À peine la claque Death Metal de l'année prise ici, il fallait repartir là-bas pour revoir le groupe qui a ouvert la brèche créatrice entrevue dans le genre ces dix dernières années. Pour des raisons pratiques, je me suis rendu en effet à Toulouse plutôt que de retourner au Jas'Rod. Passer du calisson au cassoulet en si peu de temps donne l'illusion de faire de grands voyages exotiques !
Après avoir écumé une demi-douzaine de lieux de concerts dans l'agglomération, je ne connaissais pas encore les Pavillons Sauvages, lieu associatif pour les "jeunes", écolo et musical, sis dans les faubourgs pavillonnaires au nord de la ville, près du débouché du Canal du Midi et de la station de métro la plus sûre du monde, qui donne sur le parvis du commissariat central. Comme il faisait froid et que le son qui sortait de la porte indiquait que cela avait déjà commencé, je suis rentré directement dans la villa puis la salle du fond après avoir versé ma participation en chemin.
Pour ce format de concert, il y avait pas mal de monde dans la pièce, face à une scène assez élevée où jouaient les Polonais d'OUTRE. Je n'avais pas regardé à quoi ressemblaient les premières parties, et j'ai constaté en un instant qu'en fait il s'agissait d'une tournée à dominante Black, avec un public à l'avenant.
Sous leurs capuches et warpaints estompées (à part le batteur), les cinq goules envoyaient un Black à la Mayhem ou Deathspell Omega, avec le son necro comme il faut mais pas inaudible, les riffs délayés mais les blasts bien présents. Sans être Attila, le chanteur s'écartait souvent des vocaux criés pour tenter des vocalises assez pertinentes, tout en luttant contre les trahisons du micro. Pendant les parties instrumentales il prenait toujours la même pose accoudé sur son genou, scrutant fixement l'assistance ce qui provoquait à mesure un certain malaise. Étrangement, tous préféraient le poing levé aux cornes. Malgré quelques longueurs à mon sens de touriste du Black, il y avait un certain intérêt musical à la chose, sous une lumière toujours rouge.
Pendant la pause, la nuée de tabac enveloppant l'entrée où se tenaient le bar, le stand et quelques tables pas chères et sièges récupérés me rappelait une époque devenue bien lointaine à présent, où c'était le lot dans bien des bars et autres petits concerts.
À première vue les autres Polonais de BLAZE OF PERDITION étaient très ressemblants, sous le même éclairage rouge, à part qu'à quatre ils avaient plus de place (le chanteur est aussi bassiste et inversement). Musicalement les différences étaient pourtant notables : le son était sensiblement plus propre à tous les niveaux si bien qu'un petit sample de guitare acoustique faisait son effet, les riffs étaient plus complexes et recherchés, c'était même presque mélodique. Cependant, les compos étaient sensiblement plus longues encore et je me suis donc perdu à chaque fois, malgré ces avantages et une agressivité assez présente pour balayer les pires accusations. N'arrivant pas à rentrer dedans, j'ai rendu les armes vers le début du dernier titre aussi long que les autres.
Avec le changement de plateau assez long, il devenait clair que l'horaire de fermeture officiel n'allait pas être tenu, ce qui serait sans importance compte tenu de la longueur des nuits toulousaines. Cela laissait le temps d'examiner le merch', par exemple, assez fourni – ce qui n'a pas toujours été le cas pour Ulcerate.
ULCERATE, cela commence à être une vieille histoire, depuis le premier album et in vivo depuis huit ans quasiment au jour près à quelques encablures de là au Bikini, quand ils n'étaient qu'une première partie curieuse avant Krisiun, Nile et Grave… À présent ils sont suivis d'un certain nombre de groupes disciples et d'une nuée d'adorateurs. Les fans de Black leur laissaient d'ailleurs plutôt les premiers rangs et se retiraient plus derrière, à l'inverse de la configuration pour les deux premiers groupes.
La surprise ne joue plus mais le phénomène explosa encore en quelques mesures. La formule à trois en place depuis quelques saisons forme maintenant l'un des plus terribles maelstroms musicaux en activité, et l'une des plus belles illustrations que ça peut marcher bien mieux ainsi qu'à quatre ou plus, contrairement à ce que je croyais à leur sujet il y a encore cinq ans.
La guitare de Michael Hoggard saisit en premier, avec ce son puissant à forte réverbération (encore audible pendant les intermèdes), car en s'inspirant à l'origine du Post-Core il a emmené le Death Metal vers de nouveaux territoires, des ambiances qui n'attendaient que d'être, par un riffing au mitan des deux styles. À mesure la formule s'est améliorée par le temps et la symbiose grandissante entre les trois compères pour dépasser le croisement astucieux de styles. Une parenté existe avec un certain Black par cette noirceur oppressante, spirituelle sans être religieuse ni occulte.
Le growl y participe également en transmettant ce feeling très sombre, vis-à-vis parfait de la guitare en y ajoutant même l'agressivité, visible sur le visage Paul Kelland avec cet invariable éclairage rouge… Le mutisme entre les titres est devenu une marque également, compensé par une expression physique plus forte qu'avant, ils vivent leur musique dans la tension de leurs visages, leurs mouvements à peine bridés par une interprétation exigeante. La basse, d'ailleurs, était comme toujours parfaitement distinguable dans ce chaos redoutablement organisé. Il faut saluer à ce stade la qualité du son, qui était aussi bon que dans une salle de professionnels chevronnés du style, d'autant que je venais avec un mauvais a priori sur ce point. Reste que le plus incroyable demeura encore Jamie Saint Merat, la tête en étau dans son casque, qui assure avec une fluidité écœurante des parties fort complexes. Et ce en frappant fort comme un vrai batteur de Death des anciens temps.
Paul prit enfin la parole pour annoncer le classique titre final "Everything is Fire", rappel vite accordé au terme d'une expérience d'une heure environ et d'une set list qui avait parcouru tous les albums (à part le premier) dans le désordre, en guise de fin d'une prestation à nouveau dantesque.
En tournant avec des groupes de Black il me semble qu'ils auront conquis de nouveaux fans, et pas seulement parce que dans un pays de Rugby comme Toulouse on respecte les Néo-Zélandais ! J'attends encore qu'ils me déçoivent une fois.
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