Suffocation + Kharkov

Suffocation, Kharkov

Connexion Café, Toulouse (France)

du 03/08/2022 au 03/08/2022

À défaut d'aller en festival cet été il y a des tournées qui valent le détour. Étant installé pour les vacances vers Toulouse, c'est cette date-là du périple européen de Suffocation que j'ai réservé et non celle de Montpellier. C'est dommage de rater le premier passage des New-Yorkais dans ma ville natale et Misery Index astucieusement glissé sur la même affiche, mais c'est bien mieux que de les rater (surtout que j'ai vu le Netherton Big Band à leur précédente tournée, on n'en mourra donc pas de chagrin).

En parlant de Toulouse, je n'étais pas retourné en ville depuis la veille du premier confinement. Même en fin de journée, les briques roses grillaient allègrement sous un soleil de justice… Le Connexion Live est situé dans une rue adjacente aux allées Jaurès et au boulevard Carnot, dans les anciens faubourgs devenus depuis longtemps le plein centre. C'est une salle très active à la programmation très éclectique, avec en plus des concerts un autre usage de club nocturne assez rentable sans doute vu l'emplacement. D'ailleurs, ils ont survécu au Covid. C'est à cause de ce double emploi qu'il y a une boule à facettes comiquement décalée sur le côté de la fosse, et un portrait belle époque de vieil homme derrière la scène. Je ne m'étais rendu qu'une fois ici, pour une affiche tout à fait du même tonneau et j'ai retrouvé les lieux en l'état, avec cette scène installée sur la largeur de la salle. La chaleur extérieure étant – fatalement – suffocante, je me suis précipité à l'intérieur dès l'ouverture. Le merch' de la tête d'affiche était maigrichon mais la climatisation délicieuse en dépit de l'absence de sièges.


Je craignais une faible affluence à une telle date, l'absence de tourisme saisonnier de masse sur les bords de Garonne ne pouvant compenser le départ des résidents. Mais ce fut largement démenti par un excellent remplissage, quasi complet et comparable à ce qu'une affiche aussi extrême peut rassembler dans une cité comme Toulouse. Ce public était tout de même bien typé barbes-cheveux longs-t-shirt noir gore-short large !!! On y reconnaissait quelques passionnés locaux et même certains venant parfois aussi à Montpellier. Pendant ce temps, les membres de Suffocation faisaient des allers-retours avec l'extérieur comme ils en ont toujours l'habitude.


À l'heure prévue les quatre membres de KHARKOV ouvraient le feu. C'est un groupe plutôt récent mais expérimenté car il est formé de gens ayant accumulé les kilomètres dans d'autres groupes comme Sarcasm, gloire du Thrash Tarnais il y a vingt ans au bas mot. J'avais vu plusieurs fois le growleur Bastich à l'époque avec Fleshdoll. Formé néanmoins avant la guerre, leur nom ne fait qu'une référence fortuite aux terribles événements à l'autre bout du continent. Leur Death Metal pur formol était différent de celui de la star du soir : sur un tempo varié qui ne montait jamais jusqu'au blast, ils ont déroulé un répertoire taillé pour le live. On pouvait penser à du sous-Entombed sans HM-2, Bloodbath, Hail of Bullets… La configuration des lieux laisse une place étroite à la fosse et les corps sont allés souvent taper dans la table de mixage, ou les pieds des slammers dessus. Ricky Myers, chanteur de Suffocation mais batteur chez Disgorge (USA) regardait depuis la coulisse en surplomb comment ça se passait et paraissait apprécier le jeu du batteur. Bastich a un chant tout à fait excellent de vieux routard de la scène, qui maîtrise sans souffrir un répertoire entièrement original en arpentant la scène le torse à l'air avec ses jolis tatouages. Malgré un plaisir réel, j'y retrouvais un peu ce côté de groupe d'amateurs passionnés, expérimentés, mais qui ont encore un niveau de précision à franchir pour percer, impression que me donnait aussi Fleshdoll à l'époque. N'empêche que le pit monta encore d'un cran en fin de set, comme s'il n'y avait rien d'autre ensuite. Au reste, le show de Kharkov n'a pas été très long, une grosse demi-heure largement suffisante pour préparer le terrain avant l'assaut massif.


L'avantage de cette tournée, c'est que SUFFOCATION a un album live au rayon frais et peut donc se concentrer sur un set bien réac' focalisé sur les heures les plus glorieuses de son histoire. Avec un bon quart d'heure d'avance sur le timing placardé, après une longue introduction néoclassique pour film d'horreur à définir, finissant par un glas tonnant sur une masse de fans impatients, le groupe envoya sans prévenir un "Liege of Inveracity" hallucinant de sauvagerie, déclenchant le chaos dans l'étroite fosse par-dessus laquelle il était difficile d'apercevoir quelque chose même avec mon mètre quatre-vingt. Les morceaux suivants tenaient la même direction pour maintenir cette ébullition humaine de haute intensité, avec ces riffs qui ont fait de nous des malades qui traquent depuis des lustres la moindre sortie estampillée "Brutal Death" dans le fol espoir de retrouver un brin de ce qui nous a traversé lorsque nous avons découvert Suffocation. Ricky Myers a prouvé depuis longtemps qu'il faisait l'affaire pour remplacer Frank Mullen, la calvitie (qu'il n'avait pas en 2015) accentuant la ressemblance. Moins disert, il s'exprime plus par gestes pour appuyer les riffs et les breaks, avec sa grande taille. Mais il présenta tout de même quelques titres et prodigua des encouragements. Le blond Derek Boyer est devenu un taulier de la basse et si je l'ai trouvé un peu submergé dans le mix (mais pas totalement noyé), son jeu spectaculaire s'accordait parfaitement à celui de Terrance Hobbs à la première guitare, les deux petits balançant en même temps leurs cheveux longs et un feu roulant musical en se démenant sur leurs instruments. Avec sa Rich Bich, Hobbs restitua quasi-parfaitement les solos les plus légendaires du répertoire : tout comme avec Slayer, certains bavent que ce ne sont que des notes posées au hasard selon leurs oreilles formatées, mais ils sont repris scrupuleusement en live.

La setlist reprise ci-dessous donne une idée de l'enchaînement d'engins de terrassements qui nous sont passés dessus. Quelques slammers se lancèrent malgré le danger que représente les coins de la galerie suspendue juste au-dessus de la scène, mais les habitués des lieux n'en ont pas peur. Quelques pauses étaient accordées, avec les brèves excuses de Ricky pour l'une d'origine technique apparemment. Ces pauses meublées par un fond sonore ambient oppressant assez familier dans le genre entre deux morceaux en version studio. Ce genre de détail fait la différence en faveur des grands professionnels. Charlie Errigo, second guitariste un peu coincé sur le côté presque dans l'ombre, préfère clairement ce rôle un peu plus discret et se concentrer sur une interprétation carrée de morceaux qu'il n'a pas écrits, hochant du bassin de temps en temps tout de même.

Même le vieux fan finissait par crier grâce après un tel empilement. Quelques personnes s'en allèrent sur la terrasse couverte donnant sur la rue, d'où on pouvait sans doute très bien entendre, laissant encore plus de place aux pogoteurs dont l'excitation ne faiblissait guère, pour leur part. Et puis comme ça, les autres y voyaient mieux. J'ai pris quelques coups sans gravité, stigmates habituels de ce que devant on s'amusait bien. Quelques titres plus récents bien choisis passèrent sans mal et apportèrent un peu de modernité pour l'un, après tout les musiciens aussi ont le droit de se faire un peu plaisir. L'horizon s'étant suffisamment dégagé, on pouvait constater du regard l'impression donnée à l'oreille par la performance d'Eric Morotti, le batteur ayant relevé la difficile succession de Mike Smith et Kevin Talley entre autres. Relativement inconnu avant d'arriver là, le Canadien de la bande manque peut-être d'un feeling particulier dans son jeu mais, comme Errigo, maîtrise les plans les plus compliqués d'un répertoire qui a aussi marqué la scène du Death plus technique. Comme le petit pépin avait fait perdre un poil de temps, il n'y a pas eu de rappel pour nous au bout d'une heure vingt de massacre. Il était encore tôt pourtant. Remarquez, je préfère finir sur "Infecting the Crypts" qu'avec un titre lent et moins inspiré.

Liege of Inveracity/ Effigy of the Forgotten/ Catatonia/ Entrails of You/ Torn Into Enthrallment/ Thrones of Blood/ Jesus Wept/ Pierced From Within/ Clarity Through Deprivation/ Breeding the Spawn/ Funeral Inception/ Bind Torture Kill/ Infecting the Crypts


En ressortant sur le moment, il faisait encore plus de trente degrés dans les rues au début de la nuit. J'aime la ville rose, mais c'est toujours atrocement chaud l'été et méchamment froid l'hiver… Nous y reviendrons pourtant régulièrement pour d'autres grosses affiches d'ici la fin de l'année, si aucune guerre ni pandémie ne viennent se mettre en travers.


par RBD le 08/08/2022 à 12:00
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Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
11/08/2022, 18:39:50

Merci pour ce très bon report (comme d'habitude) RBD.

Nous avons encore et toujours la même vénération pour Suffocation, hé hé. 

Un groupe éternellement en immense forme sur scène. On se demande quand ils baisseront de régime (oui parce qu'ils vieillissent eux aussi !). Pressé de les revoir sur scène en tout cas.

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