The Ocean + PG Lost + Psychonaut

The Ocean, Pg Lost, Psychonaut

Rockstore, Montpellier (France)

du 03/06/2022 au 03/06/2022

Avec la fermeture administrative pour raisons de sécurité de la salle de concert du Black Sheep, les nombreux fans Languedociens de Psyché-Stoner-Sludge se sont trouvés brutalement orphelins à la sortie des confinements. Moi-même, alors que ce n'est pas mon style de prédilection ultime, j'ai pris l'habitude au fil des ans de voir régulièrement des concerts de qualité dans ces territoires sonores et cela aussi me manquait depuis la prohibition de mars 2020. Ce contexte de sortie de famine n'était pas étranger à ma décision tardive d'aller voir cette tournée. J'avais vu The Ocean il y a une douzaine d'années (…) en première partie d'Opeth, à l'époque où Mikael Akerfeldt n'avait pas encore tout à fait renié le Death Metal, et je n'avais pas du tout aimé. Il était temps, après de nombreux changements, d'accorder une deuxième chance.

Le Rockstore ayant des horaires précoces il était plus que temps de se présenter à 19 h 25 pour entrer et se commander une pinte - qu'on pensait être la seule d'une petite soirée détente. À cette heure-là, il n'y avait encore qu'un quart de salle pour recevoir PSYCHONAUT qui apparut dans une lumière rouge après une intro immersive sobre. La musique du trio resta dans un périmètre Sludge-Psyché-Stoner familier mais remarquablement maîtrisé pour un groupe qui n'a qu'un seul album et trois minis à son actif. Je comprends l'intérêt qu'il a aussitôt obtenu dans sa scène. Entre Led Zep, Isis, Amen-Râ, Pink Floyd et Tool on se relâchait bien grâce à un son impeccable. Le seul point faible chez ces Malinois (qui parlaient un français plus que parfait avec un léger accent "bruxellois" et une grande gentillesse) est à mon sens le chant, principalement assumé par le bassiste – de marque Rickenbacker – qui sortait faible par rapport à la musique, même quand le guitariste prenait le relais sur des parties plus criées. Par contre la performance à la batterie est pour beaucoup dans la consistance de leur répertoire, avec de constantes parties en ternaire bien serrées, sans pour autant que le frappeur ne se mette en avant visuellement. Il était plus facile de profiter de la guitare, avec ses passages en tapping et ses multiples effets avec les pédales posées au sol. Avec un bon chanteur, ce serait parfait, mais ces Belges maîtrisent déjà parfaitement ce que beaucoup de groupes mettront toute une carrière à agripper.

La salle arrivait à une demi-jauge au bout de ce premier set, ce qui confirmait qu'il aurait été impossible de toute façon d'accueillir cette tournée dans l'une des autres salles locales habituées à ce créneau, trop petites. C'est ainsi que l'on retrouvait quelque ami avec qui on ne s'était pas concerté.

Avec PG LOST on changeait de rayon mais pas franchement d'univers. Nettement plus expérimenté, ils se sont présentés en formation quintet avec le chanteur au centre chargé aussi d'une basse et d'un synthé à sa droite vers lequel il resta souvent penché. Cela donnait une pose introvertie en accord avec les vocalises à la Sigur Ros / Mogwaï qu'il jetait, en fait de chant. Le jeu d'éclairage, tout en contre-jour variant lentement, était assez puissant. Musicalement, il faut parler d'un Post-Rock sonnant bien plus moderne que leurs prédécesseurs plus jeunes pourtant. Les titres prennent leur temps pour développer des montées épiques libératrices, plutôt mélodiques, où la basse tient un rôle important dans un registre principalement rythmique, tout en conduisant souvent les riffs, et non l'inverse pour une fois. Cela n'était pas pour me déplaire. Et pourtant il s'agissait d'émotions Rock patiemment développées sur une palette assez large, plutôt que d'énergie Metal. Si la batterie était bien présente, elle se faisait beaucoup moins valoir dans ces paysages sonores larges et assombris qui sentaient bien l'aurore boréale. Si le set fut assez long cela n'était pas ennuyeux, capable de séduire ensemble plusieurs types de public voisins. En bons Scandinaves, la communication se résuma à une intervention timide de l'un des guitaristes, le temps de faire une manipulation avant le dernier titre. PG Lost évolue dans un genre qui n'est plus franchement nouveau mais le fait avec grand brio, comme un grand nombre de groupes Suédois de bien des styles.

THE OCEAN entama son set en mettant en valeur le guitariste à gauche en regardant la scène, éclairé seul à la lumière blanche le temps qu'il fasse l'introduction. Une fois le premier morceau bien lancé, il s'avéra que le collectif n'a plus grand-chose à voir avec ma première rencontre. Non seulement parce qu'ils sont passés de groupe d'ouverture à tête d'affiche entretemps, sans doute aussi à cause de nombreux changements de personnel, mais surtout que le registre est devenu beaucoup plus ambitieux, plus vivant surtout malgré un chanteur assis en retrait au centre de la scène du fait de son grave accident il y a quelques semaines. Ramenant la soirée dans un territoire plus franchement métallique, le combo développa des ascensions musicales amples et décomplexées dans un jeu de lumières parent très proche de celui du groupe précédent (contre-jours et lents balayages) mais sur un pied encore plus luxueux. Cette transition avec PG Lost était d'autant plus naturelle qu'il s'agissait d'émotions semblables, bien que plus sombres et plus puissantes. Même dans ces territoires du Post-tout-ce-que-vous-voudrez, la césure sans cassure qui existe entre le Rock et le Metal demeure parfaitement observable.

Il y a quelque chose de tellurique dans le répertoire de The Ocean qui paraissait fort homogène à ceux qui ne connaissent pas la discographie du groupe avec précision. Mais peut-être que la setlist est restée focalisée sur le dernier album sans que je ne m'en rende compte… Une fois encore, le fait d'avoir un chanteur francophone natif – Suisse Valaisan exactement – renforçait encore l'esprit de communion avec l'assistance dans cette lente et puissante tectonique musicale. Mais certains furent encore surpris de l'entendre parler aussi bien que nous la langue de Lautréamont, ignorant que le groupe n'est pas purement Allemand en réalité. D'ailleurs Loïc Rossetti se leva brièvement avec ses béquilles pour se tenir quelques instants en première ligne, signe que le sextet n'était pas indifférent à l'énergie donnée par le public. Si la station assise le privait d'une pleine vigueur vocale, sa performance n'en a pas souffert au point de planter ici où là.
Après une belle acclamation, The Ocean reflua vers la scène pour commencer son rappel par un titre certainement ancien, avec ce violon samplé et cette timidité limite mièvre qui m'avait laissé une mauvaise impression en 2008. Heureusement, le show fut conclu par un dernier morceau lent et vaste dans la lignée du reste du programme.

Il était encore tôt, nous partîmes deux pour poursuivre la soirée plus loin mais, à cause d'inattendus renforts, nous nous vîmes bien pleins en arrivant chez nous quelques heures plus tard… Mon agenda est moins chargé pour les semaines qui viennent, en attendant le retard de l'année 2022 est rattrapé.


par RBD le 10/06/2022 à 16:18
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