Frustration + Verdun

Verdun, Frustration

Rockstore, Montpellier (France)

du 17/11/2022 au 17/11/2022

À peine revenu à la maison, une nouvelle affiche intéressante était placardée au Rockstore. Voilà longtemps que je n'avais plus fréquenté les lieux aussi régulièrement, conséquence indirecte de la pandémie et de la sévérité de la commission de sécurité… Et en tout cas j'ai très rarement validé par ma présence une programmation qui faisait un tel grand écart ! C'étaient deux mondes qui allaient se côtoyer. Encore que pour Verdun, jouer ici a une saveur particulière. La salle historique de Montpellier est sise rue de Verdun… et le groupe tire en réalité son nom d'une ancienne colocation qui était située dans un autre immeuble plus haut sur la rue, autour de laquelle le groupe est né. La référence à la terrible bataille, si elle a un certain sens par rapport à l'univers du combo, n'est donc qu'indirecte à l'origine.

À mesure qu'elle emplissait, la salle laissait certes apparaître deux tendances de public, mais pas de manière aussi tranchée que ce qu'on aurait pu croire. Je n'étais certainement pas le seul à être intéressé par chacun des deux groupes, chacun pouvant l'être à des degrés de préférence divers et personnels. Et cette coalition d'un soir a permis de remplir très correctement la salle.


VERDUN s'attaque désormais – enfin – aux scènes intermédiaires et nous a livré un set très semblable à celui de l'an dernier avec Lofo'. Dans son t-shirt Spectral Voice, David Sadok est plus à l'aise pour faire son numéro de psychotique au ralenti, en accord avec les riffs massifs mais limpides de ses comparses (le micro filaire a un peu souffert par contre). Il n'y a plus qu'une seule guitare, mais le fuzz de la basse est tellement poussé que cela va définitivement mieux. Il est clair que ce choix a apporté de la lumière, a permis de faire pencher la matière Doom un peu plus vers le Psyché en rééquilibrant la part Sludge, sans perdre en lourdeur gluante. Le chant aigu, fort mais savamment estompé, issu de la tradition la plus pure du Doom à la Pentagram/ Saint Vitus/ Sab' avec Ozzy, est mieux valorisé depuis ce changement. Même si le public était acquis par avance, la formation à quatre maîtrise parfaitement ce qu'elle fait et on se laissait volontiers aller au fil de cette coulée de lave sonore. En avant-dernière position est venue la reprise de "Dawn of the Angry", parfaitement réadaptée par le tempo et par le chant au style propre du groupe, tout en lui laissant suffisamment de tension par le solo et par un passage laissé en blast pour créer une montée qui n'est pas dans la version d'origine. C'était le moment le plus rapide du set. Au dernier titre, s'imposait comme une évidence urgente qu'il faut à présent un nouvel album pour maintenir et capitaliser sur une progression incontestable. Il paraît que c'est en préparation.


Pendant l'intermède, une petite tectonique humaine s'est tranquillement déroulée en laissant les Doomsters passer vers le fond et les marges, tandis que les Rockers investissaient à l'inverse le devant et la fosse, avec des éclectiques semés ici et là pour faire le liant.


Entrant sur un sample vocal, FRUSTRATION est une vraie institution de la scène française Indé pour en incarner une certaine idée, comme disait l'autre. Si bien qu'on les croise assez souvent avec du Metal et même au Hellfest. C'est le groupe emblématique du label Born Bad, né après des années d'activité de ses membres dans la scène Garage Rock dont on a gardé le goût de l'authentique et de l'urgence. Les Parisiens ressuscitent un moment précis de l'histoire du Punk, quand sa frange plus dandy que destroy a commencé à évoluer en introduisant des sons synthétiques. Pas de crête ni de laisser-aller, coupes courtes (ou calvitie) et vêtements serrés à l'image de titres plutôt redoutables, rapides, mélodiques et emballants. Cela pogotait devant et dansait derrière – globalement selon l'âge, car Frustration n'est pas un groupe pour les vieux. Le rythme était brûlant, irrésistible d'autant que la batterie classique était doublée par la batterie synthétique du cinquième membre cerné de claviers. Tous ces samples adroitement combinés avec cette rage Punk renvoyait à la période Warsaw de Joy Division, aux cultes Crisis, ou aux plus jeunes Rendez-Vous. On retrouvait quelques vieux titres déjà connus, et un morceau en français. Sous une apparence moins radicale, plus ludique, le combo n'en est pas moins engagé à la manière de Wire. Le bassiste et le chanteur parlaient tout le temps en même temps pendant les pauses mais peu importe, cela rajoutait une couche au sentiment d'urgence et à la chaleur humaine que Frustration répand où qu'ils aillent. La bonne humeur s'observait aussi lorsqu'entre deux gigotements du popotin, le chanteur mima sur le crâne chauve du claviériste le tempo d'un effet samplé (c'est un gimmick habituel, il l'avait déjà fait en 2016). En cinquante minutes, c'était un parfait antidote aux délaiements trop lénifiants dans lesquels Cure nous avait parfois égarés quelques jours avant, une autre vision du Post-Punk. Heureusement un rappel nous fut accordé généreusement. Il commença par une reprise d'un groupe Écossais que je n'ai su identifier et qui se coulait parfaitement dans l'ensemble. L'excitation monta encore malgré l'énergie déjà laissée, un sweat sorti du néant fut jeté sur le visage du bassiste qui n'en continua pas moins à jouer sur un tempo galopant ! Après vingt minutes supplémentaires de beau foutoir, les Parisiens se retirèrent alors que le claviériste faisait répéter frénétiquement le nom du groupe à la batterie synthétique.


Le cartel curieux avait finalement fonctionné, même s'il faut parler de bon voisinage plutôt que d'une alchimie quelconque, chaque groupe faisant ce qu'il avait à faire dans son registre malgré un jeu de lumières similaire. Cela rappelait la bonne vieille époque des tremplins duels, lorsqu'on on venait en ce lieu supporter les groupes de copains de copains dans des confrontations d'amateurs aux styles toujours antipodiques, avec une opportunité de première partie sur un gros concert réservée au vainqueur en fin d'année… En beaucoup mieux.


par RBD le 22/11/2022 à 11:59
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