Le festival Ex Tenebris Lux se poursuit et, après Pogo Car Crash Control la veille en mon absence, nous venions ce soir pour deux tournées qui se croisaient pour constituer ensemble une affiche solide et cohérente. Le parking de la SMAC départementale étant connu pour être facilement plein et la zone alentour pauvre en places accessibles, je me suis pointé tôt. Comme nous avons quelques minutes en attendant l'ouverture des portes devant la caravane à frites, laissez-moi évoquer en deux mots l'histoire de l'une des plus anciennes salles de l'agglomération, qui tient son numéro 2 en mémoire de l'existence assez courte d'une première salle Victoire dans un tout autre quartier. L'agencement originel de Victoire 2 ne donnait qu'une place assez réduite à la salle de concert proprement dite, ce qui ne l'avait pas empêchée de recevoir de nombreuses tournées importantes de Metal extrême jusqu'au début des années 2000. Des travaux interminables permirent d'avoir une salle beaucoup plus vaste et confortable, toute en longueur, mais qui resta pendant longtemps sous-utilisée et rarement ouverte à des musiques saturées. Mais les choses changèrent et nous y retournons un peu plus souvent depuis une dizaine d'années.
Une fois rentrés et la première tournée mise en route, on pouvait admirer le merchandising fourni pour les deux tournées mais aussi celui de l'association organisatrice What the Fest, qui propose même des t-shirts qui partaient bien et de jolis stocks de vinyles pour ceux qui aiment.
La première partie était fournie par la tête d'affiche pour leur tournée. Un duo de jeunes hommes en chemise blanche se présenta discrètement sur la scène dans un fond sonore de pluie douce, alors que ça papotait bien encore. Ils gagnèrent néanmoins assez vite l'attention par une musique fort sobre. THE CHRISTIAN CLUB n'utilise qu'une contrebasse, une guitare électrique et une voix de basse pour déployer des chansons suaves, longues et tristes typées Dark-Folk ou Nick Cave et ses mauvaises graines. Sans doute que d'autres inspirations plus modernes sont présentes dans cette musique si dépouillée. Mais je dois admettre que c'était convaincant, le silence se faisant d'ailleurs jusqu'au fond de la salle malgré la fragilité de l'instrumentation. Ces accords délicats et ce chant pudiquement ému avaient quelque consistance, dans une lumière lentement changeante. La durée des titres et la position en ouverture du ban justifièrent que nous n'ayons eu que quatre morceaux en une petite demi-heure, le dernier avec un intitulé en français malgré l'emploi constant de l'anglais par ces Belges Flamands, tant dans leurs textes que pour communiquer. Apparemment il leur arrive d'apparaître en formation plus étoffée, peut-être que les roadies qui faisaient passer les guitares pendant les intermèdes sont des membres à temps plein en réalité, peut-être ne s'agissait-il que de versions acoustiques d'originaux plus épais ?
OLD IRON vient d'arriver en France depuis Seattle pour une tournée européenne avec Verdun, dans la suite du split partagé ensemble il y a deux ans. Je les avais aperçus attablés en ville la veille. Le changement d'ambiance était assez violent : le trio aux dégaines typées a déversé sans précautions un Doom Sludge méchant et authentique. J'ai apprécié le son avec une guitare terriblement incisive et proche d'un Gatecreeper, qui n'écrasait pas pour autant la basse tenue par un José Bové ayant préféré vivre comme Lemmy. Le chant crié rappelait le Black ou un Jeff Walker qui aurait finalement conservé ses vocaux de Carcass dans ses projets Heavy Doom. Mais comme les vieux fers repassent le mieux (…), les Ricains ne se contentaient pas d'une efficacité primaire ; ils montraient régulièrement des parties ternaires parfois relativement complexes qui renforçaient la consistance des morceaux. C'était sale, c'était bon et chaleureux avec un guitariste-chanteur goûtant la bonne réaction de sa "beautiful audience" et le bassiste qui n'arrêtait pas de répondre à toutes les mains levées et de saluer du poing le premier rang. Et nous ne manquons pas d'amateurs dans le secteur, après s'être goulument avalé des brouettes de sets de ce genre dans les caves du regretté Black Sheep pendant des lustres. D'ailleurs, leur présentation assez ramassée sur la scène à moitié occupée par les batteries des deux groupes suivants favorisait la montée de tension. De quoi se réchauffer les jointures, en passant du recueillement à la chaleur poisseuse de ce répertoire classique mais personnel et efficace. Une quarantaine de minutes a défilé sans aucun ennui et nous étions prêts à monter encore.
À ce stade, la salle paraissait pleine et cela confirmait la pertinence d'une affiche en parfaite cohérence avec le profil du public local, plutôt habitué depuis deux décennies à se retrouver dans des caves de la vieille ville pour des groupes un peu plus confidentiels dans ces genres.
La transition avec VERDUN était évidemment très facile. Je trouve que depuis le second album, le groupe a gagné en limpidité. Tout le parterre connaissait évidemment la formule mêlant Doom et Sludge lent, et que le passage à des scènes intermédiaires a permis au quartet de gagner en ampleur, mais ce soir il s'est surpassé. Cela partait pourtant comme d'habitude dans le sillage de la chorégraphie lente du chanteur, avec ces riffs pachydermiques et patiemment suffocants éclairés par ces vocaux hauts devenus familiers. Au fil des titres et de la touche Psychédélique sombre qui parcourt toute la musique de Verdun, ils nous ont amenés à des altitudes jamais touchées encore. Non pas une nouvelle dimension car ce n'était rien d'autre que ce que Verdun est déjà, mais abouti à un niveau inédit. Je commençais à suer généreusement dans une foule assez serrée au-devant, qui ondulait sur un tempo puissant enrobé par une guitare massive. David Sadok atteignait un état de transe au-delà de l'illustration gestuelle habituelle. Plusieurs fois, le son sec caractéristique du micro vocal jeté au sol nous surprit dans cet état second partagé collectivement, exutoire qui eut fatalement quelques conséquences sur la transmission du signal, heureusement sans gravité puisqu'il y avait un autre micro filaire de secours prévu au pied des retours...
Le set était plus long que celui de l'anniversaire de Head Records au printemps, incluant notamment en avant-dernière position la reprise de Morbid Angel issue du split partagé avec Old Iron, qui montre ce dont Verdun serait capable s'il voulait basculer dans des territoires plus rapides. Au terme d'un ultime titre dantesque et acclamé comme les autres, David Sadok s'allongea sur la scène pour remercier de manière improvisée les proches et le public. Cette expression de bonne humeur dispersa brutalement l'atmosphère sulfureuse dont ils avaient empli Victoire 2 ; mais il n'empêche que c'était sans doute le meilleur show de Verdun que j'aie pu voir en douze années et autant de concerts. Cela promet beaucoup pour la tournée et pour la suite de leur carrière.
Nous étions donc chauds à point pour la tête d'affiche du soir, en dépit d'un très long intermède meublé de classiques rebattus du Hard et du Prog' d'il y a cinquante ans. Une grande toile blanche était installée pendant ce temps à l'arrière de la scène.
BRUTUS prit enfin possession de la scène sous les clameurs d'une assistance déjà conquise. La distribution des rôles faisait que la batterie était installée en première ligne à droite en regardant la scène, et nous nous étions donc placés de ce côté pour profiter de l'essentiel du spectacle. Dès son premier album, le trio Belge a captivé l'attention générale en refondant complètement le Post-Hardcore, étiquette la plus commode pour ranger une musique si simple et pourtant aux influences si vastes, allant jusqu'au Post-Rock et au Shoegaze. Quatre coups de baguette et ça démarrait pour une célébration de très haut niveau qui démontrait comment Brutus a atteint un tel statut si vite (même Lars Ulrich aurait voulu les rencontrer) et pourquoi ils avaient déjà enregistré un album live si tôt dans leur carrière. Leurs morceaux viennent des tripes, ils sont bruts (…) et surtout euphoriques, jubilatoires, bourrés d'émotion propres à remuer une large audience venue d'horizons assez larges. En parlant de ça, la fosse déclenchait enfin un pogo libérateur. Stefanie Mannaerts est un vrai spectacle à elle seule avec sa frappe énergique assurée tout en chantant. Je suis admiratif de sa technique. Il est rare de cumuler le chant et la batterie, et plus encore dans sa position de profil qui la contraint à tourner la tête vers le public et crier ses paroles tout en malmenant son kit. Cette position inconfortable est sans doute le secret du grain de sa voix. Elle s'interrompit brièvement en début de set pour remettre en place son ventilateur, accessoire sans doute indispensable. Les cloches tubulaires suspendues au fond servirent discrètement pour quelques brèves transitions.
Je n'ai pas essayé le dernier album mais l'hégémonie du répertoire déroulé a suffi pour me prouver qu'il n'avait pas dévié. Quelques titres aux structures plus élaborées, et spécialement appréciés du public, accédaient à une intensité remarquable en offrant un peu de raffinement à cette explosion continue de sentiments puissants. La communication était à nouveau en anglais pur. Il y eut bien quelques faux départs, qui passèrent dans la rigolade avec une assistance en pleine communion et les deux mâles du trio, tout à fait à l'aise dans cette configuration qui leur laisse de la place sur scène, concentrés mais heureux. À quelques mètres de là dans le public, ça se pelotait amoureusement à une encablure du pogo, c'est dire l'ambiance.
Dans la transpiration, la bière, la bonne humeur générale si précieuse en ces temps, on arriva presque par surprise à un titre plus léger, quasiment pas saturé, qui offrit un relâchement suggestif du temps qui passait en lieu et place d'une vraie coupure préalable à un rappel. La vaste toile blanche du fond, qui n'avait servi à rien jusqu'ici, finit par montrer un logo puis enfin le nom de Brutus projeté dessus : sobre, direct, spontané, efficace comme tout le reste. Après un bref salut général, les trois s'éclipsèrent et la salle se vida assez rapidement dans l'allégresse partagée et la quête d'un peu de fraîcheur.
Nous sortions vraiment grisés de ce concert qui a donné plus que ce qu'il promettait. Le flot d'émotions positives telluriques que nous venions d'encaisser laissait un arrière-goût de joie profonde et claire que nous n'éprouvons pas souvent, dans nos territoires musicaux plutôt obscurs. Tant que la scène indépendante produira des nouveaux groupes comme ceux-là, tout ira bien. Et Brutus va certainement grandir encore. Quant à nous, le programme des semaines à venir est bien chargé.
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09