La fin brutale des concerts dans la cave du Black Sheep, à la sortie de la dernière période de restriction des concerts, a contraint l'importante scène Stoner-Doom-Sludge-Noise-Post-Core qui y tenait ses assises depuis quinze ans au bas mot (avant même que le bar n'existe) à chercher d'autres lieux et d'autres formats. Une affiche comme celle de ce soir correspondait parfaitement à ce public qui n'a pas disparu et, comme jadis du temps où il n'y avait pas d'autre salle en ville, cela s'est passé dans ce cher vieux Rockstore. Et pour le jour du 530e anniversaire de la découverte des Amériques, ce sont trois groupes de là-bas qui faisaient l'événement.
Pour ceux qui ne connaissent pas, cette salle de jauge intermédiaire dont je parle souvent était à l'origine une ancienne chapelle de couvent devenue successivement temple calviniste, entrepôt, garage, cinéma puis salle de concert et boîte de nuit au début des années 80. À cette époque, des groupes comme MetallicA et Nirvana s'y sont produits avant de devenir célèbres. Avec sa façade légendaire décorée d'un arrière de voiture américaine encastré, c'est devenu une institution des nuits montpelliéraines notamment parce qu'entre 1995 et 2005 environ il n'y avait quasiment pas d'autre lieu en ville pour voir du Rock ou pour continuer la soirée. Si bien que la ville a racheté les locaux et le fonds pour maintenir l'activité quand les fondateurs se sont retirés il y a une dizaine d'années. Une partie du personnel est là depuis un temps immémorial. L'architecture se ressent encore de ces origines, notamment avec des bas-côtés voûtés.
L'un des pièges que connaissent donc les habitués est l'horaire toujours précoce, destiné à préserver la seconde activité de club nocturne qui n'est pas la moins rentable… Et même en arrivant quinze minutes après l'heure indiquée, cela avait déjà commencé devant une assistance encore clairsemée. Le groupe d'ouverture était IRIST, qui est né en Amérique Latine avant de s'installer et s'étoffer aux États-Unis. Même sans connaître ce jeune combo on était en terrain familier de nos jours. Leur Metal Sludge Stoner généraliste balançait entre Gojira, Cult of Luna, Mastodon et éventuellement un peu de Post-Sepultura-Soulfly. Les nombreuses parties criées étaient poussées aux limites des capacités du chanteur au t-shirt jaune, ce qui apportait un peu de tension. La batterie empruntée au groupe suivant sonnait un peu trop sale à mon goût sur les toms et les cymbales, mais le reste de l'interprétation était correct pour leur niveau. Les compositions recourent souvent au même effet de l'arrêt brut et tout le monde figé, pour laisser échapper quelques accords acoustiques à faible volume avant de repartir à pleine puissance. On en arrivait à ne plus distinguer ces breaks des vrais intermèdes entre morceaux distincts. À d'autres moments on pouvait s'amuser à anticiper la suite du morceau tellement c'était clair. Mais si le style était ultra dans l'air du temps, tous ces gros riffs n'étaient pas moisis pour autant.
Le groupe n'était pas tellement intimidé pour un premier voyage en Europe et le chanteur nous fit tous rire involontairement quand il remercia pour la qualité de l'accueil… et de la nourriture. Pour ses débuts sur un gros label, Irist ne se distingue vraiment pas par son originalité mais maîtrise déjà suffisamment son art pour être très digeste à son poste d'ouverture. Tout l'enjeu va être d'évoluer.
Tout le monde était arrivé et la salle était remplie à moitié environ, ce qui constitue un bon score pour une telle affiche. Nous n'aurions pas pu rentrer dans une cave de bar. À y réfléchir, le monde a changé et je crois que nous ne verrons plus beaucoup de groupes cultes venir du bout du monde et écumer pendant deux mois des garages et des arrière-salles de troquets à travers l'Europe à prix coûtant pour combler une poignée de fanatiques de l'underground. Il faudra se contenter au mieux des pays voisins sans doute, attendre que des groupes de taille critique partent en tournée pro et emmènent des invités intéressants, ou la saison des festivals.
PALLBEARER était typiquement une de ces découvertes remontant à l'apogée du Black Sheep (2014), sur une tournée au soutien de Yob, et j'avais été aussitôt convaincu de leur talent. Il était vite évident que leur musique s'est épaissie et bonifiée avec le temps. On retrouvait ce riffing Doom très traditionnel à la Candlemass, Morgion, Spirit Adrift ou Cathedral période "Forest of Equilibrium" auxquels ils confèrent une propreté et un je ne sais quoi d'héroïsme déprimé me rappelant Paradise Lost ou Tristitia… presque à douter qu'ils soient Américains du Sud Profond. Avec ces riffs outrageusement déliés et des titres à l'avenant, l'immersion était obligatoire. Les compos évoluaient vers des titres sonnant plus fuzz, si bien que la pose de défi au Ciel poitrine offerte tout en faisant vibrer ses cordes, prise par le bassiste en ouverture d'un de ces morceaux, avait un sens esthétique certain. De lents breaks instrumentaux surgissaient de temps à autre et offraient une courte respiration. Sous les yeux attentifs de certains membres de Verdun et d'autres vieux habitués, la qualité émouvante des soli répondait à ces interventions vocales qui sonnaient moins réverbérées que sur disque, et parfois séparées de longues parties purement instrumentales,
Une certaine ressemblance des vocaux du guitariste principal chanteur (le chauve à droite) avec les mélodies de Layne Staley s'imposait comme une évidence, au sein de ce lent écoulement massif de désabusement pur et sombre. On ne s'étonnait pas que les autres interactions avec l'assistance, par la parole et par les gestes, étaient rares et sobres entre quelques morceaux sous des acclamations chaleureuses. Quand même, un calembour intraduisible et pince-sans-rire entre un plus vieux titre "older" et le groupe suivant montra fugacement une petite part d'humanité derrière cette austérité si cohérente. Revenant en fin de set vers les riffs lents et propres du début, il est clair qu'en Arkansas on préfère tracer un chemin un peu différent du Sludge Noisy de camé de la Louisiane voisine. Je pense que tous les fans de Doom connaissent déjà Pallbearer à présent, qui est passé en huit ans d'espoir montant à classique dans la force de l'âge.
La partie la plus dure de la soirée était achevée, mais il fallut retenir tel camarade qui croyait la soirée terminée alors qu'il était neuf heures et quart à peine !!! Même si le merchandising était fourni il manquait peut-être le t-shirt qui crève les yeux. Autant se reprendre une tournée de pintes (pas la premier prix, vos vessies s'en souviendraient).
J'avoue que je ne connaissais pas beaucoup ELDER malgré une discographie importante. Le quartet a débuté dans la lumière bleue uniforme maison, avec un titre assez enlevé et chanté par le guitariste rythmique grand et mince installé – là encore – à droite de la scène. Cette configuration intrigante (pourquoi ne pas se mettre au milieu comme tout le monde ?) me semble, avec le recul, une manière d'insister sur le fait que ces vocaux hauts et peu puissants restent secondaires dans leur musique où l'organe vocal sera effectivement assez peu utilisé. La part majeure de Rock dans leur Stoner déplaçait le propos du Metal pur qui avait précédé : le son moins écrasant et le tempo plus enlevé étaient délassants sans pour autant casser la dynamique de la soirée. Une veine psychédélique se faisait jour à mesure que les longs titres étaient déployés, teinte qui faisait un peu regretter cet éclairage uni en bleu puis plus fréquemment en rouge, le même que pour le groupe d'avant, bien avare pour des sonorités plus colorées.
Au fil du set s'est révélé l'atout majeur du combo, qui n'est pas la maîtrise étalée qu'on était en droit d'attendre d'une tête d'affiche de quinze ans d'âge. C'est la qualité des compositions qui fait qu'Elder est un très bon groupe, par exemple avec tel break ultra stoner à faire mourir d'envie Karma to Burn et Kyuss réunis, ou tel autre pont qui se révèle progressivement être le motif psyché structurant la seconde moitié du morceau qui déroulera tous les effets harmoniques possibles autour pendant un long moment. Irrésistible. Même si ce n'était pas le groupe le plus dans mes goûts ce soir, je me joignis sans réserve aux ovations de l'assistance. Les vieux routards impassibles de la scène locale ne boudaient pas leur plaisir, comme à la bonne époque… À l'américaine, il n'y eut pas de rappel mais l'affaire était suffisamment entendue.
Au-delà d'une bonne soirée, ce concert a probablement montré comment une certaine scène locale emblématique va se perpétuer pour une phase différente de son histoire dans un nouveau contexte extérieur. En principe, la confirmation ne tardera pas.
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09