Les premières grosses tournées reprogrammées après le COVID arrivent enfin. Mais il y a encore des annulations. Si bien que ce soir, je ne devais pas être présent à l'origine à ce concert repoussé depuis 2021. Mais l'effacement de la tournée des Krupps laissait un créneau et j'ai une furieuse envie de rattraper le temps perdu, comme dirait mon avatar.
Prenons donc la route pour la belle ville d'Aix, et sa toute nouvelle SMAC inaugurée en mars 2020, une semaine avant le premier confinement… Si c'est une destination connue pour son festival classique, le secteur restait parfaitement désert depuis la disparition du trop confidentiel et légendaire Korigan. Et pourtant, il y avait une place béante à prendre avec Marseille à côté.
La 6mic est située tout contre l'autoroute, à deux pas de la fondation Vasarely de l'autre côté. Autant l'intérieur se révèlera confortable selon le schéma classique des SMAC contemporaines (volumes spacieux, décoration minime mais à la page, cour intérieure), autant la décoration extérieure en fausse roche grise est hideuse et complètement décalée par rapport à l'entour qui jouit d'une certaine harmonie de style et de nature. C'est surprenant de la part d'un architecte connu comme Ricciotti. En plus, le parking est nettement insuffisant pour ce genre d'événements que la salle elle-même peut aisément avaler. Bref, on le saura pour d'autres fois.
Le temps donc de poser sa voiture, on arrivait juste à temps pour se fondre dans un public venu de la région élargie (la tournée criblait assez bien la France) et comprenant aussi quelques Italiens. C'est bien, ça change un peu des Espagnols qu'on croise plus souvent en Languedoc. La moyenne d'âge était évidemment assez élevée comme d'habitude pour cette affiche, mais pas tant que pour Kraftwerk. Si les déclinaisons de t-shirts de Joy Division étaient nombreuses, une paire de purs Beumeux assumaient joliment leur décalage. La salle intérieure comprend d'importants gradins qui révèlent tout sur le type de programmation à laquelle la salle est principalement vouée.
Après une introduction symphonique apaisante mais non identifiée, PETER HOOK & THE LIGHT s'avancèrent sur la vaste scène en tenues décontractées, formation à cinq. Sans commentaires, le patron s'assit sur un tabouret et, par un sample bien connu des vieux fans, entama le set avec l'instrumental "Elegia" très fréquemment utilisé par New Order. Puis il se leva pour présenter comme le dernier morceau écrit pour Joy Division, le glacial et simple "In a Lonely Place" pour enchaîner une série de très vieux titres de New Order, mélancoliques à souhait. Cela fait beau temps que Hookie s'appuie sur sa présence bourrue et ne se sert guère de sa basse que pour appuyer les lignes mélodiques typiques de son jeu, lorsqu'il ne chante pas. Il est suppléé par un autre bassiste plus jeune qui tient le motif de base des morceaux, ou parfois échange en faveur d'une guitare pour seconder le fidèle David Potts. Cette fois, ce bassiste en second n'était pas son fils Jack Bates, qui tourne actuellement avec les Smashing Pumpkins. Le timbre beaucoup plus grave et peu assuré de Hookie n'aidait pas à la restitution de ce répertoire. Régulièrement, il allait s'installer au premier plan de la scène ou sur les côtés pour se rapprocher des fans. S'éleva ensuite un "Blue Monday" sans enthousiasme, approximatif et compliqué par la panne de la batterie synthétique utilisée habituellement sur ce titre, qui emballa pourtant sans problème la part féminine de l'assistance. Un inattendu "Crystal", titre le plus récent de la soirée, était beaucoup mieux joué et apportait un peu de chaleur physique Rock avec Potts assurant une nouvelle fois les chœurs des parties les plus aigües. Lui aussi finit par accuser visiblement le poids des ans même s'il tient toujours un rôle crucial. Curieux destin quand même d'avoir toute une carrière bâtie autour d'un groupe dont on n'a jamais fait partie. Sur ce, après une demi-heure de jeu à peine, le groupe se retira une première fois.
L'intermède meublé au son de "Trans-Europe Express" me donna un petit pli temporel par rapport à mon concert précédent. Sur les retours installés aux pieds de la batterie était écrit "Salford Rules" et "Guitar Nero" (humour anglais).
Au retour, Peter Hook lut un bref mot écrit et traduit en simultané par quelqu'un de la salle, où il rappela avec les mains tremblantes d'émotion que ce jour marquait le quarante-deuxième anniversaire de la mort de Ian Curtis. Après un court moment de recueillement demandé au public, le groupe donna une version mal assurée d'"Atmosphere", presque naïve tant les circonstances la troublaient. Rapidement, "Disorder" amorça l'interprétation du mythique premier album de Joy Division. Ce type d'exercice offre l'avantage d'entendre aussi les titres plus rares que l'on connaît généralement aussi bien que ceux qui ont fait des singles ou sont habituellement repris en live. Et les doutes du premier acte s'effacèrent vite : le ton grave de Peter Hook et même ses faiblesses dues à l'âge sont beaucoup plus proches du chant de Ian Curtis que de celui de Bernie Sumner, il sied beaucoup mieux au répertoire de son premier groupe que du deuxième. Voire, malgré la grande différence entre son caractère de gaillard peu commode avec celui de son défunt ami, il a parfaitement intégré ses textes qu'il interprète avec ses tripes et sa propre expressivité. Au-delà des poses et des bras levés pour faire un peu le show, la chose à vraiment apprécier ce soir était là. Cela rendait "New Dawn Fades" ou "She's Lost Control" bouleversants, j'en frissonnais.
Pour ne pas rester figés dans un ritualisme rigide, certains titres ont subi quelques modifications mineures et parfaitement acceptables comme "Candidate" ou plus tard le final d'"I Remember Nothing". Il y eut un moment drôle quand on arrêta le début agressif de l'ultra-Rock '"Interzone" car David Potts n'avait pas eu le temps de changer de guitare ! Le public était conquis de bout en bout et une petite fosse se forma. Le travail d'Andy Poole, aux synthés et claviers, avec ses faux airs de Roger O'Donnell (claviériste des Cure), était discret mais important sur les morceaux caractérisés par quelques bruitages. Une première fois, Paul Kehoe le gros batteur à mèche dirigea un decrescendo prévisible au milieu de "Shadowplay" débouchant sur un redépart explosif. Une fois l'album entièrement joué, le groupe partit prendre une nouvelle pause sous de graves applaudissements conformes à l'esprit de l'ultime morceau.
Les encouragements reprirent au moment d'attaquer "Atrocity Exhibition" et son début batterie/samples/basse. Peter Hook est particulièrement fier du second album de Joy Division et nous le fit revivre sur le même mode que le premier. "Isolation" devenait plus physique que l'original mais conservait son inquiétante étrangeté. Certains détails ressortaient mieux dans le mix comme deux notes de guitare redoublées de "Passover" ou certaines lignes de basse soulignées par Hookie se promenant encore parfois sur la scène entre les couplets. Cet album-ci est plus exigeant pour un guitariste qui doit y mettre du sentiment, et Potts y montra une forte complicité avec son patron. Il est normal que l'assistance soit peu à peu envoûtée par des titres sombres à la tension grandissante, dont on sentait toujours que les textes prenaient leur interprète au plus profond de son être. Le lent déchaînement puissant de "24 Hours" libéra enfin les corps par un pogo sautillant mais plus large que les précédents. Les deux ultimes titres mirent à nouveau en valeur le claviériste qui installa leur ambiance totalement déprimée et funèbre, réduisant au silence les plus bavards. Hookie partit en coulisses en laissant ses quatre aides finir "Decades" sur une semi-improvisation sobre mais pertinente. Plus gothique, tu ne peux pas. Tout le monde était un peu sonné après ce final exceptionnel, autant éprouvant sur scène que sur album. Et après s'être mangés d'affilée deux monuments séminaux du Rock. Mais il était évident que ce n'était pas tout à fait fini et les acclamations ne cessèrent pas malgré un intermède qui sembla bien long.
Et ce rappel fut plus fourni que ce que j'attendais. Pour honorer les nombreux singles qui ont aussi fait la carrière de Joy Division, cela commença avec un nerveux "Digital" et l'inusable "Transmission" dirigés par le jeu simple, détaché mais puissant de Kehoe, titres physiques qui relancèrent de plus belle les chœurs et les pogoteurs progressivement calmés par les chutes sur la bière renversée, et par un retour limite abusif à l'effet decrescendo/explosion déjà signalé plus tôt et devenu un classique de la formation au fil des tournées. Point trop n'en faudrait quand même. Suivit encore le romantique et incontournable "Ceremony" avant le fédérateur et toujours déchirant "Love Will Tear Us Apart" en guise de bonsoir, selon Hookie qui jeta son t-shirt dans la foule avant de s'en aller définitivement le bedon à l'air (il ne le fait pas toujours, mais ce n'est pas la première fois).
Elegia/ In A Lonely Place/ The Him/ Leave Me Alone/ Blue Monday/ Crystal/
Atmosphere/ Unknown Pleasures en entier/
Closer en entier/
Digital/ Ceremony/ Transmission/ Love Will Tear Us Apart
La sortie de l'assistance fut troublée par une chaude altercation dont je n'ai pas voulu connaître la fin. J'ai cru devoir ramener mon gobelet au bar avant de partir rapidement, pour me faire répondre qu'il n'y avait pas de consigne. Ce n'était pas le meilleur show du groupe sous mes yeux, mais il restera inoubliable à plusieurs titres. En quatre rencontres (plus leurs ex-amis de New Order) j'aurais vu jouer ici-bas une très grande partie de l'ample répertoire des deux formations, et je n'aurais pas cru cela possible il y a quelques années.
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