Le NSBM. En voilà un sujet délicat ! Même – et surtout d'ailleurs – au sein de la scène Metal. Il fallait bien que quelqu'un s'attache donc à étudier le sujet de façon approfondi et à en publier un documentaire. C'est donc ce qu'on fait Davide Maspero et Max Ribaric. Et quel travail ils ont fait ! Titanesque ! Le voilà donc ce pavé de près de 1000 pages sorti en France en 2015 et intitulé « As Wolves Among Sheep. La saga funeste du NSBM ».
Quatre lettres qui font tout de suite réagir. Le National Socialist Black Metal. Certains en rient, d'autres en ont peur et d'autres, nombreux, le combattent. Mais une chose est sûre, il ne laisse personne indifférent.
Le NSBM est un courant musical « dissident » du Black Metal traditionnel. Mais aujourd'hui, et dans ce livre, le terme englobe tous les groupes de Metal idéologisés (Death metal, Thrash aussi, mais encore le Hatecore -branche néo-nazi du mouvement Hardcore- et même l'Indus). Les groupes se plaçant clairement -ou pas- à l'extrême droite la plus intransigeante et radicale de l'échiquier politique.
Le mouvement Metal a toujours revendiqué un coté subversif et ce dès sa naissance, c'est dans son ADN même. Quand certains ont trouvé que ce mouvement ne sentait plus assez le soufre et s'était finalement reposé sur ses lauriers, pour rester dans une zone de confort « acceptable » par le plus grand nombre, ils se sont révoltés. Le Black Metal est né, entre autre, de cette rébellion. Les acteurs de la seconde vague de BM en Norvège, en signe de rupture avec le reste de la scène Metal, ont décidé de joindre les actes aux paroles. Incendies d'Eglises, satanisme radical, suicides, démarche totalement underground et élitiste, et même meurtres dans les cas les plus extrêmes. Bref l'histoire mythique du True Norwegian Black Metal que tout le monde connait. Puis, là aussi, après la tempête du début des années 90', tout ce petit monde a grandi, s'est calmé. Bref, s'est rangé. Le BM devenait lui aussi « acceptable ». Vous en doutez ? : le Black Metal est aujourd'hui le produit culturel norvégien le plus exporté au monde, oui, ça laisse pantois quand on l'apprend. Des tours operators organisent même aujourd'hui en Norvège un circuit touristique Black Metal. Et certains donc, comme dans un mouvement sans fin, ne l'ont justement pas accepté. Comment alors se faire haïr, comment redevenir politiquement très incorrect si même Satan commence à faire vendre ? Il fallait pousser le bouchon encore plus loin et rendre le BM de nouveau inacceptable et extrême. Et une seule chose pouvait le faire : Hitler et le Nazisme. Le mal absolu, et là personne ne pourra jamais le rendre acceptable. Hitler, pour certains, va donc remplacer Satan. La limite est franchie.
Le NSBM nait donc au milieu des années 90' en Europe de l'Est essentiellement. Les grands noms du mouvement datent de cette période, on pense à Graveland, Absurd, Thor's Hammer, Capricornus etc... Le reste de l'Europe suit, et même des pays comme la Grèce engendrent des monstres « sacrées » comme les terrifiants Der Strumer d'Athènes. Les Etats-Unis forment eux aussi leur propre scène (Grand Belial’s Key, Arghoslent…). La France elle non plus n'est pas en reste, au contraire même, avec des groupes comme Kristallnatch, Seigneur Voland, Sombre Chemins...
L'histoire de ces groupes et tant d'autres est détaillée, les sorties (très nombreuses souvent, mais limitées quantitativement...) sont disséquées. Les labels, les groupuscules, sont étudiés, interviewés, répertoriés. Le travail de recherche est impressionnant, d'autant plus pour ce mouvement très underground et pour le moins caché au reste du monde, ou il n'a pas toujours dû être simple de trouver les informations.
Le livre est découpé en une vingtaine de chapitres. Le découpage par continent, voir par pays parfois, est judicieux. Des chapitres « d'approfondissements » viennent s'intercaler ici et là pour parler plus précisément d'un label, d'un groupe, d'une idéologie particulière...
Coté illustrations, un très bon point ici, des photos, des covers d'albums à quasiment chaque page. C'est une très bonne chose je trouve, le livre est plus digeste. La masse d'information est plus facile à prendre avec toutes ces « pauses » illustrées, si je puis dire.
Des défauts, il y en a aussi forcément. Le sujet en est un à lui tout seul déjà. Difficile de lire tout ça rapidement, je me suis forcé à faire des pauses, souvent, car on en ressort lessivé parfois. Trop d'informations, trop de haine dans les discours rapportés. On finit par croire que le monde entier est nazi si on ne relève pas le nez de temps en temps. Il y'a aussi un côté « autarcique » dans la rédaction. Les auteurs ont le nez dans le guidon, et ne regardent que très peu autour d'eux. Une impression qu'il n'existe, pour eux, même plus de Black metal « traditionnel », seulement du NSBM...
Qu'apprend t-on avec ce livre ?
Premièrement qu'il n'y a pas qu'un seul NSBM, mais plusieurs. Et qu'il peut prendre des formes très éloignées les unes des autres. L'idéologie des groupes est parfois totalement différente d'une entité à une autre. Souvent même on comprend qu'elles s'entrechoquent, que les idées, d'un groupe à l'autre, d'une scène à l'autre sont même contradictoires. Et ceci peut rassurer ceux qui s'inquiètent par rapport à ce mouvement : les acteurs du NSBM sont souvent beaucoup plus occupés à se faire la guerre entre eux qu'à leurs « ennemis ». Entre ceux qui prônent un « nazisme mystique » dénué d'actions réelles et ceux qui prônent l'action réelle et violente (manifestations, tabassages, organisation politique, etc...), il y'a déjà un fossé. Certains aussi ne veulent s'en prendre qu'à « l'ennemie juif » (sic) quitte à s'allier avec les autres « races », quand d'autres prônent un suprémacisme blanc sans concession. Bref vous l'aurez compris dans ce bourbier d'idées hétéroclites, une alliance entre tous ces groupes est totalement improbable et impossible. Donc aucun risque, un jour, de voir une vague NSBM unie submerger la planète Metal comme certains seraient tentés de le croire.
Deuxièmement, que certains groupes, en vieillissant, regrettent et même nient avoir fait partie de cette scène. Bah oui : quand le « succès » pointe le bout de son nez pour certains (Graveland, Nokturnal Mortum, etc...) ce bagage idéologique devient vite encombrant... Alors c'est là que les choses deviennent drôles parfois. Les groupes rivalisent d'excuses pour s'éloigner du NSBM. Certains enrobent leur discours de paganisme, d'autres disent qu'en fait ils sont « seulement » nationalistes et l'ont toujours été, mais nazis, ça jamais ! Bref tout est bon pour, finalement, devenir un peu plus acceptable quand on sent qu'on pourrait toucher un plus large public, si on enlevait tout ce qui pique dans notre histoire... Après ne soyons pas médisant avec tous les groupes « classés » NSBM : certains ont été mis malgré eux dans le grand chaudron du NSBM. Et pour eux c'est dommage... D'ailleurs signalons à ce propos que pour les groupes qui sont mentionnés « à tort » (ou du moins sans pincette) dans ce livre il sera difficile je pense à l'avenir de paraître « vierge » aux yeux d'un public averti.
En parlant de public justement j'aimerais bien connaître qui sont les lecteurs de ce livre. Je pense qu'au final il y'a au moins autant d' « antifas » autoproclamés, que de fans de NSBM à avoir lu ce livre. En parcourant certains forums je me suis rendu compte que le livre était utilisé par certains comme « base de donnée » de groupes à combattre... Certains dont les concerts ont été « perturbés » voir annulés (Graveland encore récemment au Québec) ont du s'en rendre compte...
Même si on s'en doutait fortement avant de lire le livre, on apprend qu'énormément de groupes utilisent la rhétorique Nazie, la figure d'Hitler, comme « simple » provocation. J'en reviens à ce que je disais en début d'article, certains voit dans le nazisme la seule et unique manière d'être rejeté, haï. Puisque Satan ne suffit plus, allons chercher plus loin, même si les idées ne nous parlent pas vraiment.
La provocation inhérente au Metal en générale se retrouve aussi dans la scène NSBM. Les convictions profondes, pour beaucoup, on repassera...
Une chose m'a marquée durant la lecture, c'est que le NSBM est présent à peu près partout dans le monde. Chaque pays semble avoir sa scène ou du moins son groupe NSBM. A tel point qu'on s'attend au détour d'une page à découvrir des groupes nazis en Israël ! Tous les continents (à l'exception de l'Afrique, mais un jour peut-être...) ont leurs groupes idéologisés. Les plus exotiques étant les pays d'Amérique du sud (Brésil, Argentine, Pérou, etc...), et les pays d'Asie (Philippine, Malaisie...). Absurde, contradictoire, mais la contradiction fait tellement partie intégrante de ce mouvement que finalement plus rien ne nous étonne.
La partie sur la scène française est forcément, pour nous, la plus intéressante. Et de plus elle est bien développée. Nous y apprenons que le satanisme traditionnel du Black metal n'a jamais été mis de côté chez les groupes NSBM français. En France les acteurs sont restés attachés aux traditions du BM. Les corpses-paints, l'anti-christianisme radical, le satanisme, quasiment absent dans d'autres pays, sont restés très ancrés chez nous.
Bref, vous l'aurez compris ce livre est une « Bible » pour tous ceux qui souhaitent en connaître un maximum sur le Black Metal. Un vrai documentaire et un très bon complément au livre culte « Les seigneurs du chaos ».
Pourquoi lire un tel document ?
La question est légitime et je vais y répondre, pour moi : par curiosité. Tout simplement. Je ne suis pas fan de groupes NSBM en particulier (même si je ne m'interdis pas bien sûr d'écouter un groupe si il est bon, juste parce qu'il est classé NSBM) et encore moins des idées véhiculées, mais je suis curieux. Et je voulais savoir, pouvoir en discuter si un jour l'occasion se présente. J'avais déjà un avis sur cette scène avant de lire ce livre. Mon avis n'a pas changé d'un iota en le refermant après lecture. Pour un fan de Metal comme moi et de Black Metal en particulier, le NSBM est une hérésie, une absurdité idéologique qui n'a de sens que si on broie la réalité et la logique. Les acteurs de ce mouvement essaient souvent de justifier ce lien entre politique d'extrême droite et Black Metal, mais ça ne prend pas, pas pour moi en tout cas. Mais maintenant je suis armé pour le débat. C'est déjà ça.
« Extreme Music for Extreme People » dit le fameux slogan...
Le livre et donc le NSBM aura finalement au moins une utilité (si il faut lui en trouver une...), celle de nous poser une question pas si anodine que ça, et au final fondamentale selon moi, à nous fan de Metal en général : Le Metal extrême doit-il être acceptable ?
Chronique réalisée par Jus de Cadavre.
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