L'affiche de ce soir a fait l'objet d'une large promotion et se présente comme l'événement musical du mois en ville, tous styles confondus. La première tournée de Chelsea Wolfe au printemps est passée loin à l'ouest et au sud, et cette seconde phase ne comprenait qu'un arrêt dans un large sud-est de la France, chez nous. La musicienne Américaine, en une petite quinzaine d'années de carrière aux multiples périodes, est devenue une référence dans la musique indépendante toute entière et cette effervescence pouvait se comprendre. Par-dessus, l'orga' WTF a fait venir une première partie en date unique. Annoncée tôt, la fiesta promettait donc un beau succès et j'ai pris mes précautions bien à l'avance. Entretemps j'appris que Whispering Sons passerait le même soir à Toulouse… J'aurais bien aimé pouvoir me dédoubler, surtout que je passai devant la ville rose la veille, mais comme j'ai déjà vu les Belges deux fois en cinq ans les regrets seront moins sérieux, et on mettra le t-shirt ce soir comme pour exorciser cette petite frustration (Frustration qui passe d'ailleurs aussi par chez nous ces jours-ci, on ne s'en sort plus !).
Cette semaine avait beau être tronquée par un jour férié, j'étais bien vanné à l'heure de reprendre à nouveau le carrosse vers la zone industrielle de Victoire 2 sous une pluie froide. Pire, j'étais triste comme un méditerranéen qui vient de remettre son chauffage en route pour l'hiver. Comme promis, il y avait une belle foule de gens venus souvent bien au-delà de la ville, la faune locale se trouvant diluée par cette arrivée de divers nouveaux publics de tous âges, voire franchement rajeuni par une proportion assez considérable d'étudiants assez féminisé et plutôt tendance Beaux-Arts et Lettres, pour autant que l'on puisse les catégoriser sur de simples apparences. Dans la longue salle Il y avait les stands de merch' habituels de l'association organisatrice, de Madame Wolfe (bien fourni) et à l'écart un troisième dédié à la prévention et la protection auditive.
La fameuse première partie invitée en plus était l'ancien membre de Tribulation JONATHAN HULTÉN, désormais parti en carrière solo avec un premier album et un second sur le point de naître, l'ancien chanteur estimant à ce que j'ai compris que son ancien groupe n'avait plus rien à dire (l'album qui vient de sortir semble lui donner largement tort mais chacun voit midi à sa porte…). La scène était décorée d'un grand cadre rond portant des toiles, cachant en partie les installations pour le set final. Il ne tarda pas à entrer (heureusement que j'étais là à l'heure) dans un travestissement spectaculaire, le visage maquillé plutôt comme un mime, une guitare discrètement en bandoulière sous les tissus noirs. Le premier titre fut simplement chanté a capella, avec de discrets arrangements sonores en fond, Jonathan faisant des gestes amples pour accompagner sa voix grave et douce. Le long début de ce morceau inaugural ne comprenant que des vocalises, j'ai cru un moment qu'il n'y aurait pas de vraies paroles. Mais il y en eut, en anglais. Il s'empara ensuite de la guitare, elle-même décorée par une dentelle noire pendante sur la tête, pour continuer à développer une chanson mélancolique que je classerais sans hésiter dans la Néofolk même avec toutes ses pompes et sa voix toute en retenue. Il est souvent comparé à Nick Drake, mais je ne connais pas assez cette antique référence pour en juger. Cette sobriété musicale, toujours aidée par quelques rares effets, contrastait avec l'apparat scénique et les grands gestes pour saluer un public assez captivé. Et il n'hésita pas à nous adresser quelques mots gentils entre les titres en plus de révérences courtisanes distinguées en signe de remerciement. En fait, l'appareillage et l'expression gestuelle donnaient du corps à une musique très dépouillée et interprétée avec cette délicatesse timide assez courante chez certains Scandinaves. Personnellement j'aurais préféré qu'elle soit un peu plus chargée, mais je pourrais élargir la remarque à tout ce style. Les acclamations entre les morceaux montraient que de toute façon la formule marchait bien, et sur une demi-heure de jeu seulement il n'y avait pas le temps de vraiment s'ennuyer. L'ultime ovation confirmait que c'était un bon choix de l'avoir convié. Il fut amusant de voir le chanteur revenir quelques instants après pour donner un coup de main aux roadies qui enlevaient le décor, alors qu'il était toujours en grande tenue fort encombrante.
L'invitée sur la tournée allait apporter un antidote costaud. MARY JANE DUNPHE (prononcez Dunfi) était pareillement seule, avec une guitare et dans une robe noire serrée, de curieuses genouillères inesthétiques, cheveux courts gominés, pour se présenter en quelques mots rigolards comme New-yorkaise du Queens. Les effets autour étaient plus présents, malgré son instrument qu'elle abandonna dès le deuxième morceau. Le reste du set était composé de chansons aux textes denses, exprimées par sa seule voix rauque et puissante capable de varier avec une certaine finesse brute, reposant entièrement sur les accompagnements enregistrés. Surtout, elle dansait énergiquement à un point de véritable performance quand elle fit mine de s'effondrer sur le pied du micro puis de prendre ce dernier en main pour arpenter la scène en tournoyant, s'écroulant encore, faisant même des roulades. On comprenait pourquoi porter des protections. Je repensais à Christine (and the Queens, justement) tentant le même genre de choses en plus timide une nuit au Primavera à Barcelone. Et la musique ? La base Pop dure et plutôt expérimentale, arty, affranchie des codes, avait quelque chose de très New-Yorkais et j'ai cru y apercevoir une parenté avec certains aspects de la démarche des Swans des débuts. Une petite boîte sur le côté lui permettait de gérer ses programmations. Le rythme marqué par des basses, les sonorités assez dures sur des airs pas toujours évidents avaient quelque chose d'Industriel et Synthétique, au sens large. Les quelques mélodies plus faciles se ressentaient de l'influence du Post-Punk des origines dans son côté le plus créatif et New Wave. Mary Jane réclama plusieurs fois d'avoir de meilleurs retours, apparemment en vain vu son insistance. Sous ces inspirations plutôt recommandables, les textes primaient néanmoins. Même en anglais américain on sentait une certaine poésie véhémente dans ses paroles, dont la restitution ne souffrait pas de son abattage physique. Le numéro s'arrêta sèchement après une grosse demi-heure, l'artiste étant visiblement en colère même si elle se contenait. Elle quitta l'estrade sans saluer alors que les roadies rassemblaient ses quelques affaires, laissant le public dans un moment de flottement à se demander si c'était terminé.
M'étant trouvé assez bien placé avec un camarade à côté, je suis resté plutôt devant en vue du morceau de choix à suivre, quitte à rester encombré d'un gobelet vidé. L'éclairage scénique finit par suggérer un ciel étoilé par les lampes à focale serrée dans une lumière bleu nuit, l'intro synthétique du titre d'ouverture du dernier album monta et CHELSEA WOLFE plus ses quatre compagnons de scène s'avancèrent sous une clameur tonitruante pour jouer cette entame classique et pas encore très assurée. Dans un vêtement aux manches bouffantes mais sans couvre-chef, la patronne était accompagnée par une batteuse, un guitariste et un claviériste. Sans connaître sur le bout des doigts sa large discographie, la première partie du set m'a paru axée sur la période en cours et particulièrement "She Reaches Out ad lib". Sans trop pousser sa voix pour mieux en exprimer les subtilités, elle développa cette rencontre ambitieuse entre Electro-Rock, Post-Rock tirant sur le vieux Trip-Hop, voire une Pop déprimée, la guitare y conférant à bon escient une épaisseur propre à emballer le Metalleux – la batterie tapant vigoureusement aussi les tempos, tout ralentis qu'ils soient. Un tel mélange fédère des publics divers et le terme galvaudé d'envoûtement peut ici s'employer. Icône tout de même vivante, Chelsea se déplaça lentement sur la scène. Au milieu d'un morceau, elle se laissa à reprendre le début du refrain le plus célèbre des Cranberries, ce qui fit évidemment réagir le public Le jeu d'éclairages particulièrement luxuriant était organisé autour d'un cercle en arrière servant régulièrement de vortex ou pour quelques projections comme cet ouroboros. Mais cela faisait longtemps que je n'avais pas vu une utilisation des lumières aussi travaillée, laissant souvent Chelsea en contre-jour sauf quand deux faisceaux de côté prenaient son visage. Ce jeu de couleurs dans l'obscurité résumerait bien l'œuvre musicale restituée ce soir. Comme souvent avec ce genre de musiques, j'adhérais plus profondément au spectacle en direct qu'en essayant les albums. Le pédalier au pied du micro central et la présence des trois autres musiciens prouvaient qu'il s'agissait d'un live authentique, dénué de tout pépin technique apparent. Certaines intros furent chaleureusement fêtées, probablement à mesure que le programme abordait de nouveaux albums.
Elle prit la parole au moment d'introduire, vers le milieu du set, un détour par de plus vieux titres de la période Folk éthérée en prenant la guitare sèche en mains. Cette structuration nette permettait de mieux profiter des deux principaux versants d'une œuvre consistante et de mesurer l'ampleur du parcours réalisé depuis lors. Puis on revint à un registre plus complexe et récent, la chanteuse s'emparant notamment d'un petit pendule le temps d'un titre (mais pourquoi ?) ou d'un collier sonore soulignant le côté magique du charme dégagé par un spectacle de haut vol, naturel mais léché, alliant son et lumière pour un voyage dans son univers devenu familier à toute la scène indépendante. L'interprétation sans emphase excessive se suffisait, sous les yeux de Jonathan Hultén revenu à une tenue civile et commentant depuis le côté du premier rang avec les spectateurs. Midi Libre était aussi présent quelque part dans le public (on reconnaît aisément les journalistes professionnels de province à leur éternelle veste de costume en toutes circonstances, plus ou moins décontractée et jamais portée en ensemble).
Lors d'une énième célébration, les trois accompagnants quittèrent la scène pour laisser la star seule pour un dernier titre Folk dépouillé dans un vortex de lumière orange dans la fumée. Mais hors de question de se quitter là-dessus ! Les musiciens revinrent dans l'allégresse collective pour un premier rappel tiré de la période récente, avant de laisser Chelsea à nouveau seule avec sa guitare pour le vrai ultime titre, très certainement ancien, terminant presque une heure et demie d'enchantement collectif.
Je ne m'attendais pas forcément à une démonstration aussi magistrale de la part d'une artiste dont je me souvenais surtout de la première phase, confirmant qu'avec l'âge j'apprécie mieux ce type d'artiste solo. Toute fatigue étant envolée et la pluie aussi, j'ai prolongé un moment la soirée dehors avec plusieurs camarades avant de rentrer, tandis que les premières parties remballaient déjà leurs affaires dans le camion ou la voiture.
Le festival achèvera son édition 2024 le surlendemain dans ce même lieu, avec Tracks qui filmera. J'aurais bien revu Kill the Thrill qui a sorti un bon album cette année, mais le programme inhabituellement dense des dernières semaines m'a mené au bord de l'indigestion passagère, d'autant que d'autres concerts vont arriver peu de jours ensuite. Mais il faut féliciter et remercier, une fois encore, l'association qui nous a offert ce programme de grande qualité pendant un mois et également le reste de l'année à intervalles plus espacés. Nous avons de la chance que ça se bouge par chez nous.
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09