Au milieu d'un mois de février sans beaucoup d'affiches attirantes à portée, celle de ce soir ressortait depuis longtemps sur l'agenda malgré son placement compliqué en milieu de semaine. Le remplacement de Rings of Saturn au profit de Skeletal Remains me fit enfin craquer après des semaines d'œillades langoureuses… Je commence à avoir une longue histoire avec chacun des trois groupes de la version définitive de cette tournée, quoique l'intensité soit diverse, et il était certain de passer une excellente soirée sauf grosse catastrophe. Obscura passe très régulièrement à Toulouse, c'est toujours ici que je les ai vus (sauf une fois en Provence), la dernière fois il y a deux ans et demi. Depuis, ils étaient encore revenus dans cette salle exactement il n'y a même pas un an, avec Cynic, mais j'avais préféré Enslaved à la maison la veille en pariant que l'occasion reviendrait vite. Et nous y sommes en effet. Parallèlement, la polémique avec Christian Münzner et Alex Weber est venue gravement perturber l'attente de l'album paru la semaine précédente. Je n'ai pas pris le temps de me pencher sur le fond de l'affaire, mais elle me navre car j'aime beaucoup les trois albums auxquels Münzner a collaboré. Quelle que soit la partie en tort (il semble que la justice se prononcera), il est malheureux que la relation s'achève ainsi. J'ai tâché d'explorer un peu "A Sonication" avant de partir, et j'arrivai avec une première impression mitigée sur ce septième opus.
Le trajet se passait sans histoire, Toulouse était sous la pluie. Me méfiant par rapport aux dernières fois, je me suis pointé tôt et il le fallait car l'ordre de passage scotché sur la porte indiquait le premier groupe à 19 h 20. En deux ans et demi, on finit par devenir un habitué de cette salle bien située et sobrement décorée dont le format complète les autres salles plus grandes de la ville. L'importance de l'agglomération et la traditionnelle mobilisation du public local permettent de la remplir régulièrement. La sécurité était beaucoup plus cool que pour Orphaned Land, et cette fois le merch' était intégralement installé dans la salle et non pas dans le long couloir d'accès. Les trois groupes ont beaucoup de reliques à proposer et Obscura emmenait même du matériel de Thulcandra, l'autre projet du patron consacré au Black Mélodique qui compte aussi cinq albums.
Devant un public encore maigre, la batterie fut subitement éclairée en bleu pendant que s'élevait à plein tube un morceau de Rock Progressif bien vintage. Au bout de quelques minutes, l'estrade repassa dans une pénombre rouge où s'avancèrent les membres de SKELETAL REMAINS dans un silence incongru qui finit par faire rire certains spectateurs. Une intro monta à son tour dans un style film d'horreur spatiale, et les Californiens balancèrent la sauce (…) massivement. On retrouvait très majoritairement des titres du dernier album, et le groupe de Chris Monroy ne sonne plus comme dans ses débuts et ainsi que je l'avais vu à l'époque. Le mid-tempo furieux à la Obituary, Pestilence ou Asphyx s'est alourdi sur les deux disques les plus récents qui se rapprochent plus d'un Morbid Angel, le cri ayant cédé au beuglement question chant. L'heure était au headbang et nous étions plusieurs à nous y adonner dans des premiers rangs serrés. L'éclairage était flouté par un fond de fumée mais j'essayais de des solis de guitare partagés entre Chris et Mike de La O, tête rase pour ce dernier membre co-fondateur longtemps parti et dont le retour coïncida avec ce virage d'ailleurs. Le jeu du batteur de tournée valait le détour, je ne l'ai pas reconnu mais il doit avoir la quarantaine et a dû passer par de gros groupes vue sa maîtrise du blast combiné à des parties manuelles exigeantes. Je n'ai pas identifié non plus le bassiste, beaucoup plus jeune aux cheveux clairs (peut-être un poil noyé dans le mix, aussi).
Les changements sont fréquents dans ce groupe dont Chris demeure le seul patron immuable. Toujours aussi bourru, il resta caché derrière sa longue tignasse noire et ne communiqua presque jamais entre les titres, cela n'a pas changé par contre depuis les origines. Cette froideur qui fait hélas partie de l'identité de SR gêne moins, cependant, dans une salle plus grande avec une scène surélevée que dans les garages aménagés où une poignée de passionnés sont à portée de bras des musiciens. Et cela s'accommode mieux aussi avec le son actuel du groupe. Pour autant, les trois autres membres s'employèrent à nous encourager plusieurs fois, par gestes, et à faire un chouia de spectacle en plus des chœurs comme par exemple en jouant en duel. Ils sont de toute évidence conscients du problème. Le connaissant aussi, il ne m'empêche pas d'être fan du groupe avec son défaut et je me concentrai pleinement sur ces gros riffs passés à la double et ces compos très bien faites, la musique restant l'essentiel et les cervicales s'agitant sans contrôle. Les acclamations se firent de plus en plus fortes d'un titre à l'autre, quelques morceaux plus anciens s'insérèrent dans une setlist vraiment focalisée sur "Fragments of the Ageless". Passer de figure de proue de petites tournées à l'ouverture de groupes plus importants que soi impliquait aussi un temps de jeu un peu plus court : une quarantaine de minutes. Elles suffirent à me combler, SR a le rang d'un classique contemporain du Death ricain.
La salle était désormais bien remplie, dans une jauge comparable aux précédents passages de la tête d'affiche.
J'ai beaucoup vu GOROD pendant la décennie 2010, mais là c'était la première fois depuis la pandémie. Comme pour marquer le contrepied, le groupe prit place directement sous une forte clameur et attaqua le set sans aucun effet introductif, tout à fond directement. L'affection du public n'a fait que croître avec "The Orb" qui a récolté des louanges unanimes. J'ai retrouvé mes marques sans aucun mal avec leur Death technique mais suffisamment bourrin, emblématique de tout un courant dont ils sont l'un des représentants les plus connus au monde, et autrement dit l'un des groupes de Death Français les plus célèbres (et du Midi qui mieux est !). L'assistance appréciait largement et une fosse finit par se former par intermittence. Cette communion était aussi favorisée par le fait que Julien Deyres le chanteur est le Toulousain au milieu du groupe Bordelais. Sa personnalité clownesque d'amuseur incorrigible ressort encore plus qu'avant, par des poses et des déhanchés grimaçants sur les riffs les plus déjantés de ses camarades, ou par une invitation truculente à acclamer les deux autres groupes en précisant sur le ton de la blague qu'Obscura avait des francophones – on y reviendra. Il a gardé l'esprit foutraque de son premier groupe Zubrowska. Cet humour jamais vulgaire devenu un trait identitaire de Gorod distingue le combo des canons habituels du Death. La bonne humeur festive et un sens certain du spectacle plaisent depuis longtemps à une frange du public restant rétive à cet esprit de sombre austérité qui domine traditionnellement le Death Metal. Cela culmina sur un passage où le chanteur et le bassiste se retirèrent en coulisses en plein morceau, puis les guitaristes passant quelques instants plus tard dans le fond, pour laisser le batteur seul sur un solo particulièrement chargé avant que tous le rejoignent pour terminer le titre ensemble devant une vibrante acclamation populaire. L'effet est simple mais très efficace.
Malgré cet état d'esprit, le combo ne s'égare pas et envoie sans aucun pain son répertoire au tempo rapide, souvent changeant, cadrant des parties mélodiquement intenses à la guitare. Cette sensation de puissance euphorique bouillonnante, c'est aussi Gorod. On profitait mieux de la basse (aux motifs fluos) avec Benoît Claus, le tapping et le riffing des deux gratteux (l'un avec une tête, l'autre sans) étant restitué impeccablement aussi. À ce sujet, si je peux admettre que les petites pitreries mettent des gens à l'aise avec le Death Metal, l'abus des moulinets caractéristique de leur génération m'est rédhibitoire dès les versions album... Mais comme je n'attends point un déclic qui ne viendra plus, je ne m'arrête pas à cette réticence le temps d'un concert avec Gorod et j'en profite volontiers tels qu'ils sont. Le set s'acheva triomphalement sur un dernier titre où "Nutz" (surnom du chanteur) présenta ses acolytes. J'ai d'abord cru qu'il avait été plus long que celui des Américains, impression démentie à ma montre.
Le changement de plateau fut rapide, avec le batteur de SR qui donnait un coup de main pendant que j'allais échanger quelques mots avec le bassiste au stand. Il y avait la queue devant celui de Gorod.
Un jeune inconnu s'installa en premier à la batterie d'OBSCURA sur l'intro de l'avant-dernier album, suivi par Hugo Doyon-Karout de Beyond Creation et sa basse étêtée que je ne m'attendais pas du tout à retrouver là et qui entama la partie de basse du morceau d'ouverture de cet excellent disque. Steffen Kummerer et un autre inconnu à la guitare rejoignirent au milieu de la clameur pour lancer un set généreusement enfumé avec l'énergie habituelle. La première nouvelle était donc que la formation de cette tournée est déjà entièrement différente de celle de l'album qui venait de sortir cinq jours avant. Il s'avérera plus tard que les deux musiciens que je ne reconnaissais pas viennent de Fractal Universe, le groupe Lorrain. Et si l'on ajoute donc le bassiste Québécois, Obscura est effectivement devenu un groupe largement francophone, voire carrément Français ! Julien de Gorod n'avait pas menti. "A Sonication", encore peu familier pour les fans, fut cependant largement promu par la setlist. Le retour qu'il opère vers le cœur du style le plus classique du groupe facilitait l'adhésion des fans qui se bougeaient autant que sur les titres plus anciens. Mieux encore, la production vibrante du format live améliorait les versions originales d'un album qui souffre d'un son trop étouffé. Quelques extraits des albums précédents se glissaient au milieu, spécialement d'"A Valediction" dont le virage en partie corrigé à présent reste fort apprécié.
Kummerer montrait une belle complicité avec ses nouveaux assistants, dont les qualités techniques dominaient aisément le répertoire périlleux et rapide qu'ils avaient dû assimiler en peu de temps. Ils se bougeaient beaucoup sur la scène comme pour donner l'exemple. Cette joyeuse énergie tranchait avec les accusations récemment lancées et se communiquait aisément à l'assistance, la fosse se reformant en privilégiant le circle-pit à l'invitation du groupe. Le patron se réservait la communication en anglais néanmoins, seul au milieu des francophones. "Devoured Usurper" et son tempo de brontosaure pompette qui cherche les toilettes faisait le lien avec ce que Skeletal Remains avait proposé en début de soirée. Le voile de fumée régulièrement entretenu n'aidait malheureusement pas à profiter des plus petits détails du spectacle ni à prendre une photo acceptable en illustration. Le principal reste de toute façon la musique, poussée à une exigence remarquable tant en termes d'intensité, de virtuosité, de cohérence à tous les niveaux et d'émotion sans laquelle tout le reste ne servirait à rien. Presque toutes les facettes de la carrière du groupe apparaissent à un moment où à un autre, rien n'est renié à part le tout premier album comme toujours. Et cela accompagnait pertinemment l'orientation régressive ou synthétique du nouveau. Le commencement de la fin du set était marqué par le titre d'ouverture de "Cosmogenesis", album qui a fait connaître le groupe au monde et largement contribué à relancer durablement la popularité du Death technique auprès d'un nouveau public tout en restant très classique. La fosse atteignit sans doute son pic d'activité sur ce titre et moi-même, à la bordure du cratère, je me régalais. Entre deux titres, Steffen demanda si des gens étaient déjà là l'an dernier pour les voir avec Cynic et remercier l'engagement du public à soutenir les concerts… Il fut sans doute le seul à ne pas comprendre le commentaire à voix haute issu des premiers rangs (avec une pointe d'accent) maugréant sur le fait que ça n'avait pas été son meilleur – pas de regrets à avoir donc. On se termina avec deux extraits de l'avant-dernier, dont on ne se lasse pas non plus avec sa propre personnalité tout aussi classique mais brisant les codes qu'Obscura semblait se donner jusque-là.
Le groupe se retira, mais il manquait un album au parcours, et après quelques supplications enflammées d'usage de notre côté et riffs de Schuldiner esquissés depuis la coulisse, ils revinrent sur l'introduction du fameux titre d'ouverture d'"Omnivium", qui contrairement à 2022 put être interprété en entier sans problème technique, comme pour apaiser une frustration qui m'en restait encore. Le quartet salua ensemble en final, et force est de constater une heure après qu'Obscura va bien malgré tout ce qu'on entend en ce moment.
Forsaken/ Silver Linings/ Evenfall/ Emergent Evolution/ In Solitude/ Devoured Usurper/ Akróasis/ The Sun Eater/ The Anticosmic Overload/ A Valediction/ When Stars Collide
Septuagint.
Il était tôt, j'ai pu encore échanger quelques mots avec le batteur de Fractal Universe venu presque aussitôt au contact des fans même en étant encore en nage, ou féliciter son confrère de Skeletal Remains en passant. Dehors l'eau tombait encore assez dru mais comme il faisait soif et que la soirée était encore longue je suis allé gérer la descente dans un pub du boulevard de Strasbourg, tranquille comme une ville du Midi en semaine quand il pleut (même Toulouse ne peut y échapper).
Le plan initial avait tenu toutes ses promesses. Les prochains concerts ne me demanderont pas de me déplacer bien loin, mais d'autres excursions de ce genre sont déjà programmées cette année.
Merci pour le report, ça me tente bien d'y aller jeudi à Paris.
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30
Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
10/02/2025, 15:31
Toute ma jeunesse.Mais franchement, je ne regrette pas cette période : Le nombre d'heures "perdues" à remplir des K7s et faire les pochettes bordel... ... ...
10/02/2025, 10:16
Um som genuíno e nostálgico.Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o &(...)
09/02/2025, 11:22