, jeunes fans de Black pointus, couples friands de néoclassique, et surtout pas mal de gens venus de loin. Cependant, les bancs restaient tournés vers l'autel et non vers l'orgue sur la façade de droite, ce qui obligera à rechercher une place dans l'axe de l'instrument, près de la table de mixage, et à se contorsionner pour se tourner vers les tuyaux.
À l'heure annoncée, les membres des deux associations organisatrices dirent quelques mots en se remerciant mutuellement et en mentionnant la paroisse. On était bien loin de ce qui se tramait à Nantes où d'autres associations de fidèles catholiques tradis ont obtenu successivement de faire déplacer un concert "sataniste" dans une autre église, puis de le faire annuler au dernier moment en bloquant l'accès !!!
ANNA VON HAUSSWOLFF sortit de la sacristie avec deux acolytes, sous les applaudissements, et y retourna aussitôt pour chercher ses partitions qu'elle avait oubliée. Toujours dans la lumière écarlate, les trois musiciens manipulèrent quelques registres puis l'instrument entonna de puissantes notes longues en harmonie, invitant à une lente immersion dans une introduction qui s'avéra bien trop longue pour en être une, puisque cette coulée sonore déboucha sur quelques mesures plus rapides et mélodiques en fin de morceau seulement. Ce soir Anna servait clairement du Drone, de l'Ambient puissante et sombre, oppressante et austère. L'antidote complet par rapport à mon concert précédent. Comme dans un concert classique, il n'y eut aucun applaudissement entre les morceaux.
Les pièces furent jouées tantôt à deux, tantôt à trois. Sur un schéma de composition régulier, une certaine variété ressortait selon les tons, la présence de couches jouées plus rapidement, et surtout par les bruitages, grésillements ou discrètes boucles rythmiques lentement répandue par les quatre enceintes placées aux coins de la nef. En fait, les deux grands chauves installés au mixage participaient activement à l'ensemble avec ordis à samples, pédales et table hérissée de potards. Un micro placé au centre devant eux et les casques de retours mis par les musiciens à l'orgue sur certains morceaux montraient que la performance était vissée à fond à tous les postes. Le petit instant de panique d'Anna lorsqu'un registre modifié entre deux morceaux laissa échapper une note aiguë dans les tuyaux était assez drôle. Le show était intégralement acoustique, sans aucune parole susceptible d'exprimer le commencement d'une idée pouvant peut-être s'interpréter comme irrespectueuse du lieu. C'est presque dommage, car Anna a d'excellentes capacités vocales, mais on ne peut pas être à la fois à l'orgue et au chant.
Cette ambiance solennelle, la lumière rouge martien dans une église moderne et la puissance de l'orgue emmenaient dans un sentiment de malaise diffus, proche des moments de flottement préparatoire d'un bon film d'épouvante, ou invitant à la méditation mystique indicible selon les penchants de l'auditeur. Les attitudes du public étaient diverses : des couples étaient enlacés les yeux clos comme de faux dormeurs, des passionnés scrutaient l'orgue tant qu'ils pouvaient, d'autres regardaient leurs pieds l'air grave ou vers le haut plafond, enfin certains exprimaient à voix haute leur profond ennui pendant les pauses (je ne comprends pas comment on peut mettre trente pions dans un concert pour dire cela, sans connaître ni avoir essayé avant surtout…). Pour ma part je me suis coulé sans difficulté dans ce set très contrôlé. Il est vrai qu'en fermant les paupières cela prenait encore une autre intensité, bien que l'atmosphère créée, déjà bien spéciale, me convenait mieux. Se présenta alors un titre construit sur un motif rapide en trois notes assez irritant au bout d'un moment, mais qui finissait par se fondre vers quelque chose de plus apaisé. Vous connaissez l'adage : quand un bruit vous agace, écoutez-le ! Après un final grave et puissant, les musiciens se placèrent devant le chœur pour saluer longuement sous de chauds applaudissements. Malgré un second salut, il n'y eut pas de rappel, ce qui était prévisible au bout d'une heure aussi exigeante. Les plus grands fans pouvaient retrouver l'artiste à la sortie, qui avait un petit stand de merch' à côté des ventes de Noël de la paroisse.
Je suis reparti assez vite après avoir salué quelques connaissances, il était encore tôt et j'ai voulu profiter de ce qu'on pouvait finalement avoir encore une bonne soirée à la maison. J'ignorais encore que la sérénité qui a caractérisé cette soirée était un privilège.
Ce report est dédié à tous les gens qui devaient assister aux concerts de Nantes et Paris et qui en ont été privés pour de fausses raisons.
Cher RDB, content de te relire! toujours la même qualité autant dans le plume que le contenu!
Je m'intéresse pas du tout à l'artiste mais apparemment le concert de Paris a pu avoir lieu. Je sais pas pour celui de Nantes.
Celui de Nantes a été annulé, celui de Paris a eu lieu mais dans une autre église (un temple protestant je crois) que celle initialement prévue.
Il semble en effet, selon les rumeurs que j'ai recueilli auprès d'autres gens qui étaient à cette date de Montpellier et que j'ai revus, que le concert Parisien a pu être déplacé ailleurs dans un lieu tenu confidentiel pour éviter une manifestation. Le coup du temple protestant me paraît crédible. On devrait vite le savoir.
Moi-même croyant en Dieu, je pourrais comprendre une mobilisation de fidèles pour empêcher la tenue d'un spectacle blasphématoire dans un lieu de culte. Sauf que.
Pour toutes les dates françaises (et sans doute ailleurs en Europe) chaque concert a obtenu l'accord des autorités ecclésiastiques pour se tenir dans chaque église concernée depuis de longs mois. Comme pour tout spectacle se tenant dans des églises. Et pour cause, non seulement je ne vois pas en quoi la production artistique d'Anna von Hausswolff aurait quelque chose de "satanique", mais il s'agit sur cette tournée spéciale de performances purement instrumentales, sans paroles susceptibles d'être interprétées dans quelque sens que ce soit, dans une démarche parfaitement respectueuse envers les lieux de culte qui accueillent cette tournée. L'attitude de l'artiste et sa réaction (digne) sur les réseaux sociaux après l'incident de Nantes confirment tout cela.
Les concerts ont dû être annulés ou déplacés non pas par un espèce de sursaut de conscience à l'endroit d'une autorisation obtenue par ruse de la part d'associations maléfiques, mais par crainte du trouble à l'ordre public causé par quelques esprits manipulés par désinformation et en mal de mobilisations à défendre. C'est pathétique.
Effectivement j'étais au concert de Paris, c'était un parfait pied de nez aux idiots qui brulent allégrement la culture qui n'arrange pas leur dogme... Ceci dit comme dans la chronique, ce fut agréable et sans en faire des tonnes. Je regrette aussi l'absence de Chant, parce que cela aurait eu encore un dimension bien plus mystique. ET j'aurais aimé que cela dur encore et encore.
Une vrai standing ovation à la fin de plusieurs minutes.
Effectivement dans une église protestante.
Je n'ai pas la foi et exècre toute croyance et croyant.
Pour autant, je peux totalement comprendre que ceux qui sont de l'autre bord ne soient pas très heureux de voir LEUR lieu de culte envahi par des gens propageant la pensée adverse.
Donc le coup du "c'était un parfait pied de nez aux idiots qui brulent allégrement la culture qui n'arrange pas leur dogme"... Mouuuais... ... ...
Pour faire simple : Je n'aimerais pas que les bigots viennent me faire chier en fest voyez (cf. HELLFEST il y a quelques années).
Un report ? Je crois que j’y reviendrai l’an prochain mais deux jours afin de mieux profiter. J’en connais qui ont du moins apprécier le camping avec l’orage du dernier soir
16/05/2025, 06:52
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11