Peter Hook and the Light

Peter Hook

Rockstore, Montpellier (France)

du 10/12/2025 au 10/12/2025

Il y a des groupes, surtout parmi les vieilles gloires marquées par les excès et les épreuves, la première fois qu'on les voit on se dit que c'est une occasion exceptionnelle qui ne se représentera peut-être jamais. Puis dix ans après, on ne compte plus les rencontres tant ils maintiennent une activité live régulière, en réalité. Le groupe de l'ancien bassiste de Joy Division et New Order en serait un excellent exemple. Lancé en 2010 pour rendre justice sur scène au vieux répertoire délaissé par ses anciens camarades avec lesquels il est définitivement fâché, Peter Hook et les nombreux fans des deux groupes partageant cette vieille frustration prirent goût à l'expérience. La première fois qu'il s'était pointé dans cette même salle en 2014, il y avait encore une saveur d'événement unique. Mais depuis il a gardé le rythme et s'amuse à ranimer tels ou tels albums et compilations sur de longs sets, couplés de manière à évoquer séparément ses deux groupes légendaires – et parfois ses projets temporaires remontant aux interruptions passagères de New Order. Malgré l'âge qui se fait sentir un peu plus d'une tournée à l'autre, l'exercice est suffisamment intéressant pour que je me sois déplacé parfois jusqu'à Paris pour le revoir. Son attitude plus crue, esprit Rock pour salles moyennes, fait le contrepoint avec les grands shows plus rares, spectaculaires mais cahoteux de New Order (je vous avais raconté ça il y a un an et demi). Je n'oublierai jamais la fois précédente où, le jour même de l'anniversaire du suicide de Ian Curtis, il avait interprété les deux albums de Joy Division brisé par l'émotion. L'histoire à laquelle a participé le père Peter, qu'il a d'ailleurs racontée en plusieurs livres de mémoires, reste hors du commun. Et contexte à part, je reste très marqué comme tant d'autres par le legs de ses groupes, qui forment des piliers de ma discothèque hors Metal. Bref, quand il repasse à deux rues de chez vous, la question d'une cinquième levée ne se discute pas.

Je ralliai ce cher Rockstore avec d'autant plus d'envie que des conflits d'agenda m'ont empêché de faire beaucoup de concerts les dernières semaines. En avance, pour avoir le temps de passer au vestiaire, se prendre une pinte et bien se placer, tandis que le fond sonore égrenait un best of convenu des tubes du Post-Punk. C'était une bonne intuition. Même si j'ai été lâché cette fois par les camarades qui m'avaient accompagné lors du précédent passage, il y avait foule et c'était apparemment complet. Ce public dépasse largement la cinquantaine maintenant, voire au-delà. Il était rajeuni par leurs enfants, comme pour New Order à Paris, car c'est une passion qui se transmet en famille. Plus quelques étudiants et jeunes couples, minoritaires mais confirmant la réalité de cette transmission (…). Je pris peur quand le boulet du concert se plaça quelques minutes à côté de moi, déjà hystérique alors que rien n'avait commencé, hélant tout le voisinage et réclamant déjà à cor et à cri certains titres.


Il n'y avait pas de première partie mais un double set. L'introduction sur l'air de la chevauchée des Walkyries (les hélicoptères d'Apocalypse Now !, pour les incultes…) était troublante, car les faux frères de New Order aussi sont adeptes de l'intro' Wagnérienne. PETER HOOK AND THE LIGHT se présenta à cinq, David Potts salua en français basique et on attaqua par deux vieux titres des débuts de New Order plutôt calmes, pour prendre ses marques. La star du jour était vêtue d'un t-shirt à sa propre gloire et les bandoulières de ses basses étaient brodées au motif du drapeau pirate (remarquez le jeu de mots avec son nom). S'il n'a pas les capacités vocales d'un vrai grand chanteur et accuse le poids des ans, il parvient encore à assurer potablement pour du live les parties graves. Pour lui permettre de se concentrer pleinement sur le chant, son propre fils Jack Bates est revenu des Smashing Pumpkins pour tenir une seconde basse qui joue derrière les passages chantés ou doubler certaines parties. La forte ressemblance de leurs visages (Jack est moins grand, plus râblé avec des attitudes similaires) est assez amusante, on a l'impression de voir deux fois le même. Tandis qu'on abordait d'autres singles plus connus provoquant l'enthousiasme grandissant d'une petite foule bien serrée, les musiciens quittaient et regagnaient la scène selon les nécessités de chaque morceau, ainsi que le mixeur qui sortait régulièrement de la coulisse pour aider aux changements rapides et échanger des instructions, le tout dans une complicité générale palpable. Tout cela n'est pas nouveau, après quinze ans ce groupe est désormais une vraie machine qui tourne très rond et restitue un répertoire historique avec une précision impeccable. Après un "Temptation" sautillant et fédérateur, "Blue Monday" fut ainsi interprété à la perfection, rien à voir avec l'accident industriel de ses ex-compagnons en 2023. "Confusion" enchaîna en laissant le guitariste, le fidèle David Potts assurer seul le chant de son timbre plus aigu. Pour la suite, il alternera avec Peter sur les parties les plus hautes composées à l'origine pour un Bernard Sumner dont la tessiture est plus élevée que celle de son ancien bassiste. C'est en s'adaptant avec ses moyens humains propres que The Light est devenu si efficace. Comme il est tagué sur l'un des retours sous la batterie, "Salford rules !"

La période House étant introduite, la setlist nous fit naviguer au milieu des tubes de la période où New Order était au sommet de sa popularité, dans leur version single des compilations "Substance", permettant au claviériste Martin Rebelski de s'illustrer discrètement sur son estrade (il joue avec les Doves mais fait aussi le pigiste pour Echo and the Bunnymen). Peter se tourna parfois vers une petite batterie synthétique pour appuyer le tempo. Cela gigotait de partout dans un éclairage généreux et coloré de boîte à Ibiza, d'ailleurs les trois joyeuses célibataires espagnoles quadras à ma gauche complétaient parfaitement l'illusion (non seulement elles tisaient généreusement sans rien perdre de leur dignité, mais en plus elles commentaient entre elles intelligemment le spectacle musical). Cette seconde partie du premier set reprenait exactement ce qu'ils avaient déjà joué une fois où j'étais allé voir le groupe à Paris, mais ça me convenait bien car j'apprécie cette période House, à mon grand dam presque, en tout cas bien mieux que les expérimentations Pop d'autres monuments de la New Wave. Le Rockstore était en sueur et pour culminer Peter annonça, "last but not least, True Faith" qui acheva parfaitement la partie festive de la soirée.

Il était plus prudent de ne pas bouger pendant la dizaine de minutes de pause. La salle baignait dans l'odeur et la basse brume de sueur habituelle dans ces zones.


L'introduction de la seconde partie était encore un passage du "Trans-Europe-Express" de Kraftwerk, déjà utilisé mais fort apprécié des connaisseurs. Peter reprit la parole pour dédier ce set à la mémoire de Ian Curtis, et annoncer par erreur le second titre à suivre avant de se reprendre. Cette fois, place au Punk Rock des origines patiemment monté en sauce par l'intro de "No Love Lost" donc. Comme d'habitude il avait un lutrin posé bas avec un cahier servant d'aide-mémoire pour les paroles qu'il assurait désormais quasi seul, son timbre étant plus proche de celui de son défunt ami, laissant Potts se concentrer sur le riffing plus intense de Joy Division. Les premiers titres alternèrent entre les explosions Punk et les titres plus dépouillés, lents et recueillis sollicitant les synthés. L'esprit n'était plus aux blagues avec le premier rang même si les poses du patron un bras en l'air et la basse en arrière pour ouvrir le diaphragme étaient semblables. L'éclairage se fit beaucoup plus sobre, voire sombre. Les titres mélancoliques étaient rehaussés par des nappes de synthés ou des effets différents des versions originales tant repassées, ouvrant des dimensions Industrielles, dissonantes, glaciales encore inédites et des sensations inconnues (…). Avec les refrains repris en chœur dans tous les cas, cela virait à l'expérience quasi spirituelle. "She's Lost Control" redevenait une danse funèbre, par exemple. Paul Kehoe commanda à nouveau la manœuvre pour l'effet habituel de descendre ensemble le volume tout en gardant le tempo pour relancer le morceau par une explosion coordonnée à vitesse constante, notamment avec "Shadowplay". Ce n'est pas très apprécié partout. Mais une fosse s'était finalement formée, avec même un slam.

Pour efficace et historique qu'elle soit, la setlist s'était calée à ce stade sur un rail de titres déjà entendus dans le même ordre, même l'instrumental "Incubation". Le capitaine Crochet annonça alors qu'ils allaient interpréter le titre favori de Ian Curtis, cela se lisait dans ses yeux et qu'il l'imaginait à ses côtés quand il le jouait. C'était "Dead Souls". La transpiration collective s'imprégnait définitivement de tristesse. Le deuil s'accentuait avec "Atmosphere" dédié pour sa part à Brian James (Lords of the New Church), autre compagnon de la même génération disparu quelques jours avant. Après avoir remercié la France et souhaité une "good fucking night", un "Love Will Tear Us Apart" chaleureusement célébré avec son mélange unique d'énergie et de mélancolie profonde couronna un second set nettement plus court que le premier (une bonne heure contre une heure et demie) bien que les deux comprennent autant de titres. Respectant sa propre tradition, Peter Hook enleva son t-shirt, le donna à quelqu'un du premier rang et partit torse poil avec son fils et leurs compagnons sous un affectueux triomphe.


Procession/Leave Me Alone/ Touched by the Hand of God/ Ceremony/ Everything's Gone Green/ Temptation/ Blue Monday/ Confusion/ Thieves Like Us/ The Perfect Kiss/ Subculture/ Shellshock/ State of the Nation/ Bizarre Love Triangle/ True Faith

No Love Lost/ Novelty/ Interzone/ Heart & Soul/ Warsaw/ Leaders of Men/ Digital/ Autosuggestion/ Transmission/ She's Lost Control/ Shadowplay/ Incubation/ Dead Souls/ Atmosphere/ Love Will Tear Us Apart


Inutile de se presser à la queue du vestiaire, j'en profitai pour retrouver quelques connaissances qui s'étaient placés ailleurs dans cette presse et jeter un œil au merch, succinct comme d'habitude. Même si c'était du déjà-vu, nous avions passés une soirée émouvante avec un monument du Rock encore debout et accessible à format réduit, que je vois bien éclater les records de Lemmy Kilmister avec une bonne forme pour son âge. Pour parfaire le décor, la nuit était douce mais encore très humide sous un léger crachin. Nous allons rapidement nous réchauffer sous une musique plus ensoleillée.


par RBD le 14/03/2025 à 14:03
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