La première vague du Death Metal français n'avait pas pu atteindre une grande reconnaissance internationale, pour plusieurs raisons. Avec le regain du début des années 2000, les choses avaient changé et lentement, on vit apparaître en France de jeunes groupes de qualité, qui se faisaient peu à peu connaître aux passionnés de la planète entière grâce à Internet, accédant aussi à des labels plus solides et plus nombreux. Avec l'internationalisation réelle de la scène, ils n'étaient plus limités aux rôles d'utilités locales pour les tournées des groupes américains.
Trois groupes au moins illustraient clairement cette évolution, et quand ils tournèrent ensemble en 2011 j'y avais vu un symbole, la consécration que la scène française était devenue assez forte pour qu'une tournée de groupes du pays soit aussi incontournable que des têtes d'affiche étrangères réputées.
À cette époque, c'étaient le Death Brutal et le Death technique qui avaient les faveurs des fans, le revival de la vieille école n'étant pas encore venu. La salle où s'est déroulée ce concert et l'un des combos visiteurs ne sont plus, hélas, que des souvenirs.
Le printemps est chaud, et le public l'était aussi pour l'étape montpelliéraine de cette tournée qui devrait faire date dans l'Histoire du Death Metal français. L'affluence était bonne pour un concert au Mojo, habitué à des affiches plus modestes lors de ses rares soirées de Metal extrême. C'était mieux que lors des précédents passages de GOROD et KRONOS.
Comme souvent ce sont nos locaux de HELLHOUNDS qui ont ouvert le feu. La guitare du chanteur a lâché dès le premier morceau, ce qui l'a contraint à prendre le micro à deux mains. Et cela lui a donné un surcroît de puissance qui collait bien avec l'évolution vers un style plus agressif et homogène, car le set incluait de nouveaux titres. C'est toujours du Death mid-tempo avec quelques accélérations, mais les riffs Sabbathiens ont disparu. La double (triggée !) faisait son effet. Pas étonnant que l'assistance soit partie en pogo d'entrée. Il y a encore du chemin, surtout au niveau des compos, mais il y a des progrès notables au fil des années.
GOROD n'a pas été aidé par un mixage mal fichu, le premier titre étant à la limite de la bouillie : les basses étaient trop fortes, les caisses de la batterie sonnaient aigrelettes, et les sweeps – si importants chez les Bordelais – étaient inaudibles. Heureusement, ça s'est amélioré par la suite. En se déplaçant vers l'axe de la salle et en jouant finement sur l'enfoncement des bouchons (!!!), on pouvait aussi y aider.
Le nouveau chanteur emprunté à ZUBROWSKA est communicatif, son timbre est moins personnel et profond. Il tenait l'avant-scène avec le bassiste, costaud ayant besoin de place pour bouger. Car l'un des atouts du groupe est de toujours proposer des lives plus énergiques que les versions studios, ce qui passe par des interprétations un peu plus rapides. Ainsi leur répertoire passe mieux, alors qu'ils appartiennent à un courant que j'apprécie moyennement. Le public a bien répondu et l'enceinte de gauche a commencé à s'effondrer plusieurs fois. Dommage que les pépins techniques aient gâché une partie du set.
KRONOS s'est présenté ensuite avec une intro classique et vaguement religieuse. Là encore, quelques soucis sont apparus pour l'une des guitares sur le premier morceau. Mais une fois cela réglé, les Lorrains étaient le premier groupe avec un son vraiment parfait et un envoi de watts propres et énormes... peut-être que les chœurs du bassiste Tom n'étaient pas assez poussés, quand même. Le set privilégiait les deux derniers albums mais intégrait le vieux et rigolo "Demence of the Gnomish Warriors" (à moins que ce soit "Outrance") dont le nouveau chanteur avait oublié le nom. Celui-ci fut présenté par le bassiste Tom, il vient d'Écosse et ne peut encore guère que baragouiner en français quelques mots basiques pour la scène. C'est malheureux à dire, mais son timbre anglophone, son coffre agressif améliorent encore le son, et élimine un des derniers points qui auraient pu gêner la croissance internationale de KRONOS. D'ailleurs Tom exagérait quand il disait que cela faisait longtemps qu'ils n'étaient pas venus nous voir (deux ans).
Plein de fureur contrôlée, le set était encore plus carré que lors de ce précédent passage. C'est une vraie machine vivante, entre les écoles floridienne et polonaise. Je regrette de n'avoir pas pu mieux profiter du batteur. En connaissant les compos on pouvait anticiper les fréquents breaks mortels et mieux en jouir encore, c'est le moment où je me suis le plus lâché. Je leur ai pris un t-shirt pour la peine.
En final, têtes rases ou cheveux courts, BENIGHTED nous a menés au carnage. Comme on sait, leur style est plus déjanté : c'est maîtrisé comme une trépanation, mais les Stéphanois privilégient l'agressivité à la propreté. Ce qui passe par un son très abrasif et surtout par des blasts particulièrement méchants. C'est particulièrement adapté pour la scène, même si j'accroche moins sur album. Relancée régulièrement par le chanteur, la fosse n'a pas molli d'autant que ça enchaînait vite. Nous avons eu enfin quelques circles pits, c'est la première fois que j'ai vu un braveheart au Mojomatic. Les retours étaient fusillés dès le premier titre, ce qui n'a pas gêné le gang en fin de compte.
La set list classique ne se focalisait pas que sur le dernier album. Le set a dû être un peu écourté. Le bassiste est venu se promener au fond de la salle pour les derniers titres.
Le retour dans le calme d'une nuit de dimanche printanier formait un contraste apaisant pour les oreilles. Ce concert a été une vraie boucherie, une tannée qui confirme le niveau des trois meilleurs groupes du Death français. Ils sont prêts pour l'exportation en masse et à s'abattre sans merci sur toute hostilité (ha ha ha !).
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