Le What the Fest approchant de sa fin proposait les désormais traditionnels "concerts en église" devenus emblématiques. En fait d'église, il s'agit de l'actuelle maison des chœurs qui occupe l'ancienne chapelle de l'hôpital général Saint-Charles fondé par Louis XIV à l'une des entrées de la vieille ville. L'édifice restauré et déconsacré depuis des décennies a conservé son style d'époque, une partie des tableaux religieux, la ferronnerie et les autels du chœur et des chapelles latérales. Quelques évêques de Montpellier du XVIIIe siècle y sont toujours inhumés alors que l'ancien cimetière attenant a été déplacé voici longtemps. Le lieu conserve donc un certain jus même s'il n'est pas exceptionnel parmi les vestiges du Grand Siècle, d'autant qu'il était déjà d'une architecture assez dépouillée pour son époque. Seules les tribunes conçues pour permettre aux malades d'assister aux offices en venant directement de l'hôpital sont une vraie curiosité. Vous l'avez compris, je connaissais déjà les lieux mais c'était la première fois que j'allais y voir un spectacle.
Je n'étais pas venu la veille pour le concert de Black (il paraît que Silhouette, groupe local, a fait forte impression en première partie), mais hors de question de rater ce soir qui était dans la parfaite continuité du précédent concert et des suivants, comme si les circonstances m'offraient pour cette période de Toussaint un véritable festival Gothique de haute teneur. Je rêvais depuis longtemps de voir un jour la tête d'affiche qui, bien que voisine, apparaît peu souvent et annonce ses concerts à bas bruit. Cela m'a fait bizarre de ne pas regarder la finale de la Coupe du Monde de Rugby en direct, mais maintenant il y a des replays.
Pour en revenir au cadre, il faut admettre que cela en jette dans cet espace large où le chœur forme une estrade naturelle. Les voûtes étaient décorées par des animations projetées en boucle, assez jolies. Le style relativement austère du lieu évite qu'il vole l'attention au spectacle, tout en lui donnant un cadre rare. La buvette était sans cash, mais avec un système de bons d'1 € pièce à prendre à l'entrée, libéré des contraintes numériques.
Le premier groupe de la soirée était TANGERINECAT, un duo Britannico-Ukrainien installé au Pays de Galles arrivé assez timidement avec un grand aux cheveux longs penché sur un petit PC et sa comparse toute menue avec une bonne grosse vielle à roue accrochée au cou. Les premiers morceaux étaient assez originaux, par leur mariage avec cet instrument ancien, des beats et effets Indus, et des vocaux féminins plutôt graves et en tout cas retenus dans un registre clairement mystique. Au début j'ai eu du mal à rentrer dans cette musique plutôt expérimentale, quoique l'Indus, le Rituel Ambient et une certaine Folk soient souvent appréciés par les mêmes personnes. Il y avait apparemment de vrais fans au premier rang. Puis un titre privilégia le chant masculin avec une touche de musique Folk d'Europe Orientale aux saveurs païennes, avec des motifs de flûtes tirées du petit sac qui était pendu au micro du chanteur-programmeur, et là j'arrivai à prendre mes marques. La suite offrit une synthèse entre les deux pendants, où je pus profiter un peu mieux de ce qui m'avait dérouté au départ. Même si la facette queer annoncée sur le papier était imperceptible, la personnalité de Tangerinecat est indéniable et sans doute aurait-il été bien de se familiariser avec son répertoire avant le concert. En fin de set, la chanteuse dit quelques mots traduits à mesure par son binôme en anglais concluant par une invitation à venir les rencontrer au stand.
Les Montpelliérains de DENUIT sont actuellement en tournée et s'arrêtaient ce soir à la maison. Au centre de la scène était planté leur emblème, un œil avec le nom du groupe au-dessus formé par des lampes-fils fluorescentes rouges, dans une obscurité quasi totale. Le duo grimpa sur scène les mains jointes, se salua solennellement comme des prêtres officiants de l'ancien temps et s'installa, Ivi au synthé et la chanteuse Lis au micro. Elle entama une lente chorégraphie avec de petites lampes torches tenues dans les mains, s'accélérant et se compliquant ensuite sur le tempo du morceau. La Synthwave de Denuit, renommée Nigthwave, est à rebours de la version instrumentale de plusieurs pontes de ce style, car elle est conçue au contraire au service du chant haut et parfaitement maîtrisé de Lis. L'esthétique autour est soignée, très parente de celle du Metal avec ce goût pour le clair-obscur en noir et rouge, le cuir synthétique, les cheveux longs et un onirisme romantique assez classique. Pourtant, cette pénombre se révélait chaleureuse et douce à l'écoute de la musique : c'est un refuge et non un enfer. La chanteuse confessa en effet de manière touchante, en quelques mots, son combat contre une timidité écrasante et son besoin de s'appuyer sur son auditoire pour passer outre. Grâce à ses capacités vocales assez remarquables et jamais prises en défaut elle exprime une sensibilité certaine, illustrée par des chorégraphies à deux avec son conjoint. Il est parfaitement assumé que le lien entre les deux musiciens dépasse la scène. Leur osmose profonde le suggérait dès le départ et l'on comprend aussi que sans Ivi, Lis n'aurait pas libéré son talent. Les esquisses de danse à distance partagées et quelques gestes tendres échangés sans ostentation trouvèrent écho avec d'autres propos sur l'amour en ouverture d'un autre morceau. La fluidité du show tranchait avec la raideur de l'expression verbale de Lis lorsqu'elle se risquait à prendre la parole entre deux titres, montrant qu'elle ne mentait pas. Évidemment, certains amateurs de musiques extrêmes seront déboussolés de découvrir que cette noirceur enveloppe une musique tout à fait positive en réalité. Mais après tout, le fan de musique non conformiste ne cherche-t-il pas lui aussi à se protéger du monde grâce à une armure sonore et un esthétisme repoussant pour les gens qui se prétendent normaux ?
Quelques titres étaient chantés en français. Une poignée de spectateurs grands et trop beurrés se glissèrent au centre du public et génèrent la vue en brandissant leurs vestes à bout de bras levés. À mesure, une certaine redondance dans l'accompagnement synthétique se laissait sentir, amenant à se concentrer vraiment sur la performance vocale dans une tonalité proche de cette chère Siouxsie. Le son de cet accompagnement était cependant lui aussi ciselé à l'exemple de la meilleure Synth Pop. Après une fausse fin de set, le couple envoya "Skeleton", son classique un peu plus pêchu pour terminer le set dans une allégresse toute intériorisée. Il me semble que mes concitoyens peuvent encore repousser leurs limites, même si leur jeunesse leur laisse tout le temps de déployer leur potentiel. On va d'ailleurs vite vérifier si la version existante, déjà consistante, trouve son public en dehors d'un assemblée locale conquis à l'avance par nature.
En parlant du public, celui de ce soir était bien entendu assez typé gothique mais plus jeune que mes précédentes sorties dans ce cercle. Il y avait même pas mal de têtes nouvelles attirées par le festival dans son ensemble, le lieu et sans doute aussi les relations de Denuit, donnant un parfum école des beaux-arts dont j'avais perdu la saveur. La pause fut assez longue car la tête d'affiche voulut attendre l'heure fixée alors que Denuit avait joué plus tôt que prévu.
Le souffle de fumée sur la scène annonça enfin l'installation des Toulousains de SOROR DOLOROSA. Andy Julia faisant son entrée décalée en surgissant de la brume directement par l'arrière-scène sur un viril et direct "Figure of the Night" plongeant directement les fidèles au cœur de leur Rock Gothique. Musicalement, les Toulousains servent en effet un répertoire dans le droit fil de classiques comme The Cult, Fields of the Nephilim, le Killing Joke New Wave, The Mission et par-dessus tout The Sisters of Mercy. Autant dire que l'on ne pouvait pas faire plus cohérent avec mon dernier concert ! Pour autant, SD se démarque par les vocaux aigus d'Andy qui joue en permanence sur la crête du sanglot. Le répertoire se focalisait sur des classiques dansants dans le style du troisième album, pour mon bonheur puisque j'attendais depuis longtemps cette rencontre, ne m'étant vraiment intéressé au groupe qu'après leur dernier passage à Montpellier dont il fut fait mémoire. Andy salua ce "merveilleux endroit" qui magnifiait sa musique. Et Dieu sait que l'esthétique est là aussi très travaillée chez Soror, jusqu'aux moindres détails. L'absence de batterie au profit d'une programmation sur PC, la fumée, les lunettes noires et l'allure générale du chanteur mince dans son manteau ample rappellent évidemment les Sisters de la grande époque ; mais il s'agit ici de jouer avec les contrastes plutôt que de s'y dissimuler vraiment. Au contraire, un charisme élégant et sensuel est largement revendiqué, à la façon d'un Dave Gahan, en jouant du pied de micro, en posant et en se montrant proche du public comblé (la bande des grands lourds imbibés était d'ailleurs revenue, en retard, au point que cela faillit partir mal tant ils étaient sans-gêne). Le visage teint en blanc du chanteur rappelait aussi les lointaines origines du groupe qui plongent dans le Black le plus souterrain, et dont la substance pointe dans une attitude dandy, aristocratique, raffinée et presque élitiste qui va si bien aussi au Goth-Rock. Cette exigence artistique totale est le reflet utile de son autre profession de photographe.
On aurait pu craindre qu'une coupure de courant inopinée, qui nécessita quelques longues minutes pour être réparée, ne brise la dynamique d'un set aussi léché. Mais SD maîtrise suffisamment son art pour ne pas en être déstabilisé ; et l'on repartit avec quelques titres plus aériens, dont un nouveau nommé "Red Love" dans la veine des Sisters période "Floodland" ou des Cure, qui augure d'un avenir lumineux accomplissant certaines promesses entamées avec le dernier album qui faillit avoir la peau du groupe, largement renouvelé depuis. Andy finit par abandonner le pied de micro, puis les lunettes. Bien que je sois venu fatigué, je n'arrêtais guère de danser au son de morceaux que je n'avais pas révisés (au point de me demander si certains n'étaient pas eux aussi des nouveautés ou des extraits oubliés d'"Apollo" et "Blind Scenes"). Le combo déterra le vieux "Beau suicide" du premier opus, dans un style plus proche de Christian Death et Corpus Delicti. Pour terminer après une heure de set et satisfaire les fans insistants, l'un des titres fut rejoué en rappel dans une version meilleure que la première interprétation à mon sens.
Comblé mais fourbu et devant enchaîner, je n'ai pas beaucoup traîné en sortant. Néanmoins, il convient de remercier l'orga' pour la teneur de cette édition (même si je n'ai pas fait toutes les dates), la valorisation artistique d'un lieu longtemps inutilisé, et de m'avoir permis de voir enfin dans ces conditions l'un des très rares groupes français hors Metal dont je me sente pleinement fan – et dont je me plairais à souligner pour finir l'origine Languedocienne.
Magnifique soirée et bonne retranscription merci aux organisateurs et au trois fabuleux groupes
What do you mean “queer side announced on paper was imperceptible”? And why did you call it “female vocal” when it stated clearly in our press info that both of us are nonbinary and Zhenia’s pronouns are “he/him”? What proof of queerness do you require? Your article is transphobic and not factual!
"both of us are nonbinary" "your article is transphobic..."
A force de tout déconstruire, il ne reste plus grand chose sur lesquelles s'appuyer. Bref, problème de traduction je pense alors on se calme Mr/Mme/Nonbinary tAngerinecAt, on se fout que vous soyez un homme ou une femme c'est vous qui faites une fixette sur les termes utilisés.
RBD signale que votre musique mérite d'être considérée et écoutée, n'est-ce pas là l'essentiel ?
Oh putain Passer un report au Google translate déjà c'est pas une bonne idée les mecs, euh les fi... euh les... ce que vous voulez ! Mais en plus en faire une telle déduction c'est balèze.e.s (pardon).
Sans rire...
Commentaire hallucinant du groupe... RBD ( bénévole, c'est toujours bon à noter) dont j'aime beaucoup les live-report et les goûts musicaux (je lis aussi tes commentaires chez les excellents Eklektik Rock), fait une critique plutôt positive du groupe, et tout ce que ce dernier retient c'est une...je ne sais même pas !!! J'ai eu beau relire le passage "problématique", je n'y vois rien, de près ou de loin, de transphobe. J'aurais un groupe, inconnu comme le fameux duo, je serais flatté que l'on parle de mon travail ! Mais bon, il faut croire qu'une polémique est plus vendeuse ! En tout cas, ça ne me donne pas du tout envie de les écouter ! Le fond de l'air commence à blairer sévèrement en ce moment.
"TANGERINECAT, un duo Britannico-Ukrainien"
La connerie n'a donc décidément pas de frontières...
Le monde entier doit connaître leur orientation du jour et s'y soumettre. Sont soit hyper-importants pour l'avenir de la planète, soit très cons. Réponse 2.
“La tolérance atteindra un tel niveau qu'il sera interdit aux gens intelligents de penser pour ne pas offenser les imbéciles" Dostoïevski
Désolé Orphan, mais cette citation (pourtant ici fort à propos) n'est pas de Dostoïevski.
Au four les trannies!
Il n'y a absolument aucun manque de respect de la part de RBD dans son report. Aucun.
"Un peu plus de respect ainsi que de bienveillance ainsi que de professionnalisme seraient les bienvenus". Nous ne sommes pas des "pro" justement, juste des passionnés qui partagent... leur passion ! Ne pas l'oublier serait bienvenu.
Ensuite qu'ils soient non-binaires (ou ce qu'ils veulent) personne n'en à rien à secouer ici. Ils sont bien comme ils sont ? Alors parfait, tout le monde est content. En outre RBD (comme nous tous) n'est pas sensé connaitre leur sexe ou la façon dont ils se définissent. Et ce n'est pas écrit dessus.
Pour finir, parler de manque d'ouverture d'esprit concernant RBD, c'est juste drôle. Il suffit de lire ses nombreux et très éclectiques report ici-même pour s'en rendre compte.
Ps : se cacher derrière la phrase : "Pour finir, parler de manque d'ouverture d'esprit concernant RBD, c'est juste drôle. Il suffit de lire ses nombreux et très éclectiques report ici-même pour s'en rendre compte." est très pathétique car il n'était nullement question de votre éclectisme musical de vos reports mais des genres des personnes.
@Steeve : va te faire remplir la turbine à chocolat par tes potes lgpd au lien de chier des romans de merde ici, fils de rien.
@Humungus : Pas de pb. On est plus à ca prêt, on fait bien dire à Einstein la moitié du quart de ce qu'il à raconté.
Bref le metal en 2024...
heureusement que RBD a apprécié le concert, j'imagine meme pas si il les avait descendus ;)
Je pense qu'il ne sert à rien d'essayer de discuter avec des gens obtus. Il ne sert à rien de polémiquer et de perdre du temps avec des personnes avec qui le dialogue est impossible car ils ne veulent pas dialoguer, juste imposer. Donc oui il/elle (et d'ailleurs pourquoi il en premier, n'est-ce pas irrespectueux ou sous-entendre que le il prévaut sur elle?) est non-binaire, très bien mais c'est donc tout ce qu'il/elle retient du report de RBD, cela ne fait que confirmer que c'est bien la seule chose qui l'intéresse, que l'on signale à tout le monde qu'il/elle est non binaire, non genré, même aux personnes qui s'en foutent royalement et qui n'ont pas besoin de cette information. Je suggère donc de monter sur scène avec sur un panneau cette information qui semble si capitale et d'arrêter la musique puisque ce n'est pas le principal raison de sa venue sur scène.
Allez bisous bisous !
Sacrée répartie Salsifis. Mais ton commentaire me renforce dans mon opinion que le milieu metal/goth est bien homophobe (entre autre).
Allez ! Bisous sur ton petit cul
Simony + 1 (comme d'hab').
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