Après n'avoir mangé presque que du Post-Punk, Gothique et compagnie depuis la rentrée, on était content de revenir au Metal. Et pourtant, qui aurait l'idée d'aller encore voir Fear Factory en 2023 ? Plus que d'autres, la marque FF est l'exemple même du grand espoir gâché avec des albums décevants et des conflits incompréhensibles entre les membres. De plus, la réputation live est largement mauvaise. Et pourtant je leur ai conservé une fidélité sans faille, car c'est l'un des tous premiers groupes par lequel je suis entré dans le Death Metal, par lequel j'avais le mieux ressenti que le Metal extrême était une musique à nulle autre pareille, par lequel mon appétence pour le clavier bien utilisé (pour parodier Bach) était déjà au cœur du mouvement alors que j'étais en train de basculer mon paysage musical était en train de basculer, il y a longtemps maintenant… Néanmoins, voilà également de longues années que j'ai des attentes assez basses à chaque fois qu'un nouvel album arrive ou que j'étais allé les voir. La dernière fois remontait aux vingt ans du deuxième, quelques jours après les attentats du 13 novembre 2015, dans une salle qui devait accueillir la tournée qui s'était arrêtée au Bataclan. Après une brochette de disques très moyens et avec un nouveau chanteur inconnu, cela valait-il la peine de se taper le déplacement à Toulouse ? Peut-être, en combinant avec une autre affiche attirante le lendemain.
L'horaire officiel indiquant 20 heures je suis arrivé dans un Metronum déjà assez rempli en pensant être simplement à l'heure pour l'ouverture. La SMAC Toulousaine ressemble aux autres salles de concert bâties il y a une dizaine d'années par des collectivités publiques. C'était d'ailleurs le lieu de mon ultime concert quelques jours avant le premier confinement. Malgré une localisation judicieuse au nord de la ville, contre le métro comme son nom le suggère et au bord d'un grand parking, elle ne me semble pas très bien conçue autour de sa cour centrale, au moins pour l'activité des gros concerts. Il faut accéder à l'auditoire principal par une chicane assez étroite, tandis qu'il y a une salle large à côté pour le merch'. Ce dernier était très fourni, il y avait de quoi rhabiller tout le monde avec tous les groupes présents. Malgré mes critiques, la programmation de haut niveau constant contribue largement à faire de Toulouse la destination la plus importante des fans de Metal du Sud de la France ces dernières années, toutes salles confondues.
Je compris plus tard que GHOSTS OF ATLANTIS avait déjà terminé son set quelques instants avant mon arrivée. Je n'étais visiblement pas le seul à les avoir loupés : il y avait déjà bonne affluence, mais le pic ne fut atteint qu'avec la deuxième tête d'affiche.
Avec une courte introduction progressive permettant l'entrée décalée de sa chanteuse vêtue d'une bure noire, le quintet IGNEA assumait un certain décalage puisqu'il se plaçait très clairement dans un Death mélodique, symphonique et Folk utilisant l'alternance de growls et de chant mélodique clair, que la chanteuse supportait seule dans des éclairages clairs-obscurs multicolores. L'utilisation constante du Keytar (vous savez, le clavier-guitare) à la place d'une seconde guitare rythmique marquait évidemment le son du groupe qui utilisait volontiers les ternaires et la syncope comme souvent dans ce style. Je ne connaissais pas du tout Ignea qui a pourtant déjà trois albums et qui vient d'Ukraine, un titre étant d'ailleurs consacré au folklore des Carpates. Je commençais à me poser des questions sur le fait que les quatre membres masculins aient eu le droit de quitter le pays en guerre mais je présume que cela a été fait légalement comme pour Jinjer. La chanteuse sollicita d'ailleurs notre soutien dans la guerre actuelle, dans un anglais très clair, et nous encouragea à venir visiter le pays dès que cela ira mieux. Des applaudissements graves y répondirent. Plus tard un autre titre rendait hommage à l'exploratrice franco-ukrainienne Sophie Jablonska, lien qui ne manqua pas d'être souligné envers un public Français. À force j'arrivai à m'intéresser au show : ça roulait droit malgré un certain manque d'originalité, d'autres spectateurs carrément allergiques s'étaient rabattus vers la cour. Ignea mérite une grande sympathie et a remporté son petit succès, mais aurait été sans doute mieux accueilli encore sur un plateau plus conforme à leur style.
BUTCHER BABIES, eux, arrivaient avec une petite intro plus Hip-Hop rapidement pervertie en gros Metal des familles. Les Californiens apparaissaient en formation quartet, avec la chanteuse blonde seule. Immédiatement, le climat tournait au Post-Thrash typé années 90 sur un growl colérique, piochant aussi sans complexe dans l'héritage du Hard Rock plus classique et les facilités accrocheuses du Metal Rock dit alternatif. Mais cela peut séduire aussi les nombreux amateurs de Metalcore plus moderne qui ne dédaignent pas ce qui se faisait avant dans le même créneau. Un de mes amis appelle cruellement ce genre de choses du Trump Metal. Déjà à l'époque, je préférais le versant le plus lourd de ce courant mais là, j'étais encore bien plus gêné par le son affreux des caisses de la batterie. Ceci dit, la majorité du public semblait apprécier malgré, ou peut-être à cause du classicisme des morceaux et de la rareté des formations qui pratiquent encore ce style. Et il faut dire aussi que le sens exigeant du show à l'américaine démontrait encore son efficacité : cela sautait de partout sur scène sans faire de pains au milieu des coups de fumée généreux, la chanteuse Heidi agitait sa crinière dans tous les sens et se montrait proche du public par ses harangues à la fosse et ses gestes d'encouragement. Elle désigna un Roi du Pit comme responsable du maintien de l'intensité de la bagarre, elle descendit elle-même au milieu du circle-pit sur un titre, et souligna que c'était la première fois que le groupe venait à Toulouse. Elle expliqua encore que son acolyte chanteuse, Carla, était tombée malade juste avant le départ en tournée, faisant monter sur scène un panneau de carton où des fans du premier rang avaient exprimé leur souhait de prompt rétablissement. Partagé entre une musique convenue, trop attrape-tout et le professionnalisme engagé du spectacle en cours, je me suis éclipsé le temps de prendre un burger (fort bon au demeurant) pour me caler au fond pour la fin du set, où se rassemblaient apparemment des gens plus critiques. Heidi fit ensuite un long discours pour introduire un titre évoquant une période difficile de sa vie où le soutien du public l'aurait sauvé, une ballade pure de style traditionnel comme on n'en fait plus depuis trois décennies. Après une fin revenue au ton énervé et les acclamations aux autres groupes de la soirée sollicités selon les usages établis, le groupe se retira après trois quarts d'heure d'une performance maîtrisée et une photo avec le public comme ultime passage obligé du show Metal tel que beaucoup le conçoivent.
À contre-courant, je suis allé me placer pendant la pause à présent que la salle était bien remplie. Je n'étais pas le seul à raisonner comme je l'avais fait pour venir, et il y avait même un nombre significatif de jeunes actifs qui connaissent leurs classiques, bien que la parité homme/femme soit loin d'être atteinte ce soir.
FEAR FACTORY prit possession de la scène dans la demi-pénombre au son d'une citation célèbre de "Terminator" et envoya d'entrée la doublette imparable "Shock / Edgecrusher" pour nous mettre tous dans le ton. C'était déjà gagné, il n'y a guère mieux pour décoincer puis emballer une masse de Métalleux en début de set, avec la contrebasse samplée qui va bien. Une fois tout le monde dans l'euphorie de retrouver la marque FF (j'ai du mal à dire le groupe, vu son histoire), il était possible d'enchaîner ensuite des emprunts aux albums plus récents, en reprenant à chaque le titre un peu plus réussi qui s'en détachait. L'enjeu était bien sûr le nouveau chanteur intégré en début d'année à la place de Burton, dernier membre permanent et voix emblématique. Milo Silvestro était un parfait inconnu, recruté après ses reprises de FF postées sur youtube. Et à mon sens c'est une divine surprise : certes, il n'a pas le grain particulier de son prédécesseur mais il ne souffre pas comme lui pour enchaîner du growl au chant clair, et il restitue ces dernières avec une facilité inouïe par le passé. Un petit boîtier discrètement planté sur un support à côté de son poste sur scène lui permettait de changer les filtres selon les moments, même si un écho renforcé rapprochait son timbre de la sonorité de Burton dont il n'a peut-être pas tout à fait la puissance. Mieux encore, Milo l'Italien prend son pied à être là, avec l'énergie d'un homme plus jeune que ses recruteurs, il vit vraiment les titres et s'amuse en boxant l'ombre au son des riffs chirurgicaux de Dino, en jonglant avec son micro et en communiquant avec une chaleur toute latine, d'autant qu'il connaît plus de français qu'un leader Américain et qu'il en joue pour nous accrocher même s'il privilégiait la langue de ses compagnons de scène. Avec tout l'immense respect que je conserve pour Burton, on est bien loin de son attitude plus réservée et mal à l'aise en public à laquelle nous étions habitués depuis toujours ; il est bien vrai que nul n'est irremplaçable. Quelle belle surprise !
Dino, comme à son habitude, prenait souvent la parole pour présenter les titres ou nous encourager. Les deux micros des chœurs, partagés avec Tony Campos qui a fini par devenir un membre ancien maintenant, étaient décorés des cerveaux et épines dorsales reprises du troisième album auquel on finit par revenir par deux titres simples mais raffinés et efficaces, menaçant pour l'un puis lumineux pour l'autre. On abordait ensuite deux titres de "Digimortal", album auquel Dino tient, et qui nous firent à nouveau sauter en cadence tandis qu'une fosse se creusait. Le batteur actuel, que j'avais déjà vu deux fois avec son groupe d'origine Havok, a su ma foi s'adapter du Thrash-Crossover un peu Rock vers le registre assez différent de Fear Factory. Son jeu est moins inhumain que celui de Raymond Herrera qui aura définitivement marqué le son du groupe, mais un peu plus forte que celle de Mike Heller dans mes souvenirs, cela apporte peut-être aussi un peu plus de chaleur encore. Quant aux samples, tout était enregistré. On peut regretter qu'il n'y ait pas un cinquième membre pour les interpréter en direct, mais ça fait plus de vingt ans qu'ils ne le font plus. Tout le monde ne s'en sera pas rendu compte, mais jouer "Archetype" signifiait beaucoup car ce morceau-titre que j'aime beaucoup est tiré d'un album (bas du front et que j'adore) sur lequel ne jouait aucun des membres actuels. Dino a accepté de le conserver et il faut saluer ce signe qu'il est désormais en paix avec tout le passé (certes après un procès gagné)… Son nom était généreusement scandé par le public et Milo balançait quelques bouteilles d'eau prélevées en coulisses.
On arrivait enfin au plus vieux passé avec un "Martyr" qui conserve toute sa force ravageuse de monstre Death Brutal sans merci, au refrain repris volontiers par l'assistance. Et on arrivait enfin au clou attendu avec les quatre premiers titres de "Demanufacture", dans l'ordre, célébrés dans une communion parfaite entre un groupe gagné par l'enthousiasme, même Tony le brave taciturne, en surplomb d'une fosse en ébullition volcanique d'où s'échappaient quelque personne tenant ses dents… Nous étions hors du temps avec ces véritables hymnes, soumis néanmoins comme certains précédents titres à de très légers réarrangements pour le live qui n'en gâchaient rien. Nous étions terminés. Dino présenta ses employés entre deux titres et improvisa une plaisanterie sur la baguette (alors qu'il n'avait commis bien entendu aucun pain dans sa performance d'une précision rythmique légendaire). Afin de nous quitter dans un recueillement délassant, le classique "Resurrection" fut joué en final, Milo trônant sur les retours comme un symbole avant que le groupe ne s'enlace pour un salut collectif.
Shock/ Edgecrusher/ Recharger/ Dielectric/ Disruptor/ Powershifter/ Freedom or Fire/ Descent/ Linchpin/ What Will Become ?/ Archetype/ Martyr/ Demanufacture/ Self Bias Resistor/ Zero Signal/ Replica/ Resurrection
En partant je reconnaissais un ancien habitué du tout premier forum de VS, il y a fort longtemps. Venu avec quelques doutes, je suis reparti comblé et ragaillardi de voir le groupe en forme comme jamais, au moins sur scène, dans sa nouvelle configuration. Je ne peux que conseiller aux hésitants d'y aller s'ils ont l'occasion. Mais allons vite nous doucher et roupiller, le lendemain promet d'être aussi terrible.
Intéressant (et rassurant ?) de lire ton avis sur le nouveau chanteur de Fear Factory. Car en regardant des lives disponibles sur YouTube j'avais l'impression de voir un clone de Burton C. Bell. Quasiment la même voix, gestuelle et.... coupe de cheveux
Freedom or Fire, surprise sympa de la setlist.
C'est vrai, "Freedom of Fire" est typiquement le bon titre d'un très bon album qu'on a fini par oublier parce qu'on a trop l'habitude d'entendre toujours d'autres extraits.
J'en profite pour présenter mes excuses pour les redondances et la phrase mal tournée, en étant un peu surchargé ces jours-ci je ne me suis pas relu correctement avant de poster.
Je suis passé voir la "marque" FF à la laiterie à Strasbourg, j'ai pris une drôle de claque.
Jamais vu en concert bien que découvert au mitan des années 90, j'avais entendu beaucoup de mal de l'ancien chanteur, le nouveau fait un sacré chouette boulot. A l'aise à son poste, à l'aise avec le public, j'ai vu un bien chouette groupe qui a bien vieilli !
J'espère qu'ils vont nous faire un prochain bel album solide comme ce qu'ils m'ont montré !
Alors, autant j'apprécie beaucoup Wolfheart, et cette news ne va rien y changer, autant, pour moi, l'Arabie Saoudite est l'un des pires pays au monde... Alors, je ne suis pas arabophobe, mais ce pays pue terriblement ! Je plains les Saoudiens (et surtout les Saoudiennes) qui(...)
21/11/2024, 18:01
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20