Ce samedi tous les Metalleux vivant entre l'Atlantique et le Rhône pouvaient affluer à Toulouse où deux affiches majeures s'entrechoquaient, comme pour marquer un 29 février. Il fallait choisir son camp. Si le passage de Testament, Exodus et Death Angel au Bikini avait été annoncé en premier, j'avais opté pour le "Campaign for the Musical Destruction" au Metronum. Je croise Napalm Death tous les ans, mais le reste de l'affiche suffisait à me convaincre. Le débarquement de cette tournée servait de cadre aux dix ans d'anniversaire de l'association toulousaine Noiser qui organisait ce concert après bien d'autres.
Même en connaissant bien le trajet, j'avais galéré pour rallier la ville rose dans sa grisaille brumeuse habituelle en hiver. Ayant juste le temps de remarquer qu'on parlait beaucoup castillan et catalan aux abords, dans la file d'entrée, dans la cour puis dans la salle, je voulais voir à quoi ressemblait BAT qui devait déjà en être à la moitié de son petit set. Ce trio comprend le guitariste de Municipal Waste, mais joue plutôt un Thrash Heavy Punk dans le sillage de Venom, voire Mötörhead ou Possessed, avec vestes à patches, bandanas et frottages entre instruments en fin de set. Ce n'est pas grandiose ni original, mais ça nous décrassait pour des choses plus consistantes. Et au moins la qualité sonore de l'ouverture laissait présager qu'il n'y aurait pas de problème.
À la première pause, on pouvait voir dans la salle derrière un merchandising très copieux proposé aux fans, qui ne se limitait pas aux groupes du soir mais accueillait aussi des vêtements et accessoires de structures locales (dont Noiser bien entendu). On retrouvait une bonne délégation de la côte Méditerranéenne et effectivement pas mal d'Espagnols ayant profité de ce que cette date tombait le weekend pour faire le voyage malgré les incidents à la frontière. Le public était donc fourni, c'était complet, mais un bon côté de la scène extrême est que même un gros concert qui a marché reste loin de la barre des événements interdits pour cause de virus. Pour le moment.
ROTTEN SOUND était passé à Toulouse encore récemment de mémoire, mais pour ma part ils manquaient encore à mon tableau. Sans sortie récente à promouvoir, les Finlandais ont réellement lancé la soirée, le pied à fond sur la pédale HM-2 après avoir fait eux-mêmes leurs réglages. Placé en une position qui les contraignait à faire leurs preuves comme de grands débutants alors que bien des festivals spécialisés s'en contenteraient en tête d'affiche, les vingt-cinq ans d'expérience ont parlé : le public frileux du premier titre se métamorphosa après quelques salves pour provoquer un désordre bouillonnant dans une assez vaste fosse. Le Grind Crusty du quartet emprunte souvent au D-Beat ce qui ne le rend que mieux accrocheur. Le son très typé de l'unique guitare est en harmonie avec le chant crié de Keijo. L'unique actualité était l'arrivée du nouveau bassiste, apparemment plus jeune, mais déchaîné. Entre Punk de la seconde vague et Death scandinave, thèmes politiques ou gore, le groupe vise un large public dont l'emballement me faisait penser qu'il faudrait se réserver pourtant un peu vue la suite… Mais le son très féroce était irrésistible.
La bande-son des interludes déroulait, assez curieusement, de grands classiques du Metal de Papa.
MISERY INDEX est moins actif que dans sa première décennie où le groupe était venu fesser l'Europe entière un bon nombre de fois tout en produisant en studio à cadence soutenue. Mais au moins les Marylandais ont gagné en stabilité lorsqu'ils se retrouvent, comme en témoigne la qualité du dernier album. Et cela faisait fort longtemps que je ne les avais pas vus sur une scène aussi grande. L'alliage de surpuissance et de rigueur dans l'exécution reste la marque de cette bande de schismatiques de Dying Fetus. Certes, le triggage d'Adam Jarvis contribue à cette impression (on le devinait à l'oreille après l'avoir vu par le passé dans des conditions plus confinées) mais je préfère ça à d'autres modes, personnellement. Les acclamations (où perçait les hurlements d'une fan particulièrement passionnée) et la reprise d'une fosse déchaînée confirmaient que cela marche toujours autant. Étant le combo le plus Death de la soirée, c'était le set le plus lourd ce qui se ressentait néanmoins dans des headbangs parfois plus relâchés derrière. La variation de rythme était spécialement honorée avec un certain humour au moment de nous faire saluer les autres groupes de la tournée, Adam Jarvis parodiant en pince-sans-rire leurs tempos habituels de telle manière que n'importe quel touriste aurait compris qu'avec Eyehategod ce ne serait pas pareil !
Sans faire l'impasse sur "Rituals of Power", Misery Index ne venait pas promouvoir son dernier album, n'ayant même pas ouvert le set par un extrait. Cela fait un moment à présent que Mark Kloeppel prend le poste au centre et assure la communication, mais Jason Netherton n'a pas abandonné ses nombreuses parties de chant. Pour s'exprimer, Darin Morris à la seconde guitare se contentait de donner un feeling certain à des solos qui n'ont même pas été écrits pour lui à l'origine pour beaucoup, lui l'éternel copain finalement intégré. Dans son t-shirt Bathory Kloeppel était volontiers bavard et n'avait rien perdu de son humour qui détendait un peu entre des titres aussi intenses et sombres, alors que l'intro instrumentale enregistrée de "The Oath" esquissait ce que ça pourrait aussi être avec une atmosphère oppressante entre tous les titres… "Traitors", comme c'est maintenant une tradition, clôtura le set avec son chœur simple martelé à l'unisson. Ces retrouvailles après six années de disette n'ont pas laissé le moindre commencement de déception et demeureront certainement pour moi le clou du concert.
Embracing Extinction/ The Spectator/ The Great Depression/ Ruling Class Cancelled/ New Salem/ The Choir Invisible/ The Oath - Conjuring the Cull/ The Carrion Call/ Hammering the Nails/ Traitors
À la pause, j'apprenais que la tête d'affiche ressortait de vieux morceaux au détriment d'autres trop entendus pour cette tournée. Nous allions être fixés bientôt, après une parenthèse.
Le changement d'ambiance était attendu avec EYEHATEGOD, qui recourait à un éclairage à bleu dominant à la différence des collègues. Mike Williams apparaissait totalement défoncé et ce n'était pas simulé ! On se souvenait que Joey Lacaze était décédé quelques jours après le dernier passage du groupe sur les bords de Garonne… Avec l'un des pères fondateurs du Sludge, l'atmosphère était toute autre, le rythme nettement plus pesant et l'heure était au headbang lent plutôt qu'au pogo. Les moshers fanatiques étaient partis prendre une pause, ce qui était appréciable pour la majorité restante qui avait un peu plus d'espace pour se relâcher. Quelques fumées suspectes prenaient même forme ici et là dans l'assistance. Jimmy Bower était bien dans le ton avec son petit pull sobre tendu sur son gros ventre ou sa chemise à carreaux bon marché, l'air hilare. Mike Williams, lui, ne savait plus s'il était en Italie ou en Espagne si l'on en croit ses remerciements en langue autochtone (essaye encore !), et balançait des doigts d'honneur à tout le monde y compris à son propre groupe qui les lui rendait sans méchanceté. Avec un bien meilleur son que sur album, il n'était pas difficile de se couler dans un répertoire perché, parfois imprévisible, mais bâti sur des riffs massifs dont la qualité ne faisait que croître à mesure que le set passait. J'ai suffisamment passé de soirs devant des groupes vénérant celui-ci pour avoir pu apprécier cette rencontre.
La dernière pause passa vite avec le tirage au sort d'une tombola spéciale (une vie de concerts offerte) pour fêter l'anniversaire de l'association organisatrice, Noiser, à laquelle Toulouse doit une partie de sa grande qualité de programmation.
Après que John Cooke, aie fait lui-même la dernière supervision, NAPALM DEATH était annoncé par la vieille introduction de "Discordance" issue du quatrième album du groupe, celui qui annonçait longtemps à l'avance son style définitif des vingt dernières années, et le fait est qu'"I Abstain" n'a pas vieilli d'un trait en plus d'être de circonstance en France. Malheureusement le son aigre de la guitare et des caisses claires de Danny Herrera m'a un peu gâché le plaisir au début, c'était au-delà du feeling Punk. Napalm, c'est le groupe international que j'ai le plus vu en concert et je peux donc être difficile. Conformément à la promesse, la setlist picora dans beaucoup d'albums différents de toutes les époques y compris des titres peu entendus. Quand on tourne autant et qu'on n'enregistre plus aussi souvent que naguère, il y a intérêt à faire ainsi pour éviter la lassitude des fans. Ressortir par exemple "Social Sterility" ou enchaîner le redoutable mais pas fréquent "If the Truth Be Known" après l'efficace mais surexploité "Suffer the Children" pour une tranche de vrai Death Metal rafraîchit les enthousiasmes. Ce ne sont pas les quelques slammers et la fosse, encore plus large que pour les autres groupes, qui me contrediront.
Grâce à l'espace offert par une scène beaucoup plus grande que les garages aménagés où je retrouve plus souvent Napalm Death, Barney n'était pas en nage et même assez en forme. Indécrottable anarchiste réfléchi, son propos était assez anti-religieux ce soir et plutôt que de se promener partout en faisant des gestes absurdes, il se prenait plutôt la tête entre les bras, comme un enfant très fâché qu'il est d'une certaine manière toujours resté. Pour justifier la tournée et faire patienter alors que l'album à venir chemine lentement dans les tuyaux, ils ont donc un nouveau single en stock dont le seul titre original, assez surprenant, fut interprété pour avoir notre avis. On sentait que les précédents accueils avaient dus être mitigés vue l'anxiété contenue des quatre Midlanders au terme du morceau. L'exhumation du lourdingue "Cleanse Impure" issu de la période groove confirmait que le groupe, en fait, a vraiment envie de reprendre quelques risques musicalement. De grands incontournables restaient quand même bien présents pour le plus grand plaisir de tous, tant le mosh de "Scum", les deux titres d'une seconde ou d'autres seront éternels. On s'est tellement extasié sortie après sortie de la constante qualité des titres datant de ce siècle seulement, que ce n'est pas non plus en puisant parmi eux que la tension allait retomber. Voyant la quasi-totalité d'Eyehategod revenu sur le bord de scène les regarder jouer, Barney nous demanda de l'aider à convaincre Jimmy Bower de se raser la tête ce qui ne manqua pas de le faire rire.
Pour terminer cette nouvelle rencontre, l'inusable reprise des Dead Kennedys resservit une fois encore pour remettre inlassablement une certaine chose au point, puis vint celle de Sonic Youth présente sur le nouvel EP, assez déstabilisante pour les pogoteurs enragés qui en voulaient encore après des heures d'exercice, avec son final totalement Noisy chaotique qui est pourtant tout à fait dans le fil d'une partie de la vaste histoire de Napalm Death.
Comme presque toujours, Barney fut le dernier à s'en aller après avoir distribué quelques bouteilles d'eau, au son de "The Lifeless Alarm" une fois encore et qui rappelait à nouveau nos quelques craintes que le disque à venir ne reparte dans des expérimentations oiseuses. Nous verrons bien, en attendant la légende tient la route.
Discordance/ I Abstain/ Silence Is Deafening/ The Wolf I Feed/ Can't Play, Won't Pay/ Social Sterility/ Scum/ Fatalist/ Logic Ravaged by Brute Force/ Suffer the Children/ If the Truth Be Known/ Human Garbage/ When All Is Said and Done/ Mass Appeal Madness/ Unchallenged Hate/ You Suffer/ Smash a Single Digit/ Cleanse Impure/ Dead/ Nazi Punks Fuck Off (Dead Kennedys)/ White Cross (Sonic Youth) - The Lifeless Alarm (enregistré)
Devant repartir tôt le lendemain matin je n'ai pas beaucoup traîné. Un peu à regret car une telle tournée vaut largement un festival d'envergure spécialisé et j'aurais bien voulu prolonger avec les compères présents une célébration aussi virile. Si le virus ne met pas les tournées à l'arrêt dans les prochains jours, ça va encore taper fort dans peu de temps.
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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15/11/2024, 09:51
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09