Orphaned Land + Dirty Shirt + Strale + Ring of Gyges + Royal Rage

Orphaned Land, Dirty Shirt, Royal Rage, Ring Of Gyges, Strale

Le Rex, Toulouse (France)

du 13/12/2024 au 13/12/2024

Nous avions traversé les reports causés par la pandémie de COVID-19. Au début de l'année, l'irruption d'une nouvelle guerre a contraint la tête d'affiche de la tournée promotionnelle du Motocultor à reporter. Malgré l'évolution de la situation, cela a finalement lieu un an plus tard, en deux parties. Connaissant bien le groupe, sa démarche artistique et spirituelle depuis sa reformation il y a vingt ans, je n'éprouve aucun dilemme à retourner les voir dans ce contexte épouvantable, eux dont le discours est à rebours de la rage vengeresse, eux que j'ai vus emmener un groupe Palestinien en première partie à une précédente occasion. Cela ne les a pas empêché d'affronter il y a quelques jours une tentative d'annulation de leur concert à Barcelone, qui a échoué. La seconde partie de la tournée touche à sa fin avec des dates françaises.

Nous connaissons bien le Rex maintenant, qui maintient une activité Metal soutenue. Avec cinq groupes au programme et un timing généralement précoce, le coup d'envoi était annoncé pour 18 heures. Je m'y présentais à temps afin de tout voir, en me joignant à une petite file de spectateurs partageant cet objectif, dans le crépuscule et l'animation d'une grande ville le vendredi soir à l'approche de Noël. La sécurité était inhabituellement tatillonne au moment des fouilles, inutile d'expliquer pourquoi. Dans le couloir d'accès il y avait le merch', Dirty Shirt ayant préféré installer le sien dans la salle. Profitons d'être parmi les premiers pour se prendre une pinte sans subir de queue.


Cela ne tardait pas à démarrer avec le groupe le plus extrême de la soirée, les Thrashers Brésiliens de ROYAL RAGE, réduits à la tâche ingrate de chauffer une salle encore quasiment déserte. Ils avaient pourtant quelques moyens avec une projection visuelle de fond légèrement animée et de faux casques de cyborg aux yeux verts fluorescents fixés aux pieds de micro. Leur formule peut se situer entre Megadeth, Slayer et Toxic Holocaust même s'ils y mettaient moins d'intensité. Au moins, cette pose plus réservée a garanti qu'il n'y ait pas de pain. D'ailleurs la production fut correcte tout au long de la soirée. Quelques riffs astucieux et une paire de solos montraient quelques capacités d'un groupe déjà mieux doué que d'autres compatriotes plus anciens, malgré un chant plus quelconque assuré par l'un des deux guitaristes, parfois appuyé de chœurs des deux autres membres debout. Sans trop y croire, ils tâchèrent de remuer les rares spectateurs ménageant leur énergie pour la suite. Je n'en garderai pas mauvais souvenir.

Le changement de plateau devait être rapide avec un planning aussi serré, devant une affluence honnête mais bien loin du plein : une demi-salle je dirais, environ deux cent pèlerins. Il faut dire qu'Orphaned Land n'a jamais ramené les grandes foules malgré son succès critique. Les intermèdes étaient meublés quasi exclusivement par du Black Sabbath, selon une manie qui se répand un peu partout dernièrement. Entre deux groupes on retrouvait un vieux camarade dernièrement croisé à Paris pour Sepultura…


Non sans humour, le set des jeunes Islandais de RING OF GYGES commençait en introduction par un bruit de modem puis les sons de windows XP. En formation à cinq, incluant un claviériste au fond derrière séparé de la batterie par celle de la tête d'affiche, ils proposaient un Rock Prog' très marqué Metal sans en être prioritairement, relativement convergent avec l'album d'Opeth qui vient de paraître mais avec d'autres influences. Le chant de tête, partagé entre les deux guitaristes, cherchait des mélodies modernes et il était impossible de ne pas penser à Leprous. Aucun growl ne se fit entendre, que du clair sur tout le set. L'angle choisi, entre composition narratives et sonorités bien contemporaines, se révélait peu à peu très proche aussi de Haken dans une version plus Metal. Le bassiste en marcel, dont l'instrument ne faisait pas que de la figuration dans l'ensemble, aimait bien se promener de temps à autre vers ses camarades. Je n'accroche pas beaucoup à ce style mais sur un live bref on ne s'ennuyait pas avec ces titres d'un format digeste, cherchant des émotions plutôt positives et une variété exigeante (l'esprit des Beatles planait loin au-dessus), plus une communication assez fluide et détendue.


Place ensuite à un autre style encore avec les Finlandais de STRÅLE, qui se présentaient carrément en sextet avec deux guitares, toujours un claviériste et un petit chanteur. Et nous allions voir comme la scène de ce pays est inépuisable. Ils servirent un Metal Rock assez proche de l'Alt-Metal Américain mais avec des mélodies qui m'ont souvent rappelé celles du Death de chez eux bien que le tempo soit plus enlevé. Le chanteur avec ses dreadlocks se montra très extraverti et désireux d'emmener le public en s'épanchant abondamment entre les titres sur un ton animé, et désignant régulièrement d'un doigt pointé un lointain horizon invisible. Fraîche, facile à aborder et tonique, la recette fonctionnait bien. Après titre énergique mais triste longuement dédié à la mère du chanteur décédée d'un cancer, tomba une reprise surprenante, pêchue et convaincante du "Blinding Lights" de The Weeknd, qui remporta un succès sensible dans l'assistance. Un dernier titre original mena au terme le set d'une durée syndicale d'une petite demi-heure, photo collective comprise. Un second album doit arriver prochainement, et dans son créneau de Metal moderne non extrême il me semble que le groupe a les cartes en main pour élargir son succès.


C'en était fini des découvertes sympathiques, le niveau du concert grimpa nettement quand vint le tour des Roumains de DIRTY SHIRT. Ce ne sont plus de grands débutants, avec vingt ans d'activité au bas mot, six albums et de multiples tournées notamment par chez nous au soutien de tel ou tel groupe Français. Toute la troupe arriva progressivement après un début instrumental, pour se retrouver à huit sur scène, comprenant trois guitaristes, un violoniste et deux chanteurs ! Ce quatrième acte fut le plus déchaîné de la soirée, avec leur Folk Metal Punky aux riffs tellement déjantés qu'à mon sens ça tire plutôt vers le Néo le plus lourd, SOAD en tête, et puisant au-delà vers de multiples autres influences. Festive, leur musique a emballé tout de suite un public manifestement familier. Le duo de chanteurs me faisait songer à des Astérix et Obélix des Carpates, vus leurs gabarits respectifs. Le second avait les parties les plus déjantées qu'il restituait sans effort, le premier était plus classique et se chargeait de communiquer dans un français pas toujours parfait mais amplement suffisant. Son t-shirt de Tripod, groupe de Néo Marseillais actif dans la première décennie du siècle, montrait un enracinement ancien et un attachement d'expression raffinée à une certaine scène française à laquelle eux ont survécu. Les paroles, pour ce qu'on en saisissait, étaient largement polyglottes. Sur des rythmiques syncopées à souhait, le violon tirait le lead et presque à lui seul la part Folk Tzigane et Balkanique, si importante. L'un des guitaristes eut un pépin qui l'obligea à s'absenter un bon petit moment, et cela se sentit même s'il y en avait deux autres. Dans cette démonstration de bonne humeur contagieuse, de défoulement d'énergie, un certain humour était sensible par exemple par des références régulières envers un Mexique fantasmé. Puis le chanteur de Stråle vint les rejoindre tandis qu'ils demandèrent au public de se séparer en deux, laissant l'un des chanteurs descendre et danser avant d'être vite rejoint sur un titre particulièrement barré. Cela change des bravehearts classiques. Là encore, ce joyeux foutoir sans relâche ressemblant à un Kusturica sous acides ne peut qu'emballer tout fan de Metal drôle, déjanté ou Folk, s'il en reste qui ne connaîtraient pas. L'assistance aurait volontiers repris plus que la quarantaine de minutes de jeu accordée, qui me suffit en ce qui me concerne (la saison des ferias et fêtes votives est bien passée).


ORPHANED LAND s'installa un à un sur la scène, avec son line-up finalement stable depuis une dizaine d'années même si le batteur s'est raccourci les cheveux, pour un premier titre efficace et assez lent antérieur au dernier album studio. Alors que tout le monde était déjà dans le bain, un problème sur les visuels cassa l'élan. Le groupe tenant à ce que nous ayons les projections derrière eux, il fallut attendre que la connexion soit rétablie, Kobi émettant quelques plaisanteries, notamment sur sa ressemblance avec le Jésus des peintures classiques (mais lui est un pécheur…) avant que le set puisse repartir sans plus aucun incident. La setlist était orientée sur des titres plutôt récents, en reprenant les clips en fond de scène. Une certaine amertume inédite est néanmoins palpable dans un collectif qui dit terminer ce tour spirituellement épuisé. Au moins retrouvaient-ils un peu de joie dans le succès que remportaient ces titres plus Folk, par exemple avec ce bon vieux "Sapari" dont Kobi rappela qu'il venait d'un juif Yéménite du Moyen Âge, et pendant lequel une spectatrice s'incrusta sur scène pour danser à peu près tout le morceau, avec un certain talent amateur que Kobi salua.

Le plus progressif "Mabool" fut alors abordé avec son deuxième titre incontournable permettant au guitariste Chen Balbus de mettre en valeur son talent de soliste brillant, même s'il manque le grain qu'y mettait son lointain prédécesseur. Le thème de "We Do Not Resist" attaquant les politiciens était ensuite réexpliqué, et sa portée clairement énoncée par une jolie lyric-video donnait encore une nuance qui trouvait inévitablement un écho dans le contexte actuel. La lamentation vocalisée plus tard comme intro marquait un ton funèbre assez nouveau. Mais le clou de ce spectacle un peu contristé était le retour de vieux titres de la première période d'activité du groupe, quand ils étaient signés chez Holy Records, comme il y avait été fait allusion pendant l'interruption du début du set. Le second fut restitué sur le mode acoustique, comme dans le fameux mini live bonus de "Mabool", l'autre guitariste Idan Amsalem s'emparant d'un oud pour lui donner un ton intime et tragique.

Le départ progressif en coulisses ne fut vraiment qu'une mise en scène, le groupe revenant presque aussitôt à la demande d'un public en pleine communion. Kobi crut devoir encore justifier à nouveau leur démarche, le mieux à faire pour eux actuellement étant de jouer leur musique et diffuser contre toute désespérance un message de paix et d'unité des religions abrahamiques (et des philosophies) qui s'oppose depuis plus de trente ans au genre d'horreurs qui n'en finissent pas de ressurgir dans leur région du Monde. Le large applaudissement de l'assistance a dû les toucher, ce soir comme les autres. Nous avons donc sauté ensemble de bon cœur au début de l'incontournable titre de fin de set "Norra el Norra" sur lequel le groupe présente traditionnellement ses membres avant d'enchaîner sur le final d'"Ornaments of Gold", l'unique relique de la plus ancienne époque du groupe qui avait survécu à tous les changements de setlist et de personnel – le bassiste Uri Zelcha étant le seul autre membre originel avec son chanteur.


The Simple Man/ The Kiss of Babylon/ All is One/ In Propaganda – All Knowing Eye/ Sapari/ Ocean Land/ We Do Not Resist/ Let the Truce Be Known/ El Meod Na'Ala/ In Thy Neverending Way (acoustique)/

Norra el Norra – Ornaments of Gold.


Le show m'a paru presque court alors qu'il avait duré une heure et quart. Mais après un plateau aussi serré c'était déjà beaucoup en réalité. Ce n'était sans doute pas la meilleure de nos six confrontations, mais elle conservera hélas une saveur particulière et marquera la fin de la saison 2024. Soyez tranquilles, l'année prochaine comprend déjà quelques gros rendez-vous.


par RBD le 18/12/2024 à 12:02
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