Et voilà enfin notre rendez-vous annuel de Grindcore, Powerviolence et Hardcore à l'ancienne ! Depuis des semaines, l'orga' craignait de prendre une bâche fatale, vu la faiblesse des préventes et la précarité inhérente à un festival de niche. Il manquait sans doute une seconde tête d'affiche très reconnue aux côtés d'Inhumate, à la différence des éditions précédentes. Et puis finalement, dès qu'on cherchait à se garer on constatait le même niveau d'encombrement de véhicules venus parfois de bien loin. Toutes les préventes de passes deux jours étaient parties, et l'affluence du premier soir était similaire à celles des années passées. Les gens s'étaient décidés tardivement.
Mais FALSE, qui faisait un mini-tour avec Gummo, jouait déjà. Pour lancer les festivités, ils arrosaient avec un Hardcore très old-school avec une bonne dose de Punk et un trait d'autodérision. Direct et sans fioritures, mais engagés, leurs titres rentraient dans un public pas encore tout à fait intéressé hélas, une bonne partie restant profiter de la douceur du soir. J'ai savouré la trace d'accent du Nord dans les annonces.
Le premier groupe étranger était BITE THE HAND, de Barcelone. D'un côté, la section rythmique était formée de deux hommes trapus à tête rase, le chant et la guitare étant à la charge de deux femmes recrutées récemment. Ils ont envoyé un Punk-Hardcore vieille école, rapide mais farci de mosh-parts irrésistibles qui sentaient l'"okupa" et justifièrent le premier paquito du festival. Le chant de tête féminin aigu, urgent et naturel faisait le sel de morceaux entrecoupés de longues pauses. Les bons riffs envoyés par la guitariste fluette et l'abattage du batteur compensaient aisément, pour le bonheur de la fosse. Alternant anglais et castillan, la chanteuse réalisa qu'on la comprenait autant dans sa co-langue natale. Je dis co-langue, car ils casèrent une reprise d'un groupe de chez eux inconnu de moi et chanté dans cet idiome. Pour le dernier titre, très court, le bassiste posa son instrument par terre pour frotter les cordes avec des baguettes empruntées à son batteur, cerné par la masse des moshers.
En tâchant d'échanger deux mots avec le batteur après le set, il ne sut que me dire qu'il était épuisé. Les trois autres restèrent regarder tous les autres groupes, le bassiste passa son temps à mitrailler avec un appareil photo de professionnel.
Les trois Lillois de GUMMO étaient déjà venus l'année où j'ai loupé le festival, mais cette première visite les avait marqués. Eux n'ont que faire d'une basse. Mais c'est devenu un combo de haut niveau dans son style, dans le sillage d'un batteur à la capacité de frappe impressionnante… tellement qu'il en cassa sa pédale de double dès le deuxième titre ! La panne fut réparée en un temps convenable, avant que le pit ne se relance dans un déchaînement chaotique de violence joyeuse. Gummo est implacable, la truculence du chanteur n'est rien par rapport à la fougue de son chant crié (il chambra le growl des annonces chez les groupes de Metal). Les riffs sont féroces, à l'image de l'identité engagée du groupe dont le show précédent était auprès des grévistes du Vert Baudet et soulignée par les quelques samples d'intros. Là, on était en plein dans le festival, la salle était pleine et personne n'avait dû rester dehors. Il fallait faire attention à sa sécurité physique dans ce magma de slammers et pogoteurs bondissants qui vous arrivaient dessus à tout moment… Il y eut des dégâts malgré les bisous virtuels proférés sans cesse par le chanteur. Pour finir, ils donnèrent une reprise de Gulch. C'est devenu un groupe majeur du Grindcore-Powerviolence français, et ils ont encore un large avenir devant eux.
Un deuxième groupe étranger arrivait, déjà précédé de sa petite réputation. ENDLESS SWARM est un quartet d'Edimbourg qui n'était visiblement pas programmé pour les festivités du couronnement de S.M. Charles III. Le propos était totalement semblable à celui du groupe précédent, avec une basse en plus (loués soient-ils) et une maîtrise technique plus que correcte. La particularité était dans le chant à nouveau, avec ces vocaux à débit rapide et au style un peu porcin et humoristique rappelant vaguement Archspire dans un autre style, ou plus sûrement des formations Britanniques de moindre importance passées par Earache aux temps antiques… Les chœurs étaient d'ailleurs sur le même ton ce qui confirme que c'était un choix artistique clair. Le chanteur tatoué de partout se jeta d'ailleurs maintes fois dans le public, comme un sanglier dans les buissons, malgré son physique de boule compacte qui ne facilitait pas la tâche pour le faire slammer… sans oublier le micro filaire à faire suivre, mais ça, les moshers savent faire. Même si je fais partie de ceux qui étaient un peu gênés par ce type de vocaux, ça frappait sévère et la fosse ne relâcha pas la pression.
BAIT était un peu une synthèse de cette première journée. C'est le projet d'un Français du Nord expatrié à Barcelone, qui a recruté des musiciens pour pouvoir se produire en concert. Cette fois, il n'y avait aucun temps mort dans leur Punk ultra Punk première vague dans l'esprit dandy, l'attitude faussement détachée de l'imposant chanteur. Il parlait peu mais passait du français au castillan avec une aisance égale, dans sa veste en jean malgré une chaleur croissante. Par moments il semblait habité. La fosse a bien aimé cette formule basique, spontanée mais fondamentale, portée tout de même essentiellement par l'intransigeance de la batterie, même si ce n'était peut-être pas la plus carrée de la soirée. La guitare n'était pas non plus lourde de reste, mais c'était un choix. Le dernier titre fut annoncé comme étant de la salsa, soi-disant l'autre passion des membres du groupe, mais qui était simplement plus chaloupé pour le bonheur des moshers.
Avant le dernier groupe de cette première journée, j'accusai quand même un grand coup de fatigue. Mais l'esprit de fraternité passionnée est vraiment devenu la marque de ce festival où l'on ne vient plus tellement parce qu'il y a des têtes d'affiches, finalement. Mais pour vivre et partager une passion pour une certaine frange de musique extrême. Beaucoup semblent heureux de découvrir à ce rendez-vous annuel des formations encore récentes. Et pour celles-ci c'est une manière de se faire connaître des passionnés dans un cadre qui a acquis sa petite notoriété dans son style. Ces fondus venus de loin parleront, chez eux, des bons groupes qu'ils ont vus ici et c'est ainsi que les réputations se bâtissent.
Le dernier groupe était BAIN DE SANG, le seul avec autant de membres (cinq) tous issus de groupes déjà connus comme Department of Correction, Blockheads et compagnie. En clôture, c'était le set le plus musical de l'ensemble. Ils mélangent Grindcore, Powerviolence, Hardcore plus moderne avec des ouvertures instrumentales vers le Noise. La fureur des passages agressifs était extrêmement précise, et s'ouvrait sur des plans à la limite de l'acoustique, très lents, qui révélaient un travail de composition appréciable pour ceux qui y voyaient plus qu'un moment de répit dans le carnage dément du pit. Le son aussi était plus compact et massif, légèrement Metal. Cela rendait une atmosphère très froide, que l'on soit dans l'explosion ou le calme tendu d'une basse en arpèges sourds. Même l'éclairage uniformément rouge paraissait glacial (surtout que la pleine lune régnait dans le ciel au-dehors).
Après une hésitation assez longue, ils consentirent un bref rappel qui acheva un premier volume à la hauteur de l'histoire du festival.
Pour ce second jour, j'ai voulu un peu m'économiser, en prévision d'un long déplacement dès le lendemain matin.
ILLEGAL CORPSE jouait quand les gens arrivaient. Pour ce que j'en ai vu, ils venaient des Vosges avec un Crossover de tradition au chant haut perché me rappelant Powertrip, un pied dans le Hardcore et l'autre dans le Thrash. Ils maniaient l'humour qui sied au style, quémandant notamment une certaine catégorie de carburant avant un titre parodiant un célèbre succès tardif de Scorpions. Pas étonnant que les requins gonflables fassent leur réapparition pour cette cavalcade de Moshers en plein échauffement autour du poteau (j'ai pris l'un des squales en pleine poire, sans rien voir venir). Basique mais efficace, les Lorrains perpétuent avec fierté le Crossover dans toute sa pureté, et se fichent de ceux qui se sentiraient trop vieux comme le dit l'un de leurs titres.
La suite venait de Touraine mais restait exactement dans le même fil. VERBAL RAZORS montrait quand même une expérience accrue, pour déverser un mélange de Hardcore Punky et de Thrash. Les compos sont plus fines, le mixage était un peu plus équilibré même pour un style aussi primaire et spontané. Tout aussi urgent, leur Crossover se paye quand même de chœurs et de mosh-parts brèves et redoutables, sur des riffs qui montraient un peu de gras, mais juste ce qu'il fallait. Comment ne pas penser à Suicidal Tendencies, notamment quand des solos de guitare osaient s'intercaler ? Même si l'esprit joyeux et ludique du style était tout à fait respecté, l'attitude un peu plus sérieuse des Rasoirs Verbaux (ils se surnomment eux-mêmes ainsi) renforçait la similitude avec la référence Californienne dans ses premières heures. On en oubliera la panne de guitare qui coupa le set. Ils sont ensuite restés profiter des autres groupes, d'ailleurs, après une prestation courte et efficace.
Pendant que l'on regardait passer et repasser la serpillière, pour éviter trop de glissades au sol sur la bière renversée, on pouvait se féliciter du succès confirmé pour cette seconde soirée qui, comme toujours, a ramené un peu plus de monde que la première. On a même vu brièvement Jigsaw surfer sur la fosse et on a réentendu les mythiques "barrez-vous" qui ponctuaient les concerts de nos plus jeunes années.
Les Italiens de ONE DAY IN FUKUSHIMA demeureront pour moi la révélation de cette édition. Ce trio Italien bien posé a envoyé sévèrement un Grindcore Death de facture classique, au growl bien rauque et uniforme, qui rappelait unanimement Terrorizer au chant près. Pour les nombreux fans de Death qui se planquaient dans la foule, c'était très apprécié. Et plus largement, ça changeait un peu après tout ce qu'on s'était tapé depuis deux jours, tout en restant simple et efficace. Le son assez compact mais ne noyant aucun instrument, le tempo rapide mais variable, tout cela profitait d'une bonne synergie avec ce beuglement un peu monotone, mais qui rendait l'ensemble encore plus direct. À ce qu'il paraît, c'est le groupe qui avait pris les devants pour venir jouer ici en contactant l'orga', c'est dire la réputation acquise depuis la première édition en 2015. Moi, j'en aurais bien repris un peu plus, mais le temps était compté.
Nous restions aux mains des Italiens avec TASTE THE FLOOR, formation apparemment assez ancienne malgré des périodes de séparation, qui pratique un Fastcore Hardcore effectivement bien maîtrisé. Cette musique bien moins lourde et toute en urgence évitait pourtant la sensation de bouillie que me laisse souvent ce style sans prétention. C'était lisible. Malgré une certaine chaleur humaine, j'avais encore la tête à leurs compatriotes et j'avoue avoir un peu décroché. Un fugace souvenir de xKate Moshx venu lors de l'une des premières éditions revenait, malgré la légère différence de style. La fosse, au contraire était repartie de plus belle.
J'ai souvent trouvé que la France était un pays en retard en matière de Powerviolence. Mais cette édition tend à démontrer le contraire. Alors que le terme approchait inexorablement, le quartet LMDA venait en remettre une couche à ce sujet. Ils étaient déjà venus en 2018, mais à trois seulement. Avec leurs chemises de plage (vu d'Alsace, on comprend qu'on use des clichés de bonne guerre à notre égard), le mal des ardents a montré l'étendue des progrès réalisés et que sous l'esprit détendu, il venait pour faire très mal. Leur rage a même acquis un niveau impressionnant : la colère portée par le chant, la guitare acérée mais massive, la variation du tempo qui étrillait puis tabassait sans hésiter par des ralentissements sans merci sur des titres franchement courts. Il y avait des traces de Punk dans cette explosion spontanée et sans complexes. Pas étonnant que les moshers en soient à s'accrocher à la barre des lampes de scène en guise de slam. Le bassiste aux cheveux longs plaisantait de l'effet très Heavy Metal que le ventilateur donnait à sa tignasse bien lavée. J'ai bien profité de cette tannée, venant pourtant après tant d'autres en si peu de temps. Leur place haut sur l'affiche s'est avérée fort justifiée.
Le final appartenait donc à une véritable légende venue aussi d'Alsace, comme le disait LMDA en achevant son set. INHUMATE, déjà tête d'affiche d'une précédente édition, attaqua son spectacle avec un Christophe en forme, sautant et growlant comme un jeune – je crois que son travail l'a amené à séjourner dans la région il y a quelques mois. Leur Grindcore de tradition faisait du bien après tant de groupes encore bien jeunes en comparaison. Les Strasbourgeois annoncèrent en effet qu'ils ont prévus de se séparer en 2025 quand Inhumate aura atteint trente-cinq ans d'activité. Le bassiste Frédéric, dernier membre originel qui restera donc l'unique vraiment permanent tout au long de cette histoire, prit la parole pour esquisser un bilan. Le set fut dédié à la mémoire de "Ged", Guillaume Dumazer figure active de la scène locale dont j'ai également évoqué le respect qu'il mérite, alors qu'il nous a quitté brutalement il y a quelques jours.
Je goûte la recette de ces groupes chargés d'ans (certains spectateurs n'étaient pas nés quand ils ont commencé, et pas seulement le jeune garçon enthousiaste dans le pit !). Inhumate envoie des titres lourds mais très entraînants, avec ce son plutôt primaire et sec. Ils préfèrent marquer par une excellente restitution de titres composés avec savoir-faire, et un enthousiasme intact. Quelques effets marquants, comme cette intro avec des vocalises sanglotées de Christophe, valent mieux que bien des productions surgonflées dont on ne retient rien. Par moments, il paraissait presque possédé. Un dernier moment de rigolade fut offert avec la longue présentation d'un titre qui demanda des années de préparation… pour durer une seconde. Le Grindcore comme on l'adore ! Malgré leurs dénégations polies envers l'affiche promotionnelles mentionnant Inhumate comme groupe de Death Metal, j'y trouve quand même des traces comme chez Napalm Death. Peu importe. Pour l'ultime morceau clôturant toute cette édition du festival, ils célébrèrent longuement la passion du public source de la motivation des groupes, et invitèrent selon leur tradition le public à monter sur scène tandis qu'ils descendaient la très petite marche les séparant du parterre pour inverser les rôles, Frédéric allant même chercher les hésitants des derniers rangs. Inhumate a promis de revenir, malgré l'annonce d'une séparation programmée…
Devant me lever tôt, je n'ai pas traîné autant que je l'aurais voulu dans cette atmosphère de fraternité de passionnés locaux ou venus de fort loin, qui est devenue la marque du Mosh Fest au fil des éditions. Le bilan de celle-ci est à nouveau excellent à ce titre, même si nous n'avions ni l'intense émotion de l'édition 2022 ni enchaînements de têtes d'affiches incontournables. Cette réussite démontre justement que l'on ne vient plus au Mosh Fest uniquement pour voir deux ou trois grands noms, mais pour l'événement lui-même.
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