La tournée de ce soir était programmée il y a pile un an, il faut vite en profiter avant que la grippe wuhanaise ou une guerre atomique continentale n'entraîne de nouveaux reports. Et nous voilà déjà de retour à Toulouse où les grosses affiches s'enchaînent, et précisément au Bikini où je n'étais pas revenu depuis quatre ans. Il faut dire que la salle historique de la ville est soumise à une concurrence certaine et tout ne se passe plus forcément là (ce qui est dommage pour moi car elle est du bon côté de la ville pour les Méditerranéens). De plus cela m'a contraint à renoncer à Oranssi Pazuzu qui passait le même soir à Montpellier, les copains me raconteront.
Le billet indiquait l'ouverture des portes au moment de la sortie des bureaux, et pourtant à l'heure dite il y avait déjà bien du monde, venu de tout le Midi : une affiche large et de haut niveau ne pouvait pas laisser indifférent. À l'intérieur, ça n'a presque pas changé. Une guinguette a été rajoutée au fond de la cour sur le côté. Un merch' opulent des quatre groupes était proposé, j'ai hésité à prendre un sommelier Carcass. Par contre le paiement en liquide était impossible à tous les bars comme aux hot-dogs, pour d'obscurs pépins techniques selon le personnel, problèmes dont je doute sincèrement de la réalité. Nous saurons vite si c'était réellement ponctuel ou une politique délibérée mais non assumée comme il est si fréquent dans les temps présents…
Les festivités commencèrent au petit trot dès 18 heures avec UNTO OTHERS, formation récente originellement nommée Idle Hands. Elle ne m'était pas tout à fait inconnue avec son Heavy Rock nonchalant et mélancolique au point de tirer sur le Rock Gothique. Cela rappelait cette époque où avec The Cult et The Mission la passerelle entre les deux genres était large. Le quartet vient de Portland, et il semble que toute la scène Indé du lointain Oregon est condamnée à exprimer sous toutes les formes possibles une certaine forme de déprime. Avec un son très propre rendant les guitares très suaves au soutien du chant haut sans forcer du patron Gabriel Franco, les éclectiques et les curieux se laissaient facilement emballer. On pouvait penser aussi au Paradise Lost le plus Pop par instants. Derrière ses lunettes noires de circonstances, le guitariste-chanteur se félicita d'être là pour la première fois. Conscient d'être le groupe décalé du programme, il annonça un titre Metal qui comprenait effectivement un passage de blast-beat. Le batteur, relégué au-devant à cause de l'attirail de Behemoth déjà installé, déroulait ses parties avec une telle aisance qu'on n'était pas surpris qu'il en soit capable. Avec un bon jeu d'éclairage et une bonne maîtrise ce premier acte passait pas mal, néanmoins le chant typé et peu varié sur des titres plus ou moins inspirés commençait à créer la lassitude quand tout s'arrêta à la trentième minute, à temps avant qu'on s'agace. Typiquement la première partie qui a un potentiel et aussi des marges de progression précises.
À présent la salle était quasiment garnie, et l'on pouvait retrouver de vieux habitués que l'on n'avait parfois pas revus depuis plusieurs années avec la pandémie.
Moi qui étais venu principalement pour CARCASS, j'étais amer de les voir relégués à cette position. Je n'étais pas le seul sans doute, il y avait un nombre significatif de fans dans la salle enfin remplie jusqu'à la coursive. Hélas, le Goregrind a un public plus restreint de nos jours, et du point de vue du Death mélodique de 2022 ce n'est plus qu'un lointain précurseur qui n'est pas resté longtemps dans l'équipe, un souvenir qui pèse peu pour un public souvent jeune et préférant d'autres formations à la discographie nettement plus fournie en la matière – la tête d'affiche au premier chef.
Enfin, une compilation d'intro rassembla les enthousiasmes et les quatre Anglais prirent possession de la scène pour attaquer une fois de plus avec l'imparable "Buried Dreams" un concert à l'avenant de leurs performances habituelles. Tenant souvent sa basse droite, Jeff Walker avait la pêche et son célèbre chant crié un peu noyé dans le déluge de guitares rappelait le mixage du dernier album. Autrement, la production était impeccable. Il était rapidement clair qu'on alternerait entre classiques de "Necroticism" ou "Heartwork" et promotion du dernier album, largement de quoi combler la masse vu qu'un pogo érupta dès le deuxième titre, curieusement décalé à droite en regardant la scène, et se maintint très actif à peu près jusqu'à la fin. De fait, même si les anciens morceaux n'étaient pas inédits sur scène, j'étais emballé depuis beau temps. Carcass ne relâche jamais la pression en live et c'est l'une des clefs de son efficacité. Même lorsque Walker prenait la parole pour caser les trois mots qu'il connaît en français, c'était à toute vitesse. Comme toujours il ne put s'empêcher de lancer son mediator dans la foule toutes les trente secondes, et l'un des premiers tomba juste à mes pieds sans que personne d'autre ne le vit dans l'agitation générale, ce qui me permit de ramasser sans dommage cette Très Sainte Relique. Côté guitares, Ben Ash laissait l'essentiel des soli à Bill Steer qui méritait d'être badé avec son jeu si précis sur une bête Les Paul. Non pas que le plus jeune soit mauvais, surtout en rythmique, mais il lui manque de la personnalité pour assumer le lead. Des caissons posés en seconde ligne diffusaient des détails images suggestives généralement gore (mais aussi un pentacle et un poisson des premiers chrétiens, par exemple). Ce n'est pas grand-chose, mais ça enrichit un peu le spectacle par rapport aux autres fois.
Walker rappela la première fois où ils étaient venus ici il y a trente ans et demanda si des gens y étaient, avant de faire remarquer à un clampin qui levait le bras qu'il était bien trop jeune pour y prétendre. Du reste le père Jeff ignorait certainement que le premier Bikini dont il parlait avait été soufflé par l'explosion d'AZF le 21 septembre 2001, et se trouvait dans un autre quartier plus au sud. L'aspect excessivement alambiqué des dernières compos s'estompait dans ce set envoyé au pas de charge, et les fréquents passages bien Death Metal qu'ils comprennent compensaient l'impasse de plus en plus évidente sur les deux premiers albums. L'occasion pour Windling, peu visible à l'arrière, de faire entendre l'étendue de son incontestable talent de batteur malgré une frappe parfois un peu légère. C'est avec une certaine incrédulité qu'on accueillit le riff final de "Carneous Cacoffiny" qui achève traditionnellement les lives de Carcass, au bout d'une quarantaine de minutes seulement. C'était trop court, car c'était bien. Et en s'extrayant de cette enivrante replongée au cœur de notre passion pour le Death Metal, on regrettait aussi que Mike Amott, qui avait joué sur tous les vieux titres repris ce soir, ne soit pas venu faire une brève apparition sur l'un ou l'autre. Cela aurait eu tellement de sens.
Buried Dreams/ Kelly's Meat Emporium/ Incarnated Solvent Abuse/ This Mortal Coil/ Dance of Ixtab/ The Scythe Remorseless Swing/ Corporal Jigsore Quandary/ Heartwork – Carneous Cacoffiny.
Puisque l'intermède se prolonge, laissez-moi vous confesser que je n'ai jamais aimé le groupe qui va suivre, contrairement au grand nombre de spectateurs qui en portaient les t-shirts. Je crois être généralement bon public (parfois trop peut-être), mais il va être impossible de faire semblant, mon avis n'engageant que moi. Il est vrai que l'unique fois où j'avais déjà vu le porte étendard de la Pologne extrême (2004 !!) les conditions étaient mauvaises et qu'ils s'en étaient pourtant bien tirés, mais c'est au-delà de ça.
Sur la grande toile qui cachait la scène le visage peint mais immédiatement reconnaissable d'Adam "Nergal" Darski apparut enfin en très gros plan, pour un soliloque de grand malade assez authentique servant d'introduction avant le dévoilement triomphal d'une scène assez abondamment décorée de symboles occultes sans équivoque autour d'une batterie impressionnante sur son piédestal. BEHEMOTH déroula théâtralement son Death Black symphonique à grands effets. J'ai cru un moment que le mix était loupé, mais en tirant un peu mes bouchons il apparut évidemment que non et qu'on pouvait ainsi mieux profiter de l'abattage d'Inferno du haut de son perchoir. La stabilité du line-up montrait ses effets dans l'entente visible au sein du groupe, et une efficacité certaine basée sur une grande précision notamment par rapport aux nombreux samples essentiels à cette bande-son de fin du monde dans le chaos, l'horreur et la négativité. Naturellement si l'on peut dire, pas mal de gens appréciaient ce spectacle sonore et scénique. Ce succès est favorisé par le fait qu'il y a clairement un chef au centre de tout ça, qui prend soin d'être proche de ses fans à contre-pied des clichés du Black en leur parlant, en prenant des poses expressives et en sollicitant régulièrement l'assistance, se penchant aussi vers tel ou tel de ses adorateurs au premier rang. Mais il se confirme sur un simple concert que ce charisme tire sa source dans un ego dilaté qui se prend très, très au sérieux dans tout ce décorum de salsa du démon. Lorsque le juré de The Voice est apparu fièrement avec une grande mitre sur la tête, il devint certain que tout sens du ridicule était perdu et qu'il était temps de prendre l'air un moment. À mon retour, il était dans un manteau rouge et sa musique faisait quelques détours par le Black à la Scandinave ce qui, paradoxalement, me plut un peu mieux. Des vieux titres, sans doute, et un passage attendu par une partie du public. On en finit au bout d'une heure, quand Inferno descendit rejoindre les trois autres pour saluer sous les vociférations.
Après une pause qui parut moins longue, ARCH ENEMY nous fit aussi le coup de la grande toile pour ouvrir son set, sous les acclamations de fans encore plus nombreux. Le son était massif et rapidement il fallait admettre que ce groupe est devenu une énorme machine de guerre. Je les avais vus une fois à l'époque où Chris Amott et Angela Gossow étaient encore là, c'était déjà un gros groupe mais je n'avais pas complètement réalisé, peut-être, à quel point cela avait grandi en une douzaine d'années. La formule n'a pourtant pas changé : au fond, c'est du Heavy traditionnel adapté aux codes plus modernes du Thrash-Death. Mais il est facile de s'y couler, même quand on n'a pas trop suivi les aventures de l'Ennemi Suprême. Avec sa crinière bleue Alissa White-Gluz a apporté un charisme plus fédérateur que le côté déjanté et un peu plus agressif d'Angela. La différence de personnalité de l'actuelle titulaire pouvait aussi remarquer quant à son timbre, qui me paraît légèrement plus suave sur scène comme sur album. Arpentant la scène avec assurance, la Canadienne maîtrise parfaitement le français et elle s'en servit abondamment pour tenir la salle, même si cela lui coûte le minuscule effort sensible à l'oreille qui différencie langue maternelle et bilinguisme. Je trouve très bien de contourner l'anglais dans la communication scénique dès que c'est possible, même si Alissa est si bien consciente de son atout francophone qu'elle parlait presque trop. En fait de déguisement, elle fit son petit Nergal en portant un ample manteau à capuche le temps d'un morceau.
Ne connaissant pas le répertoire du groupe sur le bout des doigts, je ne pourrais dire quels albums ont été privilégiés à part celui qui vient de paraitre ; mais certains titres remportaient plus de succès, et en tout cas je ne m'ennuyais pas. Une ou deux mélodies m'ont paru foireuses, mais ce n'est pas beaucoup. La part féminine du public était sensiblement plus présente et captivée que par les trois groupes précédents. Le show était aussi généreux en lumières et en fumées qu'en son, même si les grandes illustrations façon Comics en fond de scène se faisaient vite oublier. Musicalement, le talent de Mike Amott éclatait vraiment sur ses soli en plus de l'avalanche de bons riffs. L'identité Heavy se vérifiait encore lorsqu'Alissa faisait chanter la foule sur un riff, et même des traditions un peu perdues revenaient quand elle demanda de sortir briquets et lampes de portable… Si des pentacles font à nouveau partie du décor, l'esprit est assez éloigné de ce qui précédait.
On finissait par oublier le grand blond qui faisait le pendant du brun ridé, jusqu'à ce qu'il reste seul éclairé a giorno sur une estrade plongée dans le noir, pour entonner un solo acoustique quasi flamenco, ensuite rejoint par le père Amott. Jeff Loomis s'en sort plus que parfaitement dans un groupe qui est certainement aujourd'hui l'un des deux grands seigneurs du style, avec Amon Amarth, au moins en termes de popularité. Néanmoins l'ancien Nevermore semble un peu sous-employé au vu de son aisance et surtout de sa créativité. L'ultime titre fut l'occasion pour Alissa de sortir le drapeau noir fétiche du groupe. De longs adieux avec photo se firent sur un accompagnement de guitare aussi fort que le volume du live, ce qui laissait planer un doute quant à un second et vrai rappel. Mais au bout d'une heure dix, c'était déjà bien.
Au reste en quelques pas vers le parking, j'ai brutalement réalisé que j'étais épuisé après presque six heures debout sans me nourrir, pire qu'après une journée en festival. Le temps où je repartais directement à la fin du concert pour deux heures et demie de route dans la nuit est inimaginable à présent… Un hôtel proche (chambre 242) et une chaîne de restauration rapide m'ont sauvés. Mais aucun regret ! Même si mon intérêt était très variable de l'un des groupes à l'autre, cela valait le coup d'attendre. Et un mediator de Jeff Walker c'est sacré, ça n'a pas de prix.
Si d'autres ont un avis différent sur ce concert, d'autres dates de la tournée ou l'affiche, qu'ils s'expriment en commentaires.
Présent et ayant fait également le deplacement pour carcass, j’étais aussi un peu frustré de les voir seulement 40 minutes…show à la hauteur de mes attentes, avec un son plutôt bon ce qui est habituel dans cette salle…
Behemoth est un groupe que j’aime sans en être un grand fan, et je te rejoins sur le côté théâtral de son leader et du reste du groupe, mais j’ai trouvé leur prestation plutôt bonne.
Je ne suis pas fan d‘Arch Enemy mais je suis resté les trois quarts du set en prenant un certain plaisir. effectivement, Loomis est complètement sous-exploité au vu de son talent.
Le bikini reste une salle que j’affectionne beaucoup, pratique en arrivant de Montpellier, avec un patio agréable et généralement un très bon son. La scène est suffisamment haute et la salle petite pour avoir une belle vue sur les groupes qui nous sont chers. Ils ont régulièrement de très belles affiches… d’ailleurs quelques belles dates sont déjà programmé en 2023.
a suivre !!
Il est évident que la canadienne maîtrise parfaitement le français puisqu'elle est quebecoise.
Il y a des québecois (notamment à Montréal) 100% anglophones, ce n'est pas majoritaire mais ça existe.
Partout au Québec même. Etre Queb ne signifie pas pour autant être 100% Francophone.
Alors, autant j'apprécie beaucoup Wolfheart, et cette news ne va rien y changer, autant, pour moi, l'Arabie Saoudite est l'un des pires pays au monde... Alors, je ne suis pas arabophobe, mais ce pays pue terriblement ! Je plains les Saoudiens (et surtout les Saoudiennes) qui(...)
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"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
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Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
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