Après quelques mois de disette et d’errements éclectiques qui auront pu inquiéter certains lecteurs, j’allais enfin revenir embrasser mes vieilles amours putrides, le Death aux multiples formes. Avoir deux groupes dont vous êtes fan le même soir, c’est rare et c’est l’assurance de passer une excellente soirée, mais trois à la suite ! Cela ne m’était jamais arrivé. Les échos de la tournée, déjà bien entamée, promettaient une énorme tarte.
Le Jas’Rod a donc repris un agenda métallique aussi dense qu’à la vieille époque, à la suite de l’évolution du Korigan vers d’autres activités. Il n’y a qu’à voir les affiches de programmation. Et c’est bien car c’est une salle adroitement conçue, on a toujours l’impression d’être près de la scène.
Pour une fois, il y avait une affluence correcte pour du pur Death Metal, la qualité de l’affiche le justifiait. Oh, ce n’était pas complet et beaucoup de gens étaient venus d'assez loin, mais cela rappelait qu'il y a encore un public de passionnés pour ce style au-delà du revival de la vieille école à la suédoise. Le stand de merch’ était d'ailleurs bien fourni en vêtements, accessoires et restes de séries d'albums, à un prix globalement plutôt bas.
Je ne connaissais guère DISENTOMB, quatre Australiens qui avaient la lourde tâche d’ouvrir le bal des brutes. Leur style très gras remplit très bien la mission. Pour situer rapidement, cela me semblait entre Cannibal Corpse et Disgorge, avec des relents du Suffocation des débuts. Le growl était bien placé, bien guttural mais point porcin, et des riffs assez classiques mais de bonne qualité s’enchaînèrent jusqu’à entraîner les premiers pogos, assez mâles. Les changements de rythme étaient suffisamment présents et l’absence de solos ne pesait pas. Pour une fois, j’arrivai même à très bien comprendre de l’anglais australien quand le growleur faisait ses annonces. Le temps passait sans se faire sentir, il fallait se rendre à l’évidence que Disentomb est plutôt dans le haut du panier. Non pour son originalité, ni pour un trait technique ou sonore quelconque, mais parce que c’est pas mal sur tous les points, si bien qu’au final il fait du Death brutal mieux que pas mal d’autres. Les grands passionnés le confirmeront sans doute. Au bout d’une demi-heure, tout le monde était chaud.
Fan de BEYOND CREATION, je ne les avais pas manqué l’an dernier sur leur première tournée en Europe (premier report pour Metalnews, allez revoir). On pouvait s’attendre à un show assez proche pendant qu’ils refaisaient quelques rapides balances où leur niveau technique se laissait déjà voir. Après un check de poings collectif, et l’installation discrète du téléphone de Kevin Chartré en caméra pour des copains en ligne restés au pays, les Montréalais attaquèrent par un long titre, des plus marquants du premier album. C’était impressionnant de voir combien ils étaient en symbiose tout en jouissant chacun d’une maîtrise à dégoûter les débutants, le plus visible étant Philippe Boucher derrière à la batterie. Les instruments sans tête des trois autres gardent quelque chose d’intriguant, cela reste plutôt rare. Simon Girard recourut bien sûr au français pour s’exprimer, et même pour les paroles du deuxième titre dont les intonations propres à notre langue commune ressortaient mieux que sur la version studio, sans gâcher pour autant une musique si propice au dégonflement express à la première faute de goût.
Le répertoire se cala à partir d’ici sur le second album, plus varié, bien qu’un autre titre du premier soit encore interprété plus tard. La fosse se calma, tout le monde badait la démonstration de jeu et la qualité des morceaux – cette intro en tapping ! L’effet découverte ne joue plus, toutefois c’est en accumulant ces performances que le groupe s’est rapidement hissé au premier rang de l’inépuisable scène technique Québécoise. Et pourtant, le son était critiquable, trop agressif et surtout bien mal mixé. En étant vers le centre droit de l’assemblée, la basse de Hugo Doyon (en face) dominait tout et la guitare de Kevin Chartré (de l’autre côté) ne s’entendait que fort peu. Et encore il valait certainement mieux être dans mon cas que du côté des spectateurs de l’aile gauche qui ont dû pâtir de l’inverse, car une bonne basse à la ligne propre est importante dans le Death technique et spécialement chez Beyond Creation. Les éclairages, par contre, resteront les mieux faits de la soirée avec leurs jeux assez raffinés.
Omnipresent Perception/ L'exorde/ Earthborn Evolution/ Neurotical Transmissions/ The Aura/ Fundamental Process.
On sait combien les PSYCROPTIC aiment PanterA, qui vint comme par hasard meubler l’interlude et dont ils s’amusaient à reprendre les notes en cours de réglages. Ces autres Australiens tournent si souvent en Europe que j’avais décidé sans remords de faire l’impasse sur leur dernier passage début 2016 en sachant que l’occasion reviendrait vite, d’autant que c’était la cinquième fois que je les voyais. La première était même en ces lieux il y a dix ans et demi. Au fil des ans ils ont dépassé la reconnaissance d’un petit cercle de fans pour devenir un classique du style. Il faut dire que tant les bourrins que les technicistes et les amateurs de Power Thrashcore années 90 peuvent s’y retrouver.
Comme cela était déjà arrivé en 2010 au moins ce n’est pas Jason Peppiatt qui assurait le chant pour cette tournée. J’ignore qui était ce grand growleur avec son t-shirt parodique de Darkthrone, mais il savait tenir le public comme un professionnel. De plus, son timbre corrigeait les aigus difficiles du titulaire et donnait ainsi un ton plus lourd, plus puissant et consensuel à l’ensemble des titres interprétés. Il n’est donc pas pour rien dans le succès du set, la fosse se réanimant après le coup d’arrêt Techno-Death précédent. En plus cette fois, le son revenait à un volume plus mesuré et à un mix correctement équilibré permettant de profiter de la double de David Haley sans se faire trop mal aux tympans. Son frère Joe distillait les riffs typiques du groupe, tirant la gravité Death vers une accroche propre au ThrashCore de jadis.
Après avoir consacré l’essentiel du set à des morceaux extraits des deux derniers albums, l’arrivée du plus rapide "Ob(Servant)" déchaîna complètement les pogoteurs malgré les glissades sur la bière renversée. La suite avec le vieux titre emblématique "The Color of Sleep" emballait les vieux fidèles et ne pouvait que séduire les autres avec ses riffs épiques d'une qualité que le groupe n'a plus jamais atteinte. Le final revint toutefois à un répertoire plus récent. Je ne suis pas loin de croire que c'était la meilleure prestation du groupe que j'ai vu, en tout cas la plus triomphale.
Echoes To Come/ Carriers of the Plague/ Forward to Submission/ Euphorinasia/ Ob(Servant)/ The Colour of Sleep/ The World Discarded/ Cold
Depuis le temps que je suis DYING FETUS, je ne les avais jamais vus devant si belle affluence. Le temps d'installer des drapeaux de scène et d'ultimes réglages (Gallagher porte des lunettes, je n'avais jamais remarqué), suivit enfin une intro assez kitsch faisant série télé années 80… et le carnage commença. Le trio de tueurs du Maryland s'est cette fois concentré sur ses deux derniers albums, qui ont formé le gros du programme. Le public demeura tout d'abord statique, peut-être en raison de l'attaque du set sans effet spectaculaire particulier. John Gallagher s'inquiéta donc de savoir si nous étions réveillés. Mais le headbang contamina peu à peu l'assistance, symptôme inhérent à l'abus massif du mélange de Death et de HardCore East Coast qui est à la base des recettes de Dx Fx, incomparablement plus dense que ce qu'on appelle couramment le DeathCore. Et cela dégénéra assez vite à nouveau par la réapparition de la fosse, encore plus violente qu'avant.
Bien sûr, Sean et John bougent moins qu'à la vieille époque, les projections de sueur sur le premier rang ne sont plus à l'ordre du jour d'autant que la salle est bien trop grande pour devenir une étuve. Pendant quelques intermèdes meublés par des enregistrements atmosphériques oppressants, les deux compères passaient brièvement derrière les tentures. Si Beasley assure quand même une bonne partie des vocaux, les moins graves, la rigueur de John à restituer les riffs, ponts et quelques envolées est remarquable. Il attaque toujours la corde par le haut, ce qui rend chaque note distinctement audible dans le déluge, si intense qu'on jurerait qu'il y a une seconde guitare.
Le larsen persistant gênait la bonne compréhension des harangues entre deux morceaux, bridant la réactivité aux invitations diverses, à part pour les fréquents circles-pit suggérés d'un tour de bras. Les quelques titres plus anciens étaient présentés un peu plus longuement par un John décidément aussi bourru que sa musique. Le stage-diver qui sur la fin, fit une révérence à chacun des trois parvint néanmoins à lui décrocher un sourire et une réponse de Trey Williams de derrière sa batterie surélevée. L'orientation de la setlist sur la période récente n'était pas regrettable, vue la qualité des deux derniers albums et l'homogénéité du répertoire sur presque un quart de siècle déjà. L'heure de jeu approchant, la bataille s'acheva sur le classique "Praise the Lord" au groove éternel, et le culte et court "Kill your Mother" à la suite pour achever les derniers survivants à terre levant pathétiquement leurs bras rompus…
From Womb to Waste/ Fixated on Devastation/ Grotesque Impalement/ Induce Terror/ Your Treachery Will Die With You/ One Shot, One Kill/ Subjected to a Beating/ Invert the Idols/ Seething With Disdain/ In the Trenches/ Wrong One to Fuck With/ Praise the Lord (Opium of the Masses)/ Kill your Mother, Rape your Dog.
L'orga est coutumière de balancer tout de suite en fin de concert un fond musical antinomique, propre à faire fuir n'importe quel métalleux, pour faciliter l'évacuation. Cette fois ce fut Kool and the Gang ! N'en ayant cure j'ai fait un tour au stand pour prendre un peu de musique (j'ai assez de t-shirts) avant de ramasser mes cervicales éparpillées et me diriger vers le parking vue l'heure tardive.
Clairement, c'est l'une des meilleures tournées de pur Death Metal que j'ai pu voir en vingt ans de concert et peu de gens auront oublié cette soirée de longtemps. Une suite homogène va pourtant très vite venir.
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Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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11/11/2024, 10:09