L'air de rien cela faisait deux ans que je n'étais plus retourné à la Paloma, mais dans les prochaines semaines nous y serons bien présents comme pour rattraper. Avec la forte pluie automnale sur l'autoroute tout le long du trajet, il fallait se mériter ce grand retour à la SMAC bâtie il y a sept ans à l'est de Nîmes. C'était certes une bonne introduction pour un programme Irlando-Belge. Comme on pouvait s'y attendra rien qu'au coût du billet, cela s'est tenue dans la petite salle, la red room comme je l'appelle. La jauge était tout à fait bonne, elle aura été bien remplie. La moyenne d'âge était assez élevée, même compte tenu de la présence de plusieurs familles venues avec les enfants. Les quinquagénaires étaient même en nombre. C'est un paradoxe que ces groupes, dont les membres ont la vingtaine, séduisent des fans notablement plus âgés qu'eux. Un certain nombre pourraient être leurs parents. Il y avait quelques métalleux assumés dans le tas aussi.
Comme beaucoup j'ai découvert WHISPERING SONS avec le premier album sorti il y a un an à peine. Les cinq jeunes Belges tournent assidûment pour consolider un succès assez fulgurant. Dès les premières mesures menées par la basse et la guitare tintante, on replongeait en plein dans les années légendaires du label 4AD, un terrain parcouru jadis par Bauhaus, le Dead Can Dance des touts débuts et principalement Joy Division. Cette référence trop usée parfois s'impose ici avec une évidence saisissante. D'une part en raison de ces synthés, un peu en retrait dans le mixage mais aussi essentiels que les contributions de Martin Hannett. Et surtout bien sûr de par le charisme singulier de la chanteuse Fenne Kuppens, blonde mince à l'apparence quelque peu androgyne, dans une tenue entièrement blanche faisant songer à une espèce de banshee citadine. Son timbre très grave et puissant est aussi expressif que son engagement sur scène. Elle vit ses textes avec une intensité dramatique, dont la sincérité n'égale que la force étonnante d'un physique quand même plutôt frêle. À tel point qu'on ne peut que penser aux shows de Ian Curtis en son temps, en y ajoutant une maîtrise plus accomplie des émotions. L'allégresse des acclamations à la fin du premier titre atteignait un niveau rare dans ces circonstances, signe que quelque chose se passait.
L'heure suivante se déroula à l'avenant. Ce Post-Punk bourré d'émotions froides, sombres, claustrophobes et fortes, va chercher plus loin dans la tradition que les grands classiques du Revival ou que la retenue lénifiante du Shoegaze. Ce n'est pas par opportunisme mais parce qu'il y a urgence à extirper l'angoisse de la grande ville, parce que c'est le terrain où les Flamands pouvaient exprimer ce qu'ils avaient à dire. Les quatre garçons se tiennent un peu en réserve et concentrés, le batteur debout ne se laissant pas prendre en défaut. Le volume était assez fort mais ne nuisait pas à la clarté du mixage. Certains spectateurs découvraient sur place mais l'enthousiasme parti haut ne fit que progresser, comme les cris de quelque fanatique au beau milieu. L'excellence des compositions ne doit pas être oubliée, car sans cela on se contenterait d'évoquer un potentiel. Mais les Whispering Sons n'ont déjà plus beaucoup de marge de progression à ambitionner sur ce point. Le programme piocha dans l'album et les minis qui l'ont précédé. Il y a deux titres que je n'ai su identifier, qui devaient provenir de leur toute première démo.
La communication de la chanteuse était très sobre – ç'aurait été superflu –en français simple (reste de l'école flamande où la langue de Poelvoorde reste obligatoirement enseignée) puis en anglais, plus facile peut-être au bout de trois quarts d'heure de don total à sa performance. Un dernier titre assez compact fut accordé en rappel.
Dans l'ultime ovation flottait une impression très particulière que je n'avais plus ressentie depuis quinze ans, quand Gojira mettait à sac une à une toutes les sous-préfectures de France par ses premières tournées et que l'on savait qu'on assistait à la naissance d'un monstre déjà promis à aller beaucoup plus loin que l'horizon immédiatement visible, à un moment important d'Histoire en cours. C'est sans comparaison avec la petite joie fréquente de découvrir un bon nouveau groupe. En tout cas, la frustration de l'annulation de Soft Kill cet hiver était balayée.
Ces fortes impressions n'étaient quand même pas une raison pour bouder les cinq Dublinois de THE MURDER CAPITAL après une confortable pause et un titre entièrement enregistré diffusé dans la pénombre précédant leur entrée. Une fois arrivés et baignant dans un éclairage assez cossu tout le long du show, leur Post-Punk à eux est de toute évidence bien plus ancré dans leur génération temporelle, avec un pied dans le Rock Indé. Pourtant, il était vite tout aussi clair qu'on ne pouvait pas les classer hâtivement à la suite d'Interpol, Editors ou des Strokes. Ces qualificatifs obligés mais vagues abritent en effet au contraire une créativité propre, imprévisible, un mélange de dandysme et d'agressivité assez familier aussi dans la contre-culture Irlandaise (rappelez-vous Oscar Wilde, les Pogues et Virgin Prunes). L'attitude bourrue et nonchalante de James Mc Govern au chant au milieu de titres jolis et charpentés, mais plutôt lents, ne l'empêchait pas d'être concerné et surprenant. Par exemple, après avoir utilisé une première fois le tambourin à cymbalettes pour un effet rythmique somme toute peu utile, il l'envoya voler à travers la scène vers un roadie des coulisses apparemment habitué. Plus tard il fracassera brutalement sur le sol de la scène un bâton à cymbalettes tiré de sa poche arrière après un autre passage similaire. Mais entre-temps, la dynamique lentement montante du début de set avait été curieusement brisée par ce troisième titre minimal au chant murmuré et à la guitare, béant de silences, qui n'était pas forcément affreux mais que le sens commun aurait plutôt placé à la fin. Après, il ne faut pas s'étonner de devoir demander au public s'il est vivant…
Fort heureusement, le redémarrage fut possible grâce à des morceaux de plus en plus nerveux voire plus rapides, bien qu'ils soient restés loin du Punk binaire. Le chanteur descendit une première fois de la scène dans l'assistance pourtant bien massée, avec son micro filaire que le même roadie multitâches s'employa à faire suivre au mieux. Sur un autre titre peu après, Mc Govern se jeta à nouveau sur nous, sans prévenir, dans un slam à longue portée assez dangereux pour lui mais bien géré par un public prévenant. Imprévisible, je disais. On s'attendait alors à une fin exutoire. Revenu sur l'estrade et après avoir jeté son micro au sol d'un geste rageur (ouille les tympans !), le chanteur se retira sans crier gare suivi de ses musiciens. Et malgré les exhortations d'une partie significative du public ils ne revinrent jamais, les cris d'invitation muant peu à peu vers la colère des spoliés. Le fait est qu'ils avaient joués sensiblement moins longtemps que la première partie.
Après un tour au stand où les Whispering Sons discutaient tout sourire avec l'équipe locale, je ne traînais pas même si la pluie avait cessé. Sur le retour, on voyait encore très bien depuis l'autoroute que côté sud, vers la mer et le littoral, l'orage continuait à déchaîner des éclairs impressionnants qui perçaient la nuit noire. C'est le genre de détails périphériques qui risque de s'attacher à une soirée inoubliable.
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"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
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