Ce n'était pas évident de voir Down en Europe. Entre les longues périodes d'inactivité, les conflits d'agenda, la peur de l'avion de Phil Anselmo pendant les années qui suivirent les attentats du 11 septembre 2001, les tournées limitées à quelques capitales ou festivals, une date dans le Midi était un événement destiné à ne jamais se reproduire sans doute. Cela arriva la même semaine que le concert de MetallicA avec lequel j'ai entamé ce cycle d'exhumations, mais tant que ce n'était pas le même soir, ce n'était pas un problème !
Après un trajet fluide mais épuisant de chaleur, nous voici de retour dans la belle salle du nouveau Bikini six mois après Front 242 pour une affiche très éloignée. Pendant la longue attente de l'ouverture des portes se massait une affluence venue parfois de loin. Une bonne délégation montpelliéraine faisait honneur à notre scène Stoner-HC, on reconnaissait aussi les excellents Lyonnais de God Damn, quelques Espagnols s'entendaient et beaucoup de plaques minéralogiques venaient de loin. Pourtant, le vaste espace n'était pas plein.
Comme on sait, DOWN joue sans première partie mais propose un film à la place. Il a commencé assez vite après l'ouverture des portes. Il s'agit tout bêtement d'un montage de blagues de tournées, d'extraits live des pères fondateurs du Hard 70's (Black Sab', Thin Lizzy, AC/DC, Ted Nugent, etc, etc…) et d'un clip pour "On March the Saints". Comme les vidéos de PanterA, c'est rigolo par moments mais pas super intéressant. Le merchandising était plus excitant tout simplement à cause de ses prix décents, bien plus attractifs que ce qu'on avait pu voir à Nîmes…
J'ai été là encore assez ému au commencement du set. Je n'avais jamais vu Down que j'écoute pourtant depuis la sortie de "NOLA", et je n'ai jamais vu PanterA non plus. Bref, cela faisait une quinzaine d'années que j'attendais ça !
Et le quintet a attaqué lourdement avec "Eyes of the South" et "There's Something on my Side". Le son des guitars de Kirk et Pepper était écrasant, encore plus que sur album, au point de coincer un peu le chant au début. Le volume était pile en deçà de la limite du supportable au point que j'ai pu enlever mes protections pendant de longs moments, poisseux mais propre. Phil Anselmo a un jeu de scène moins spectaculaire, plus retenu qu'à l'époque de PanterA mais reste une bête, toujours dérangé. Fêlé et arrogant, il n'est pas forcément sympathique mais totalement mythique, qui pouvait être certain de la réponse quand il nous a demandé qui viendrait les revoir s'il y avait une prochaine fois. Il n'a pas changé avec ses speechs en un anglais clair mais à la signification obscure, jette toujours les bouteilles d'eau, tape du micro sur sa paume ou se le met autour du cou en phase repos, invite parfois à chanter. Mieux encore, il a remis sa coupe de cheveux période "Cowboys from Hell" et a gardé ce tic de signaler à grands gestes la fin des morceaux. Autre signe de vieillissement : il porte des bouchons sur scène maintenant.
Après nous avoir demandé si nous étions allés à la messe ce matin, il entonna "Lifer". Le premier album fut particulièrement mis à l'honneur, au détriment du deuxième dont on ne retiendra guère que "Lysergik Funeral Procession" ou "New Orleans is a Dying Whore" dédicacé… à eux-mêmes ! La fascination pour la marie-jeanne est longuement évoquée aussi avec "Beneath the Tides" ou "Hail the Leaf". Quelques cigarettes surgissent d'ailleurs entre leurs doigts après une première pause…
Le public, très enthousiaste, a lancé quelques slams mais pas de pogos, car ce Metal de tradition n'y porte pas du tout. Sur scène, l'ambiance était joisse, Jim Bower aussi avait mangé un clown (mais réalise-t-il qu'il fait une croix pas du tout retournée avec ses baguettes). Rex Brown, comme du temps de PanterA, est finalement plus en retrait comme Keenan entièrement concentré (mais détendu) sur sa guitare. L'énorme section de guitares, pachydermique, pilonnait tout avec une précision d'orfèvre. Il n'y a pas seulement le talent de les écrire mais aussi celui de les jouer, de les faire vivre de manière à entraîner les corps… exercice plus difficile pour Kirk Windstein martyrisé par Anselmo venant lui arracher la barbe, le titiller en lui tirant les oreilles ou les yeux pendant qu'il jouait. Mais en fait de riff il faut souligner l'efficacité de ceux de "Losing All", "On March the Saints" ou "N.O.B.".
Hélas quand fut attaqué l'obsédant "Nothing in Return", il fallait s'attendre à une fin prochaine. Heureusement, le rappel était prévu et confirmé quand Pepper Keenan revint pour reprendre en riff la clameur d'une foule encore à fond dedans. "Stone the Crow" fut d'abord donné dans une version plus lourde que l'original, conforme au choix de privilégier la facette Heavy au côté plus aérien que le groupe a aussi sur album. Le final fut finalement en apothéose avec évidemment "Bury Me in Smoke", qui se termina en gig avec le road crew et Phil à la guitare tandis que chaque membre essayait de dire quelques mots au milieu de ce bombardement. Anselmo revint une fois le set terminé pour nous achever en nous faisant chanter un peu de Led Zeppelin a capella. Enfin les enceintes envoyèrent "Landing on the Moutains of Meggido" et la lumière fut dans la salle.
C'était une grande soirée à la gloire du riff. On pourrait certes reprocher un show bien américain pas toujours si spontané que ça voudrait le faire croire, très axé sur la lourdeur et donc logiquement moins sur le deuxième album. Mais pour n'avoir que cela à dire, vous pouvez comprendre comme nous avons aimé.
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